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27/04/2011 | FRANCE | N°10/14949

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 27 avril 2011, 10/14949


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 27 AVRIL 2011



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14949



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08287





APPELANTE



S.A.R.L. MULTIPLICATA

représentée par son gérant

[Adresse 7]

[Localité 4

]



représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assistée de Maître Lydie KOCHMAN-OLLIVIER plaidant pour la SCP GUILLEMAIN-SAINTURAT-PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 102





INTIME...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 27 AVRIL 2011

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14949

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/08287

APPELANTE

S.A.R.L. MULTIPLICATA

représentée par son gérant

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour

assistée de Maître Lydie KOCHMAN-OLLIVIER plaidant pour la SCP GUILLEMAIN-SAINTURAT-PANEPINTO, avocat au barreau de PARIS, toque : P 102

INTIMES

Monsieur [C] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [A] [U] épouse [G]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentés par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour

assistés de Maître Nathalie UZAN-KAUFFMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1095

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 Février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame BARTHOLIN, Présidente chargée du rapport et Madame IMBAUD-CONTENT, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame BARTHOLIN, Présidente

Madame IMBAUD-CONTENT, Conseiller

Madame BLUM, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame BASTIN.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame BARTHOLIN, Présidente, et par Madame BASTIN, greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure :

Suivant acte sous seing privé en date du 21 mars 1989 Madame [V] [E] a donné à bail en renouvellement au profit de la société Pognon Genève un bail portant sur la totalité d'un immeuble à usage industriel situé [Adresse 7] pour une durée de neuf années ayant commencé à courir le 1° juillet 1988 pour se terminer le 30 juin 1997 .

Par acte notarié du 12 octobre 1989, la société des établissements Pognon Genève a cédé son droit au bail des locaux à la société Multiplicata [U] avec l'autorisation de la bailleresse, la destination de 'fabrication, montage, transformation de tous articles et de toutes matières pour l'ameublement , la literie, l'automobile, l'aviation , le nautisme et la marine ainsi que toutes opérations concernant le négoce, l'importation ou l'exportation de ces mêmes articles et de toutes matières et produits textiles ainsi que le commerce d'accessoires pour enfants et tous articles de puériculture' ayant été étendue aux activités de 'agence de publicité ou de relations publiques, éditions littéraires ou artistiques, galerie ou atelier de peinture ou de sculpture, décoration, design et stylisme de mode et couture, maquettiste publicitaire, photocomposition et photogravure, traitement informatique '

Le bail a été renouvelé par Madame [E] au profit de la société Multiplicata suivant acte sous seing privé en date du 27 mai 1999 pour une durée ayant commencé à courir le 1° juillet 1997 pour expirer le 30 juin 2006 moyennant un loyer annuel de 58 769, 10€ ;

Suivant exploit d'huissier en date du 4 mai 2006, Monsieur

[U] et Mme [U] épouse [G] aux droits de Madame [E] ont donné congé avec offre de renouvellement pour le 31 décembre 2006 en revendiquant un loyer de 240 000€ par an en principal, hors taxe et hors charges .

Les bailleurs ont notifié mémoire le 16 avril 2007 et en raison du désaccord sur le prix du loyer du bail, saisi le juge des loyers commerciaux par assignation du 1° juin 2007 lequel a par jugement avant dire droit désigné Monsieur [Z] en qualité d'expert aux fins de rechercher la valeur locative des lieux loués ;

L'expert a déposé son rapport le 1° février 2010 .

Les bailleurs ont après dépôt du rapport d'expertise limité leur demande concernant le prix du loyer à la somme de 173 500€ hors charges et ht proposée par l'expert en cas de déplafonnement .

Par jugement du 9 juillet 2010, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a :

-fixé à la somme de 173 500€ en principal par an à compter du 1° janvier 2007 le loyer du bail renouvelé depuis cette date entre Monsieur [U] et Madame [U] épouse [G] d'une part, la sarl Mutiplicata [U] d'autre part , pour les locaux situés à [Adresse 7] , toutes autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées,

-condamné la sarl Mutiplicata à payer à Monsieur [U] et Madame [U] épouse [G] les intérêts au taux légal sur les loyers arriérés à compter du prononcé de la décision ,

-dit que le dépôt de garantie versé par la locataire sera réajusté dans les termes contractuels en conséquence de l'augmentation de loyer ,

-ordonné l'exécution provisoire de la décision,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ,

-condamné chaque partie aux dépens incluant le rapport d'expertise .

La sarl Mutiplicata a interjeté appel de cette décision et demandé l'autorisation au premier président d'assigner à jour fixe, ce qu'elle a été autorisée à faire pour la date du 24 novembre 2010, date à laquelle il a été décidé de renvoyer l'affaire à la mise en état et fixation à une date ultérieure .

La sarl Mutiplicata demande à la cour de la recevoir en son appel et infirmant le jugement déféré, hormis en ce qui concerne les intérêts et statuant à nouveau, de fixer le loyer du bail renouvelé au 1° janvier 2007 de l'immeuble situé [Adresse 7], par application de l'article L 145-34 du code de commerce en fonction de l'indice insee du coût de la construction, soit à la somme de 76 748€ , de débouter les bailleurs de toutes leurs demandes et de les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise .

Monsieur [C] [U] et Madame [U] épouse [G] demandent de débouter la société Multiplicata de son appel et de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société Multiplicata à payer les intérêts au taux légal sur les compléments de loyers à compter du prononcé du jugement et statuant à nouveau , de condamner la société Multiplicata à payer les intérêts légaux sur les compléments de loyers à compter de la prise d'effet du bail en application de l'article 1155 du code civil et de chaque échéance mensuelle ,

En tous les cas, ils sollicitent de condamner la société à leur payer la somme de 2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens comprenant le cour des frais d'expertise dont le recouvrement pour ceux d'appel pourra être poursuivi par la scp Baskal Chalut Natal avoués ;

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions signifiées le 22 novembre 2010 pour la société Multiplicata et le 24 novembre 2010 pour les consorts [X] .

SUR CE,

Les consorts [U] font valoir que, avant que la société Multiplicata ne prenne les locaux à bail, ceux ci n'étaient pas uniquement à usage artisanal ou industriel comme elle le soutient mais également commercial, et que les locaux étaient donc aptes à recevoir du public, que la société Mutilplicata n'avait donc, selon eux, aucune obligation d'adapter les lieux à son activité de galeriste et n'avait notamment aucune obligation de créer un escalier entre le rez-de-chaussée et le premier étage, de supprimer le kit démontable au premier étage, de remplacer au premier étage le plancher existant ; ils soutiennent que ces travaux constituent des améliorations apportées à l'exploitation des lieux loués ;

Il font encore valoir que la création d'une aire de stationnement n'a pas été imposée comme condition d'adaptation des locaux mais résulte du déficit de stationnement que les nouvelles surfaces allait générer , que l'article UM12 du plan d'occupation des sols de la ville de [Localité 6] imposait en effet de créer des emplacements nécessaires pour assurer toutes opérations de chargement et de déchargement mais aussi d'acquérir trois places de parking qui renseignent sur les surfaces hors d'oeuvre créées qu'ils évaluent à 375 m² en procédant au calcul suivant :

75 ( 3 x 25 ) x 100 = 375m²,

20

Que la création d'une aire de stationnement résulte ainsi du choix discrétionnaire de la société Multiplicata de réaliser des travaux et de créer de nouvelles surfaces, au lieu de se contenter d'exercer son activité au rez -de- chaussée . Elle constitue donc une amélioration profitable à l'exploitation ;

Ils allèguent enfin que les travaux réalisés par la société Multiplicata à son entrée dans les lieux ont consisté en la création de planchers aux premier et troisième étages, ce qui résulte de la comparaison entre l'état actuel du bâtiment et l'état antérieur résultant tant de la description qui en est faite dans l'acte authentique de cession du droit au bail que des plans communiqués à l'expert , que cette création de planchers n'a nullement été autorisée par le bailleurs qui n'ont donné leur accord par l'intermédiaire de leur mandataire, le cabinet [K], qu'à des plans antérieurs à ceux communiqués à l'expert, qui portent date du 24 mai 1990 et ne prévoyaient aucune création de plancher, que les plans ont donc été modifiés postérieurement à l'accord donné puisque le permis de construire a été délivré pour une surface hors d'oeuvre créée de 77 m², que les travaux ainsi réalisés n'ont eu d'autre objet que d'améliorer l'exploitation des lieux loués.

*S'agissant de l'adaptation des locaux à leur usage :

Un établissement artisanal de fabrication et négoce de tous articles pour l'ameublement et la literie étendus aux accessoires pour enfants comme l'était la société des établissements Pognon Genève et une galerie d'art comme l'est la société Mutiplicata ne sont pas des établissements ouverts au public comparables : l'un ne reçoit en dehors des personnes qui y travaillent et auxquelles s'applique une législation spécifique que des clients en nombre limité à la fois tandis que l'autre est destiné à recevoir un public évalué par la société elle-même à un maximum de 100 personnes en même temps ; ainsi les exigences de sécurité et d'accessibilité qui leur sont applicables outre qu'elles ont évolué avec le temps ne sont pas les mêmes .

Il est donc vain de prétendre que la société Multiplicata n'avait pas à adapter les lieux à son activité et ce d'autant, qu'en dehors dès contraintes liées à la réception du public, son activité autorisée par l'extension de la destination prévue dans l'acte de cession à celle de galerie d'art et de librairie n'est en rien comparable à celle exercée précédemment dans les lieux loués .

Il est tout aussi vain de prétendre que la société Multiplicata a fait le choix d'exercer son activité de galeriste sur la totalité des locaux donnés à bail dés lors que le bail ne contient aucune restriction concernant l'exercice par la bailleresse de son activité conformément à sa destination sur la totalité des locaux loués ;

*S'agissant de l'amélioration apportée par les travaux aux lieux loués, notamment par la création d'une aire de stationnement et d'un escalier joignant le premier étage et le rez- de -chaussée mais également la suppression du plancher existant et la suppression du kit démontable du premier étage :

S'agissant précisément de la création de l'aire de stationnement de 37 m² créée que le premier juge a retenu comme une amélioration justifiant le déplafonnement du prix du loyer, la mairie de [Localité 6], au visa de la demande de permis de construire déposée en juillet 1990 avait fait connaître son refus le 19 octobre suivant aux motifs d'une part que le projet ne prévoyait aucune aire de stationnement et d'autre part qu'il entraînait un déficit de trois places de stationnement ;

Le règlement du plan d'occupation de la ville de [Localité 6] visé dans la délibération prévoit en effet qu'en dehors des places de stationnement des véhicules que le demandeur au permis de construire doit réaliser ou à défaut acquérir dans un parc public ou privé de stationnement, il est prévu que, lorsque la surface hors d'oeuvre nette totale de plancher d'un établissement excède 250 m², ce qui est le cas de l'immeuble loué dont la surface hors d'oeuvre nette est de 1710 m², il doit être réservé sur le terrain, en plus des aires de stationnement susvisées, les emplacements nécessaires pour assurer toutes les opérations de chargement, déchargement et manutention ;

C'est donc pour parvenir à l'obtention de la délivrance du permis de construire que la société Muliplicata a présenté un recours amiable contre la décision de la mairie en indiquant qu'elle procédait à la création d'une aire de livraison de 37 m² avec une hauteur de 4 mètres à l'intérieur de l'immeuble à l'emplacement du porche ;

Cette création ne constitue que la réponse à une exigence imposée par l'administration pour le respect du règlement du plan d'occupation des sols de la ville de [Localité 6] ; elle ne peut donc être qualifiée d'amélioration au sens de l'article R 145-8 du code de commerce d'autant plus que les locaux loués donnent sur une voie très étroite où le stationnement est particulièrement peu aisé sauf à entraver totalement la circulation qui se fait à sens unique .

S'agissant des autres travaux entrepris par la société Multiplicata et notamment de l'escalier d'accès au premier étage, de la démolition du kit démontable et du remplacement de la surface de plancher du premier étage, les bailleurs ne démontrent pas que ces travaux constituent des amélioration apportées aux locaux alors que de la notice descriptive jointe à la demande de permis de construire , il ressort que l'édification d'un escalier de 1, 50 m de large répond à l'exigence de sécurité concernant l'évacuation du public et que le plancher de la salle d'exposition du premier étage dite fermée ne présentant pas une résistance suffisante, il sera démonté et remplacé par un plancher dit 'collaborant' ;

Ainsi les travaux dont les bailleurs invoquent qu'ils constituent des améliorations apportées à l'exploitation par la société Multiplicata ont en réalité été rendus nécessaires pour répondre à son activité autorisée et aux contraintes imposées par l'administration de sorte qu'ils ne peuvent être qualifiées d'améliorations apportées aux locaux loués pouvant justifier un déplafonnement du prix du loyer .

*Enfin et au surplus, les bailleurs soutiennent que la société Multiplicata a créé à leur insu des surfaces tant au premier étage qu'au troisième étage ainsi qu'il résulte de la comparaison du plan des lieux réalisé par un géomètre expert en 2008 et conforme à la consistance actuelle avec les plans plus anciens et que la décision d'accorder le permis de construire ( du 30 avril 1991) contient d'ailleurs l'indication d'une surface hors d'oeuvre nette créée de 77m² alors que le projet alors soumis à la bailleresse Madame [E] par l'intermédiaire de son mandataire ne comportait aucune création de plancher supplémentaire ;

L'appréciation de l'expert [H] désigné dans un litige distinct et qui conclut que compte tenu de la divergence entre l'indication de l'architecte chargé des travaux suivant lequel aucune surface de plancher n'était créée et la délivrance postérieure du permis en 1991 faisant état de 77 m² de surface créée, cette différence ne peut résulter que de la couverture partielle du premier étage n'est appuyée par aucun autre élément probant ;

Quoiqu'il en soit, le plan des lieux établi par l'architecte chargé des travaux daté du 24 mai 1990 et qui selon celui-ci ne comportait pas de création de plancher suivant la notice descriptive jointe a été soumis au mandataire de la bailleresse, le cabinet [K], ainsi qu'il résulte de la correspondance à lui adressé par les architectes [R] et [D] le 14 mai 1990 ;

Ce plan du premier étage correspond à celui dressé ensuite par le géomètre expert en 2008 et à l'état des lieux actuel ; ayant reçu l'aval du mandataire de la bailleresse, il ne peut être soutenu qu'il comporte une modification des caractéristiques des lieux par rapport à l'état des lieux antérieur datant de l'entrée de la société Multiplicata tel qu'il résulterait d'un plan ancien, ce qui n'aurait pas alors manqué de susciter l'interrogation de la bailleresse ou au moins celle de son mandataire lors de la demande de réalisation des travaux .

Il ne peut être davantage soutenu que ce plan ancien, qui n'est ni daté ni signé, correspond nécessairement à l'état des lieux lors de la prise de possession par la société Mutilplicata au motif que l'acte de cession du droit au bail à son profit comporte l'indication que l'immeuble se compose alors 'd'un grand hall à armatures métalliques avec trois galeries , un escalier intérieur donnant accès aux galeries et logement ../..le tout couvert en partie par une verrière et en partie en dur ', ce dont il résulte selon les bailleurs actuels que le vide tant du premier étage que du troisième étage n'était pas couvert dans les mêmes proportions qu'actuellement durant l'occupation des lieux par la société Pignon Genève.

Le premier juge a justement souligné à cet égard que tous les baux comportent la même désignation des lieux avant comme après travaux ; ainsi la désignation des lieux ci-dessus rappelée, au demeurant relativement sommaire, est -elle la même tant dans le bail de 1988 passé entre la bailleresse d'alors et la société Pognon Genève puis dans l'acte de cession du droit au bail de 1989 passé entre la société Pognon Genève et la société Multiplicata que dans le bail en renouvellement de 1999 bien que celui-ci soit postérieur à la réalisation de travaux .

Le plan de l'état des lieux actuel du premier étage a été approuvé par le mandataire de la bailleresse en mai 1990 et celle-ci a donné son accord au renouvellement du bail rédigé en 1999 ; il ne peut dans ces conditions être invoqué quelque manquement que ce soit du preneur résultant d'un défaut allégué d'autorisation à une modification apportée par la locataire aux caractéristiques des lieux dont la réalité elle-même n'est pas démontrée .

A fortiori cette modification alléguée et non démontrée concernant le premier étage ne peut- elle constituer une amélioration de lieux susceptible d'entraîner un déplafonnement lors du second renouvellement du bail .

S'agissant de la couverture alléguée du vide du troisième étage, réalisée également selon les bailleurs à leur insu, elle résulte selon eux de la seule comparaison de l'état des lieux actuel avec des plans plus anciens dont il a été dit plus avant que la preuve de ce que ces plans correspondent à l'état des lieux lors de l'entrée de la société Mutilplicata n'est pas rapportée ;

Il s'ensuit que pas davantage que pour le premier étage, les bailleurs ne rapportent ils la preuve que la société Multiplicata a modifié la consistance des lieux loués à l'insu de la bailleresse et de ce que cette modification constitue une amélioration des lieux loués ;

*Sur la modification des facteurs locaux de commercialité et leur influence sur le commerce considéré :

Les bailleurs font valoir que contrairement à ce que soutient la société Mutilplicata , les locaux sont ouverts à un large public auquel elle propose des expositions et des livres d'art, et non aux seuls collectionneurs ou amateurs d'art éclairés et aux musées ;

Ils soutiennent que la société a ainsi tiré profit de l'attrait particulier que présente pour l'exercice de son activité , son emplacement ' en attirant une clientèle susceptible si ce n'est d'acheter ses oeuvres à tout le moins de faire venir à elle les critiques et par suite, les grands collectionneurs et les musées '.

Ils estiment que contrairement à ce qu'a retenu l'expert judiciaire, le secteur de chalandise ne saurait de limiter au seul onzième arrondissement mais doit s'étendre aux arrondissements voisins , que le onzième arrondissement a à lui seul connu un essor important dans le domaine culturel et artistique comme en témoignent l'implantation de nombreuses galeries d'art et les manifestations d'art organisées, sans compter les constructions nouvelles rue de Lappe et la réalisation du circuit piétonnier de la coulée verte .

S'agissant des modalités d'ouverture de la galerie d'art au public qui ont été modifiées au cours du bail expiré, passant d'une ouverture quasi permanente à une ouverture, en dehors des expositions, sur invitations ou sur rendez-vous, sur les circonstances desquelles les parties s'opposent, il convient de retenir que la clientèle d'acheteurs des oeuvres exposées dans la galerie est composée essentiellement d'amateurs d'art éclairés ou de collectionneurs avertis , eu égard à la qualité et la nature des oeuvres exposées ( souvent en grand format ) ainsi qu'à leur prix ;

Cette donnée non sérieusement contestée n'est pas affectée par l'organisation d'expositions temporaires destinées à sensibiliser un public plus large à l'art contemporain, public qui n'est d'ailleurs pas uniquement constituée des chalands de l'arrondissement .

Cette appréciation est confortée par un article paru dans le journal Le Monde ( 28/29 septembre 2003 ) à propos de l'exposition Art Paris ou il est écrit ' elle est tirée vers le haut par la présence de quelques grands de la profession comme [I] et [B] [T] [W] , leur galerie n'est plus ouverte aux badauds mais reçoit les amateurs , tranquillement, calmement .'.

Les bailleurs produisent eux mêmes une critique de la cinquième édition de l'exposition 'artist book international'( 27-29 mai 2005) qui décrit ainsi la galerie comme un lieu prestigieux de la scène artistique internationale ;

Les bailleurs soulignent encore que durant le bail expiré, sept galeries se sont implantées dans un rayon de 400 à 500 mètres dans le onzième arrondissement et deux dans le douzième arrondissement et que dans un rayon de 500 à 800 mètres, trois autres ont vu le jour dans le onzième arrondissement, 2 dans le troisième, 3 dans le quatrième, et une dans le douzième , ce qui témoigne de la vitalité du secteur dans le domaine de l'art .

Les bailleurs ne contredisent cependant pas l' affirmation de l'expert suivant lesquelles, six des galeries d'art recensées dans un rayon de 400 mètres en 1997, hormis la galerie [L] au [Adresse 2] omise à tort par l'expert comme faisant partie des galeries existant toujours en 2006, n'existaient plus à la date du renouvellement du bail en 2006 de sorte que les implantations nouvelles, dans le onzième arrondissement, au nombre de six et non sept ( la galerie Lavisgnes Bastille a été créée en 1985 ) dans un rayon de 400 à 500 mètres autour de la galerie en cause ne font que compenser les fermetures, exception faite cependant des deux galeries d'art implantées dans ce périmètre coté 12° arrondissement .

Il est au surplus sans intérêt d'examiner l'impact de la création de neuf galeries, non nécessairement comparables à celle en cause, dans un secteur élargi à 800 mètres vers les troisième, quatrième et douzième arrondissement dés lors que les bailleurs ne justifient pas des raisons objectives de retenir un tel périmètre dont ils ne décrivent d'ailleurs aucune autre modification notable des facteurs de commercialité survenus au cours du bail expiré susceptibles d'avoir une influence positive sur le commerce en question et alors que la zone d'influence de la galerie compte tenu de sa notoriété et de la qualité des oeuvres exposées ne se limite pas même à ce secteur élargi ainsi qu'il a été apprécié plus avant .

Par ailleurs, la tenue hebdomadaire du marché des arts et de la création prés de la place de la Bastille , comme la création dans les locaux autrefois occupés par le créateur [Y] [N] [S] [Adresse 8]' qui visent au développement d'un artisanat d'art dans des domaines variés (vêtements, accessoires, , bijoux, objets décoratifs .. ) sont sans influence sur l'activité de la galerie qui commercialise des oeuvres et s'adresse à un public totalement distincts;

Quant à l'activité des boutiques implantées sous le viaduc des arts, également dédiées à des réalisations artisanales outre que celles-ci sont éloignées de plus de 500 mètres des locaux loués, elle est également et pour les mêmes raisons sans influence sur la commercialité de la galerie d'art considérée .

Seul le grand marché d'art contemporain est susceptible de drainer la même clientèle que celle de la galerie mais il a lieu une fois par an pendant quelques jours et ne peut donc avoir un impact notable et favorable sur le commerce de la galerie .

Dans ces conditions, outre qu'il n'est pas démontré que les constructions de la rue de Lappe dont les bailleurs font état aient été achevées au cours du bail expiré, celles ci qui ne concernent selon la société Multiplicata que des réhabilitations d'immeubles anciens d'une trentaine de logements , sont sans impact sur la commercialité de la galerie, pas davantage que n'a d'influence le caractère piétonnier de la coulée verte ;

Il s'ensuit que faute de démontrer l'existence d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant eu au cours du bail expiré une influence favorable sur le commerce considéré et faute d'établir que les travaux réalisés par les locataires ont constitué une amélioration des lieux loués , les bailleurs ne sont pas fondés à demander le déplafonnement du prix du loyer du bail renouvelé .

Le loyer du bail renouvelé est fixé en conséquence en application de l'article L 145-34 du code de commerce en fonction de la valeur indiciaire du coût de la construction survenue depuis la dernière fixation du loyer , soit à la somme de 76 748 € .

Les bailleurs supporteront les entiers dépens d'appel et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance resteront supportés par moitié par les deux parties , incluant les frais d'expertise .

PAR CES MOTIFS

Reformant le jugement déféré, sauf en ses dispositions concernant les dépens incluant les frais d'expertise qui sont confirmées,

Statuant à nouveau,

Fixe le loyer du bail renouvelé au 1° janvier 2007 portant sur les locaux situés [Adresse 7], en application de l'article L145-34 du code de commerce , en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, à la somme de 76 748€ ;

Condamne les consorts [X] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Guizard avoués .

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/14949
Date de la décision : 27/04/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°10/14949 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-27;10.14949 ?
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