RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 07 Avril 2011
(n° 4, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11824
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Octobre 2008 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU Activités Diverses RG n° 07/00853
APPELANT
Monsieur [I] [K]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Ibrahima FATY, avocat au barreau de PARIS, toque : E271
INTIMEE
SAS C.E.P.L. COURTABOEUF
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P470 substitué par Me Valérie BATIFUOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : P470
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Michèle BRONGNIART, Président, chargé d'instruire l'affaire et de Monsieur Thierry PERROT, Conseiller.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Michèle BRONGNIART, Président
Monsieur Thierry PERROT, Conseiller
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Michèle BRONGNIART, Président et par Mlle Véronique LAYEMAR, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA COUR,
Le 12 septembre 2006, M. [K] a été engagé par la SAS CEPL Courtaboeuf, par contrat à durée déterminée 'à effet au 11 septembre 2006 inclus' pour prendre 'fin le 29 décembre 2006 inclus', en qualité de chef d'équipe, agent de maîtrise coefficient 220, aux conditions générales de la convention collective parfumerie esthétique.
Le 19 décembre 2006, M. [K] a été élu membre du comité d'hygiène et de sécurité.
Par avenant du 22 décembre 2006, le contrat à durée déterminée a été renouvelé pour 's'achever au 30 juin 2007 inclus'. Aux termes de cet avenant, M. [K] assurait des fonctions de responsable de réception avec pour mission de définir des plans de charges mensuels et hebdomadaires, d'établir des tableaux de bord rendant compte de ses activités et performances, de gérer le personnel sous sa responsabilité.
Le 16 février 2007, M. [K] a été désigné secrétaire du CHSCT.
Du 13 au 15 juin 2007, M. [K] a suivi une formation destinée aux membres du CHSCT.
Le 29 juin 2007, la société CEPL Courtaboeuf a établi le solde de tout compte de M. [K] qui l'a signé sous réserve du paiement d'heures supplémentaires et du 'droit de contester la procédure et les conditions dans lesquelles il a été brutalement mis fin à son contrat'.
La cour statue sur l'appel interjeté le 17 novembre 2008 par M. [K] du jugement rendu par le Conseil des prud'hommes de Longjumeau le 10 octobre 2008 notifié par lettre réceptionnée le 25 octobre qui
- l'a débouté de l'ensemble de ses demandes en paiement pour non respect de son statut protecteur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral et pour perte de chance,
- a condamné la société CEPL Courtaboeuf à lui payer
. 829,34 € au titre des heures supplémentaires,
. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
en ordonnant l'exécution provisoire et en condamnant la société CEPL Courtaboeuf aux entiers dépens.
Vu les conclusions du 24 février 2011 au soutien de ses observations orales par lesquelles M. [K] demande à la cour de
- constater que le jugement est entaché d'erreurs,
- 'l'annuler' et le réformer,
et statuant à nouveau, de
- constater la violation par la société CEPL de son statut protecteur,
- condamner la société CEPL à lui verser
. 52800 € au titre de la méconnaissance du statut protecteur d'élu au CHSCT,
. 5000 € au titre des conditions vexatoires et de préjudice moral,
. 5000 € au titre de la perte de chance,
. 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions du 24 février 2011 au soutien de ses observations orales par lesquelles la société CEPL Courtaboeuf demande à la cour de
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter M. [K] de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire
- dire que M. [K] ayant renoncé à la réintégration proposée le 5 novembre 2007, ne peut solliciter une indemnité équivalente aux salaires qu'il aurait pu percevoir au delà de cette date,
- dire que l'indemnité qui peut être perçue pour violation du statut protecteur ne se cumule pas avec les indemnités de rupture ni avec les revenus perçus par M. [K] sur la même période,
en conséquence
- dire que M. [K] devra justifier de ses revenus à compter du 1er juillet 2007 ou être débouté de toutes ses demandes,
- condamner M. [K] à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur la nullité du jugement
Considérant que les erreurs invoquées par M. [K] ne sont pas de nature à fonder une annulation du jugement au sens du code de procédure civile ;
Sur les heures supplémentaires
Considérant que le jugement déféré n'est pas critiqué en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement d'heures supplémentaires ; qu'il sera confirmé de ce chef ;
Sur la rupture du contrat à durée déterminée
Considérant qu'il est constant que le contrat à durée déterminée dont M. [K] était titulaire qui comportait une clause de renouvellement avait un terme précis, que M. [K] a été élu au CHSCT plus d'un mois avant la fin des relations contractuelles dont la poursuite dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée avait été discutée ;
Considérant que M. [K] est fondé à soutenir que la saisine de l'inspection du travail s'imposait dès lors qu'il s'agissait de l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée ;
Qu'en effet, selon l'article L 2421-8 du code du travail, l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée n'entraîne la rupture qu'après constatation par l'inspecteur du travail saisi en application de l'article L 2412-1, que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire ; que le renvoi fait à l'article L 2412-1qui accorde le bénéfice de la protection au représentant du personnel au CHSCT rend cette procédure applicable en l'espèce dès lors que le contrat à durée déterminée initial avait été renouvelé et que la date du 30 juin 2007 en constituait le terme ; qu'en effet, la mise ne oeuvre de la clause de renouvellement a eu pour effet de reporter à la fin de la période renouvelée le terme initialement fixé ;
Que, pour soutenir que la saisine de l'inspecteur du travail ne s'impose que si et seulement si le contrat ne comportait pas de faculté de renouvellement ce qui n'était pas le cas puisque le contrat à durée déterminée de M. [K] avait déjà était renouvelé, la société CEPL Courtaboeuf invoque vainement les dispositions des articles L 2412-2 à L 2412-13 ; qu'en effet ces articles, applicables aux salariés protégés visés à l'article L 2412-1, titulaires d'un contrat à durée déterminée, n'envisagent que le cas de rupture avant l'échéance du terme en raison d'une faute ou du non-renouvellement du contrat à durée déterminée comportant une telle clause et non pas celui qui est dû à l'arrivée du terme du contrat ; que l'article l'article L 2421-8 du code du travail vise 'l'arrivée du terme' sans aucune exclusion ;
Que, s'il est constant que les parties avaient envisagé la poursuite des relations contractuelles dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, la société CEPL Courtaboeuf soutient vainement que M. [K] a refusé de signer un tel contrat dès lors qu'elle ne justifie pas lui en avoir soumis un pour signature, qu'elle a réglé la prime de précarité qui, dans cette hypothèse, n'est pas due et qu'en tout état de cause, M. [K] aurait été fondé à refuser le contrat à durée indéterminée prétendumment proposé dès lors qu'il portait sur un poste de chef d'équipe et non pas de responsable réception, fonctions mentionnées dans l'avenant du 22 décembre 2006 et le certificat de travail du 30 juin 2007 ; que l'attestation établie par le directeur général de la société CEPL Courtaboeuf, représentant l'employeur notamment auprès de l'inspection du travail et des salariés (signature du certificat de travail et du solde de tout compte) est privé de toute pertinence ; qu'enfin, il n'est pas contesté par la société CEPL Courtaboeuf que le poste rempli par M. [K] était nécessaire au fonctionnement de l'entreprise et a été immédiatement pourvu après son départ ;
Sur les conséquences
Considérant qu'en remettant un solde de tout compte à M. [K] le 30 juin 2007, la société CEPL Courtaboeuf a manifesté sa volonté de rompre les relations contractuelles ; que faute d'avoir respecté la procédure de l'article L 2421-8 du code du travail, cette rupture, imputable à l'employeur est entachée de nullité ;
Considérant qu'en l'absence de texte prévoyant un droit à réintégration pour le salarié protégé bénéficiant d'un contrat à durée déterminée auquel l'employeur a mis fin sans respecter la procédure de l'article L 2421-8 du code du travail, M. [K] est fondé à demander le paiement des salaires entre le 1er juillet 2007 et la fin de la période de protection, juin 2009, peu important qu'il ait renoncé à cette demande après que l'employeur l'ait acceptée dès lors que cette renonciation est intervenue avant que la juridiction ne l'ait ordonnée ;
Considérant qu'indépendamment de l'absence de saisine de l'inspection du travail, le comportement de l'employeur à l'égard M. [K] lui a nécessairement causé un préjudice ; que s'agissant de la perte de chance de retrouver un emploi, il sera constaté que M. [K] a justifié, le 27 novembre 2007, la renonciation à la réintégration par l'évolution de sa situation c'est-à-dire par le fait qu'il avait trouvé un nouvel emploi ; qu'en conséquence, l'ensemble des préjudices subis sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 3500 € de dommages et intérêts ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a statué sur les heures supplémentaires,
L'INFIRME pour le surplus,
Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,
DIT qu'un mois avant l'arrivée du terme du contrat à durée déterminée dont M. [K], membre du CHSCT, était titulaire, la société CEPL Courtaboeuf, devait saisir l'inspection du travail,
CONSTATE que la société CEPL Courtaboeuf n'a pas saisi dans le délai qui lui était imparti l'inspection du travail,
DECLARE nulle la rupture du contrat à durée déterminée dont M. [K] était titulaire,
CONDAMNE la société CEPL Courtaboeuf à payer à M. [K] , avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 52800 € à titre d'indemnité pour méconnaissance du statut protecteur,
. 3500 € à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE la société CEPL Courtaboeuf à payer à M. [K] 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de toutes demandes, fins ou prétentions plus amples ou contraires, infondées,
CONDAMNE la société CEPL Courtaboeuf aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,