Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 04 MAI 2011
(n° 101 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/18923
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Janvier 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 02/07798
APPELANTES
La société MILO RESSOURCES HUMAINES, S.A.
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 8]
Madame [H] [X] épouse [P]
demeurant [Adresse 7]
[Localité 9]
représentées par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assistées de Me Antoine GENTY, toque : P182 et de Me Jean-philippe HUGOT, toque : C2501, avocats au barreau de Paris
INTIMÉES
La société ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, S.A.
Prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 8]
La société GDF SUEZ, S.A.
Prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 8]
représentées par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assistées de Me Valérie LEDOUX, avocat au barreau de Paris, toque : L301
plaidant pour la SELARL RACINE
La société ARNAVA, S.A.
Prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me Laszlo BARTOK, avocat au barreau de Paris, toque : D1526
plaidant pour [W] [L]
PARTIES INTERVENANTES
Maître [B] [G]
intervenante volontaire
Es qualité de mandataire judiciaire de la société MILO RESSOURCES HUMAINES
demeurant [Adresse 1]
[Localité 8]
La SCP [E]
En la personne de Maître [E], es-qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société MILO
intervenante volontaire
Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
représentés par Me Gilbert THEVENIER, avoué à la Cour
assistées de Me Antoine GENTY, toque : P182 et de Me Jean-philippe HUGOT, toque : C2501, avocats au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN
ARRÊT :- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu l'appel interjeté le 4 mai 2007 par [H] [X] épouse [P] et la société MILO RESSOURCES HUMAINES (SA), ci-après la société MILO, du jugement contradictoire rendu le 30 janvier 2007 par le tribunal de grande instance de Paris dans le litige les opposant aux sociétés Electricité de France (EDF), Gaz de France (GDF), ARNAVA ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2007 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MILO ;
Vu les ultimes écritures de [H] [P], de la société MILO, de Me [G] ès qualités de mandataire judiciaire de la société MILO, de la SCP [E] en la personne de Me [E], appelantes, signifiées le 11 janvier 2011 ;
Vu les dernières conclusions de la société EDF (SA) et de la société GDF (SA), intimées et incidemment appelantes, signifiées le 28 octobre 2010 ;
Vu les dernières conclusions de la société ARNAVA (SA), intimée et incidemment appelante, signifiées le 14 décembre 2010 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 1er mars 2011;
SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :
- la méthode DELOS, créée en 1986 par [H] [P] et commercialisée par la société MILO, a pour objet de détecter les cadres et dirigeants d'entreprise à potentiel élevé, aptes à évoluer vers de plus hautes responsabilités,
- le 10 février 1994, la société MILO a conclu avec la société EDF un contrat de cession de licence d'utilisation prévoyant notamment, à la charge de la société MILO, l'adaptation de la méthode DELOS aux spécificités de la société EDF et la formation au sein de la société EDF du personnel habilité à utiliser la méthode, à la charge de la société EDF, l'interdiction de divulguer à des tiers tout ou partie du contenu de la méthode,
- le 9 novembre 2001, les sociétés EDF et GDF, soucieuses de perfectionner les procédures d'évaluation et de sélection du personnel, ont lancé un appel d'offres en deux lots, le premier, dénommé 'assessments d'identification', destiné aux cadres de moins de 35 ans, le second, intitulé 'assessments d'orientation et de développement', relatif aux cadres plus âgé appelés à occuper des fonctions de direction,
- la société INSEP a été sélectionnée pour le lot n°1 et la société ARNAVA pour le lot n°2,
- exposant avoir découvert que les 'assessments'réalisés par ces sociétés appliquaient les principes de la méthode DELOS, [H] [P] et la société MILO ont, le 14 mai 2002, assigné la société ARNAVA en contrefaçon de droits d'auteur, puis, le 14 mai 2003, les sociétés EDF et GDF en responsabilité contractuelle,
- dans le dernier état de la procédure de première instance, les demanderesses ont renoncé à leurs demandes du chef de contrefaçon mais ont persisté à reprocher, aux sociétés EDF et GDF, d'avoir violé les stipulations du contrat de licence du 10 février 1994 en communiquant la méthode DELOS à la société ARNAVA, et à cette dernière, d'avoir commis avec la complicité des sociétés EDF et GDF des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en s'appropriant la méthode DELOS,
- aux termes du jugement déféré, le tribunal a déclaré la société MILO irrecevable à agir en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société GDF, non signataire du contrat du 10 février 1994 et [H] [P], personne physique non commerçante, irrecevable à agir en concurrence déloyale, rejeté, sur le fond, toutes les prétentions de [H] [P] et de la société MILO, et a, par ailleurs, débouté les sociétés EDF, GDF et ARNAVA de leurs demandes respectives en procédure abusive ;
Sur les demandes en contrefaçon,
Considérant que les appelantes invoquent devant la cour, au fondement des dispositions du Livre I du Code de la propriété intellectuelle, une contrefaçon de leurs droits d'auteur sur la méthode DELOS ainsi qu'une atteinte à leurs droits de producteur de base de données ;
Considérant que les sociétés intimées opposent à ces prétentions la fin de non-recevoir édictée à l'article 564 du Code de procédure civile aux termes duquel les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Que les appelantes invoquent pour leur défense les dispositions de l'article 565 du Code précité selon lesquelles les prétentions ne sont pas nouvelles lorsqu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges même si leur fondement juridique est différent ;
Or considérant qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, que la demande en contrefaçon de droits d'auteur formulée aux termes de l'assignation introductive d'instance a été abandonnée par les demanderesses au cours de la procédure de première instance, ainsi qu'il a été expressément relevé par les premiers juges, et que la demande au fondement des droits du producteur de base de données est élevée pour la première fois devant la cour ;
Considérant que ces demandes, les deux fondées sur le Livre I du Code de la propriété intellectuelle, tendent à faire constater et à faire sanctionner une atteinte à un droit privatif de propriété intellectuelle tandis que les demandes en responsabilité contractuelle et en concurrence déloyale dont les premiers juges ont eu à connaître, reposent respectivement sur une violation de ses engagements par une partie au contrat et sur une faute délictuelle préjudiciable à l'exercice paisible de la liberté du commerce et de l'industrie ;
Qu'il suit de ces observations qu'elles ne tendent pas aux mêmes fins que les demandes initiales en responsabilité contractuelle et en concurrence déloyale qui procèdent de causes différentes ;
Qu'elles doivent être, en conséquence, regardées comme nouvelles et écartées comme irrecevables à être présentées en cause d'appel ;
Sur les demandes en responsabilité contractuelle,
Considérant que la société MILO recherche la responsabilité tant de la société EDF que de la société GDF auxquelles elle fait grief d'avoir, en violation de l'article 2 du contrat du 10 février 1994, divulgué à un tiers, en l'espèce la société ARNAVA, la méthode DELOS ;
Que les sociétés EDF et GDF soulèvent, en premier lieu, l'irrecevabilité de la demande à l'égard de la société GDF, non signataire du contrat, qu'elles contestent, en second lieu, tout grief tiré de la méconnaissance des obligations du contrat du 10 février 1994 ;
- Sur la recevabilité à l'égard de la société GDF,
Considérant que les sociétés EDF et GDF ont pris des écritures communes aux termes desquelles il est expressément reconnu, en page 9, que,
' L'adaptation de la méthode DELOS a été menée dans le but de disposer d'un dispositif utilisable à la fois par EDF et par GDF . (...)
Les travaux d'adaptation, conduits par [I] [Y], représentant de MILO et par les directions concernées d'EDF et de GDF ont abouti courant 1995 à l'établissement de deux documents : le premier, intitulé 'support d'évaluation et d'interprétation de la méthode DELOS adaptée aux spécificités d'EDF GDF' et le second, intitulé 'guide d'évaluation détection des potentiels méthode DELOS adaptée aux spécificités d'EDF GDF'. (...)
La méthode adaptée a ensuite été expérimentée de façon satisfaisante . EDF et GDF ont donc commandé à MILO des actions de formation à partir de 1996 . ' ;
Qu'il est dit encore par les sociétés EDF et GDF, que les travaux d'adaptation de la méthode DELOS ont été conduits par l'Institut du Management, 'organe commun aux deux sociétés', lequel a réglé pour un montant de 321 000 francs HT, la facture émise par la société MILO en contrepartie de sa prestation ;
Considérant qu'il s'infère de ces éléments que le contrat de cession de licence du 10 février 1994 a été conclu pour voir appliquer la méthode DELOS non seulement à la société EDF mais aussi à la société GDF de manière à ce que ces deux sociétés bénéficient d'un outil commun de détection et d'évaluation du personnel à fort potentiel, et que la société GDF, en participant à l'adaptation de la méthode à ses propres spécificités, en expérimentant la méthode pour la généraliser ensuite à l'ensemble de ses services et en mettant en oeuvre des actions de formation à l'utilisation de la méthode a, sans aucune équivoque, pris pour son compte et fait siens, les engagements contractés sous la signature de la société EDF à l'égard de la société MILO ;
Que le jugement sera par voie de conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré la société MILO irrecevable à agir en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société GDF ;
- Sur le fond,
Considérant que les stipulations contractuelles dont la violation est invoquée sont énoncées à l'article 2 dans les termes suivants :
Afin de respecter la fiabilité de la méthode DELOS et d'éviter toute utilisation abusive de son contenu, EDF s'engage à :
- ne pas divulguer à un tiers tout ou partie du contenu de la méthode DELOS ;
- faire appel à la collaboration exclusive de MILO Ressources Humaines pour tous travaux d'adaptation de la méthode DELOS aux spécificités de l'entreprise ;
- ne procéder à des évaluations de potentiel, à partir de la méthode DELOS ou de son adaptation, qu'après formation des utilisateurs par MILO Ressources Humaines ;
- ne reproduire les documents de base ( guides d'évaluation, grilles de critères) de la méthode DELOS ou de son adaptation qu'à l'usage des personnes formées à leur utilisation .;
Que la violation de ces stipulations aurait été réalisée, selon la société MILO, à l'occasion et à la suite de l'appel d'offres lancé en 2001 par l'Institut du Management pour le compte des sociétés EDF et GDF, au terme duquel la société ARNAVA et la société INSEP ont été sélectionnées pour assurer la mise en oeuvre des procédures d''assessments' ;
Considérant qu'il suit de cet élément que la société MILO est mal fondée à prétendre que la société EDF aurait, aux termes d'une lettre de M.[M] en date du 17 décembre 2001 reconnu la violation invoquée, force étant de relever, à l'instar du tribunal, que si le courrier en cause fait état, sans plus de précision, de quelques manquements occasionnels et partiels à la confidentialité envers les tiers survenus par le passé et auxquels il a été remédié, il exprime une contestation vigoureuse des faits objets du litige, en faisant valoir que ( notre ) appel d'offres a été rédigé sans la moindre référence à ( votre ) grille d'analyse de potentiel ou à quelqu'une de ( vos) méthodologies et en rappelant que la méthode DELOS n'avait pas vocation à être utilisée dans le cadre des 'assessments' dont l'intérêt est d'apporter l'éclairage de consultants externes intervenant avec leurs méthodes propres ;
Considérant que les sociétés EDF et GDF exposent en effet, que la méthode DELOS vise à détecter, en interne, par le biais d'un entretien individuel conduit par le supérieur hiérarchique direct, le personnel à potentiel élevé, apte à occuper des fonctions d'encadrement et de direction, et consiste à fournir à l'entreprise un mode d'emploi associant une liste de questions à poser et une grille de lecture et d'interprétation des réponses apportées au regard du comportement manifesté par la personne évaluée ;
Considérant que ces explications, au demeurant non démenties, sont corroborées par le document intitulé Détection des potentiels - Présentation d'une méthode adaptée aux spécificités d'EDF-GDF,29 février 1996, dans lequel la société MILO indique que la méthode a été conçue à l'intention des responsables hiérarchiques de l'entreprise, préalablement formés à son utilisation, de manière à les guider dans leurs observations et dans leurs appréciations et à rendre plus fiables les pratiques internes de détection et d'évaluation de potentiels ;
Considérant que les sociétés EDF et GDF ajoutent, toujours sans être contredites, que l'identification du personnel à fort potentiel opérée par l'entreprise doit être suivie d'un 'assessment' réalisé par un intervenant extérieur et destiné à compléter et à vérifier l'évaluation de la hiérarchie en soumettant le personnel sélectionné à des exercices pratiques, individuels et collectifs, tels que jeux de rôle, mises en situation, simulations ;
Considérant qu'il ressort de ces observations que le contrat de cession d'utilisation de la méthode DELOS en date du 10 février 1994 ne concernait aucunement la phase d' 'assessment' dont la justification est de faire intervenir dans le processus de repérage des potentiels un organe externe appelé à procéder à sa propre évaluation, et susceptible par là-même de valider ou d'infirmer celle de l'entreprise, en mettant en oeuvre des moyens différents de l'entretien individuel préconisé par la méthode DELOS ;
Et qu'il était en conséquence loisible aux sociétés EDF et GDF de confier à d'autres professionnels des ressources humaines la réalisation des procédures d''assessments', sans encourir le grief de violation du contrat et en particulier des dispositions lui imposant de recourir à la collaboration exclusive de MILO pour tous travaux d'adaptation de la méthode DELOS aux spécificités de l'entreprise et de ne procéder à des évaluations de potentiel, à partir de la méthode DELOS ou de son adaptation, qu'après formation des utilisateurs par MILO Ressources Humaines, la méthode DELOS n'ayant pas vocation, ainsi qu'il a été dit précédemment, à recevoir application dans les procédures en cause ;
Considérant que la société MILO prétend toutefois qu'en contractant avec des tiers pour la mise en oeuvre des 'assessments', les sociétés EDF et GDF ont nécessairement divulgué, en méconnaissance du contrat, tout ou partie de la méthode DELOS, devenue 'le Référentiel' unique de l'entreprise en matière de ressources humaines, avec lequel les 'assessments' devaient être effectués en cohérence et avance, au soutien de telles allégations, que le cahier des charges de l'appel d'offres contenait les critères et les éléments de fonctionnement de la méthode, que la Fiche d'Appréciation des Potentiels (FAP), remplie par le supérieur hiérarchique au terme de l'entretien individuel d'évaluation, a été communiqué aux sociétés soumissionnaires, que les documents recueillis dans les locaux de la société ARNAVA à l'occasion de la saisie-contrefaçon du 29 avril 2002 établissent manifestement une appropriation de la méthode ;
Considérant que les sociétés EDF et GDF répliquent qu'il importe que les critères utilisés en externe se rapprochent des critères utilisés en interne de sorte que les résultats obtenus par la personne évaluée au terme de l''assessment' réalisé par le consultant extérieur avec ses propres méthodes puissent être utilement confrontés avec les résultats obtenus en application de la méthode DELOS au cours de la procédure interne et qu'elles ont à cet effet communiqué aux sociétés soumissionnaires la terminologie et la définition des critères retenus en interne sans pour autant révéler la méthode elle-même à savoir le questionnaire et la grille de lecture et d'interprétation des réponses ;
Considérant qu'il incombe à la société MILO, à ce stade du débat, de préciser le contenu de la méthode DELOS, constitutif de son savoir-faire et objet de l'obligation de confidentialité stipulée au contrat du 10 février 1994 et d'identifier les éléments de contenu qui auraient été divulgués par les sociétés EDF et GDF à la société ARNAVA au terme de l'appel d'offres lancé pour la procédure d''assessment' ;
Considérant que la société MILO indique à cet égard, ( page 12 des dernières écritures), que sa méthode vise à établir un pronostic du potentiel d'évolution des cadres et dirigeants d'entreprise et non pas, à l'inverse des autres méthodes connues dans le domaine des ressources humaines, un diagnostic des compétences et associe :
- une combinaison de critères significative au regard de la problématique du potentiel,
- un descriptif du fonctionnement de chaque critère et de son expression,
- un questionnement à poser ou à se poser pour repérer la manifestation de chaque critère,
- une échelle de base d'évaluation du critère en trois à cinq niveaux ;
Qu'elle précise en page 21 que la méthode regarde comme pertinents 9 critères fondamentaux, regroupés en 3 familles :
I / Energie motrice : 1- Ambition du pouvoir, 2- Tonus, 3- Dynamisme opérationnel,
II / Intelligence des situations : 4- Anticipation stratégique, 5- Hauteur de vue, 6- Pertinence,
III / Comportements d'influence : 7- Communication, 8- Pilotages d'équipes, 9- Charisme ;
Qu'elle ajoute enfin, sans livrer plus d'explications sur le mode de fonctionnement de la méthode, qu'elle décrit de façon précise et analytique le processus d'établissement du pronostic qui se décompose en plusieurs étapes : grille de questions, grille d'interprétation des réponses par le repérage des critères différentiateurs et le rapprochement de critères (recherche de familles majeures, croisement de critères spécifiques) ;
Considérant qu'il suit des propres explications de la société MILO, que la méthode DELOS, ne réside pas dans la liste des 9 critères précités, déjà retenus par des méthodes plus anciennes telles que la méthode SIGMUND ( où l'on retrouve entre autres critères l'ambition, l'autorité naturelle, l'esprit d'initiative, la capacité à diriger) et couramment utilisés par les professionnels des ressources humaines depuis les années 80 ainsi qu'il est dit dans la note, non contestée, du professeur des universités [O] [A], mais dans les outils qui permettent de parvenir à l'établissement du pronostic c'est-à-dire, pour l'essentiel, les indices de repérage et d'évaluation des critères et la combinaison particulière des critères qui détermine la grille d'interprétation des profils ;
Qu'à cet égard, force est de relever que la société MILO a estimé pouvoir divulguer dans un article paru dans le Figaro du 11 mai 1992 les ' 9 qualités de base dites prédictives (...) regroupées en 3 grandes familles : l'énergie motrice, l'intelligence des situations, le leadership', circonstance qui confirme que ce ne sont pas les critères ou les familles de critères qui sont constitutifs du savoir-faire qu'elle entend garder secret ;
Or considérant qu'il ressort de l'examen auquel la cour s'est livrée :
- que le cahier des charges techniques en date du 6 octobre 2001, sur lequel a porté l'appel d'offres 'assessments des futurs cadres dirigeants' lancé le 9 novembre 2001, demande aux sociétés soumissionnaires de concevoir 'les assessments objets du présent cahier des charges comme des outils qui s'intègrent dans un dispositif plus large de détection, d'évaluation et de préparation des futurs cadres dirigeants d'EDF et de Gaz de France' et qui soient 'en cohérence avec les différentes démarches et grilles d'évaluation validées par les directions générales des deux groupes et couramment utilisées par le management de ceux-ci . Dans cet esprit, les exercices et les mises en situation seront conçus pour explorer plus particulièrement le potentiel des futurs cadres dirigeants dans les dimensions suivantes :
Compréhension du contexte,
Influence relationnelle,
Energie personnelle,
Pilotage .' ;
- que la Fiche d'Appréciation des Potentiels (FAP), qui aurait été transmise aux sociétés ARNAVA et INSEP, se présente sous la forme d'un simple feuillet où sont portées à la suite des éléments d'identification de la personne évaluée, 9 critères d'appréciation à renseigner par le supérieur hiérarchique : Aptitude à la décision, Capacité d'animation d'équipe, Capacité de communication, Autorité et rayonnement interne, Ouverture et rayonnement externe, Capacité stratégique, solidité psychique et physique, Sûreté d'appréciation des hommes et des situations, Capacité à gérer les contraintes ;
- que les pièces recueillies auprès de la société ARNAVA à savoir le lexique des critères à évaluer et les rapports d'évaluation de cadres dirigeants établis dans le cadre des 'assessments', se proposent de mesurer les dimensions suivantes : Conceptualiser, Echanger, Piloter, Agir, au moyen d'exercices de simulation et de mises en situation ;
Considérant qu'il s'infère de ces constatations que les documents prétendument divulgateurs se bornent à énoncer tout ou partie des 9 critères de la méthode DELOS dont il a été dit précédemment qu'ils appartiennent au domaine public, qu'ils ne suffisent pas à constituer la méthodologie propre à permettre l'établissement du pronostic promis par la méthode et qu'ils ne sauraient bénéficier, par voie de conséquence, de la protection par le secret tirée du contrat du 10 février 1994 ;
Que la circonstance, mise en avant par la société MILO, selon laquelle les critères sont reproduits dans une terminologie similaire voire identique à celle utilisée dans la méthode DELOS, est dès lors dénuée de toute pertinence pour démontrer que la méthode aurait été communiquée et empruntée ;
Considérant que les documents en cause confirment en outre que les moyens utilisés dans le cadre des 'assessments' pour apprécier dans chaque cas d'espèce la réalisation du critère sont très différents de l'entretien individuel mis en oeuvre par la méthode DELOS ;
Que force est de conclure de ces éléments que la société MILO, qui se garde d'identifier précisément les outils méthodologiques qui auraient été communiqués dans le cadre des 'assessments' mais se contente d'affirmer que la divulgation de sa méthode résulte nécessairement de l'exigence de cohérence avec le dispositif interne de détection et d'évaluation des potentiels, exprimée dans le cahier des charges de l'appel d'offres, sans pour autant mettre en évidence l'existence de la nécessité alléguée ni mettre en cause la légitimité du souci de cohérence invoqué, échoue à rapporter la preuve d'une violation par les sociétés EDF et GDF de l'obligation de confidentialité stipulée au contrat du 10 février 1994 ;
Que les demandes de la société MILO fondées sur la responsabilité contractuelle seront, par confirmation du jugement entrepris, rejetées ;
Sur les demandes en concurrence déloyale,
Considérant que [H] [P] et la société MILO soutiennent que les sociétés EDF, GDF et ARNAVA se sont livrées à des actes de concurrence déloyale, les premières pour avoir transféré en violation de leurs obligations contractuelles un savoir-faire lui appartenant, pour avoir indûment favorisé les sociétés soumissionnaires en leur communiquant par avance les éléments de la méthode DELOS et en leur permettant ainsi de fournir une offre technique très fidèle à la demande d' EDF/ GDF puisque reprenant cette méthode, pour avoir évincé la société MILO de façon déloyale et contraire aux usages du commerce, la dernière pour s'être appropriée sans bourse délier un savoir-faire porteur d'un avantage économique certain ;
Considérant que [H] [P] se présente à l'instance comme l'auteur de la méthode DELOS ;
Qu'il résulte des pièces de la procédure qu'elle a en a cédé les droits d'exploitation suivant contrat de licence du 15 janvier 1999 à la société MILO dont elle assure la gérance ;
Considérant qu'il suit de ces éléments que [H] [P] n'exerce aucune activité économique ou commerciale en rapport avec l'exploitation de la méthode MILO ;
Qu'elle est en conséquence irrecevable, ainsi que l'a pertinemment retenu le tribunal, à agir en concurrence déloyale ;
Considérant que les demandes formées de ce chef sont en toute hypothèse mal fondées ;
Que force est de rappeler qu' il ressort des développements qui précèdent qu'aucune divulgation contraire aux obligations contractées à l'égard de la société MILO n'est avérée à la charge des sociétés EDF/GDF et qu'aucune appropriation de savoir-faire n'est établie à la charge de la société ARNAVA ;
Considérant que la société MILO est par ailleurs mal fondée à prétendre qu'elle aurait été, de façon déloyale, évincée au profit de la société ARNAVA alors qu'il ressort des éléments du débat qu'elle a été la première informée du projet d'EDF/GDF de lancer un appel d'offres pour les 'assessments' et qu'elle a pu, ayant eu connaissance de l'appel d'offres dans sa version initiale, obtenir quelques modifications avant qu'il ne soit communiqué aux sociétés soumissionnaires ;
Que la cour ne trouve par ailleurs au dossier aucune trace d'une quelconque revendication de la société MILO à participer à l'appel d'offres relatif aux 'assessments' ;
Que force est d'observer à cet égard que la rigueur scientifique et l'éthique déontologique justifient en l'espèce que les 'assessments' appelés à confirmer ou à infirmer les évaluations effectuées en interne au moyen de la méthode commercialisée par la société MILO et par un personnel formé à utiliser cette méthode par la société MILO, soient pris en charge par des sociétés tierces parfaitement indépendantes de la société précitée, quand bien même celle-ci disposerait, ainsi qu'elle le soutient, de toutes les compétences requises en matière d' ' assessments', cette circonstance n'étant pas, en la cause, pertinente ;
Considérant qu'il suit de ces éléments que la concurrence déloyale n'est aucunement caractérisée ;
Sur les autres demandes,
Considérant que le droit d'ester en justice qui comprend le droit de former appel n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas établies à la charge des appelantes qui ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, en équité, de faire droit aux demandes d'indemnité complémentaire respectivement formées par les sociétés intimées au titre des frais irrépétibles;
PAR CES MOTIFS,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré la société MILO irrecevable à agir en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société GDF ;
Statuant à nouveau du chef réformé,
Rejette comme mal fondées les demandes en responsabilité contractuelle formées par la société MILO à l'encontre de la société GDF,
Y ajoutant,
Déclare irrecevables comme nouvelles les demandes formées au fondement de contrefaçon de droit d'auteur et d'extraction illicite de base de données,
Dit n'y avoir lieu à indemnité complémentaire du chef de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum les appelantes aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par les avoués en la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,