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31/03/2011 | FRANCE | N°09/06410

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 31 mars 2011, 09/06410


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 31 Mars 2011

(n° 9 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06410 JMD



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/04088





APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Delphine LOPEZ, avocat au barreau d

e PARIS, toque : C 1616



INTIMÉE

Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric HARM, avocat au barreau de PARIS, toque : P 39







COMPOSITION DE LA COUR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 31 Mars 2011

(n° 9 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06410 JMD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 07/04088

APPELANT

Monsieur [E] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Delphine LOPEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1616

INTIMÉE

Madame [O] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Eric HARM, avocat au barreau de PARIS, toque : P 39

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2011, en audience publique, les parties assistée et représentées ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [E] [K] à l'encontre d'un jugement prononcé le 12 mars 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué sur le litige qui l'oppose à Madame [O] [U] sur les demandes de cette dernière relatives au paiement d'heures supplémentaires.

Vu le jugement déféré qui a condamné Monsieur [E] [K] à payer à Madame [O] [U] la somme de 33 893,49 € à titre d'heures supplémentaires, outre celle de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Monsieur [E] [K], appelant, poursuit l'infirmation du jugement déféré et sollicite le débouté de toutes les demandes de Madame [O] [U], avec restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance et indemnisation pour frais irrépétibles à concurrence de 5 000 €.

Madame [O] [U], intimée, conclut à la confirmation du jugement, sauf à porter le montant de la condamnation à 92 985,70 €, et requiert une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat écrit à durée indéterminée en date du 9 juillet 2002, Madame [O] [U] a été engagée par Monsieur [E] [K], alors député du Rhône et président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, en qualité d'assistante de président de commission moyennant une rémunération mensuelle fixée en dernier lieu à la somme de 4 142,10 €.

Madame [O] [U] a démissionné de ses fonctions par lettre du 25 mai 2007.

Le 3 avril 2007, elle avait saisi le conseil de prud'hommes du présent litige après des réclamations amiables initiées le 24 novembre 2006.

SUR CE

Sur les heures supplémentaires.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, Madame [O] [U] produit :

- un avenant à son contrat de travail relatif à la question des heures supplémentaires. Il s'agit d'un document établi le même jour que le contrat principal, avant toute prise de fonction, sur un modèle fourni aux députés par les services de l'Assemblée nationale et ne présumant en rien de la réalisation effective d'heures supplémentaires au cours de la collaboration à venir mais ayant plutôt pour objet de garantir l'élu qu'il pourra en exiger de ses assistants. Cette pièce n'a aucune portée sur la question débattue.

- un tableau des heures supplémentaires réalisées. Ce document a été établi de manière unilatérale par Madame [O] [U]. Il fait état, de la date d'embauche jusqu'au 27 octobre 2005, de 12,5 heures supplémentaires hebdomadaires. L'immuabilité de ce chiffre répété mécaniquement semaine après semaine ne répond pas à l'exigence de précision devant s'attacher aux éléments fournis par le salarié et rend la pièce produite, même si son auteure a pris garde de ne pas y inclure les périodes où elle était absente, particulièrement suspecte de confection a posteriori et pour les besoins de la cause. Aucun élément extrinsèque tel qu'un relevé établi au jour le jour ou des extraits d'agenda ne vient corroborer, ne serait-ce que partiellement, les mentions de ce tableau qui en cet état sont dépourvues de toute crédibilité.

- des courriels reçus ou envoyés par Madame [O] [U] depuis son poste de travail à l'Assemblée nationale. Sont ainsi versés aux débats 39 courriels "du matin", entre 8 et 9 heures, et 115 courriels "du soir", à partir de 18 heures 33, le plus tardif étant de 23 heures 34. Indépendamment de la question de la pertinence des dates et heures figurant sur ces impressions de documents informatiques, il s'avère qu'à trois exceptions près sur l'ensemble de la période couverte (12 juillet 2002 - 24 octobre 2006, soit environ 1 000 jours travaillés) les courriels du matin et ceux du soir ne sont pas du même jour. Ces documents permettraient donc tout au plus de supposer que, selon les jours, Madame [O] [U] travaillait soit tôt le matin soit tard le soir sans que cela renseigne sur son temps de pause méridien ni rende plausible une amplitude journalière habituelle couvrant à la fois les plages du matin et du soir dont se déduirait la vraisemblance de l'accomplissement d'heures supplémentaires.

- les notes et les discours qu'elle aurait rédigés, les rapports avec les membres du groupe parlementaire auquel appartenait Monsieur [E] [K]. Ces documents et ce travail relationnel constituaient un des aspects du poste de Madame [O] [U] et leur volume rapporté à la durée de l'embauche ne laisse aucunement présager un surcroît de travail mais l'accomplissement ordinaire d'une tâche courante dévolue à la salariée.

- la liste des déjeuners auxquels Madame [O] [U] a participé. Il est produit une liste dressée a posteriori et unilatéralement mettant l'employeur dans l'impossibilité de discuter utilement la valeur et le contenu du document. Cette liste n'est corroborée par aucun élément objectif tels qu'un extrait d'agenda, une invitation, la rédaction d'un compte rendu, que Monsieur [E] [K] n'aurait pas manqué de faire établir s'il s'était agi de se faire assister de la salariée dans un cadre purement professionnel. Il est donc impossible de rattacher ces déjeuners, en supposant leur réalité, à un quelconque travail de Madame [O] [U] faisant présumer l'existence d'heures supplémentaires.

- des attestations. Elles ont en commun d'être particulièrement vagues et de ne s'appuyer sur aucune constatation objective et vérifiable.

Plusieurs d'entre elles ne font que louer les qualités professionnelles de Madame [O] [U], constatées durant sa collaboration avec Monsieur [E] [K], voire dans des fonctions ultérieures ; elles n'apportent donc rien d'utile au débat qui ne porte aucunement sur ce point.

Monsieur [B] [J], assistant parlementaire, tient pour une certitude que Madame [O] [U] travaillait bien au-delà de 35 heures par semaine et affirme que les heures supplémentaires peuvent être qualifiées d'inhérentes à sa fonction, appréciation totalement imprécise et sans portée.

Monsieur [H] [N], secrétaire général de l'union syndicale des collaborateurs parlementaires de l'Assemblée nationale, tient des propos généraux et polémiques sur les horaires accomplis par les collaborateurs parlementaires et leur rémunération, sans aucune référence à la situation concrète de Madame [O] [U] dont le nom n'est même pas cité.

Monsieur [S] [Y], agent d'accueil, indique que Madame [O] [U] passe devant lui aux environs de 9 heures 15 et court pour être à l'heure à son poste, ce qui n'implique pas une surcharge de travail et ne corrobore pas les arrivées très matinales alléguées par la salariée.

Monsieur [T] [F], responsable des agents de la commission des affaires sociales d'avril 2005 à mai 2007, affirme que Madame [O] [U] était présente dès le matin et qu'il la voyait également le soir lorsqu'il était de service, sans donner aucune précision de fréquence ou d'horaires, qu'elle 'était là sans arrêt' et 'faisait certainement beaucoup plus que 35 heures', propos hyperboliques et conjecturaux dénués d'intérêt.

Madame [Z] [R], secrétaire des services à la commission des affaires sociales, fait état de la disponibilité de Madame [O] [U], 'même en séance de nuit', sans être plus précise. Il se déduit de son témoignage que le volume et le rythme de travail étaient nécessairement différents selon que l'Assemblée était ou non en session, ce qui ne s'accorde pas du tout avec un nombre indifférencié d'heures supplémentaires tout au long de l'année tel qu'allégué par Madame [O] [U].

Madame [I] [G], qui a exercé de 1988 à 1993 les mêmes fonctions que Madame [O] [U] auprès d'un précédent président de la commission des affaires sociales, décrit les tâches qu'elle avait à accomplir et évoque 'un travail très lourd et chronophage' en indiquant que, à son époque, 'il convenait d'être à disposition du président sans pouvoir fixer d'horaire car les débordements étaient habituels', l'intéressée n'ayant toutefois pas été témoin des conditions de travail propres à Madame [O] [U] et décrivant une absence de fixité des horaires qui n'implique pas nécessairement la réalisation d'heures supplémentaires, expression que du reste l'attestante n'utilise pas.

Monsieur [X] [D], compagnon de Madame [O] [U], travaillant de son côté comme cadre dirigeant dans un organe de presse, ne peut être un témoin objectif et utile des heures réellement accomplies par la salariée pour le compte de Monsieur [E] [K].

L'objet principal de l'attestation de Monsieur [M] (selon la carte d'identité produite) ou [P] (selon l'entête du papier utilisé) [A] est de 'porter un diagnostic sur l'affection, au demeurant fort répandue, dont est atteint M. le professeur [K]', ce qui remplit les paragraphes 2 et 4 du document, propos dépourvus de toute objectivité et hors sujet. Le deuxième paragraphe, partant de la pétition de principe selon laquelle Monsieur [K] prétend que Madame [O] [U] avait une activité 'réduite à une vague et modeste tâche d'assistance', affirme que cela est peu vraisemblable puisqu'elle a 'été par la suite engagée en tant que proche collaboratrice' par deux ministres. S'il n'y a pas matière à écarter cette pièce des débats, comme le demande Monsieur [E] [K], il convient de constater qu'elle est d'une particulière vacuité au regard des éléments du litige.

Il apparaît ainsi que les pièces versées aux débats par Madame [O] [U], tant prises individuellement que considérées conjointement, n'étayent nullement ses affirmations sur l'accomplissement d'heures supplémentaires.

De son côté, Monsieur [E] [K] produit des attestations précises et concordantes établissant que Madame [O] [U] participait à un travail d'équipe et ne peut s'attribuer l'entière paternité des tâches qu'elle invoque. Il est également avéré que l'importance de la commission des affaires sociales présidée par Monsieur [E] [K] n'avait pas d'impact significatif sur le volume de travail de Madame [O] [U], des services spécifiques de l'Assemblée étant dédiés à cette tâche et cela proportionnellement à la taille de cette commission, ce dont attestent notamment Madame [L] [V], chef du secrétariat de la commission, et plusieurs administrateurs affectés à celle-ci, tous indiquant d'ailleurs n'avoir eu que de rares, voire aucun, contacts avec Madame [O] [U]. Madame [I] [G] confirme de son côté que les fonctions des assistants et celles des administrateurs affectés aux commissions ne sont 'rigoureusement pas les mêmes' et qu'il 'ne peut y avoir de 'vase communiquant' entre le staff politique et l'administration'.

La collaboratrice de Monsieur [E] [K] la plus proche de Madame [O] [U], Madame [L] [W], assistante parlementaire, fait état de la grande souplesse de leur employeur concernant leurs horaires et précise plus particulièrement : 'concernant les prétendues heures supplémentaires, je me dois d'attester que [O] [U] arrive rarement avant 9 heures 30 et part très rarement après 19 heures. De plus, le temps consacré au déjeuner se prolongeait très souvent' et 'Madame [O] [U] était difficilement joignable le lundi matin et le vendredi après-midi ainsi qu'au moment du déjeuner entre 13 et 15 heures où je la voyais souvent disparaître de son bureau voisin du mien le mardi mercredi, jeudi'.

Il ne saurait être reproché à Monsieur [E] [K] de ne pas produire des éléments de nature à justifier de manière plus précise, alors que la salariée ne l'est absolument pas elle-même, les horaires effectivement réalisés par Madame [O] [U].

Concernant un éventuel système d'enregistrement automatique, il n'est pas allégué qu'il en existait un au sein de l'Assemblée nationale pour la catégorie d'emploi dont relevait Madame [O] [U].

Plus généralement la relation de travail instituée entre un parlementaire et ses assistants est tout à fait singulière, fondée sur l'intuitu personae et une confiance réciproque exclusive de tout système de contrôle a priori. Dans ce cadre bien particulier il appartient au salarié de bonne foi d'informer son employeur de tout élément que ce dernier n'est pas à même structurellement d'appréhender, ne serait-ce que parce qu'il absent de [Localité 3] plusieurs jours par semaine et qu'il ne dispose d'aucun relai pour procéder à de quelconques vérifications d'horaires. Or Madame [O] [U] ne justifie d'aucune démarche, ou même de la moindre allusion, relative à une difficulté concernant ses horaires de travail avant la cristallisation du litige entre les parties. Encore convient-il d'observer que ses premières récriminations (courrier du 20 octobre 2006) ne portaient nullement sur la réalisation d'heures supplémentaires non payées mais sur une mise à l'écart, doléance d'ailleurs peu compatible avec celle qu'elle développera ultérieurement.

Enfin c'est de manière totalement gratuite que Madame [O] [U] insinue que le non paiement de ses prétendues heures supplémentaires permettait à Monsieur [E] [K] de s'enrichir personnellement sur le compte de la dotation qui lui était attribuée alors que plusieurs salariés font état d'une redistribution du solde de celle-ci en fin d'exercice.

Il s'avère donc que Madame [O] [U], tout en disposant d'une grande latitude pour s'organiser dans son travail, n'était pas chargée d'une tâche qu'elle ne pouvait accomplir dans la limite des horaires de son contrat, ce qui exclut la réalisation des heures supplémentaires alléguées.

Il convient dès lors de la débouter de sa demande en paiement.

Sur le remboursement de la somme de 31 500 €.

Madame [O] [U] devra restituer à Monsieur [E] [K] la somme qu'elle a reçue de ce dernier en exécution provisoire de la décision de première instance. Il n'y a toutefois pas lieu à condamnation de ce chef, le présent arrêt infirmatif constituant de plein droit le titre permettant si nécessaire la mise à exécution forcée de cette restitution.

Il convient simplement de préciser que, par application des dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du code civil, les intérêts sur la somme à restituer courront au taux légal à compter du jour de la notification du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, Madame [O] [U] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

La somme qui doit être mise à la charge de Madame [O] [U] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [E] [K] peut être équitablement fixée à 1 500 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Déboute Madame [O] [U] de ses demandes.

Condamne Madame [O] [U] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur [E] [K] la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 09/06410
Date de la décision : 31/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°09/06410 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-31;09.06410 ?
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