Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 6 AVRIL 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19279
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Juillet 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL 5ème chambre - RG n° 06/07800
APPELANTS
Monsieur [J] [U] [D]
Madame [I] [V] [C] [M] épouse [D]
demeurant tous deux [Adresse 1]
représentés par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour
assistés de Maître RAIMON ( SCP AKPR) avocat au barreau de Créteil
INTIMES
SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
ayant son siège [Adresse 4]
SA MMA IARD, venant aux droits D'AZUR ASSURANCES
ayant son siège [Adresse 3]
représentées par la SCP ALAIN RIBAUT ET VINCENT RIBAUT, avoués à la Cour
assistées de Maître DELAGNEAU substituant Maître MANDIN (SCP COMOLET MANDIN) avocat
ASSIGNEE EN INTERVENTION FORCEE
SELARL SMJ, venant aux droits de Maître CHAVANE DE DALMASSY Olivier
[Adresse 2]
en qualité de liquidateur judiciaire de Mr [Y] [R] [R] [R]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Michel ZAVARO, président
Madame Marie-José THEVENOT, conseillère
Madame Dominique BEAUSSIER, conseillère
qui en ont délibéré.
rapport oral de Madame THEVENOT conseillère, conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Hélène ROULLET
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur ZAVARO, président et par Madame ROULLET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Selon devis du 26 février 2002 les époux [D] ont confié à l'entreprise [R] [R] [R] des travaux de rénovation et d'extension de leur maison d'habitation.
L'entreprise [R] [R] [R] avait souscrit une police garantissant sa responsabilité décennale pour la période du 10 septembre 1997 au 31 décembre 2002 auprès de la société AZUR aux droits de qui vient MMA , à compter du 1er janvier 2003 auprès de la société SWISSLIFE, et avait également souscrit une assurance garantissant sa responsabilité civile professionnelle auprès de la société SWISSLIFE pour la période du 24 avril 2002 au 24 avril 2003.
Les travaux ont été interrompus en avril 2003.
L'entreprise [R] [R] [R] a réclamé le paiement de situations et les époux [D] la réparation de désordres affectant les travaux.
Une expertise a été ordonnée par le juge des référés.
Au vu du rapport déposé en 2005 les époux [D] ont assigné l'entreprise [R] [R] [R] et ses assureurs devant le tribunal de grande instance de Créteil.
L'entreprise [R] [R] [R] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 8 octobre 2008, transformée ensuite en liquidation.
Par jugement du 17 juillet 2009 le tribunal de grande instance de Créteil a :
-prononcé la résiliation du marché de travaux aux torts exclusifs de M. [R] [R] [R] à la date du 30 avril 2003;
-dit irrecevable la demande de M. [R] [R] [R] en paiement du solde du marché;
-dit M. [R] [R] [R] entièrement responsable des désordres;
-fixé la créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [R] [R] [R] aux sommes de 150.618€ HT outre TVA et indexation pour le préjudice matériel, 15.750€ HT outre TVA et indexation au titre des frais de maîtrise d'oeuvre, 72000€ au titre du préjudice de jouissance, 6892,67€ au titre de frais ,
-condamné la MMA au paiement aux époux [D] d'une somme de 5000€ HT outre TVA au titre du désordre affectant le balcon, et à garantir la liquidation de M. [R] [R] [R] pour cette somme,
-débouté les parties de leurs autres demandes.
Les époux [D] ont fait appel.
Ils sollicitent l'infirmation du jugement en ce qui concerne les demandes faites à l'encontre des assureurs et réclament sur le fondement des articles 1382,1383 du code civil , L 112-3 et L 113-8 du code des assurances la condamnation des sociétés SWISSLIFE et MMA IARD à leur payer les sommes réclamées, ainsi qu'une somme de 20000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils réclament la confirmation des sommes allouées à l'exception de la somme relative au préjudice de jouissance dont ils demandent qu'elle soit portée à 180.000€ outre une somme de 2500€ par mois de la date du jugement jusqu'à celle de l'arrêt, et de celle relative aux frais divers exposés dont ils demandent qu'elle soit portée à 33.452,89€.
La selarl SMJ, assignée le 29 novembre 2010 en qualité de liquidateur judiciaire de M. [R] [R] [R], aux lieu et place de Maître Chavanne de Dalmassy, n'a pas comparu.
La société MMA et la SWISSLIFE ont conclu à titre principal à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire à son infirmation en demandant, sur le préjudice matériel de le voir réduire à 108.618€, sur les dommages immatériels dire qu'ils sont exclus de la garantie, le débouté du surplus des réclamations, ainsi que l'application des plafonds de garantie et franchise contractuels.
La SWISSLIFE demande en outre que soit rejetée toute condamnation in solidum entre elle et la MMA.
Toutes deux demandent la condamnation des époux [D] à leur payer à chacune une somme de 6000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la garantie des assureurs:
Les époux [D] reprochent aux assureurs d'avoir délivré des attestations d'assurance garantissant M.[R] [R] [R] alors que celui-ci se trouvait pour dix ans en interdiction de gérer son entreprise de bâtiment, à la suite d'une décision du tribunal de commerce du 28 janvier 1998, et soutiennent qu'en s'abstenant de vérifier l'état de l'entreprise qu'ils assuraient, ils ont créé une apparence de solvabilité de celle-ci engageant leur responsabilité pour faute vis à vis des tiers, et en s'abstenant de poser à l'assuré les questions de nature à connaître son état, ils ont commis une négligence les empêchant de se prévaloir des déclarations inexactes de l'assuré.
Cependant le contrat d'assurances a été souscrit par M.[R] [R] [R] auprès de la société AZUR à effet du 10 septembre 1997; Or à cette date M. [R] [R] [R] ne faisait encore l'objet d'aucune interdiction de gérer ni d'aucune autre mention négative inscrite au répertoire des métiers; Le lien de causalité entre une éventuelle négligence commise par l'assureur et la croyance des tiers en une santé normale de l'entreprise n'est donc pas démontrée à ce stade.
Ensuite le contrat s'est renouvelé tacitement à chaque échéance et l'assureur a délivré diverses attestations conformes à la police initialement souscrite;
Aucun texte légal ni réglementaire ne contraint l'assureur à vérifier l'état de l'assuré lors du renouvellement tacite du contrat ni lors de la délivrance des attestations, quelle que soit la fréquence de celles-ci.
Par ailleurs les époux [D] n'indiquent pas à quelle date exacte ils ont signé le contrat de construction avec M. [R] [R] [R] mais le premier devis qu'ils ont déclaré avoir accepté est daté du 26 février 2002. Dans diverses lettres du 7 mai 2003 et 2 juin 2003 notamment, adressées au conseil de l'entreprise [R] [R] [R], ils ont indiqué que les travaux avaient commencé ce 26 février 2002 et que leur achèvement était prévu le 13 décembre 2002. Or les époux [D] qui ne précisent pas à quelle date ils ont reçu les attestations d'assurances n'établissent pas en tous cas qu'ils les avaient reçues antérieurement à la signature du marché;
En cet état, une faute de la société MMA en relation causale avec un préjudice subi par les époux [D] du fait de leur engagement auprès de l'entreprise [R] [R] [R] n'est donc pas caractérisée;
En ce qui concerne la société SWISSLIFE, cette relation causale est d'autant moins établie qu'au moment où la police de responsabilité civile professionnelle de l'entreprise [R] [R] [R] a été souscrite, à effet du 22 avril 2002, le marché d'origine avait déjà été conclu et avait reçu un début d'exécution, et que la police d'assurance décennale a été quant à elle souscrite encore postérieurement, à effet du 1er janvier 2003. Il ne peut être retenu comme le soutiennent les époux [D] que s'ils avaient pu connaître au 1er janvier 2003 un refus d'assurances éclairé de la société SWISSLIFE ils auraient pu résilier le marché pour défaut d'assurances, dès lors que la date d'ouverture de chantier est du 24 septembre 2002 et que la police antérieurement souscrite auprès de la société AZUR garantissait bien la responsabilité décennale de l'entreprise pour les chantiers ouverts avant le 30 septembre 2002 .
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis hors de cause les assureurs.
Sur le montant de la créance des époux [D] :
Seuls sont contestés le montant du préjudice de jouissance et celui des frais divers.
En ce qui concerne le trouble de jouissance, l'expertise a mis en évidence l'inachèvement des travaux entrepris par M.[R] [R] [R] et la nécessité de reprendre de nombreuses malfaçons. Le tribunal a chiffré le coût des reprises, la réparation des troubles subis et a ordonné l'exécution provisoire. L'évaluation du préjudice de jouissance doit être arrêtée au jour où les travaux de reprise auraient pu juridiquement être exécutés et mettre fin aux troubles, c'est à dire à partir du jugement assorti de l'exécution provisoire. Il ne peut donc être fait droit à la demande des époux [D] tendant à ce que leur préjudice soit augmenté d'une somme mensuelle jusqu'à la date du présent arrêt. En revanche, s'agissant de l'évaluation totale de leur préjudice, au regard de l'ampleur des troubles subis et des caractères de leur habitation, il y a lieu de réformer le jugement et d'en porter la réparation à 110.000€.
En ce qui concerne le coût des travaux nécessaires aux reprises, les premiers juges les ont évalués à 157500€ HT, somme moyenne entre les évaluations de l'expert et le montant des devis produits par les époux [D]. Aucun chiffrage plus précisément détaillé ne pouvait être effectué compte tenu du fait que les époux [D] ne souhaitaient pas la réfection à l'identique et que celle-ci n'était pas techniquement possible sur de nombreux points. Les époux [D] soutiennent avoir dû supporter d'autres frais, d'attente, d'installation provisoire et de sécurisation qui n'ont pas été pris en compte . Il est certain qu'ils ont supporté des frais annexes aux réparations proprement dites Les pièces qu'ils produisent sur ce point en établissent la réalité sans toutefois justifier de la totalité de leurs affirmations et du lien nécessaire et direct entre toutes les dépenses effectuées et les désordres. La cour estime disposer des éléments suffisants pour les fixer à 25000€.
Les autres dispositions du jugement ne font pas l'objet de contestations.
L'équité et la situation des parties commande le rejet des demandes des assureurs fondées sur l'article 700 du code de procédure civile .
Par ces motifs, la cour,
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne la somme fixée au titre du préjudice de jouissance et porte celle-ci à 110.000€;
Y ajoutant, fixe à 25.000€ la créance de [J] [D] et [I] [M] épouse [D] au titre des frais matériels engagés pour l'aménagement provisoire de leur habitation;
Dit que les dépens d'appel seront supportés par la liquidation judiciaire de l'entreprise de M. [R] [R] [R] ;
Déboute les sociétés MMA IARD et SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile;
Autorise le recouvrement des dépens par les avoués de la cause dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT