RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 06 Avril 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/03959
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL - Section Encadrement - RG n° 08/01142
APPELANTE
Madame [N] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, P0392 substitué par Me Séverine BREDON, avocate au barreau de PARIS, P392
INTIMÉE
S.A. SERVISAIR FRANCE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Gaëlle LE BRETON, avocate au barreau de PARIS, J.014
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [N] [Y] a été engagée par la société Générale de Services Aéronautiques, suivant contrat à durée indéterminée du 10 juin 1997, en qualité d'assistante du personnel, coefficient 190 niveau 2, échelon 3, statut employé de la convention collective régionale des industries métallurgiques de la Région parisienne.
Par avenant ayant pris effet le 1er avril 2000, elle a été promue au poste d'assistante ressources humaines, coefficient 225, catégorie 3, niveau 2.
Un nouveau contrat à durée indéterminée a été conclu le 1er octobre 2007 entre Mme [Y] et la société anonyme Servisair France, anciennement Générale de Services Aéronautiques, portant novation de l'ensemble des clauses contractuelles à l'exception de l'ancienneté et des jours de repos supplémentaires acquis, contrat prévoyant notamment l'application de la convention collective nationale du transports aérien du personnel au sol (TAPS).
Mme [Y] est ainsi devenue responsable paie statut cadre.
Par courrier du 7 février 2008, elle a été informée de la création d'un pôle administratif dans les nouveaux locaux de la société Servisair France à [Localité 7] et de sa mutation à compter du 25 février 2008 en application de l'article 4 de son contrat de travail prévoyant une clause de mobilité.
Elle ne s'est pas présentée sur son nouveau lieu de travail les 25 et 26 février 2008 et par courrier du 27 février suivant, la société anonyme Servisair France l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui eut lieu le 14 mars 2008.
Elle a été licenciée pour motif personnel par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 mars 2008.
Contestant son licenciement et l'exécution de son contrat de travail, Mme [N] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 26 mars 2009, a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la société anonyme Servisair France fondée à appliquer la convention collective du transport aérien personnel au sol au contrat de travail de Mme [Y], débouté celle-ci de toutes ses demandes et la société anonyme Servisair France de sa demande d'indemnité de procédure, condamné Mme [N] [Y] aux dépens.
Régulièrement appelante, Mme [N] [Y] demande à la cour, dans ses conclusions déposées et soutenues lors de l'audience du 1er mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, d'infirmer cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes et, statuant à nouveau, de :
- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société anonyme Servisair France à lui verser les sommes de 59 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 15 000 euros à titre d'indemnité pour exclusion du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi,
- constater son droit de revendiquer une application distributive des conventions collectives du transport aérien, de la métallurgie et de la manutention et du nettoyage des aéroports,
- condamner la société anonyme Servisair France à lui verser les sommes de :
5 021,79 à titre de rappel de primes de fin d'année et 502,17 euros au titre des congés payés afférents,
3 430,27 euros à titre de rappel de primes de vacances et 343,02 euros au titre des congés payés afférents,
1 216,35 euros à titre de rappel de prime annuelle exceptionnelle et 121,63 euros, montant des congés payés afférents,
3 577,15 euros à titre de rappel de prime de panier et 17,62 euros au titre des congés payés afférents,
6 362,85 euros à titre de rappel d'indemnité de transport,
1 890,38 euros à titre de rappel de prime mensuelle et 189,03 euros au titre de congés payés afférents,
1 104,6 euros à titre de rappel de primes de ponctualité et 110,41 euros au titre des congés payés afférents,
1 175,75 euros à titre de rappel de prime de bonne conduite et 116,47 euros au titre des congés payés afférents,
3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures soutenues dans les mêmes conditions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société anonyme Servisair France conclut au débouté à la confirmation de la décision déférée et à l'allocation d'une indemnité de procédure de 3 000 euros.
MOTIFS
Sur le licenciement
Le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre les parties le 1er octobre 2007, emportant novation de 'l'ensemble des éléments acquis antérieurement par l'intéressée...'à l'exception de son ancienneté, conservée, et de ses jours de repos supplémentaires acquis à la date d'entrée en vigueur du contrat, comporte une clause de mobilité rédigée ainsi :
'Les fonctions de Madame [N] [Y] seront exercées principalement sur l'aéroport de [5] ainsi qu'en tout lieu nécessitant son intervention eu égard à ses fonctions.
En cas de besoins justifiés notamment par l'évolution de ses activités ou de son organisation et plus généralement par la bonne marche de l'entreprise, la société SERVISAIR se réserve le droit de muter définitivement Madame [N] [Y] dans l'un quelconque de ses établissements implantés en région parisienne.
En cas de mise en oeuvre de la présente clause, Madame [N] [Y] sera informée au minimum quinze jours avant son affectation effective dans son nouveau lieu de travail.'
Dans la lettre de licenciement du 18 mars 2008, la société anonyme Servisair France reproche à Mme [N] [Y] de ne pas s'être présentée sur son nouveau lieu de travail à [Localité 7] les 25 et 26 février 2008, de ne pas avoir davantage déféré à la lettre du 27 février 2008 par laquelle elle lui demandait de se présenter à [Localité 7], son refus d'accepter sa mutation, en dépit de la clause de mobilité contractuelle délimitée à la région parisienne, réitéré lors de l'entretien préalable, l'ayant contrainte à la licencier.
Mme [N] [Y] a effectué son préavis de trois mois dans les locaux de la société anonyme Servisair France à [Localité 6].
Elle expose avoir été informée le 7 février 2008, alors qu'elle était affectée à [Localité 6], de ce qu'elle devait se rendre à compter du 25 février 2008 sur son nouveau lieu de travail à [Localité 7], que l'argument avancé par la société anonyme Servisair France pour justifier cette mutation était la création d'un pôle administratif dans les nouveaux locaux de [Localité 7] prétendûment motivée par 'une amélioration des conditions de travail' et 'un regroupement sur un même site des services administratifs notamment le service des ressources humaines et paie, et de dans un but d'optimiser les relations professionnelles entre les différents services', que le service des ressources humaines et paie de la société anonyme Servisair France gérait la société anonyme Servisair France et la société Servisair Cargo, qu'au moment de sa mutation, ce service comprenait en outre une assistante paie Mlle [J], licenciée en mars 2008 pour le même motif qu'elle, une assistante ressources humaines Mme [M], également licenciée au même moment et pour le même motif, une responsable des ressources humaines, Mme [O] [R], licenciée pour motif personnel, Mme [M] et [J], travaillant à [Localité 6] comme elle ayant également reçu une lettre de mutation le 22 janvier 2008 sur le site de [Localité 7] et licenciées pour le même motif.
Elle ajoute que Mlle [U], qui travaillait sur le site de Villepinte avant son congé de maternité, avait également été informée de sa mutation à [Localité 7], puis, contre toute attente, a appris le 24 avril 2008, qu'elle était mutée non à [Localité 7] mais à [Localité 6] et non pas à titre provisoire comme l'a retenu le jugement entrepris, que le 27 mars 2008, le comité d'entreprise de la société anonyme Servisair France a été convoqué à une réunion prévue le 1er avril 2008 pour se voir présenter une projet de restructuration du service de maintenance 'agence 21" et de licenciements économiques, que le premier projet de réorganisation devait entraîner le licenciement de 8 postes, que le 17 avril 2008, ce projet de 'petit' licenciement a été annulé, la direction ayant informé les élus qu'un plan social pour l'emploi allait être mis en place, que le 29 avril 2008, le licenciement de 13 salariés a été annoncé, que ni elle ni Mmes [M] et [J] n'ont été remplacées, la société anonyme Servisair France n'ayant jamais déféré à la sommation de communiquer le registre unique du personnel, qu'il s'est agi en réalité d'un licenciement économique.
Elle prétend, en conséquence, que la société anonyme Servisair France a fait une utilisation abusive de la clause de mobilité contractuelle dans le seul but de pouvoir la licencier pour motif disciplinaire alors même que son poste, comme celui de l'ensemble des autres salariés du service ressources humaines et paie a été supprimé
Comme le réplique la société anonyme Servisair France, l'employeur peut imposer une mutation au salarié dont le contrat de travail comporte une clause de mobilité, à la condition que celle-ci définisse de façon précise sa zone géographique d'application, ce qui est le cas en l'espèce soit la région parisienne, le refus opposé au salarié à la mise en oeuvre de la clause de mobilité figurant à son contrat de travail constituant un motif réel et sérieux de licenciement.
La clause de mobilité étant présumée être mise en oeuvre de bonne foi, il appartient au salarié, en cas de contestation, d'apporter la preuve contraire.
Si Mme [N] [Y] prétend que la création d'un nouveau pôle administratif à [Localité 7] n'a été qu'un prétexte pour lui imposer un nouveau lieu de travail qu'elle allait être contrainte de refuser, compte tenu notamment du doublement de son temps de trajet soit 140 kms aller et retour au lieu de 70 kms aller et retour, la société intimée réplique à juste titre qu'elle ne pouvait anticiper le refus anticipé de la salariée qui avait accepté cette clause de mobilité et ne l'a d'ailleurs informée que dans le cadre de la présente procédure du doublement allégué de son temps de trajet.
S'agissant du motif prétendument économique du licenciement et au fait qu'elle n'aurait jamais été remplacée, l'intimée se prévaut de la chronologie des faits.
Elle justifie de ce qu'elle connaissait des difficultés économiques, ce qui l'a conduite dans un premier temps à reconsidérer l'organisation de son activité de maintenance et à envisager la suppression de huit postes au sein de son agence 21 spécialisée dans l'activité aéroportuaire, comme l'établissent les pièces 20 à 38 de Mme [N] [Y] et à présenter le 1er avril 2008 au comité d'entreprise une note à cette fin.
Cependant à cette date, comme elle l'établit, aucune suppression de postes n'était envisagée dans les services administratifs et ce n'est qu'à la suite du jugement du tribunal de commerce de Créteil du 9 avril 2008 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Servisair Escales, une de ses filiales, que, n'ayant plus comme seule filiale active que la société Servisair [Localité 4], elle a été tenue de revoir son organisation administrative et d'envisager la suppression de deux postes de comptable et d'un poste de technicien de paie, ce que reconnaît d'ailleurs l'appelante qui fait état dans ses conclusions de ce que 'l'activité de Servisair France, limitée à celle de la seule filiale SAPO (Servisair [Localité 4]) ne justifiait plus le nombre de postes administratifs et notamment le nombre de postes du service paie et RH'.
C'est dans ces conditions que l'employeur a engagé une nouvelle procédure de consultation le 29 avril 2008, après avoir réuni le comité d'entreprise le 17 avril.
Dès lors, Mme [N] [Y] ayant été licenciée le 18 mars 2008 pour avoir refusé de rejoindre son nouveau lieu de travail à [Localité 7] à compter du 25 février 2008, ne peut utilement arguer de ce que son licenciement procédait en réalité d'une cause économique, motif pris de l'établissement d'un plan social pour l'emploi un mois et demi plus tard, conséquence de la liquidation judiciaire de l'une des filiales de l'employeur prononcée le 9 avril 2008.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour exclusion du bénéficie du plan de sauvegarde pour l'emploi.
Sur l'application des conventions collectives du transport aérien, de la métallurgie et de la manutention et du nettoyage des aéroports
Mme [N] [Y] expose, en substance, que pour des raisons historiques trois conventions collectives différentes étaient applicables au sein de l'entreprise soit celle du transport aérien, celle de la manutention et du nettoyage des aéroports, celle de la métallurgie, qu'à compter du mois de février 2008, ses bulletins de paie ont mentionné la convention collective nationale du transport aérien et du personnel au sol au lieu et place de celle de la métallurgie, que c'est l'activité principale et réelle de l'entreprise qui détermine son assujettissement à une convention collective, qu'elle est ainsi fondée à revendiquer :
- le bénéfice des primes et avantages résultant de l'application de la convention collective de la métallurgie dont elle a bénéficié jusqu'en janvier 2008 non seulement au titre des avantages individuels acquis faute d'accord de substitution mais également au titre de l'engagement unilatéral de l'employeur d'appliquer cette convention jusqu'en janvier 2008, engagement qui n'a pas fait l'objet d'un accord de substitution, soit les primes de panier, transport, ponctualité, bonne conduite,
- au delà du principe d'égalité de traitement des salariés, les primes de fin d'année, vacances, annuelle exceptionnelle qui résulte de l'application de la convention collective de la manutention et nettoyage des aéroports dont relève l'activité principale de la société Servisair France et qui bénéficient toujours à certains salariés.
La convention collective applicable est, selon l'article L 2261-2 du code du travail, celle dont relève l'activité principale de l'employeur, les parties s'accordant à reconnaître que le code APE attribué par l'INSEE à l'entreprise a une valeur indicative et constitue ainsi une présomption simple d'application de la convention collective à laquelle ce code correspond.
Comme l'invoque sans être contestée la société Servisair France, elle exerce plusieurs activités :
- une activité assistance Fret et Poste qui consiste à assurer le transport du fret et de la poste entre les parkings avions et les gares de fret,
- une activité opérations en piste qui consiste notamment à réceptionner et à accueillir tous types d'avions, effectuer les remises en ligne et démarrages des avions en liaison avec le cockpit, assurer le chargement et le déchargement du frêt,
- une activité maintenance qui consiste à assurer l'entretien de ses engins de pistes,
- une activité administrative au sol et supervision activité 'froid' qui consiste dans le contrôle du dégivrage des avions.
Ces activités correspondent au champ d'application de la convention collective nationale du transport aérien et du personnel au sol.
La référence à cette même convention collective résulte du contrat de travail de Mme [N] [Y] et le code APE de la société correspond à son champ d'application.
Mme [N] [Y], par courrier du 21 mars 2008, en a d'ailleurs revendiqué l'application afin de bénéficier de deux heures de recherche d'emploi par jour (article 10 annexe 1 de cette convention).
La décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a débouté l'appelante de ses demandes de ces chefs.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Aucune circonstance d'équité n'appelle l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de Mme [N] [Y].
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement entrepris,
DIT n'y avoir lieu devant la cour à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [N] [Y] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE