RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 11 Mai 2011
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05976
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes d'AUXERRE - Section Industrie - RG n° 08/00220
APPELANT (DA n° 09/14099 du 30/06/2009)
Monsieur [R] [W]
[Adresse 1]
[Localité 8]
comparant en personne, assisté de Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : C 995
INTIMÉES (DA n° 09/14099 du 30/06/2009)
Me [O] [G] ès-qualités de Mandataire ad'hoc de la société ZF MASSON
[Adresse 3]
[Localité 9]
représenté par Me Gérard GENESTE, avocat au barreau de SENS
Me [L] [J] ès-qualités de Commissaire à l'exécution du plan de la société ZF MASSON
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Me Gérard GENESTE, avocat au barreau de SENS
SOCIÉTÉ ZF MASSON
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me Gérard GENESTE, avocat au barreau de SENS
INTIMÉ (DA n° 09/14099 du 30/06/2009)
et
APPELANT (DA n° 09/14588 du 06/07/2009)
AGS CGEA SUD-EST
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 10]
représenté par Me Patrice VERRIER, avocat au barreau d'AUXERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [R] [W] a été engagé en qualité de magasinier le 16 septembre 1963 par la société ZF Masson qui, selon arrêté du 25 mars 2003, a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) en raison de l'absence de protection des salariés entre 1948 et 1993.
M. [R] [W] a sollicité le bénéfice de cette allocation et présenté sa démission en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 par lettre remise en main propre le 13 avril 2004.
La société ZF Masson a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Sens du 7 juin 2005, un plan de cession partielle ayant été homologué par ce même tribunal le 14 novembre 2005 et Maître [J] désigné en tant que commissaire à l'exécution du plan
Par ordonnance du 11 avril 2007, le juge commissaire désignait Maître [G], ès qualités de mandataire ad hoc de la société ZF Masson.
M. [R] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Sens qui, par jugement du 1er juin 2006, a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes d'Auxerre, au regard de la qualité de conseiller prud'homme du demandeur.
Par jugement du 2 juin 2009 rendu en formation de départage, le conseil de prud'hommes d'Auxerre a :
- déclaré M. [R] [W] recevable et bien fondé en son action,
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société ZF Masson,
- constaté que la responsabilité contractuelle de cette société était engagée,
- condamné la société ZF Masson, en présence de Maître [G], liquidateur ad hoc, de Maître [J], commissaire à l'exécution du plan et de la SCP Crozat-Barault-Maigrot, représentant des créanciers à verser à M. [R] [W] une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice au titre de la perte de chance,
- dit que cette somme sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société ZF Masson et la créance du salarié opposable au CGEA-AGSde [Localité 10] qui garantira, en tant que de besoin dans les limites légales, la somme ainsi allouée,
- rappelé que cette garantie interviendra sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire et d'un justificatif par celui-ci de l'absence de fonds disponibles permettant leur paiement,
- débouté M. [R] [W] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et du préjudice d'anxiété,
- débouté la société ZF masson de sa demande reconventionnelle au titre du délai-congé,
- condamné la société ZF Masson, en présence de Maître [G], liquidateur ad hoc, de Maître [J], commissaire à l'exécution du plan et de la SCP Crozat-Barault-Maigrot, représentant des créanciers à verser à M. [R] [W] une somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société ZF Masson.
Régulièrement appelant, M. [R] [W] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 23 mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de confirmer cette décision en ce qu'elle l'a déclaré recevable et bien fondé en son action, a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société ZF Masson et constaté que la responsabilité contractuelle de cette dernière était engagée, de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société ZF Masson aux sommes de :
5 169,55 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
15 000 euros en réparation de son préjudice d'anxiété,
18 837 euros en réparation de sa perte de revenus ou subsidiairement 15 000 euros en réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence.
Maître [O] [G], ès qualités de mandataire ad hoc de la société ZF Masson, selon ordonnance du juge commissaire du 11 avril 2007 et Maître [L] [J], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société tel qu'arrêté par le tribunal de commerce de Sens le 14 novembre 2005, dans leurs écritures déposes et soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, concluent à titre principal à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de se déclarer incompétente pour connaître de la demande de l'appelant au titre de sa perte de revenus, voire de bouleversement dans ses conditions d'existence et de renvoyer l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Yonne.
A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :
- débouter M. [R] [W] de toutes ses demandes au titre d'un préjudice économique qualifié de 'manque à gagner', 'perte de revenus' ou 'bouleversement dans ses conditions d'existence',
- constater l'accord intervenu entre la société ZF Masson et M. [R] [W] pour le versement des indemnités auxquelles il pouvait prétendre au titre du délai congé et le débouter de ses prétentions de ces chefs,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle l'en a débouté ainsi que de sa demande d'indemnisation relative à un préjudice d'anxiété,
- débouter M. [R] [W] de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA-AGSde [Localité 10], requiert la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience, au visa de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, des arrêts rendus par la Cour de cassation le 11 mai 2010, de confirmer la décision déférée quant à l'indemnité compensatrice de préavis ou de statuer en fonction des justificatifs et explications des parties, constater que la preuve n'est pas rapportée d'une faute à la charge de la société ZF Masson et d'un lien de causalité direct et certain entre cette faute et le préjudice invoqué par le salarié et de débouter M. [R] [W] de toutes ses demandes.
A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. [R] [W] au titre du préjudice d'anxiété ou d'en réduire le montant et rappelle les conditions de sa garantie.
MOTIFS
Sur l'exception d'incompétence au profit du tribunal des affaires sociales de l'Yonne
Au soutien de cette exception, Maîtres [G] et [J], ès qualités, rappellent que si les conseils de prud'hommes règlent les différents et litiges nés à l'occasion de tout contrat de travail, ils ne peuvent connaître les litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi et notamment le code de la sécurité sociale.
Ils font valoir que le débat que l'appelant a instauré devant le conseil de prud'hommes puis devant la cour ressort de la seule compétence de la juridiction des affaires de sécurité sociale pour obtenir une indemnisation sur le terrain dit de la faute inexcusable de l'employeur, qu'en effet, l'exposition au danger invoqué concerne l'amiante dont les effets sont reconnus comme maladie professionnelle depuis longtemps, tout salarié victime de l'amiante pouvant obtenir la réparation de son préjudice soit par le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante soit directement devant l'un des tribunaux de sécurité sociale, le FIVA pouvant par ailleurs être subrogé dans les droits du salarié victime, que M. [R] [W] qui se prétend victime de l'amiante doit procéder devant la juridiction qui est seule habile par l'effet de la loi à connaître du contentieux des maladies professionnelles.
Ils ajoutent que l'article 41 modifié de la loi emportant création de l'ACAATA et détermination de son montant dispose que 'les différends auxquels pourraient donner lieu son application sont réglés selon les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale', que cette disposition générale ne saurait être restreinte aux seuls différends concernant le bénéfice voire le mode de calcul de l'ACAATA d'autant que l'appelant invoque un préjudice qu'il qualifie d'anxiété pour un éventuel risque de développement de l'une des maladies de l'amiante.
Cependant d'une part, la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel et les conclusions au fond des parties, étant investie de plein droit de la plénitude de juridiction tant à l'égard du conseil de prud'hommes d'Auxerre que du tribunal des affaires sociales d l'Yonne, est tenue de statuer sur le fond, d'autre part, si les risques correspondant aux maladies professionnelles notamment lorsque ceux-ci sont imputables à une faute inexcusable de l'employeur relèvent exclusivement du livre IV du code de la sécurité sociale, M. [R] [W], qui n'a pas contracté à ce jour de maladie professionnelle liée à l'exposition prolongée aux poussières d'amiante, oppose à bon droit à cette exception fonder ses demandes sur l'inexécution fautive par la société ZF Masson de son obligation de sécurité de résultat découlant du contrat de travail qui les liait et qu'elle n'a pas respectée en ne prenant pas les mesures nécessaire pour le préserver de l'inhalation de ces poussières, ce qui relève de la compétence du conseil de prud'hommes comme l'a justement retenu le jugement entrepris qui sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société intimée.
Sur le fond
Depuis un arrêté du 23 mars 2003, la société ZF Masson est inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante - ACAATA -.
M. [R] [W] a été exposé à l'inhalation des poussières d'amiante entre 1963 et 1997 alors qu'il occupait le poste de tourneur et était également chargé du nettoyage de l'atelier sans bénéficier de protection individuelle.
Il a ainsi été placé dans des conditions de travail dangereuses, en inhalant des poussières d'amiante, comme en atteste M. [H] qui a travaillé avec lui entre 1965 et 2003, la société ZF Masson, pourtant informée de cette situation, n'ayant pas pris pendant de nombreuses années les mesures efficaces et adaptées permettant d'y mettre fin.
La loi n°98-11 94 du 23 décembre 1998, a institué en son article 41 en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle consécutive à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite ainsi conçu :
- sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle et à la condition de travailler ou d'avoir travaillé dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, les salariés ou anciens salariés d'un tel établissement peuvent, à partir de l'âge de 50 ans, bénéficier d'une allocation de cessation anticipée d'acivité - ACAATA -,
- le montant de l'allocation est égal à 65% du salaire dans la limite du plafond de la sécurité sociale et de 50% de celui-ci pour la limite comprise entre une et deux fois ce même plafond, sans pouvoir être inférieure au montant journalier de l'allocation d'assurance-chômage, ni excéder 85% du salaire de référence. Elle cesse d'être versée quand le bénéficiaire remplit les conditions pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein,
- le salarié qui est admis au bénéfice de l'ACAATA présente sa démission à l'employeur. Le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L 122-6 du code du travail. Cette rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié ouvre droit, au bénéficie du salarié, au versement par l'employeur d'un montant égal à celui de l'indemnité de départ en retraite.
* Sur le préjudice économique ou subsidiairement les dommages-intérêts sollicités en réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence
M. [R] [W] expose avoir subi une perte de revenus consécutive à son départ anticipé en retraite, que le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et ce dommage économique est incontestable, qu'alors qu'il percevait un salaire mensuel moyen de 1 482,95 euros, il perçoit une allocation de cessation d'activité anticipée mensuelle nette de 1 169 euros, sa perte de revenus s'élevant ainsi sur 60 mois à la somme de 18 837 euros dont il sollicite le paiement à titre de dommages-intérêts à titre principal.
A titre subsidiaire, il sollicite la somme de 15 000 euros en réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence.
Cependant, comme l'invoquent tant Maîtres [G] et [J], ès qualités, que le CGEA- AGSde [Localité 10], selon l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ci-dessus rappelée qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d'espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l'amiante, une allocation de cessation anticipée d'activité dite ACAATA est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle lorsqu'ils remplissent certaines conditions, le salarié admis au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité présentant sa démission à son employeur.
Il en résulte que le salarié qui a fait le choix de demander le bénéfice de cette allocation n'est pas fondé à obtenir de l'employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d'une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal.
M. [R] [W] sera ainsi débouté de sa demande en paiement de la somme principale de 18 837 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de cette perte de revenu.
Il sollicite à titre subsidiaire la somme de 15 000 euros sous l'intitulé de 'réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence' qu'il fonde également sur le fait qu'il a été tenu d'opérer un choix dans une situation d'incertitude, soutenant que 'dans ces conditions, l'aléa ne chasse pas la lésion, il l'a crée :
- diminution substantielle et immédiate de revenus faussement compensée par une inactivité qui n'a pas été souhaitée par le salarié et qui est en réalité source de de désocialisation précoce d'un côté,
- renonciation non compensée à une période de retraite dans des conditions égales à celles des autres salariés en raison d'une perte d'espérance de vie dont le législateur dans la loi du 23 décembre 1998 a formulé l'équation, d'un autre côté,
- absence de choix enfin pour les exclus de l'ACAATA' .
S'il considère que ces éléments caractérisent un bouleversement dans ses conditions d'existence, alors même que le troisième terme ne le concerne pas puisqu'il ne fait pas partie des 'exclus de l'ACAATA', il apparaît qu'il entend ainsi sous une autre dénomination voir réparer le même préjudice économique ou perte de chance de mener à bien une carrière normale jusqu'à son terme.
Il sera, en conséquence, et pour le même motif, débouté de sa demande subsidiaire, étant observé qu'il ne fournit par ailleurs aucun élément sur le montant de la somme réclamée.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a à la fois condamné la société ZF Masson à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice 'au titre de la perte de chance' et fixé cette même somme au passif de la procédure collective de cette société.
Sur le préjudice d'anxiété
M. [R] [W] qui a été débouté par le jugement déféré de cette demande qu'il formait à hauteur de la somme de 10 000 euros sollicite devant la cour 15 000 euros en réparation de ce préjudice, en rappelant différentes décisions de justice intervenues et notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2010 qui n'a pas censuré l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux de ce chef, s'agissant d'autres salariés qui se trouvaient dans la même situation que lui.
Même si, comme l'observe le CGEA-AGSde [Localité 10] et que l'a retenu le conseil de prud'hommes, il ne justifie pas d'un suivi médical ou psychologique particulier, il est indéniable qu'ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, il se trouve, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante.
Ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 10 000 euros qu'il sollicitait en première instance et qu'il a augmentée sans nouvel élément devant la cour, somme qui sera fixée au passif de la procédure collective de la société ZF Masson.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
L'appelant expose qu'afin de pouvoir bénéficier de l'ACAATA, il a démissionné par lettre du 13 avril 2004, qu'il devait, compte tenu de son ancienneté, respecter un délai-congé de trois mois, comme le prévoit la convention collective de la métallurgie applicable, que par courrier du 27 avril 2004, le directeur des ressources humaines l'a informé de ce qu'il était dispensé d'effectuer son préavis sans que lui soit versé une quelconque indemnité compensatrice, laquelle s'élevait alors à la somme de 5 169,55 euros.
Il précise que si l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 prévoit que c'est au salarié de prendre l'initiative de la rupture, la responsabilité de celle-ci incombe à l'employeur, puisqu'il est précisé que 'le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions de l'article L 122-6 du code du travail', devenu L 1234-1 du même code qui prévoit que le salarié a droit à un préavis de deux mois, sauf dispositions légales ou conventionnelles plus favorables, ou à une indemnité compensatrice d'un même montant, que conformément aux dispositions de la convention collective, l'employeur aurait dû l'informer de ce qu'il devait accomplir un préavis de trois mois, que s'il l'en a dispensé, lui-même n'a pas renoncé dans sa lettre de démission à percevoir une indemnité compensatrice.
Par lettre remise en main propre le 13 avril 2004, M. [R] [W] a démissionné en précisant que 'mon préavis de démission est de deux semaines. Je quitterai donc définitivement la société le 30 avril 2004..."
En réponse, par lettre du 27 avril 2004, sur laquelle M. [R] [W] a apposé la mention 'Bon pour accord le 23/5/03", le directeur des ressources humaines de la société lui a rappelé qu'il devait respecter un préavis de trois mois, qu'il prenait cependant en compte son souhait et qu'ainsi il ne ferait plus partie des effectifs à compter du 30 avril 2004.
C'est en vain que les intimés soutiennent qu'aucune somme n'est due à ce titre à l'appelant, eu égard à l'accord intervenu entre les parties.
En effet, l'article 41 en son paragraphe V précise, comme il l'a été ci-dessus rappelé, que 'le contrat de travail cesse de s'exécuter dans les conditions prévues à l'article L122-6 du code du travail' devenu L 1234-1 du même du même code qui prévoit un préavis dans les conditions fixée par le code du travail ou la convention collective pour un motif autre qu'une faute grave.
Dès lors, la société ZF Masson devait, même si elle dispensait le salarié de l'exécution de son préavis, lui verser une indemnité compensatrice à laquelle celui-ci n'a pas renoncé.
Il en résulte que M. [R] [W] est fondé à solliciter à ce titre, sur la base de la moyenne des derniers mois de salaire qui lui ont été versés soit 1 482,95 euros, les sommes de :
- indemnité compensatrice de préavis (1 482, 95 euros/ 30 jours) x 75 jours : 3 707,37 euros
- congés payés incidents : 370, 73 euros
Ces sommes seront fixées au passif de la procédure collective de la société ZF Masson et la décision déférée infirmée en ce qu'elle l'a déboutée de cette prétention.
Sur la garantie de l'AGS-CGEAde [Localité 10]
Contrairement à ce que soutient l'AGS-CGEA, tant le solde d'indemnité compensatrice de préavis que le préjudice spécifique d'anxiété entre dans le cadre de sa garantie telle que fixée par l'article L 3253-6 du code du travail selon lequel tout employeur assure ses salariés contre le risque de non paiement des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, cette garantie ne visant pas uniquement les salaires et ses accessoires mais s'étendant aux dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation résultant de son contrat de travail.
Cette garantie ne pourra en revanche jouer, comme elle le rappelle, qu'à titre subsidiaire, sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a fixé au passif de la procédure collective la créance de M. [R] [W] de ce chef à la somme de 400 euros, aucune demande à ce titre n'étant formée devant la cour.
Les dépens d'appel seront fixés au passif de la procédure collective de la société ZF Masson.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société ZF Masson, déclaré M. [R] [W] recevable en son action, retenu la responsabilité contractuelle de la société ZF Masson et fixé la créance de celui-ci au passif de la procédure collective de la société ZF Masson à la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
FIXE au passif de la procédure collective de la société ZF Masson, représentée par Maître [O] [G], ès qualités de mandataire ad hoc, et Maître [L] [J], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan aux sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété, 3 707,37 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 370,73 euros au titre des congés payés incidents,
DÉBOUTE M. [R] [W] de ses demandes au titre de son préjudice économique et subsidiairement de dommages-intérêts en réparation du bouleversement dans ses conditions d'existence,
DIT le présent arrêt opposable au CGEA-AGSde [Localité 10] les limites de sa garantie légale et que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement,
DIT que les dépens d'appel seront fixés au passif de la procédure collective de la société ZF Masson.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE