Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRET DU 04 AVRIL 2011
(n° 11/132, 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/09302
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mars 2007 - Tribunal de Grande Instance de PARIS, 4ème Chambre, 2ème section - RG n° 05/12102
APPELANTS
Madame [Z] [X] [UM] épouse [P]
demeurant [Adresse 1]
Mademoiselle [D] [B] [P]
demeurant [Adresse 3]
Mademoiselle [I] [O] [P] représentée par Monsieur [C] [P] et Melle [G] [WS] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 4]
Mademoiselle [A] [Z] [M] [P] représentée par Monsieur et Madame [J] [P] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 5]
Mademoiselle [V] [Z] [W] [S] représentée par Monsieur [Y] [S] et Mademoiselle [D] [P] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 3]
Mademoiselle [E] [MD] [H] [S] représentée par Monsieur [Y] [S] et Mademoiselle [D] [P] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 3]
Monsieur [U] [C] [P]
demeurant [Adresse 4]
Monsieur [EB] [J] [P]
demeurant [Adresse 5]
Mademoiselle [HT] [L] [P]
demeurant [Adresse 7]
Monsieur [SH] [K] [P], représenté par Monsieur et Madame [J] [P] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 5]
Monsieur [CU] [T] [P] représenté par Monsieur [C] [P] et Mademoiselle [G] [WS] ses représentants légaux
demeurant [Adresse 4]
Monsieur [F] [N] [R] [P]
demeurant [Adresse 6]
représentés par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistés de Me Etienne GOUESSE, avocat au barreau dePARIS
INTIMÉE
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux,
dont le siège social est [Adresse 9]
représentée par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour
assistée de Me Stéphane BRIZON, avocat au barreau de PARIS
INTERVENANTES
NOVALIS prise en la personne de ses représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 8]
défaillante
CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE (CNAV) prise en la personne de ses représentants légaux
dont le siège social est [Adresse 2]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente
Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère, entendue en son rapport
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Nadine ARRIGONI
ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Mme Nadine ARRIGONI, greffière présente lors du prononcé.
° ° °
Le 3 janvier 2002, Monsieur [N] [P] a été victime d'un accident mortel de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société AGF.
Les préjudices moraux résultant de ce décès ont été indemnisés par transaction mais les parties n'ont pu s'entendre sur la réparation des préjudices économiques.
Par jugement du 22 mars 2007, la 4e chambre 2e section du tribunal de grande instance de Paris, a :
- condamné la société AGF à payer Madame [Z] [UM], veuve de la victime, la somme de 141.086 € au titre de son préjudice économique,
- dit que cette somme ainsi que celles versées aux demandeurs en réparation de leurs préjudices moraux portera intérêts au double du taux légal à défaut d'offre d'indemnisation, du 25 août 2003 à la date de leur versement ou à la date à laquelle le jugement sera devenu définitif et avec anatocisme,
- condamné la société AGF à verser à Madame [UM] veuve [P] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens.
Madame [Z] [UM] veuve [P], Monsieur [U] [C] [P], Monsieur [EB] [J] [P], Mademoiselle [D] [B] [P], Mademoiselle [HT] [L] [P], [I] et [CU] [P] ces deux derniers mineurs et représentés par Monsieur [U] [C] [P] et Mademoiselle [G] [WS], [F], [A] et [SH] [P], ces trois derniers mineurs et représentés par Monsieur et Madame [J] [P], [V] et [E] [S] toutes deux mineures et représentées par Monsieur [Y] [S] et Mademoiselle [D] [P], ont relevé appel du jugement.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 1er octobre 2007, les consorts [P] à savoir la veuve de la victime, ses quatre enfants et ses sept petits enfants, critiquent le jugement en ses seules dispositions les ayant déboutés de leurs demandes relatives à l'incidence fiscale de l'ouverture anticipée de la succession de Monsieur [N] [P], et demandent en se fondant sur le rapport déposé par l'expert comptable mandaté par la société AGF dont ils adoptent la méthode de calcul mais auquel ils apportent quelques corrections pour tenir compte de l'âge de Monsieur [N] [P] lors de son décès, lequel est erroné dans le rapport d'expertise, d'un barème de capitalisation différent et de l'évolution des dispositions fiscales, les indemnités suivantes:
- surcoût de frais de mutation engendré par le décès anticipé de 17 années par rapport à l'espérance de vie de Monsieur [N] [P] : 55.460 €,
- pertes des économies fiscales que les donations qu'auraient faites, de façon certaine, Monsieur [N] [P] à ses proches s'il n'avait pas été victime de l'accident,
* pour chaque enfant de la victime: 122.342 €,
* pour chacun de ses petits enfants: 12.000 €,
* pour sa veuve: 92.920 €.
- dommages-intérêts en raison du retard apporté par la société AGF pour traiter le dossier d'indemnisation et plus généralement du comportement fautif de cet assureur dans la gestion de ce dossier: 5.000 € à chacun des consorts [P]
- article 700 du Code de procédure civile : 2.000 € pour chacun des appelants.
Par conclusions du 11 juin 2010, Monsieur [F] [P] devenu majeur est intervenu volontairement à l'instance.
Par dernières conclusions du 21 janvier 2008, la société AGF demande la confirmation du jugement et le débouté des consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes. Subsidiairement si la cour devait retenir un lien de causalité entre le décès de Monsieur [P] et les préjudices patrimoniaux invoqués, elle sollicite que soient retenus les montants calculés par le cabinet d'expertise EEA qu'elle a mandaté. Enfin elle demande la condamnation des consorts [P] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
La CNAV et NOVALIS, attraites en la cause, n'ont pas constitué avoué.
NOVALIS a par courrier du 2 juin 2009 produit l'état récapitulatif des sommes versées à Madame [P]
Par courrier du 10 février 2009 la CNAV a indiqué qu'elle est à la disposition de la cour pour faire connaître les sommes qu'elle verse à Madame [P] depuis le 1er février 2002.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
- Sur la demande au titre du surcoût de frais de mutation engendré par le décès anticipé de Monsieur [N] [P] :
Le tribunal a justement relevé que les impôts et honoraires consécutifs à l'ouverture d'une succession ont la loi pour fondement et non le caractère anticipé du décès et a débouté à bon droit les consorts [P] de leurs demandes de ces chefs.
- Sur les économies fiscales perdues en raison des donations que Monsieur [N] [P] n'a pu faire au profit de son épouse, de ses quatre enfants et de ses sept petits enfants :
Il ressort des pièces produites et notamment du rapport établi par le cabinet EUROPE EXPERTISES ASSURANCE mandaté par la société AGF que Monsieur et Madame [P] étaient mariés sous le régime légal de la communauté de biens meubles et acquêts, à défaut de contrat de mariage, qu'une donation au dernier conjoint survivant avait été faite entre époux et que Monsieur et Madame [P] avaient tous deux avant le décès de la victime, consenti des donations au profit de leurs enfants et de leurs petits enfants à l'exception pour ces derniers, des deux plus jeunes. Monsieur [P] a ainsi donné, en deux ou trois donations par enfant, d'octobre 1995 à novembre 2000, à chacun de ses fils la somme totale de 172.520 € et à chacune de ses filles la somme de 173.665 €. Les époux [P] ont tous deux opéré une donation, le 17 novembre 2000, au profit des cinq aînés de leurs petits enfants pour la somme de 30.496,97 € chacun.
Compte tenu des donations déjà effectuées et du patrimoine des époux [P] d'un montant selon l'expert de 5.857.012 € dont 4.636.482 € en valeurs mobilières, les enfants et petits enfants de la victime ont perdu une chance de bénéficier de nouvelles donations de la part de leur père et grand père et ainsi d'alléger les frais de sa succession. Cette perte de chance sera fixée à 50% pour tenir compte du fait que Monsieur [P] n'a laissé aucun document sur ses intentions à ce sujet, qu'il aurait pu avoir d'autres projets ou être empêché de continuer ces donations par des difficultés de santé ou des accidents.
L'expert comptable a évalué le surcoût des droits de succession dû à l'impossibilité pour Monsieur [N] [P] de continuer à faire des donations à ses enfants et petits enfants à la somme globale de 171.227 €. Les consorts [P] estiment ce surcoût à 122.342 € par enfant et 12.000 € par petit enfant.
Pour tenir compte de l'âge exact de Monsieur [N] [P] lors de son décès, 63 ans, et de l'évolution des dispositions fiscales qui ne sont pas contestées par la société AGF, les sommes demandées par les consorts [P] seront retenues.
Chacun des quatre enfants de la victime recevra donc la somme de 61.171 € et il sera alloué pour chacun des petits enfants, celle de 6.000 €.
Les tiers payeurs ne versant aucune indemnité à ce titre, il n'y a pas lieu d'imputer sur les indemnités fixées, les prestations qu'ils ont versées.
Madame [P] qui bénéficiait d'une donation au dernier conjoint survivant, ne justifie pas en revanche qu'elle aurait pu faire l'objet d'autres mesures destinées à alléger les droits de la succession de son mari, et les intérêts et frais de l'emprunt qu'elle a souscrit pour régler les honoraires et droits de succession ne peuvent être mis à la charge de la société AGF dans la mesure où ils résultent du choix fait par elle de ne pas vendre une partie des valeurs mobilières qu'elle détenait afin d'éviter des moins values et des manques à gagner.
Sur la demande de dommages-intérêts :
Les consorts [P] ne justifient pas d'un abus de la société AGF susceptible de donner lieu à dommages-intérêts, ils seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile :
L'indemnité allouée à ce titre par le tribunal sera confirmée et il sera alloué aux consorts [P] la somme globale de 3.500 € en cause d'appel . Les conditions d'application de cet article ne sont pas réunies au profit de la société AGF qui sera déboutée de sa demande.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en ses seules dispositions relatives à la perte de chance subie par les enfants et petits enfants de la victime, d'alléger les droits de la succession de Monsieur [N] [P] ;
Et statuant à nouveau, dans cette limite :
Condamne la société AGF à verser à ce titre, à :
- Monsieur [U] [C] [P], Monsieur [EB] [J] [P], Mademoiselle [D] [B] [P] et Mademoiselle [HT] [L] [P], chacun, la somme de 61.171 € ;
- Monsieur [U] [C] [P] et Mademoiselle [G] [WS] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [CU] et [I] [P], la somme de 6.000 € pour chacun des enfants ;
- Monsieur et Madame [J] [P] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [A] et [SH] [P], la somme de 6.000 € pour chacun des enfants ;
- Monsieur [F] [P] la somme de 6.000 € ;
- Monsieur [Y] [S] et Mademoiselle [D] [P] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [V] et [E] [S], la somme de 6.000 € pour chacun des enfants ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant :
Condamne la société AGF à verser aux consorts [P] la somme complémentaire globale de 3.500 € en application de l'article 700 Code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société AGF aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE