Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 31 MARS 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19662
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007075715
APPELANTE
Sté de droit allemand Unicrédit Bank AG, anciennement dénommée BAYERISCHE HYPO UND VEREINSBANK AG, agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 7]
[Localité 6] (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour
assistée de Me Cécile REBIFFE, avocat au barreau de NANTERRE , NAN 1701
INTIMÉES
SA [Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour
assistée de Me Jean Robert CAMPANA, avocat au barreau de PARIS , Toque : P 309
INTIMÉ PROVOQUÉ
SARL AL'X CREATION
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Philippe MISSIKA, avocat au barreau de PARIS , Toque : W 11
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère faisant fonction de Président
Madame Françoise CHANDELON, Conseillère
Madame Caroline FEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Josèphe JACOMET, Conseillère faisant fonction de Président et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
Le 12 septembre 2006, la SARL AL'X Création, qui conçoit, fabrique et distribue des lignes de vêtements professionnels destinées aux sociétés, a commandé à la société de droit allemand W.L.Gore Associates GBMH, qui les fabrique, différents tissus destinés à la confection, en Tunisie, de 6.000 parkas à capuche, en vue de leur livraison à la société Aéroport de Paris, moyennant un montant total de 454.160,45 euros.
Le 18 septembre 2006, la société AL'X Création a formé une demande d'ouverture de crédit documentaire auprès de la société anonyme [Adresse 5], afin de régler les marchandises.
Le 22 septembre 2006, la société [Adresse 5] a émis une lettre de crédit irrévocable à première demande pour le montant de 454.160,45 euros, expirant le 6 novembre 2006 aux termes d'un avenant du 26 septembre 2006 qui autorisait la livraison des marchandises en deux transports séparés, selon facture proforma n° 128267150 du 12 septembre 2006, la société AL'X Création apparaissant en qualité de donneur d'ordre, la société W.L.Gore Associates GMBH en qualité de bénéficiaire et la société de droit allemand Bayerische Hypo und Vereinsbank AG (HVB)en qualité de banque notificatrice.
Le paiement devait être effectué à 90 jours de la réception des documents du crédit documentaire, entre les mains de la société HVB qui avait confirmé le crédit auprès de la société Gore par lettre du 28 septembre 2006.
Le 12 octobre 2006, les marchandises, réparties sur deux véhicules, ont été remises au façonnier tunisien de la société AL'X Création et le 18 octobre 2006 la société HVB a envoyé les documents de crédit documentaire à la société [Adresse 5] qui les a reçus le 19 octobre suivant.
Par message SWIFT du 25 octobre 2006, la [Adresse 5] a notifié à la banque HVB son refus d'accepter les documents en invoquant deux irrégularités, d'une part une référence incorrecte de l'un des tissus 'ST2LGMIL 22MM' au lieu de 'ST2L6MIL 22MM', d'autre part la présentation de l'original de l'exemplaire expéditeur d'une lettre de voiture internationale CMR au lieu d'une copie.
Le 29 janvier 2007, selon ses dires, la société HVB, en sa qualité de banque confirmante, a payé à la société W.L. Gore Associates GMBH, bénéficiaire, la somme prévue au contrat.
Le 8 février 2007, la société HVB, aux motifs que les irrégularités invoquées par cette banque ne portaient que sur l'un des envois, a réclamé le paiement immédiat de la somme de 220.434,90 euros à la société [Adresse 5].
Par lettre du 7 août 2007, elle a mis, en vain, en demeure la société [Adresse 5] de lui rembourser la somme de 454.160,45 euros.
Par acte d'huissier du 6 novembre 2007, la société HVB a fait assigner la [Adresse 5] qui a appelé en garantie la société AL'X Création, en condamnation à lui verser la somme de 454.160,45 euros et, à titre subsidiaire, celle de 220.434,90 euros, augmentées des intérêts au taux de 7,70% à compter du 8 février 2007, et au taux de 8,19% à compter du 1er juillet 2007 en application de la loi allemande, ou au taux légal à compter du 8 février 2007 si la loi française est jugée applicable, à lui verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, devant le Tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 12 mai 2009, a:
-débouté la société de droit allemand Bayerische Hypo und Vereinsbank AG de l'ensemble de ses demandes,
-dit n'y avoir lieu à allocation en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
-condamné la société de droit allemand Bayerische Hypo und Vereinsbank AG aux dépens.
Suivant déclaration du 16 septembre 2009, la société Bayerische Hypo und Vereinsbank AG a interjeté appel de cette décision à l'encontre de la société [Adresse 5].
Par assignation du 19 mai 2010, la société [Adresse 5] a fait assigner, afin d'appel incident provoqué, la société AL'X Création afin que soit confirmé le jugement en toutes ses dispositions, subsidiairement, en condamnation à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et en paiement de la société Unicrédit Bank AG, anciennement dénommée HBV, ou, à défaut, de la société AL'X Création à lui payer la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 5 novembre 2010, la société Unicrédit Bank AG, anciennement dénommée Bayerische Hypo und Vereinsbank AG a conclu à l'infirmation du jugement, à la condamnation de la société [Adresse 5] à lui payer la somme de 454.160,45 euros avec intérêts à compter du 8 février 2007, au taux de base de l'article 247 du Code civil allemand majoré de 5 points en application de l'article 288 du même code ou au taux légal français si la loi française est jugée applicable, subsidiairement à la condamnation de la société [Adresse 5] à lui payer la somme de 220.434,90 euros avec intérêts à compter du 8 février 2007, au taux de base de l'article 247 du Code civil allemand majoré de 5 points en application de l'article 288 du même code ou au taux légal français si la loi française est jugée applicable, en tout état de cause, à la condamnation de la société [Adresse 5] à lui payer la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du même jour, la société anonyme coopérative [Adresse 5] a sollicité la confirmation, en toutes ses dispositions, du jugement, subsidiairement la condamnation de la société AL'X Création à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elles, la condamnation de la société Unicrédit Bank AG, ou, à défaut, de la société AL'X Création à lui payer la somme de 15.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2010, la société AL'X Création a demandé que la société [Adresse 5] soit déclarée irrecevable en son appel en garantie, en toute hypothèse mal fondée, sa mise hors de cause, le débouté de l'ensemble des demandes de la société [Adresse 5] à son encontre, la condamnation de celle-ci ou de toute partie défaillante à lui payer la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 30 novembre 2010.
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Considérant que la société Unicrédit Bank AG, fait grief au jugement de l'avoir déboutée de ses demandes fondées sur crédit documentaire, en faisant une mauvaise application des règles de droit en matière de crédit documentaire et, notamment, des Règles et Usances Uniformes de la Chambre de Commerce Internationale relatives aux crédits documentaires, alors que le paiement du bénéficiaire par la banque ne serait subordonné qu'à la présentation des documents requis dans la lettre de crédit prouvant l'expédition des marchandises, sans que la banque puisse opposer la moindre exception tirée du rapport fondamental existant entre le vendeur et l'acheteur, alors que la banque confirmante serait tenue personnellement de payer le bénéficiaire dès lors que les documents lui sont remis dans les délais et en conformité avec les stipulations de la lettre de crédit, alors que, les documents requis ayant été valablement présentés par le bénéficiaire dans les délais impartis, elle aurait été, en conséquence, en tant que banque confirmante, tenue de procéder au paiement de la somme de 454.160,45 euros et serait fondée à en réclamer le remboursement à la société [Adresse 5], en sa qualité de banque émettrice;
Considérant qu'ainsi que le reconnaissent les parties, et que l'a dit le tribunal, le débat qui oppose le droit allemand au droit français ne concerne que la détermination du taux applicable aux intérêts et non pas le problème de fond qui est, dans les deux cas, soumis aux Règles et Usances Uniformes de la Chambre de Commerce Internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 500 de la Chambre de Commerce Internationale);
Considérant que c'est par d'exacts motifs, que la Cour adopte, que les premiers juges ont dit 1° que les documents, visés par la lettre de crédit du 22 septembre 2006 amendée par l'avenant du 26 septembre suivant, ont été envoyés par la société HVB à la société [Adresse 5] le 18 octobre 2006 et reçus le 19 octobre 2006, 2° que, la [Adresse 5] a notifié son refus des documents le 25 octobre suivant, par message SWIFT, dans le délai de sept jours ouvrés imparti par l'article 14 d I des RUU 500 aux termes duquel si la banque émettrice... décide de refuser les documents, cette banque doit notifier son refus par télécommunications... et cela au plus tard à la fin du septième jour ouvré suivant le jour de la réception des documents, 3° que cette notification comportait la description de chacune des deux irrégularités relevées par la société [Adresse 5] et indiquait que cette dernière tenait les documents à la disposition de