RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 04 Mai 2011
(n° 4 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06511-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Juin 2009 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL section Commerce RG n° 07/01265
APPELANTS
Madame [T] [R]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Madame [P] [V]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Monsieur [I] [F]
[Adresse 7]
[Localité 6]
TOUS TROIS représentés par Me Pierre TONOUKOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J133
INTIMÉE
SAS CARTE ET SERVICES
siège social : [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me André FOLLEN, avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Greffier : Evelyne MUDRY lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* *
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement de départage du 18 juin 2009 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de CRETEIL a :
- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 07/ 01265, 07/01293 et 07/01296,
- débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs prétentions,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la défenderesse,
- condamné les demandeurs aux dépens.
Madame [T] [R], Madame [P] [V] et Monsieur [I] [F] ont relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 24 juillet 2009.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 9 mars 2011, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
MOTIFS
La SAS CARTES ET SERVICES, venue aux droits des sociétés INNOVATRON SERVICES et ATM, employait sur son site de [Localité 11] :
- Monsieur [I] [F], embauché le 18 mai 1994 en qualité de comptable par la Société ATM,
- Madame [T] [R], embauchée le 1er mars 2000 par la Société INNOVATRON SERVICES en qualité d'assistante administrative,
- Madame [P] [V], embauchée le 26 mars 2002 en qualité d'assistante de gestion.
Par lettre du 13 février 2007, ces trois salariés ont été informés individuellement par la SAS CARTES ET SERVICES comme d'autres salariés, qu'un projet de restructuration interne entraînerait leur mutation dans des locaux sis [Adresse 2]) à compter du 19 mars 2007.
Ces trois salariés ont refusé de rejoindre ce nouveau lieu de travail estimant qu'il s'agissait d'une modification d'un élément essentiel de leur contrat de travail qui ne pouvait leur être imposée sans leur accord.
Leur refus persistant, Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] ont été tous trois licenciés pour faute grave, après mise à pied conservatoire et entretien préalable, par lettres de licenciement du 1er juin 2007 rédigées en termes identiques pour avoir refusé de se présenter à leur nouveau poste à [Localité 10] et persisté à se présenter au siège de [Localité 11].
Contestant leur licenciement, ils ont saisi séparément le conseil de prud'hommes de CRETEIL les 19 juin 2007 et 26 juin 2007.
Le conseil de prud'hommes s'étant déclaré en partage de voix le 9 septembre 2008, l'affaire a été renvoyée devant la même formation présidée par le juge départiteur qui a rendu la décision déférée.
Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] concluent à l'infirmation du jugement du 18 juin 2009 en soutenant que leur licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Les salariés font valoir en substance que la convention collective des industries métallurgiques OETAM de la région Parisienne à laquelle était soumis leur contrat, a entendu faire du lieu de travail un élément essentiel de leur contrat de travail dont la modification nécessite l'accord du salarié; que cette convention prévoit qu'en cas de refus du salarié, la rupture qui s'ensuivrait serait du fait de l'employeur; que cette convention collective qui avait une valeur hiérarchique supérieure aux clauses contractuelles ; que le licenciement pour faute grave dans leur cas ne peut être placé sur le terrain disciplinaire et se trouve en contradiction avec les dispositions de la convention collective plus favorables; que de ce fait, l'employeur ôte aux juges du fond le pouvoir de requalification du licenciement en licenciement pour cause réelle et sérieuse; que le licenciement est donc nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
La SAS CARTE ET SERVICES demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation des salariés à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS CARTE ET SERVICES soutient que le lieu de travail figurant au contrat n'avait qu'une valeur informative et que sa modification au sein d'un même secteur géographique ne constituait qu'un changement dans les conditions de travail qui ne nécessitait pas l'accord du salarié et qui ne portait pas atteinte au contrat; que les contrats des trois salariés en cause comportaient des clauses particulières concernant la mobilité. Elle conteste totalement l'argumentation et l'interprétation adverse sur les dispositions de l'article 3 de la convention collective qu'elle dit avoir parfaitement respectées en soutenant notamment que « la rupture du fait de l'employeur » en cas de refus du salarié ne dit rien de la nature du licenciement qui doit être prononcé, et n'empêche pas l'application du droit commun en la matière.
Il convient d'observer que Monsieur [F], Mesdames [R] et [V] n'apportent en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause la décision des premiers juges, lesquels ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause tant en droit qu'en fait par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant observé:
- que si l'article 3 de la convention collective des industries métallurgiques OETAM de la région parisienne prévoit effectivement que le contrat doit préciser notamment l'établissement dans lequel cet emploi doit être exercé, que toute modification de caractère individuel apporté à cet élément doit faire préalablement l'objet d'une nouvelle notification écrite, et qu'en cas de refus de modification acceptée par l'intéressé, elle sera considérée comme une rupture de contrat du fait de l'employeur et réglée comme telle, ce texte n'a cependant pas pour effet de conférer automatiquement au lieu de travail un caractère contractuel ni de statuer par avance sur le bien-fondé du licenciement consécutif au refus du salarié ;
- qu'en l'espèce, la SAS CARTE ET SERVICES a parfaitement respecté les dispositions de la convention collective en précisant dans le contrat de travail l'établissement dans lequel travaillait chacun des salariés, en leur notifiant individuellement par écrit la modification de ce lieu de travail et en prenant l'initiative de les licencier à la suite de leur refus de rejoindre leur nouveau site ;
- que ces éléments, qui fixent le cadre juridique de la rupture, n'empêchent pas l'appréciation du bien-fondé de cette rupture ;
- qu'en l'espèce, il ressort de chacun des contrats en cause que le lieu de travail des salariés n'était pas contractualisé et n'avait qu'une valeur informative ; que ces contrats précisaient en outre clairement pour Monsieur [F] et Madame [R] que leur lieu de travail pouvait être déplacé en n'importe quel endroit de la région parisienne et pour Madame [V] que ce lieu pouvait être déplacé dans un rayon de 15 kilomètres ;
- que le changement de lieu de travail notifié à chacun des salariés de [Localité 11] à [Localité 10] est intervenu dans un même secteur géographique bien desservi en moyens de transports; qu'il ne pouvait donc constituer une modification d'un élément essentiel du contrat de travail mais un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ;
- que dès lors le refus des salariés de rejoindre leur nouveau site constitue une faute grave justifiant le bien-fondé des trois licenciements.
Il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de débouter Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] de l'intégralité de leurs demandes.
Les appelants qui succombent seront condamnés aux dépens et indemniseront la SAS CARTE ET SERVICES des frais exposés par elle en appel à hauteur de 500 euros chacun.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Déboute Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] de l'intégralité de leurs demandes,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] à payer chacun à la SAS CARTE ET SERVICES la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [I] [F], Madame [T] [R] et Madame [P] [V] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,