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04/05/2011 | FRANCE | N°09/16744

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 04 mai 2011, 09/16744


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 04 MAI 2011



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/16744



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 08/05726





APPELANTE



SARL VETEMENTS REMY

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adress

e 3]

[Localité 4]



représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Moustapha BOURGI, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1822 substituant et intervenant...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 04 MAI 2011

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/16744

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 08/05726

APPELANTE

SARL VETEMENTS REMY

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Moustapha BOURGI, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1822 substituant et intervenant en tant que collaborateur de Me Alain GARITEY, avocat au barreau de PARIS, toque : C 497

INTIMEE

Madame [S] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP REGNIER BEQUET MOISAN, avoués à la Cour

assistée de Maître François MEURIN plaidant pour la SCP TOURAUT & ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente chargée du rapport et Madame BLUM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller

Madame BLUM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique du 20 avril 1998, Monsieur [W] aux droits duquel vient Mme [V] à consenti à la sarl Vêtements Rémy le renouvellement d'un bail commercial portant sur des locaux à usage de commerce de textiles sis [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à effet du 1er janvier 1998 pour se terminer le 1° janvier 2007 moyennant un loyer de 5.122,28€ par an.

Par acte extra-judiciaire du 23 juin 2006, Mme [V] à donné congé à la sarl Vêtements Rémy pour le 1er janvier 2007, avec offre de renouvellement, moyennant un loyer annuel de 14.400euros ht et hors charges .

La sarl Vêtements Remy a accepté le renouvellement moyennant un loyer annuel égal au loyer en cours .

Les parties n'ayant pas trouvé d'accord sur le prix, Mme [V] a fait usage de son droit de rétractation et refusé le renouvellement du bail moyennant le paiement d'une indemnité d'éviction, suivant acte extra judiciaire du 5 mars 2007 .

Par ordonnance du 26 septembre 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux saisi par Madame [V] a ordonné une expertise judiciaire et désigné Monsieur [M] comme expert pour donner son avis sur l'indemnité d'éviction et sur l'indemnité d'occupation ; l'expert a déposé son rapport le 26 Août 2008 concluant à :

-valeur locative théorique du fonds :14.400€/an

-valeur du fonds de commerce : 38.287€

-indemnité d'éviction incluant l'indemnité de remploi  : 48.433€

-indemnité d'occupation :11.250€ au 1er janvier 2007.

Par jugement rendu le 28 mai 2009, la 1ère chambre du Tribunal de Grande Instance de Meaux a :

Fixé comme suit le montant de l'indemnité d'éviction et condamne Mme [V] à payer à la sarl Vetements Remy :

-indemnité principale :38.475€

-frais de transfert :2000€

-frais de double loyer :2400€

-perte de salaire et de bénéfices :3.058€

-frais de déménagement :2500€

Autorisé Mme [V] à verser ces sommes entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de [Localité 5], en qualité de séquestre à charge de s'en libérer dans les termes de l'article L145-29 du Code de commerce.

A compter du 1er janvier 2007 et jusqu'à complète libération des lieux et remise des clés, fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la sarl Vêtements Rémy à Mme [V] à la somme de 12.240 euros ht par an, outre les charges et condamne la sarl Vêtements Remy au paiement de cette somme, en deniers ou quittances,

Ordonné l'exécution provisoire,

Débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du CPC

Partagé par moitié les dépens, en ce compris les frais d'expertise.

La sarl Vêtements Remy a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 12 janvier 2011, la sarl Vêtements Rémy demande à la Cour de :

La recevoir en son appel et déclarer le bien fondé de son action,

Dire l'appel incident de Mme [V] mal fondé et l'en débouter

Infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau

Fixer l'indemnité d'éviction qui lui est due par Mme [V] à la somme de 177.000 € ;

Fixer l'indemnité d'occupation due par elle à Mme [V] à la somme de 6705€ ht et hc par an, à compter de la date de l'assignation délivrée par Mme [V] .

Condamner Mme [V] à lui payer la somme de 3000 €au titre de l'article 700 du NCPC

La condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2011, Mme [V], intimée au principal appelante incidemment, demande à la Cour de :

Dire l'appel principal de la sarl Vêtements Rémy recevable mais mal fondée, et l'en débouter.

Faisant droit à son appel incident,

Vu les articles L145-14, L145-28 et L145-29 du Code de commerce,

Reformer le jugement entrepris et statuant à nouveau

Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la sarl Vêtements Rémy à la somme de 26.694,90€ ou, à titre subsidiaire, à la somme de 30.780€.

Fixer l'indemnité d'occupation due par la sarl Vêtements Rémy à compter du 1er janvier 2007 jusqu'à libération effective des lieux, à la somme annuelle de 14.400 € ht et hc .

Condamner la sarl Vêtements Rémy au règlement de cette somme à compter du 1er janvier 2007 en deniers ou quittances compte tenu des sommes d'ores et déjà versées et ce jusqu'à la libération effective des lieux, et avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2009.

A titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement entrepris.

Dans tous les cas ,condamner la sarl Vêtements Rémy à lui payer la somme de 6000 € au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'en tous les dépens de 1ère instance et d'appel.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 12 janvier 2011 pour la société Vêtements Rémy et le 1° février 2011 pour Madame [V] ; leurs moyens seront examinés au cours de la discussion .

SUR CE,

L'expert a considéré dans une réponse à un dire jointe à son rapport que l'activité commerciale du fonds était ' très faible' , que 'l'activité économique dans le secteur de l'habillement,' y compris pour les grandes enseignes, est en difficulté et qu'il était 'peu envisageable d'ouvrir ou de maintenir une telle activité à ce jour à titre personnel' ; il a proposé néanmoins une indemnité de remploi et une indemnité de transfert , quoique réduite pour cette dernière .

Le tribunal a considéré pour sa part qu'il n'était pas établi au regard de l'âge de la gérante ( 58 ans ) que la société n'allait pas se réinstaller et la société Vêtements Rémy affirme de son coté avoir l'intention de se réinstaller grâce à l'indemnité d'éviction ;

Toutefois, il n'est produit aucun élément concernant l'existence de la clientèle et l'attachement de celle-ci au fonds de commerce considéré ; ni l'expert ni la société ne mettent en avant la qualité de l'enseigne ou des produits vendus, l'expert relevant au contraire le caractère médiocre de la tenue des locaux et de la présentation des marchandises ; ni l'un ni l'autre ne citent en particulier de style ou de marque des vêtements vendus dans le commerce considéré susceptible de drainer une clientèle spécifique pouvant s'attacher au fonds indépendamment de son emplacement .

Il y a lieu dans ces conditions de considérer que le fonds de commerce tel qu'il existe n'est pas transférable et que l'indemnité qui doit être allouée à la locataire en compensation du préjudice né du fait de défaut de renouvellement doit réparer la perte du fonds ;

Il convient d'écarter à cet égard la méthode d'évaluation par la rentabilité alors qu'en l'espèce, l'excédent brut d'exploitation ne retrace pas la véritable rentabilité du fonds ;

En effet, alors que sur les trois dernières années d'exploitation du fonds, le chiffre d'affaires a augmenté de façon constante et importante passant de 59 751€ en 2006 à 121 882€ en 2009, et ce à rebours de l'appréciation de l'expert qui avait constaté que l'activité du fonds était très faible, la société qui exposait jusqu'en 2008 des frais de personnel pour un montant, charges comprises de plus 14 000€ n'a plus fait figurer de charges de personnel dans son bilan comptable à compter de 2008 mais a intégré dans les charges une rémunération du gérant passée de 18000€ en 2008 à 20000€ en 2009 ;

Or la société Vêtements Rémy ne s'explique nullement, en période de progression de son chiffre d'affaires sur les raisons de se séparer de son personnel, ce qui est en contradiction avec l'accroissement de ses ventes, sa marge brute n'ayant pas quant à elle progressé de façon sensible et ce d'autant qu' aucun investissement ne vient traduire une amélioration des conditions de vente ;

L'appréciation de la valeur du fonds doit donc se faire en l'espèce en tenant compte du chiffre d 'affaires, taxes incluses selon l'usage admis pour l'appréciation de la valeur des fonds dans la branche d'activité considérée, et ce sur les trois dernières années d'activité, l'indemnité s'appréciant à la date la plus proche de l'éviction soit :

CA 2007 : 72 705 €

CA 2008 : 96 964€

CA 2009 : 121 882€

Soit CA moyen ht : 97 184 €

CA moyen ttc : 116 232€

Le fonds de commerce est situé sur l'une des voies centrales et commerçantes de la ville de [Localité 4] et bénéfice ainsi d'une bonne commercialité ; il faut relever néanmoins que le fonds de commerce qui se situe dans un pavillon en pierres mortier ou parpaings briques, réaménagé au fil du temps avec vitrines sur deux niveaux, est mal entretenu , mal présenté et n'est pas mis en valeur, ce qui a pour effet d'en amoindrir la valeur ; les photographies versées aux débats attestent de cette situation ;

Il s'ensuit que la valeur du fonds peut être fixée à une somme correspondant à 45% du chiffre d 'affaires moyen ttc des trois dernières années soit :

116 232€ x 45/100 = 52 304, 40€ ;

La valeur de droit au bail est quant à elle notablement inférieure dés lors qu'elle s'établit à la différence entre la valeur locative en renouvellement que l'expert a retenu comme étant celle du marché de 14 400€ /an sans toutefois s'expliquer sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité susceptibles de modifier en renouvellement le loyer actuel de 6705€ de sorte que, même à retenir une valeur locative en renouvellement de 14 400€ /an comme l'a fait l'expert et en appliquant au différentiel ainsi obtenu un coefficient multiplicateur de 5, la valeur de droit au bail est de 38 475€ soit une somme inférieure à la valeur du fonds obtenue suivant la méthode du chiffre d 'affaires ttc ;

A cette valeur constituant l'indemnité principale d'éviction, il y lieu d'ajouter une indemnité de déménagement des marchandises que l'expert a apprécié à la somme de 2500€ qui sera retenue à défaut d'autre élément d'appréciation produit par la locataire ainsi qu' une indemnité pour le trouble commercial incluant la perte de bénéfice de la société durant deux mois, soit :

17 451 x 2 = 2908, 50€

12

À l'exclusion de toute indemnité de remploi et de transfert dés lors que le fonds ne sera pas transféré .

Sur l'indemnité d'occupation :

Cette indemnité est égale à la valeur locative des locaux donnés à bail déterminés conformément à l'article L 145- 33 du code de commerce ;

L'expert a apprécié celle-ci par comparaison avec des locaux équivalents situés dans d'autres villes de la périphérie parisienne ; il a tenu compte également de locaux commerciaux situés sur la même commune mais qui ne sont équivalents ni en surface ni en activité ;

La sarl Vêtements Rémy demande d'écarter purement et simplement ces derniers éléments alors qu'ils peuvent parfaitement servir de comparaison à la condition de tenir compte des différences constatées ;

L'absence d'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité au cours du bail expiré ne peut conduire à retenir comme valeur locative le loyer actuel alors que la valeur locative servant à déterminer l'indemnité d'occupation doit être appréciée par rapport à la valeur locative de marché de locaux équivalents, compte tenu des caractéristiques propres des locaux en cause ;

L'appréciation de l'expert de 14 400€ /an doit être en conséquence retenue pour fixer la valeur de l'indemnité d'occupation sur laquelle il n'y pas lieu de pratiquer d'abattement de précarité supérieur à 10 % ; en effet, si la sarl Vêtements Rémy a été privée de pouvoir investir, elle a vu en revanche son chiffre d 'affaires progresser de façon spectaculaire au cours des trois dernières années de sorte qu'elle n'a pas pâti de la précarité de la situation locative dans les conditions qu'elle invoque ;

L'indemnité d'occupation sera donc fixée à la somme de 12 960€ / an ;

Sur les autres demandes :

Les dépens d'appel resteront à la charge de chacune des parties à concurrence de ceux par elle exposés, ceux de première instance incluant les frais d'expertise restant partagés entre les parties par moitié .

Il n'y a pas lieu dans ces conditions au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'une ou l'autre partie ;

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré , sauf en ses dispositions concernant les dépens qui seront confirmées .

Statuant à nouveau,

Fixe le montant de l'indemnité d'éviction due par Madame [V] à la sarl Vêtements Rémy à la somme de 57 712, 90€ avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Fixe le montant de l'indemnité d'occupation dont la sarl Vêtements Rémy est redevable à l'égard de Madame [V] à compter du 1° janvier 2007 et jusqu'à la libération effective des lieux à la somme annuelle de 12 960€ hors taxe et hors charges, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les créances respectives des parties se compenseront au jour du paiement ;

Déboute les parties de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

Dit que chaque partie supportera les dépens d'appel qu'elle a exposés .

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/16744
Date de la décision : 04/05/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°09/16744 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-05-04;09.16744 ?
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