RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 06 Avril 2011
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/09039
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 05/08616
APPELANTS
Monsieur [E] [W]
[Adresse 4]
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me François TOUCAS, avocat au barreau de VAR
UNION LOCALE CGT DE CHATOU
[Adresse 2]
[Localité 6]
non représentée
INTIMÉES
S.A.S. [L] FRANCE venant aux droits de la S.A.R.L. [L] DISTRIBUTION
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Stéphane LAUBEUF, avocat au barreau de PARIS, P0083 substitué par Me Christophe MEYNIEL, avocat au barreau de PARIS, P0083
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Mars 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [E] [W] a été engagé par la société à responsabilité limitée [L] (FR) devenue [L] Distribution suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 2 janvier 2002 en qualité de directeur régional, statut cadre, avec application des articles L 751-1 et suivants du code du travail relatif aux VRP, la convention collective applicable étant celle de l'habillement.
A la suite de la dissociation des activités logistiques et commerciales, son contrat de travail a été transféré à la SAS [L] France, créée afin de reprendre les activités commerciales, à compter du 1er janvier 2003.
Différents avenants ont ensuite été signés.
Après entretien préalable qui eut lieu le 16 juin 2005, M. [E] [W] a accepté le 21 juin la convention de reclassement personnalisée qui lui a été proposée et par lettre recommandée du 1er juillet 2005, la SAS [L] France l'a informé de ce que son contrat de travail était réputé rompu d'un commun accord.
Contestant la rupture et l'exécution de son contrat de travail, il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, l'Union Locale CGT de Chatou étant intervenue volontairement.
Le conseil de prud'hommes de Paris, par jugement du 28 janvier 2008, a :
- mis hors de cause la SARL [L] Distribution,
- condamné la SAS [L] France à verser au salarié les sommes de :
2 145, 67 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,
214, 57 euros au titre des congés payés incidents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
- débouté M. [E] [W] du surplus de ses prétentions, l'Union Locale CGT de Chatou de l'ensemble de ses demandes, la SAS [L] France de sa demande reconventionnelle en la condamnant aux dépens.
L'Union Locale CGT de Chatou, représentée par Mme [X] [M], a relevé appel de cette décision le 10 juillet 2008 et M. [E] [W] le même jour.
Les deux appels ont été joints.
Dans ses conclusions déposées, soutenues et rectifiées lors de l'audience du 2 mars 2011, M. [E] [W] demande à la cour d'infirmer cette décision et, statuant à nouveau, après avoir précisé diriger ses prétentions contre la SAS [L] France seule, du fait de la fusion-absorption intervenue le 20 octobre 2010, de :
* à titre principal, dire et juger que le transfert de son contrat de travail de la SARL [L] Distribution à la SAS [L] France est nul et de nul effet, ordonner, en conséquence, sa réintégration dans son emploi et son salaire sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ainsi que le versement de son salaire, sur la base du dernier salaire perçu et de l'évolution des salaires dans l'entreprise ; condamner subsidiairement la SAS [L] France au paiement d'une indemnité de 521 136 euros '+ mémoire',
* à titre subsidiaire, condamner la SAS [L] France à lui payer les sommes de :
5 264 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
63 168 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
73 289 euros au titre de l'indemnité de clientèle,
15 164, 91 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis,
2 978, 59 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés hors préavis,
1 516, 49 euros au titre du solde d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,
* à titre très subsidiaire, condamner la SAS [L] France à lui payer les sommes de :
63 168 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements,
73'289 euros au titre de l'indemnité de clientèle,
2978,59 euros, solde d'indemnité compensatrice de congés payés hors préavis,
9164,91 euros, solde de l'indemnité compensatrice de préavis,
1516,49 euros au titre des congés payés restant dû sur le préavis,
922,99 euros de remboursement des indemnités kilométriques,
* en tout état de cause, condamner la SAS [L] France à lui verser les sommes de :
15'792 euros à titre de dommages-intérêts pour non paiement des commissions trimestriellement avec intérêts au taux légal à titre compensatoire sur ces commissions à compter de chaque échéance trimestrielle exigible,
922,99 euros au titre des indemnités kilométriques restant dues dans le cas du remboursement des frais d'utilisation du véhicule personnel,
1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du non paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non remise de documents sociaux conformes,
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande également que les créances salariales soient assorties des intérêts légaux à compter de chaque échéance impayée, leur capitalisation et qu'acte lui soit donné de ce qu'il s'en rapporte quant aux demandes de l'Union Locale CGT de Chatou.
La SAS [L] France précise qu'elle subsiste seule, ayant absorbé la SARL [L] Distribution le 20 octobre 2010.
Elle demande à la cour, dans ses écritures déposées et soutenues lors de l'audience du 2 mars 2011 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, de prendre acte de cette fusion, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, débouter M.[E] [W] de toutes ses prétentions, constater que l'union locale CGT de Chatou ne maintient pas son appel et, en tout état de cause, rejeter toutes ses demandes.
Elle sollicite une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'appel relevé par l'Union Locale CGT de Chatou
L'Union Locale CGT de Chatou a relevé appel du jugement entrepris le 10 juillet 2008.
Elle a été régulièrement convoquée à la première audience du 16 février 2010, l'avis de réception ayant été signé le 4 septembre 2008.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 3 novembre 2010 au cours de laquelle elle était ni présente ni représentée.
L'ordonnance du 3 novembre 2010 désignant Mme [T] en qualité de médiatrice judiciaire, sursoyant à statuer sur toutes les demandes des parties et renvoyant l'affaire à l'audience du 2 mars 2011 à 13h30, lui a été régulièrement notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception dont l'avis de réception a été signé le 6 novembre 2011.
Elle n'était ni présente ni représentée lors de l'audience.
Il sera, en conséquence, constaté, comme le sollicite la SAS [L] France, qu'elle ne soutient pas son appel.
La cour, qui n'est tenue de répondre qu'aux moyens dont elle est régulièrement saisie, ne peut, en conséquence, que confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déboutée l'Union locale CGT de Chatou de toutes ses demandes.
Sur l'appel formé par M. [E] [W]
Du fait de la fusion absorption par la SAS [L] France de la SARL [L] Distribution, M. [E] [W] a précisé lors de l'audience diriger son appel et ses prétentions à l'encontre de la SAS [L] France.
* Sur la nullité prétendue du transfert du contrat de travail de M.[E] [W] à la SAS [L] France et les demandes subséquentes de M.[E] [W]
M. [E] [W] soutient que l'article L 1224-1 du code du travail ne pouvait pas s'appliquer au transfert de son contrat de travail à la SAS [L] France, eu égard à la collusion frauduleuse ayant existé entre la SARL [L] Distribution et la SAS [L] France, au fait que l'activité prétendument transférée de la SARL [L] Distribution à la SAS [L] France ne présentait aucun caractère d'autonomie, ne poursuivait aucun objectif propre tant dans ses moyens en personnel que dans l'organisation de sa production, qu'elle ne disposait pas davantage d'une clientèle propre et de locaux distincts, que bien au contraire, le siège social, le personnel et les moyens de production sont situés dans les mêmes locaux, que les deux sociétés ont continué à travailler de la même façon, qu'elles n'ont pas informé le personnel ni les représentants de celui-ci, à supposer qu'ils existent, de ce transfert.
Il ajoute que la cession de l'activité commerciale était manifestement une opération s'analysant en un démembrement des activités de la SARL [L] France et ne peut être regardée comme le transfert d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels présentant le caractère d'une entité économique autonome.
Il rappelle qu'en application de l'article L 431-1 du code du travail devenu l'article L2322-1 du même code, l'institution d'un comité d'entreprise est obligatoire dans les entreprises occupant au moins 50 salariés, que de surcroît les organisations syndicales ont la faculté de désigner un délégué syndical dans les entreprises de plus de 50 salariés, que le stratagème du groupe [L] a été de contourner ces dispositions légales en démembrant ses activités, qu'à la fin de l'année 2002, la SARL [L] Distribution réunissait les conditions fixées par l'article L 431-1 du code du travail pour mettre en place un comité d'entreprise en ce qu'elle avait occupé plus de 50 salariés sur une période de douze mois sur les trois dernières années, qu'elle déclarait en effet au 31 mars 2002, un effectif de 65 à 70 personnes et au 31 mars 2003 de 55 à 60 personnes, que cette collusion frauduleuse entre la SARL [L] Distribution et la SAS [L] France qui n'est en réalité qu'une seule et même entité économique, avec un unique dirigeant, M.[G], a ainsi permis de réduire les effectifs pour éviter la mise en place d'un comité d'entreprise et la désignation d'un délégué syndical.
Il en tire la conséquence que la cession de l'activité commerciale intervenue entre ces deux sociétés est entachée 'de nullité absolue en ce qu'elle a une cause illicite : la fraude aux dispositions légales d'ordre public de représentation du personnel' et, partant, en vertu de l'adage 'la fraude corromp tout', l'inopposabilité de ce transfert, qu'il n'a pas accepté expressément et ne peut se déduire de la seule poursuite du contrat de travail.
Il en déduit également être fondé à solliciter sa réintégration et à défaut, le paiement de ses salaires pendant 99 mois à compter du 1er janvier 2003, date de début du transfert litigieux soit 521 136 euros '+ mémoire'.
Il résulte de l'article L 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, que l'entité économique autonome dont le transfert entraîne la poursuite de plein droit avec le cessionnaire des contrats de travail des salariés qui y sont affectés s'entend d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité autonome qui poursuit un objectif propre, l'existence d'une activité économique autonome étant indépendante des règles d'organisation, de fonctionnement et de gestion du service exerçant une activité économique.
En application de ce texte, dès lors que le transfert intervient du seul effet de la loi, l'accord du salarié n'est pas requis, cet accord étant en revanche nécessaire lorsque les parties entendent faire une application volontaire de ces dispositions.
En l'espèce, comme en justifie la SAS [L] France, à la fin de l'année 2002, le groupe [L] a entendu mettre en place une nouvelle organisation selon laquelle la SARL [L] Distribution concentrait ses activités sur l'importation et le stockage des marchandises alors que la SAS [L] France concentrait les siennes sur la commercialisation et la vente de ses marchandises, que le 31 octobre 2002, la SAS [L] France a ainsi été créée, que le 16 décembre 2002, les sociétés [L] FR, employeur initial de M.[E] [W] et [L] France ont signé un 'contrat d'apport d'éléments de fonds de commerce' prévoyant l'apport d'une 'branche d'activité de distribution de produits textiles' comprenant l'enseigne, la clientèle et l'achalandage y attachés, les immobilisations et les salariés attachés à l'exploitation du fonds, étant précisé que la SAS [L] France avait l'obligation de poursuivre les contrats de travail attachés à l'exploitation du fonds, aux conditions de rémunération et d'ancienneté dont ils bénéficiaient.
M. [E] [W] a été informé, contrairement à ce qu'il soutient, du transfert de son contrat de travail par lettre remise en main propre qu'il a contresignée le 27 décembre 2002 (pièce 2).
Et, comme l'invoque la SAS [L] France, l'appelant procède par la voie de la seule affirmation lorsqu'il prétend sans en justifier par un quelconque élément que les activités commerciales ne disposaient d'aucune autonomie tant en moyens en personne que dans l'organisation de sa production, elle-même démontrant qu'il y a bien eu en l'espèce, transfert d'une entité économique autonome et distincte formant un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels poursuivant un objectif économique propre, l'activité commerciale ayant bien été reprise par la SAS [L] France, l'importation et le stockage de marchandises n'étant pas la même activité que la vente en gros de ces marchandises.
S'agissant de la fraude prétendue, si M. [E] [W] soutient que ces deux sociétés ont procédé à une cession d'activité artificielle afin d'éluder les dispositions applicables en matière de représentation du personnel, il ne l'établit pas davantage, la SAS [L] France justifiant que la SARL [L] Distribution a mis en place des institutions représentatives du personnel (pièce 15 et 16).
Il en résulte qu'il sera débouté de sa demande principale en nullité du transfert de son contrat de travail et de ses prétentions en découlant.
Sur l'irrégularité de la procédure de licenciement
Eu égard à la confusion entretenue par M.[E] [W], il sera rappelé qu'à compter du 1er janvier 2003, date du transfert régulier et de plein droit de son contrat de travail, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L 1224-1 du code du travail, son seul employeur était la SAS [L] France.
C'est en vain qu'il se prévaut des dispositions de l'article L 321-2-1 devenu L 1235-15 du code du travail dès lors que la sanction édictée par ce texte ne s'applique par, sauf exception, au licenciement économique personnel.
Il sera, en conséquence, débouté de sa demande en paiement de la somme de 5 264 euros correspondant à un mois de salaire brut.
Sur l'absence de qualité à agir
Comme en justifie la SAS [L] France, M.[F] avait toute qualité à agir, ce que M.[E] [W] ne conteste plus devant la cour.
Sur les difficultés économiques et la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité
Par lettre du 17 juin 2005 postérieure à l'entretien préalable qui eut lieu le 16 juin, la SAS [L] France a rappelé à M.[E] [W] lui avoir remis une documentation relative à la convention de reclassement personnalisé (CRP), qu'elle avait pour activité la commercialisation des produits qui sont fabriqués par d'autres sociétés du groupe, avoir connu au cours des derniers exercices de très importantes difficultés économiques se traduisant par des pertes comptables récurrentes et significatives, ces mauvais résultats, ayant été couverts par la maison mère qui a consenti d'importants avoirs pour combler les pertes accumulées, que malgré ce soutien, l'exercice clos le 31 mars 2005 s'est de nouveau soldé par de lourdes pertes, les prévisions établies pour l'exercice ouvert le 1er avril 2005 ne laissant apparaître aucune amélioration, que M.[E] [W], en sa qualité de responsable des ventes, n'a pas remis en cause la réalité de cette situation.
Elle a ajouté que 'ces difficultés économiques et la réorganisation qu'elles impliquent nécessairement pour sauvegarder notre compétitivité nous conduisent à supprimer votre poste de Responsable des ventes, aucun reclassement interne n'étant par ailleurs possible' et l'a informé de ce qu'il disposait d'un délai de quinze jours soit jusqu'au 30 juin 2005, pour adhérer à la convention de reclassement personnalisé, la rupture du contrat prenant une forme différente selon que le salarié décidait ou non d'adhérer à cette convention.
Après que M.[E] [W] ait adhéré à la convention de reclassement personnalisé, elle lui a par lettre recommandée avec avis de réception du 1er juillet 2005, rappelé les difficultés économiques dont elle faisait état dans son précédent courrier du 17 juin 2005 ainsi que la réorganisation qu'elles impliquaient pour sauvegarder sa compétitivité la conduisant à supprimer le poste de responsable des ventes occupé par le salarié.
Comme l'invoque ce dernier, le fait qu'il ait adhéré à cette convention de reclassement personnalisé le 21 juin suivant et que son contrat de travail est réputé depuis cette date avoir été rompu d'un commun accord ne le rend pas irrecevable à contester la cause économique alléguée.
La SAS [L] France appartenant à un groupe international, les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient et si la SAS [L] France produit ses bilans ainsi que ceux de la SARL [L] Distribution, elle ne répond pas sur ce moyen opposé par le salarié.
Elle n'établit donc pas que le licenciement de M.[E] [W] était justifié par des difficultés économiques ayant impliqué une réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité avec pour conséquence la suppression du poste qu'il occupait.
En l'absence de cause économique justifiée du licenciement, la convention de reclassement personnalisé devient sans cause de sorte que l'employeur est tenu au paiement de l'indemnité de préavis de trois mois et des congés payés afférents ainsi que d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-3 du code du travail, M. [E] [W] ayant plus de deux ans d'ancienneté (3 ans et demi) dans une entreprise employant au moins onze salariés.
M. [E] [W] sollicite une indemnité de 63 168 euros correspondant à douze mois de salaire brut sans plus de précision.
En considération de son ancienneté de trois ans et six mois au moment de la rupture du contrat de travail, du fait qu'il ne donne aucun élément sur sa situation à la suite de cette rupture, une indemnité de 42 000 euros lui sera allouée de ce chef.
M. [E] [W] devait bénéficier d'un préavis de trois mois mais, compte tenu de son adhésion à la convention de reclassement personnalisé, il n'a perçu qu'un mois, calculé sans l'intégration de la moyenne des commissions.
La SAS [L] France reconnaît lui devoir la somme de 2 145, 67 euros ainsi que celle de 214,67 euros au titre des congés payés incidents.
En considération d'un salaire mensuel fixe de 3 000 euros et de la moyenne mensuelle des commissions perçues au cours de douze derniers mois soit la somme de 2 145,67 euros, la SAS [L] France est débitrice à son égard de la somme de 15 437,01 euros (5 145,67 euros x 3 mois) de laquelle vient en déduction celle de 3 000 euros soit un solde dû de 12 437,01 euros ainsi que celle de 1 243,70 euros au titre des congés payés incidents.
Sur l'application du statut de VRP
Selon l'article L 7311-3 du code du travail, est voyageur représentant ou placier, toute personne qui travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs, exerce en fait d'une façon exclusive ou constante une profession de représentant, ne fait aucune opération commerciale pour son compte personnel et est liée à l'employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région où il exerce son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter et le taux des rémunérations.
Il résulte du contrat de travail de M. [E] [W], engagé comme directeur régional, du 12 novembre 2001 à effet du 5 janvier 2002 que les parties ont entendu faire application des articles L 751-1 et suivants du code du travail pour régir leurs relations contractuelles, étant précisé que 'cette qualification correspond au statut de cadre au sein de la société [L] (FR)'.
Dès lors, la SAS [L] France ne peut prétendre, pour se soustraire à ses obligations, que l'appelant ne remplissait pas les conditions exigées par l'article L 751-1 et suivants du code du travail et notamment qu'il n'exerçait pas à titre exclusif les fonctions de VRP et que s'il avait conservé des fonctions de prospection, il a surtout exercé la mission de responsable de la force de vente qui n'a rien à voir avec celle de VRP.
Elle fait cependant valoir à bon droit que conformément aux dispositions de l'article L 7313-13 du code du travail, cette indemnité de clientèle correspond à la part revenant à M. [E] [W] personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
L'appelant soutient qu'il a largement contribué au développement de l'activité commerciale de son employeur sur le secteur géographique dont il avait la charge, que dans ce contexte, l'indemnité de clientèle qui lui revient, d'ordre public, est destinée à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de la perte pour l'avenir de cette clientèle qui ne peut plus être démarchée, qu'il évalue ce préjudice à la somme de 77 256 euros correspondant à 36 mois de commissions tout en précisant que doit en être déduite l'indemnité conventionnelle de licenciement qui lui a été versée et sollicite de ce chef la somme de 73 289 euros.
La SAS [L] France lui oppose à juste titre qu'alors qu'il lui incombe d'établir qu'il a créé, apporté ou développé une clientèle, il procède par affirmation, les pièces qu'il verse aux débats ne le démontrant pas puisque la pièce 3 intitulée 'liste des clients de Monsieur [W]' ne permet pas de déterminer ce qu'il a effectivement apporté, créé ou développé, les pièces 4, 5, 6, 7 et 8 sont des tableaux de prise d'ordre qui ne permettent pas davantage de l'établir.
L'appelant sera débouté de sa demande de ce chef.
Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés hors préavis
M. [E] [W] sollicite la somme de 2 978, 59 euros correspondant à la différence entre la somme de 14 854, 96 euros qui lui a été versée à ce titre et celle de 17 833, 55 euros correspondant à celle qui lui serait due, motif pris de ce que 'les congés pris par M. [E] [W] ne sont pas valorisés sur les bulletins de salaire mais ont manifestement été calculés sur le seul salaire fixe'.
Ne justifiant de sa demande par aucun élément probant, la SAS [L] France rappelant en justifiant que pendant ses congés, le salaire fixe était intégralement maintenu et que les commissions semestrielles lui étaient payées à la fin de semestre en cause, peu important que le salarié ait ou non pris ses congés pendant cette période, il sera débouté de cette prétention, nouvelle en appel.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement des commissions dues trimestriellement soit la somme de 15 792 euros avec intérêts au taux légal à titre compensatoire à compter de chaque échéance trimestrielle
M. [E] [W] expose que selon l'article L 751-12 du code du travail devenu L 7313-7, les commissions dues au voyageur, représentant ou placier du commerce sont payées au moins tous les trois mois, qu'il ne percevait pas ses commissions selon cette périodicité, qu'il est ainsi 'incontestable' que l'absence du paiement régulier de ses commissions, nonobstant ses réclamations, lui a nécessairement causé un préjudice financier et matériel qui doit être réparé par l'allocation de dommages-intérêts qui ne peuvent être inférieurs à la somme de 15 792 euros.
Cependant, la SAS [L] France établit avoir respecté les dispositions contractuelles, modifiées par avenants successifs des 25 octobre 2002, 24 février 2003, 4 septembre 2003, 2 février 2004, 25 août 2004, étant observé qu'à compter du 1er janvier 2003, les parties sont convenues non plus d'un paiement de commission trimestrielle mais d'un bonus sur objectifs semestriels (pièce 7 à 11 de la SAS [L] France), ces bonus ayant été versés:
sous forme d'un acompte en juin 2003 et le solde en juillet 2003,
sous forme d'un acompte en janvier 2004 et le solde en février 2004,
sous forme d'un acompte en juillet 2004 et le solde en août 2004,
en janvier 2005.
L'appelant sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages-intérêts et de paiement des intérêts à compter de chaque échéance trimestrielle..
Sur la demande en paiement de la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait du non paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents
Les sommes allouées à ce titre portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, M. [E] [W] qui ne justifie pas d'un préjudice indépendant de ce retard, sera débouté de sa demande.
Sur la demande en paiement de la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi du fait de la non remise prétendue des documents sociaux
Si M. [E] [W] affirme que ces documents ne lui ont jamais été remis, la SAS [L] France démontre le contraire.
Il sera également débouté de sa demande à ce titre.
Sur le remboursement de la somme de 922, 99 euros 'au titre des indemnités kilométriques restant dues dans le cadre du remboursement des frais d'utilisation du véhicule personnel
L'appelant expose que jusqu'au mois d'avril 2005, il a bénéficié, comme les autres salariés, d'un véhicule de fonction, qu'à compter de cette date, ils ont été contraints d'utiliser leur véhicule personnel, que lui-même a perçu à compter du 15 avril 2005 une indemnité mensuelle de 700 euros et une avance sur frais mensuelle de 1 525 euros, que cependant, au cours du mois de juin 2005 alors qu'il a utilisé son véhicule personnel, la SAS [L] France lui doit la somme de 922, 99 euros.
N'établissant cependant pas qu'une telle somme lui est due, il sera également débouté de ce chef de demande.
Sur la remise des documents sociaux
Il sera ordonné à la SAS [L] France de remettre à M.[E] [W] les bulletins de salaire des trois derniers mois correspondant au préavis, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité dicte d'allouer à M.[E] [W] la somme de 3 000 euros en application de ces dispositions et de débouter la SAS [L] France de ce même chef.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de la SAS [L] France.
PAR CES MOTIFS
CONSTATE que l'Union locale CGT de Chatou ne soutient pas son appel,
CONFIRME le jugement entrepris dans ses dispositions la concernant,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [E] [W] de sa demande de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, d'indemnité de clientèle, d'indemnités kilométriques et condamné la SAS [L] France aux dépens,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [E] [W] de sa demande de nullité et d'inopposabilité du transfert de son contrat de travail à la SAS [L] France ainsi que de celles subséquentes de réintégration, paiement de salaire sous astreinte et dommages-intérêts,
DIT que la convention de reclassement personnalisé est devenue sans cause,
CONDAMNE la SAS [L] France à payer à M. [E] [W] les sommes de:
42 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L 1235-3 du code du travail avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
12 437,01 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 243,70 euros au titre des congés payés incidents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
DÉBOUTE M. [E] [W] de ses demandes de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés hors préavis, de dommages-intérêts pour non paiement des commissions trimestriellement, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de la non remise des documents sociaux,
DÉBOUTE M. [E] [W] de sa demande en paiement des intérêts légaux à compter des échéances de chaque créance salariale impayée,
ORDONNE la capitalisation des intérêts des sommes dues dans les termes de l'article 1154 du code civil,
ORDONNE à la SAS [L] France de remettre à M. [E] [W] les bulletins de salaire des trois derniers mois correspondant au préavis, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte,
CONDAMNE la SAS [L] France à payer à M. [E] [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la SAS [L] France de sa demande d'indemnité de procédure et la condamne aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE