RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 28 Avril 2011
(n° 6, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10551
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS Encadrement RG n° 07/00834
APPELANT
Monsieur [M] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Sabrina LE GUERN, avocat au barreau de VAL D'OISE substitué par Me Raphaël COLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1897
INTIMEE
SA INTERACTIF VISUEL SYSTEM (I.V.S.)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Emmanuel BLANC, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 292
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruno BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mlle Véronique LAYEMAR, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 24 janvier 2006, M. [M] [B] a été engagé par la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM en qualité de directeur administratif et financier-statut cadre-niveau 3.3 - coefficient 270.
La rémunération convenue s'élevait à la somme de 4000 € bruts par mois.
La convention collective applicable aux relations contractuelles est celle des bureaux d'études techniques -SYNTEC-.
Le contrat de travail prévoyait une période d'essai courant du 24 janvier au 24 avril 2006.
Le 4 avril 2006, alors qu'il rentrait chez lui pour déjeuner, M. [M] [B] a été victime d'un accident de la route. La caisse primaire d'assurance maladie ayant reconnu le caractère professionnel de l'accident du travail, le contrat de travail était suspendu jusqu'à la reprise du travail le 13 novembre 2006.
La visite médicale de reprise était fixée au 15 novembre 2006. À l'issue de cette visite M. [M] [B] était déclaré apte sans réserve.
Par courrier du 15 novembre 2006, remis en main propre contre décharge, la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM notifiait à M. [M] [B] la fin du contrat de travail en cours de période d'essai, à l'issue d'un préavis de huit jours dont elle le dispensait.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [M] [B] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 13 mai 2008 qui l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et a débouté son employeur, la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM , de sa demande reconventionnelle.
Vu les conclusions en date du 11 mars 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [M] [B] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
statuant à nouveau :
- de dire que la rupture du contrat de travail par la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM est discriminatoire, procède d'un abus de droit et d'une légèreté blâmable,
- de condamner la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM à lui payer les sommes suivantes:
* 32'000 € en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite de son licenciement,
* 10'418,26 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1041,82 € au titre des congés payés afférents,
* 4000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
à titre subsidiaire :
- de dire que la rupture du contrat de travail est abusive et procède d'une légèreté blâmable,
- de condamner la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM à lui payer la somme de 24'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère abusif du licenciement et des préjudices moral, professionnel et financier subis,
- de condamner l'employeur à lui remettre, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard les fiches de paie rectifiées pour les mois de novembre et décembre 2010, ainsi qu'une attestation ASSEDIC rectifiée,
- de condamner la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les conclusions en date du 11 mars 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM demande à la cour:
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé la rupture du contrat de travail de M. [M] [B] en cours de période d'essai et à la suite d'une suspension de contrat pour ' accident de travail' valable et fondée sur des motifs objectifs et légitimes,
- de débouter M. [M] [B] de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner M. [M] [B] à lui payer une indemnité de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR CE :
Considérant que, pour infirmation du jugement déféré, M. [M] [B] soutient que le droit de rompre la période d'essai n'est pas absolu et trouve sa limite dans la légèreté blâmable de l'employeur ou lorsqu'il procède d'un motif discriminatoire à savoir, en l'espèce, son état de santé, l'employeur n'ayant pas admis sa longue période d'indisponibilité ; qu'il a été mis fin à la période d'essai alors qu'aucune critique n'a été portée sur son exercice professionnel ; que l'employeur n'a pas respecté le formalisme prévu par la convention collective pour la rupture de la période d'essai rendant illicite la rupture du contrat de travail de sorte qu'il est fondé en ses demandes indemnitaires liées à 'un licenciement nul';
Considérant qu'en réplique, la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM soutient que la qualification d'accident de travail donné à l'accident de trajet subi par le salarié le 4 avril 2006 a eu automatiquement pour conséquence de lui interdire de mettre fin au contrat de travail et ceci, y compris pendant la période d'essai ;
Que la notification de la rupture de la période d'essai a été faite, après la visite médicale de reprise du 15 novembre 2006, date à partir de laquelle elle pouvait mettre fin au contrat au cours de la période d'essai ; que l'erreur de forme consistant en la remise en main propre de la lettre de fin de la période d'essai a été réparée, sans délai, par la notification de la fin de la période d'essai par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 novembre 2006 et ce conformément aux dispositions de la convention collective ;
Que sa décision de rompre le contrat est sans rapport avec l'état de santé du salarié mais procède de faits objectifs, inhérents à des problèmes de compétence, constatés dès le mois de mars, peu avant la survenance de l'accident de trajet; qu'en réalité elle s'est aperçue que le salarié n'avait pas les capacités requises ni en matière de gestion administrative, ni sur la partie financière de ses tâches ; qu'ainsi, tout au long du mois de mars 2006, M. [M] [B] a constamment fait appel aux compétences de son prédécesseur en lui demandant son aide sur des questions qu'il était censé maîtriser; que plus de deux mois après sa prise de fonctions le prédécesseur était tout autant sollicité de sorte qu'il avait été amené à lui faire des remarques; qu'enfin la SA INTERACTIF VISUAL SYSTEM n'avait pas le droit de lui notifier la rupture de la période d'essai avant la fin de la suspension du contrat de travail en raison de l'accident de trajet ;
Considérant que le fait que les règles régissant la rupture unilatérale du contrat de travail ne soient pas applicables pendant la période d'essai ne font cependant pas obstacle à ce que, sur le fondement des principes généraux de la responsabilité civile, l'abus de droit, l'intention de nuire ou la légèreté blâmable puissent être sanctionnés; que la preuve de l'abus de droit incombe au salarié ;
qu'en l'espèce, contrairement à ce que prétend M. [M] [B] , l'employeur justifie de ce que, antérieurement à l'accident de trajet, la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM avait des interrogations sur les capacités du salarié à assumer le poste de directeur administratif et financier ; qu'il résulte des pièces 3 à 7 à savoir des échanges de courriels entre le prédécesseur de M. [M] [B] et le président de la société, M. [C] [V], que des interrogations se faisaient jour sur la capacité du salarié; qu'ainsi, dans un courriel adressé par M. [D] au président de la société le 16 mars 2006, le prédécesseur de M. [M] [B] indique : ' il faut que tu prennes une décision rapidement pour qu'il se bouge... Parce que je ne vais pas pouvoir intervenir en pompier comme cela toutes les semaines. On a peut-être été un peu vite en la demeure pour le recrutement de [M]...'; que ce même courriel se poursuit, en termes grivois mais néanmoins explicites, par une interrogation forte sur la compétence de M. [M] [B] en matière financière; que ce courriel, corroboré par les précédents, établit que le questionnement de l'employeur sur la période d'essai préexistait à l'accident de trajet survenu en avril 2006 ;
Considérant, ainsi, qu'il est établi que le motif de rupture du contrat de travail trouve sa source dans des circonstances autres que la longue interruption du contrat de travail à la suite de l'accident de trajet;
Considérant, par ailleurs, que la S.A INTERACTIF VISUAL SYSTEM, qui avait respecté l'article L 122-32-2 du code du travail en ne notifiant pas de rupture de période d'essai à M. [M] [B] pendant toute la période de suspension de son contrat de travail, du 4 avril au 15 novembre 2006, ne disposait plus que de 20 jours à compter de la fin de la suspension du contrat de travail, pour notifier la cessation de la période d'essai; qu'ainsi il ne saurait être reproché à l'employeur d'avoir agi avec une légèreté blâmable ; qu'en tout état de cause celui-ci a, nonobstant la remise en main propre, procédé en temps utile à la notification de la rupture de la période d'essai par lettre recommandée conformément aux dispositions de la convention collective applicable ;
Considérant, en conséquence, qu'il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions;
Considérant que ni l'équité ni la situation économique respective des parties ne justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris,
Y ajoutant :
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [M] [B] aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,