la société HVB, en conformité avec l'article 14 d II des RUU aux termes duquel la banque doit indiquer dans l'avis toutes les irrégularités qui l'amènent à refuser les documents, également préciser si elle tient les documents à la disposition de celui qui les a présentés ou si elle les lui réexpédie, 4° que la seconde irrégularité invoquée concernant la production, pour l'une des deux lettres de voiture, de l'original que l'expéditeur aurait dû, normalement, conserver et non d'une copie telle qu'il était stipulé dans la lettre de crédit du 22 septembre 2006, ne peut être retenue comme telle, au regard de l'article 33 c) des 'Pratiques Internationales Standard (PIBS) pour l'examen des documents d'un crédit documentaire' qui admet que les pratiques bancaires standard acceptent un original au lieu d'une copie;
Considérant que la société Unicrédit Bank AG, anciennement dénommée HVB, soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il n'y a pas, non plus, d'irrégularité concernant cette même lettre de voiture émise le 14 octobre 2006, irrégularité consistant en un report d'une référence d'un produit non conforme, puisque, s'agissant d'une erreur de plume résultant du remplacement de la lettre G par le chiffre 6 dans les références de l'un des produits livrés figurant sur la lettre CMR, cette erreur n'était pas susceptible de susciter un doute chez le banquier, les erreurs de frappe étant appréhendées par la clause 28 des PIBS qui distingue selon que l'erreur est susceptible ou non de susciter une confusion chez le banquier;
Considérant, toutefois, qu'une conformité des documents aux termes du crédit est exigée en la matière; que la lettre de crédit du 22 septembre 2006, exigeait que, parmi les documents à produire, figure la copie du document de transport et bon de livraison indiquant clairement les références ADP;
Considérant qu'il ressort des documents produits que sur la lettre de crédit documentaire du 12 septembre 2006, comme sur la facture proforma de la société Gore, sur la demande d'ouverture de crédit documentaire du 18 septembre suivant et sur la facture de la société Gore il est mentionné comme référence produit ST 2L6 MIL 22MM, tandis que la référence produit portée sur la lettre de voiture émise le 14 octobre 2006 est la suivante ST 2LG MIL 22MM;
Considérant que même si le défaut de conformité ne porte que sur le chiffre 6 qui est remplacé la lettre G, cette erreur ne peut être assimilée, en l'espèce, à une simple erreur de plume ou de frappe, s'agissant de la désignation du produit lui-même faisant l'objet du transport, et de la seule référence sur l'ensemble des documents, ce qui était susceptible de créer une confusion chez le banquier et lui faire craindre une erreur affectant la composition même du chargement d'autant que ledit produit était le plus important du lot, soit 75.000 mètres de tissu sur un total de 102.000 mètres;
Considérant que c'est donc exactement que le tribunal a dit qu'il existait bien une irrégularité justifiant le refus par la société [Adresse 5] des documents produits par la société HVB;
Considérant que la société Unicrédit Bank AG se prévaut, à titre subsidiaire, de la régularité de la seconde lettre de voiture internationale et demande, à ce titre, à la société [Adresse 5] le paiement de la somme de 220.434,90 euros correspondant à la valeur des marchandises objet de cette seconde lettre de voiture internationale;
Considérant, toutefois, que c'est pertinemment que la société [Adresse 5] réplique que l'opération ayant donné lieu au crédit documentaire litigieux ne peut être divisée, s'agissant de la vente de différentes matières textiles destinées à la confection de 6.000 parkas avec capuche qui devaient être livrées à la société Aéroports de Paris; que le fait que le transport de ces marchandises ait été autorisé au moyen de deux camions ne peut occulter le fait que lesdites marchandises formaient un tout indivisible qui a donné lieu à une facture globale émise par la société Gore pour un montant de 454.160 euros, qu'un seul crédit documentaire a été sollicité et accordé;
Considérant qu'il s'ensuit que les demandes de la société Unicrédit Bank AG sont mal fondées et doivent être rejetées;
Considérant que l'appel en garantie dirigée contre la société AL'X Créations est, dès lors, sans objet;
Considérant que l'équité ne commande pas l'application, en appel, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives à cet article;
Considérant que la société Unicrédit Bank AG, qui succombe en ses prétentions devant la Cour, doit supporter les dépens d'appel, les dispositions du jugement relatives aux dépens étant confirmées;
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement.
Y ajoutant
Rejette toutes autres demandes.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société Unicrédit Bank AG aux dépens d'appel qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par la SCP Bolling Durand Lallement, avoués.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT