Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 6 AVRIL 2011
(n° 102, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18274
Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation prononcé le 16 juin 2009 emportant cassation d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de PARIS - 7ème chambre - section A le 30 octobre 2007sur appel d'un jugement rendu le 22 janvier 2004 par le Tribunal de commerce de PARIS 14ème chambre sous le n° RG 99086692.
DEMANDERESSES A LA SAISINE
S.A GROUPAMA TRANSPORTS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Localité 12]
S.A GENERALI ASSURANCES IARD venant aux droits de la SA CONTINENT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 11]
[Localité 13]
Société COVEA FLEET venant aux droits des MUTUELLES DU [Localité 20] ASSURANCES IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 13]
SA GAN INCENDIE ACCIDENTS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 9]
[Localité 12]
SA GENERALI FRANCE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 10]
[Localité 12]
SA ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALITY FRANCE
nouvelle dénomination de ALLIANZ MARINE & AVIATION (FRANCE) anciennement ALLIANZ ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 19]
[Adresse 19]
[Localité 16]
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 13]
représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me GODIN Philippe, avocat au barreau de PARIS - toque R259
DEFENDEURS A LA SAISINE
S.A TCS venant aux droits de la SOCIETE TRI EST SARL
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me BODIN-CASALIS Chantal, avoué à la Cour
assistée de Me FOURMENTIN Christine, avocat au barreau de BORDEAUX plaidant pour la SCP LOCA -CHAMBOLLE, avocats
SA ZURICH ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 14]
Société de droit étranger GERLING KONZERN
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 15]
SA MUTUELLES DU [Localité 20] ASSURANCES IARD
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Localité 15]
Maître [L] [G] es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société MUTUELLE ELECTRIQUE D'ASSURANCE
[Adresse 8]
[Localité 17]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me de RYCK Xavier, avocat au barreau de PARIS - toque R18
plaidant pour la SCP ASA, avocats
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 février 2011 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.LE FEVRE, président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 22 janvier 2004 du Tribunal de commerce de PARIS qui, dans un litige entre d'une part, la société ACCOR qui avait confié à la société CRIE, commissionnaire de transport, le transport par voie terrestre d'[Localité 18] à [Localité 21] de 212 colis de tickets restaurant qui ont été volés alors qu'ils se trouvaient dans les locaux de la société TRI-EST à [Localité 21], et ses assureurs les sociétés GROUPAMA, le CONTINENT et autres, d'autre part la SA TCS, transporteur et sous-commissionnaire, la SARL TRI-EST et leurs assureurs respectifs les sociétés BRITISH AND FOREIGN et GAN EUROCOURTAGE, a dit la société anonyme CRIE et ses sous-commissionnaires TCS et TRI-EST responsables des conséquences du vol commis le 25 septembre 1998, mais a constaté que la société ACCOR avait déjà été indemnisée par la société CRIE des conséquences du vol et en conséquence débouté toutes les parties de leurs demandes respectives ;
Vu l'arrêt de cette Cour, 7ème chambre A , du 30 octobre 2007 qui, sur appel des sociétés GROUPAMA TRANSPORTS et autres assureurs de la société ACCOR a réformé le jugement 'en ce qu'il avait débouté' de leurs demandes ces sociétés d'assurance - en fait en ce qu'il les avait déclaré recevables, les a déclarées irrecevables, a confirmé le jugement pour le surplus, et a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'arrêt du 16 juin 2009 de la Cour de cassation qui, sur pourvoi des sociétés GROUPAMA TRANSPORTS et autres, a cassé l'arrêt susvisé, mais seulement en ce qu'il les avait déclarées irrecevables en leurs demandes formées contre les sociétés TCS et TRI-EST et par voie de conséquence en ce qu'il avait rejeté les demandes de garantie de TCS et TRI-EST à l'encontre de leurs assureurs les sociétés MUTUELLE DU [Localité 20], GERLING et autres, au visa de l'article 1165 du Code civil et au motif que pour déclarer irrecevable l'action des assureurs de la société ACCOR contre les sociétés TCS et TRI-EST, l'arrêt retenait que les sociétés ACCOR et CRIE avaient conclu une convention en vertu de laquelle cette dernière pourrait accepter de 'déplafonner'les limites de responsabilité contractuelle telles qu'elles figuraient à ses conditions générales et prendrait à sa charge un montant maximum de 1 000 francs par paquet avec renonciation à recours au-delà de cette somme et qu'en vertu de cette convention la société CRIE avait adressé règlement de 177 417 francs à la société ACCOR qui l'avait accepté sans réserve; qu'en statuant ainsi alors que le transporteur et l'entrepositeur étaient tiers à la convention contenant la clause limitative de responsabilité liant l'expéditeur au commissionnaire de transport, la Cour d'appel avait violé le texte susvisé ;
Vu les conclusions du 13 janvier 2011 des sociétés GROUPAMA TRANSPORT, GENERALI ASSURANCES IARD, COVEA FLEET, GAN INCENDIE ACCIDENTS, GENERALI FRANCE, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE AND SPECIALITY et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES qui demandent à la Cour d'infirmer le jugement ; condamner les sociétés TCS, ZURICH ASSURANCES, GERLING KONZERN et MUTUELLES DU [Localité 20] IARD à leur payer les sommes de 280 927,56€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 24 septembre 1999 et capitalisation à compter de la première demande en ce sens du 26 mars 2003 et 15 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 7 février 2011des sociétés ZURICH ASSURANCES, GERLING KONZERN, MMA IARD et de Me [L] [G], es qualités de liquidateur judiciaire de la société MUTUELLE ELECTRIQUE D'ASSURANCE, qui demandent à la Cour de les déclarer hors de cause ; subsidiairement déclarer irrecevables les sociétés appelantes ; plus subsidiairement limiter l'indemnité à 1 737,92 € débouter TCS de toutes ses demandes, et réclament 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Vu les conclusions du 14 juin 2010 de la société TCS qui a conclu le contrat d'assurances responsabilité civile tant en son nom qu'au nom de sa filiale TRI-EST, aux droits de laquelle elle se trouve, l'ayant absorbée, qui demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les parties de leurs diverses demandes ; débouter les compagnies d'assurances GROUPAMA et autres ; en toute hypothèse, dire que TCS et TRI-EST n'ont pas commis de faute lourde ; dire que les compagnies d'assurance MUTUELLES DU [Localité 20] et autres devant la garantir et réclame 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant que les sociétés appelantes GROUPAMA et autres font justement valoir, en produisant la police d'assurance et les justificatifs de paiement qu'elles ont payé pour le 'sinistre n° 1992808130" au titre de la police n° 324488, 'groupe ACCOR' par chèques à l'ordre de ce dernier 1 572 029,06 francs le 16 juillet 1999 et 270 735 francs le 2 mars 2000, par l'intermédiaire du courtier [F] ; qu'elles sont légalement subrogées dans les droits de la société ACCOR ; que la conversion en euros et leur calcul de préjudice, ajoutant à la valeur des marchandises les commissions non perçues et déduisant les indemnités réglées par CRIE et la franchise, n'est pas précisément contesté ;
Considérant que la société ACCOR n'est plus en la cause, les dispositions de l'arrêt susvisé la concernant n'étant pas atteintes par la cassation ; que les assureurs de TCS soutiennent qu'en renonçant à invoquer la faute lourde, non pas de la société CRIE mais de la société TCS, la société ACCOR a perdu tout intérêt à agir contre le transporteur et l'entrepositaire et ne pouvait subroger ses assureurs dans des droits inexistants ; mais que c'est uniquement dans le cadre de ses relations contractuelles avec CRIE, commissionnaire de transport, qu'ACCOR a accepté sans réserve de la part de celui-ci un règlement de
177 417 F sans invoquer la faute lourde ; que ce règlement et cette acceptation ne valent pas renonciation, qui ne se présume pas, à l'égard du transporteur et de l'entrepositaire et n'ont pas pour effet de rendre les assureurs desdits transporteur et dépositaire irrecevables à demander la réparation intégrale du sinistre ; qu'il résulte de ce qui précède qu'ils y sont recevables ;
Considérant sur la responsabilité du transporteur TCS et de l'entrepositaire TRI-EST que les assureurs appelants rappellent que TRI-EST ayant été radiée du RCS le 1er avril 2003 par suite de sa fusion avec la société TCS, celle-ci est à ses droits et obligations en raison de la transmission universelle du patrimoine ;
Considérant que pour réclamer la réparation entière du préjudice, lesdits assureurs invoquent la faute lourde de TRI-EST ; qu'ils se réfèrent aux constatations d'un expert; M. [Z], mandaté par leur agent [F] pour enquêter sur les circonstances précises du vol ; que lesdits assureurs font valoir, en produisant des plans des lieux, que le site de l'entrepôt, occupé par quatre entreprises, n'était pas gardienné ; qu'il était accessible par un portail métallique coulissant dépourvu de serrure ; que l'entrée de l'entrepôt TCS était muni d'un rideau métallique enroulable ; que les 11 sacs regroupant les 212 colis de tickets restaurants étaient déposés à terre dans un 'réduit' et non une chambre de sécurité ;
Mais considérant que M. [Z] remarque que pour s'introduire dans les lieux, les malfaiteurs devaient manoeuvrer le rideau métallique à enroulement à partir du boîtier situé à l'extérieur de l'entrepôt ; que ce boîtier ne présentait aucune trace d'effraction ; que les intrus devaient donc en posséder la clé ou une copie ; que pour neutraliser l'alarme volumétrique protégeant l'entrepôt, il était nécessaire de composer un code à quatre chiffres sur un clavier situé à l'intérieur de l'entrepôt ; qu'au moins l'un des malfaiteurs devait connaître ce code ; que les malfaiteurs n'ont pas allumé l'éclairage mais sont allés directement dans le local où étaient entreposés les sacs, en passant par une porte de l'entrepôt, 'munie de serrures ordinaires', mais dont il n'est dit ni qu'elle n'ait pas été fermée à clef ni qu'elle ait été forcée ; que le vol des 11 sacs a été effectué en seulement 1 minute et 20 secondes ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que les voleurs connaissaient apparemment parfaitement les lieux, y compris les systèmes de sécurité, et disposaient des moyens d'y pénétrer; que dès lors il n'est pas démontré que des moyens de sécurité plus sophistiqués auraient empêché le dommage ; qu'il ne peut être reproché à TCS d'avoir communiqué à ses 40 chauffeurs et aux 20 chauffeurs sous-traitants les clés et codes nécessaires pour qu'ils puissent pénétrer dans les lieux pour les besoins de leur travail ; que les insuffisances de protection du site au-delà de l'entrepôt TCS concernaient non seulement cette dernière mais toutes les entreprises présentes sur le site et que rien ne prouve que TCS ait eu une pouvoir de décision à ce sujet ;
Considérant qu'en définitive, les circonstances du vol font apparaître des négligences de la part de l'entrepositaire, mais non une faute lourde en lien de causalité avec le dommage;
Considérant que la Cour de dispose pas d'éléments suffisants pour constater qu'il eut été possible pour ACCOR de stopper le paiement des tickets volés ; qu'elle ne saurait retenir que pour ce motif hypothétique ACCOR aurait elle-même créé son propre préjudice et que pour cette raison les demandes de ses assureurs seraient infondées ;
Considérant que le vol ayant eu lieu alors que les marchandises n'avaient pas encore été livrées au destinataire mais se trouvaient provisoirement dans les locaux de la société TRI-EST, en attendant d'être acheminées vers le destinataire, le contrat de transport était toujours en cours d'exécution ; que la limitation prévue au contrat type messagerie doit recevoir application ; que le calcul effectué dans ce cadre à titre subsidiaire par les assureurs de TCS n'est pas précisément contesté ; que la Cour condamnera en définitive la société TCS à payer aux assureurs ACCOR la somme de 1 737,92 € ; que le montant étant fixé par la Cour et la condamnation étant exécutoire du fait de l'arrêt, les contrats au taux légal seront dus à compter de celui-ci ;
Considérant sur le recours du TCS contre ses assureurs que ceux-ci font valoir que sont exclus de la garantie les conséquences du vol...'d'espèces, monnaies, billets de banque, titres, bons et valeurs...' ; que cette exclusion est en caractères très apparents, de même taille que les autres dispositions, clairement visible, introduite par des tirets ; que les 'titres' et les 'bons' sont clairement exclus, sans que cette exclusion soit limitée à certaines catégories ; que la divergence d'interprétation des parties pour les besoins de la cause ne suffit pas à caractériser l'ambiguïté; que les valeurs mobilières, au demeurant aujourd'hui dématérialisées pour l'essentiel ne sont pas seules concernées, mais tous les titres et bons ; que la société TCS qualifie elle-même les tickets restaurants dérobés de 'bons d'achat' ; que l'exception à l'exclusion, prévue par l'article 5-1-1 dommages-intérêts contrat ne concerne que les transports pour les 'organismes financiers', ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il s'ensuit que la garantie n'est pas due ;
Considérant que chaque partie triomphant et succombant partiellement, il est équitable de laisser à chacune d'elles la charge des frais irrépétibles et dépens ne concernant que ceux afférents au présent arrêt, ceux afférents à l'arrêt partiellement cassé n'étant pas atteints par la cassation ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris dans les limites la saisine résiduelle de la Cour sauf en qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens ;
Condamne la société TCS à payer aux sociétés GROUPAMA TRANSPORT et autres précitées, assureurs de la société ACCOR, la somme de 1 737,92 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, capitalisés le cas échéant selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Laisse à chacune d'elles la charge des dépens afférents au présent arrêt qu'elles ont engagés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT