RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 31 Mars 2011
(n° 5 , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/10666 EG
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mars 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 06/14996
APPELANT
Monsieur [L] [D]
[Adresse 6]
[Localité 7]
comparant en personne, assisté de Me Antonio SARDINHA-MARQUES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0300
INTIMÉES
SA BANQUE BELGOLAISE
[Adresse 8]
[Localité 3] (BELGIQUE)
représentée par Me Charlotte HAMMELRATH-CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053
SOCIETE FORTIS BANQUE 'FORTIS BANK'
[Adresse 5]
[Localité 11]
représentée par Me Charlotte HAMMELRATH-CAZENAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle BROGLY, Conseillère qui en ont délibéré
Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement formé par [L] [D] contre un jugement du conseil de prud'hommes de PARIS en date du 26 mars 2008 ayant statué sur le litige qui l'oppose à son ancien employeur, la société Banque BELGOLAISE, SA de droit belge, et à la société FORTIS BANQUE / FORTIS BANK, société de droit étranger.
Vu le jugement déféré ayant :
- débouté [L] [D] de l'ensemble de ses demandes et les sociétés Banque BELGOLAISE et FORTIS BANK de leurs demandes reconventionnelles,
- condamné le salarié aux dépens.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
[L] [D], appelant, poursuit :
- l'infirmation du jugement entrepris,
à titre principal,
- la condamnation solidaire de la Banque BELGOLAISE et de la société FORTIS Banque à lui payer les sommes de :
740'000 € à titre de rappel sur le bonus 2005,
318'300 € à titre de rappel sur le bonus 2006, pour la période du 1er janvier au 6 juin 2006,
740'000 € à titre de rappel sur le bonus 2006/2007, pour la période du 7 juin 2006 au 6 juin 2007,
378'428 € à titre de rappel d'indemnité contractuelle de licenciement,
à titre subsidiaire,
- la désignation d'un expert-comptable ayant notamment pour mission de donner tous éléments techniques et de fait permettant de fixer les résultats d'AMB et, par suite, les bonifications annuelles lui revenant pour 2005 et 2006,
en tout état de cause,
- la constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse fondant son licenciement,
- la condamnation solidaire de la Banque BELGOLAISE et de la FORTIS Banque à lui verser les sommes de :
870'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.
La société de droit belge BELGOLAISE et la société de droit étranger FORTIS Banque, intimées, concluent :
- à la confirmation du jugement déféré
- au débouté de [L] [D] de toutes ses demandes,
- à sa condamnation au paiement de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Banque du Congo Belge, créée en 1909, était la banque d'émission du Congo belge. Devenue par la suite BANQUE BELGOLAISE, elle s'est déployée à partir des anciennes colonies du Congo, du Rwanda et du Burundi dans les autres pays d'Afrique. Avec l'apport d'actifs européens, elle a proposé ses services, par l'intermédiaire notamment de ses salariés spécialistes travaillant au siège de [Localité 3] ou dans ses succursales de [Localité 9] et [Localité 10], à une clientèle sélectionnée d'entreprises, d'institutionnels, de banques et de particuliers installés ou ayant des relations étroites avec l'Afrique.
Sa succursale française a été créée à [Localité 10] en 1997 pour répondre aux besoins de la clientèle des pays d'Afrique francophone. Elle a connu un développement rapide à partir de 1998, avec notamment la création d'une activité de banque d'affaires et de la structure Africa Merchant Bank (AMB).
Né en 1990 de la fusion entre une compagnie d'assurances néerlandaise, une banque néerlandaise et un assureur belge, le groupe FORTIS est devenu un prestataire international de services financiers spécialisé dans le domaine de la banque et de l'assurance. Sa filiale FORTIS Banque était l'actionnaire unique de la banque Belgolaise depuis l'année 2000.
En 2005, le Groupe FORTIS a pris la décision de ne pas poursuivre le développement en Afrique de la Banque BELGOLAISE et de cesser l'ensemble de ses activités tant en Europe qu'en Afrique, ce qui impliquait la cession de ses participations dans ses filiales africaines, la fermeture de ses pôles d'activité et notamment de sa succursale à [Localité 10] qui entraînait la suppression de la totalité des postes occupés par ses 61 salariés et l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée signé le 18 janvier 1998 et régi par la convention collective nationale du personnel des banques, la société BELGOLAISE SA avait engagé [L] [D], à compter de cette date, en qualité de directeur associé. Le salarié exerçait ses fonctions au sein de la succursale de la Banque BELGOLAISE à [Localité 10] et avait pour mission de développer l'AMB, Africa Merchant Bank.
Sa rémunération comprenait un salaire payable sur 14 mois et demi et une bonification annuelle dont les modalités de calcul et de versement ont été modifiées par l'avenant n° 1 signé le 30 juillet 1999. En son dernier état, son salaire brut mensuel s'élevait à 9 967,82 € hors bonification.
Le 23 février 2006, la Banque BELGOLAISE l'a informé de la suppression de l'ensemble des postes de l'entreprise, dont le poste de directeur associé qu'il occupait, et lui a proposé son reclassement au sein du groupe FORTIS dans la fonction d'Executive Director 'Emerging Markets', poste basé à [Localité 11], moyennant une rémunération brute annuelle de 129'582 €.
Le 28 mars 2006, elle lui a proposé le même poste de reclassement basé à [Localité 3] comportant une rémunération identique.
Le 2 juin 2006, elle lui a notifié son licenciement dans les termes suivants :
' nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique ; cette mesure se place dans le cadre d'un licenciement collectif dont les causes, qui ont été exposées au comité d'entreprise lors de réunions qui se sont déroulées au cours des mois d'octobre, novembre pour s'achever le 5 décembre 2005, sont les suivantes :
Afin de compenser les effets négatifs de la dégradation de la situation économique et politique dans les pays dans lesquels elle avait à l'origine concentré ses activités, la Banque Belgolaise avait mis en place au cours des années récentes une politique de diversification et de croissance visant à alimenter ses activités européennes par une augmentation de ses opérations et de ses flux transactionnels à partir de son réseau de banques africaines structuré autour de cinq zones.
Ainsi, d'importants efforts en termes d'investissements ont été réalisés pour un montant total de 52,2 millions d'euros. Pourtant, malgré ces efforts la contribution du réseau Afrique dans les résultats de la Banque n'a pas été à la hauteur des résultats escomptés. Ainsi, les résultats accumulés totaux du Réseau Afrique de la Banque Belgolaise sur les cinq dernières années s'élèvent seulement à 6,2 millions d'euros avec des disparités significatives selon les pays.
Par ailleurs, dans un contexte concurrentiel difficile et des perspectives sombres de développement dans les pays où la Banque Belgolaise est principalement implantée (Côte d'Ivoire, Nigéria,..), la Banque a vu la valeur de son portefeuille diminuer de plus de 50 %, ce dernier n'étant plus estimé qu'à 25,6 millions d'euros tandis que son apport brut était en stagnation. En outre, du fait d'une augmentation significative de ses frais d'exploitation (plus 20 % entre 1997 et 2004) et de ses provisions, la Banque a enregistré un résultat avant impôt structurellement déficitaire entre 1997 et 2004.
À la suite de l'annonce de la décision de son actionnaire unique, le Groupe Fortis, de ne pas poursuivre le développement en Afrique du Groupe Belgolaise et de se désengager de celui-ci, la Banque Belgolaise a tenté de trouver des solutions alternatives qui permettraient d'assurer la poursuite de son développement et la préservation de ses emplois. Toutefois, aucune solution satisfaisante de reprise par un tiers n'a pu être mise en oeuvre car aucune des offres de reprise présentées ne présentait suffisamment de garanties en termes de maintien de la structure et de ses emplois.
Confrontée en outre à :
(i)Un renforcement des contraintes réglementaires et prudentielles qui régissent la profession bancaire...............................................................................................
(ii)à l'absence de perspectives à court et moyen terme d'amélioration sur son marché africain,
(iii)et ne disposant pas des ressources propres lui permettant d'assurer son développement face à la concurrence tout en faisant face à l'augmentation prévisible de ses coûts, la Banque Belgolaise n'avait d'autre choix que de cesser l'ensemble de ses activités à court et moyen termes. Ce projet devait entraîner la fermeture de l'ensemble de ses succursales européennes, y compris celles de la Succursale française. Néanmoins, en raison de l'engagement du Groupe Fortis de proposer une solution ferme de reclassement à chacun des salariés concernés par ce projet de fermeture, la Banque Belgolaise a considéré que son projet permettrait de limiter au maximum les conséquences sociales négatives liées à une telle décision.
....................................................................................................................................................
Afin d'accompagner les départs des salariés de la Succursale française, un plan de sauvegarde de l'emploi a été présenté au comité d'entreprise qui a émis un avis sur le contenu de ce plan le 5 décembre 2005.
Nous vous avons ainsi adressé une première proposition le 24 février 2006 pour le poste d'Executive Director 'Emerging Markets' chez Fortis Bank - Succursale France -.................. à [Localité 11].............................. vous nous avez fait part de votre refus le 21 mars 2006.
En conséquence, nous vous avons fait une seconde proposition le 28 mars 2006 pour le poste
d'Executive Director 'Emerging Markets' chez Fortis Banque SA [Localité 3].........................
vous nous avez fait part de votre refus de cette seconde proposition le 23 mai 2006.
Compte tenu de l'absence de solution de reclassement envisageable, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.
Votre préavis d'une durée de 12 mois, que nous vous dispensons d'effectuer débutera à la date de présentation de cette lettre et vous sera payé en une seule fois à cette même date.'
[L] [D] fait valoir :
- qu'au cours de l'année 2005, la société FORTIS Banque, actionnaire unique de la Banque BELGOLAISE, a pris la décision de fermer les succursales de [Localité 10] et de [Localité 9],
- que concomitamment, ses responsabilités de directeur associé et de directeur financier ont été vidées de leur substance, l'accès aux informations et réunions managériales lui étant refusé alors qu'aux termes de son contrat de travail, il devait être associé aux processus de décision de l'entreprise,
- que dans le même temps, il n'a plus bénéficié de toutes ses bonifications annuelles,
- qu'à la suite du plan de sauvegarde de l'emploi, la Banque BELGOLAISE lui a proposé successivement 2 postes de reclassement identiques d'Executive Director 'Emerging Markets' au sein de la Banque FORTIS, le premier basé à [Localité 10] et le second à [Localité 3],
- qu'il a demandé des informations nécessaires sur les postes proposés pour pouvoir donner sa réponse,
- que sans fournir les informations réclamées, la Banque BELGOLAISE, a considéré qu'il avait refusé les postes de reclassement offerts et lui a notifié son licenciement pour motif économique, le 2 juin 2006,
- que ce motif n'est pas valablement invoqué dans la mesure où l'activité de la Banque BELGOLAISE n'a pas cessé totalement mais survit au sein de la Banque FORTIS, aujourd'hui rachetée par le groupe BNP PARIBAS et s'exerce notamment par sa principale filiale, la BCDC en République Démocratique du Congo,
- que les résultats de la Banque BELGOLAISE ayant tous été excédentaires entre 1998 et 2004, des difficultés économiques ne peuvent être invoquées au soutien de son licenciement,
- que la véritable intention du Groupe FORTIS a été de récupérer le fonds de commerce de la Banque BELGOLAISE et notamment celui d'AMB qui lui était attaché, mais sans les cadres qui faisaient prospérer ces fonds de commerce,
- que la Banque BELGOLAISE et FORTIS Banque ont ainsi scindé l'activité du réseau Afrique pour la répartir entre différentes structures du Groupe FORTIS et éviter le transfert des salariés de la BELGOLAISE,
- que les 2 offres de reclassement qui lui ont été faites étaient imprécises et ne correspondaient pas aux engagements pris par la Banque FORTIS France,
- que celle-ci est d'ailleurs dans l'incapacité de justifier que les emplois qui lui ont été proposés existent et sont occupés,
- que son licenciement, alors qu'il était âgé de 43 ans et avait plus de 20 années d'ancienneté et alors que la Banque FORTIS rachetée par la BNP PARIBAS tire aujourd'hui sur la base du fonds de commerce d'AMB le plus grand profit des perspectives ouvertes par les ressources minières et pétrolières africaines, lui a causé des préjudices très importants, tant professionnels que moraux.
La société de droit belge BELGOLAISE et la société de droit étranger FORTIS Banque soutiennent :
- que, du fait du retrait de sa licence bancaire à la BELGOLAISE par la Commission Bancaire Financière et des Assurances belge, l'activité de cette société est vouée à une extinction progressive en raison de la cessation de ses activités bancaires,
- qu'il n'y a plus aucun salarié au sein de la société et de ses succursales, la plupart des employés ayant été reclassés,
- qu'elle est réduite à une 'coquille vide' maintenue pour gérer les litiges existants et récupérer les créances,
- que la Banque BELGOLAISE était une petite structure qui ne disposait pas de la puissance suffisante pour faire face à ses engagements financiers,
- que dès lors que son actionnaire FORTIS avait décidé de retirer sa participation, elle n'avait plus de soutien financier pour continuer son activité et devait donc cesser cette activité,
- qu'il n'y a eu aucun transfert au profit de FORTIS Banque, ni aucune modification dans sa situation juridique permettant l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail,
- que l'employeur a respecté son obligation de reclassement et ses engagements en faisant à [L] [D] deux propositions à des postes du même niveau de qualification que celui qu'il occupait et comportant la même rémunération annuelle de base complétée par une part variable versée chaque année et le même avantage en nature,
- que le salarié a bénéficié au titre des mesures prévues par le PSE d'une indemnité transactionnelle, d'une indemnité de licenciement, de deux indemnités complémentaires de licenciement, d'une indemnité pour création d'entreprise et d'une indemnité pour enfant à charge totalisant 475'075,54 € correspondants à 4 années de salaire,
- qu'il ne justifie d'aucun préjudice dans la mesure où il a créé sa propre société en novembre 2005,
- que la société FORTIS Bank n'a jamais été son employeur,
- qu'en exécution de l'avenant n° 1 du 30 juillet 1999 à son contrat de travail, il a perçu 28'800 € au titre de sa rémunération variable pour l'année 2006 et aucune bonification pour l'année 2005,
- que le résultat net comptable d'AMB pour les années 2000 à 2004 ne permettait pas le versement d'un intéressement,
- que la bonification pour 2006 a été fixée à 120'000 €,
- que n'ayant travaillé que durant les 6 mois ayant précédé son licenciement, il ne peut prétendre à un rémunération variable supérieure à 28'800 €,
- qu'ayant quitté la BELGOLAISE en juin 2006, il ne saurait réclamer une quelconque bonification au titre de l'année 2007.
SUR CE
- Sur l'exécution du contrat de travail
Sur les demandes au titre de la rémunération variable
L'avenant n° 1 au contrat de travail de [L] [D], signé le 30 juillet 1999, règle les modalités de calcul et de versement de la bonification annuelle visée à l'article 6 du contrat de travail.
Il prévoit notamment que l'intéressement du salarié est calculé chaque année par application d'un pourcentage au résultat avant impôts produit par le centre de profit AMB.
Les éléments comptables permettant de déterminer les résultats d'AMB de 2005 à 2007 et de calculer l'intéressement auquel peut éventuellement prétendre le salarié n'ont pas été versés aux débats. Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande d'expertise formée par l'appelant, afin d'établir le compte entre les parties.
- Sur la qualification du licenciement et ses conséquences
Aux termes de sa lettre du 2 juin 2006, la société Banque BELGOLAISE motive le licenciement économique de [L] [D] par la cessation de l'ensemble de ses activités et la fermeture de l'ensemble de ses succursales européennes résultant de la décision de son unique actionnaire, le Groupe FORTIS, de se désengager de son activité en Afrique.
Préalablement à la notification du licenciement, elle a proposé au salarié, successivement le 23 février, puis le 28 mars 2006 deux postes d'Executive Director 'Emerging Markets', au sein de la Banque FORTIS, le premier basé en France et relevant de la catégorie cadre hors classification, le second basé à [Localité 3] et relevant de la catégorie cadre de direction, tous deux avec reprise d'ancienneté au 5 mars 1986 et comportant la même rémunération brute annuelle de 129'582 € et l'avantage de disposer d'une voiture de fonction.
Aux lettres du salarié des 6, 21 mars et 2 mai 2006 réclamant des informations sur le contenu des propositions, l'employeur s'est limité à répondre que le premier poste proposé faisait partie de la 'business unit' 'Corporate Finance & Capital Markets' plus précisément Afrique et Moyen-Orient, que lors de sa prise de fonction il devrait identifier les moyens de son équipe, que lors de ses entretiens avec les responsables à [Localité 3], fin novembre 2005 et le 18 avril 2006, une information précise et complète lui avait été communiquée sur le premier poste et qu'en ce qui concernait le second poste relevant du droit belge, de niveau très élevé dans la hiérarchie, il avait vocation à évoluer en fonction des missions qu'il choisirait de mener et qu'il n'était pas possible, sans son concours actif dans la création de ce poste, d'être exhaustif au niveau des détails. Il lui a été également indiqué sans autre précision qu'il bénéficierait du système de bonus propre à FORTIS, le schéma d'un intéressement propre à la succursale de la BELGOLAISE ne pouvant être maintenu.
Les propositions de reclassement faites par l'employeur au salarié doivent être loyales et précises.
Les offres de la société Banque BELGOLAISE sont dépourvues de toute définition de la mission qu'elle envisageait de confier à [L] [D]. Aux interrogations du salarié sur le contenu du poste proposé, elle s'est bornée à répondre que toutes informations lui avaient déjà été communiquées lors de ses entretiens avec les responsables bruxellois de la Banque FORTIS.
Le plan de sauvegarde de l'emploi n'a pas été versé aux débats. Cependant, un 'mémo' de la DRH de FORTIS Banque France à l'attention de l'ensemble des collaborateurs de la BELGOLAISE précise que 'Fortis a pris la décision de mettre en oeuvre toutes les mesures utiles visant à éviter tout licenciement sec' et que 'chaque contrat qui sera proposé aux collaborateurs de Belgolaise respectera rigoureusement les principes suivants... :
- Une rémunération annuelle de base (ainsi que tous les éléments de rémunération prévus par le contrat de travail Belgolaise) au moins égale à celle qui était perçue au sein de Belgolaise'.
La réponse de la Banque BELGOLAISE en date du 13 mars 2006 sur une éventuelle modification des éléments de rémunération antérieure de [L] [D] n'est pas en accord avec l'engagement pris de garantir à un niveau égal, au sein de la Banque FORTIS, tous les éléments prévus par le contrat de travail BELGOLAISE.
L'incertitude sur la mission qui aurait été confiée au salarié au sein de FORTIS, sur l'étendue de ses responsabilités et de ses moyens d'action, sur sa rémunération variable ne permet pas de retenir le caractère précis, sérieux et loyal des deux offres de reclassement qui lui ont été faites. C'est donc légitimement que [L] [D] a interrogé son employeur sur ces propositions et a différé sa réponse. Il apparaît dans ces conditions et sans qu'il soit nécessaire d'examiner la validité du motif économique invoqué que la Banque BELGOLAISE n'a pas respecté son obligation de reclassement et que le licenciement notifié le 2 juin 2006 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La cour dispose au dossier des éléments lui permettant de fixer la réparation du préjudice subi par [L] [D] à 200'000 €. Cette réparation est à la charge de son employeur, la Banque BELGOLAISE, sans aucune solidarité à l'égard de la Banque FORTIS avec laquelle le salarié n'a jamais eu aucun lien de droit.
- Sur les demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Il y a lieu de surseoir à statuer sur ces demandes jusqu'à l'issue de la procédure d'appel.
- Sur l'application d'office de l'article L. 1235-4 du Code du travail en faveur du
PÔLE EMPLOI
[L] [D] ayant plus de deux années d'ancienneté et la société Banque BELGOLAISE occupant au moins onze salariés lors de son licenciement, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de deux mois en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau,
Dit que le licenciement pour motif économique notifié à [L] [D] le 2 juin 2006 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Banque BELGOLAISE à lui payer la somme de 200'000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Banque BELGOLAISE à rembourser au PÔLE EMPLOI les indemnités de chômage payées au salarié licencié à compter du jour de son licenciement et dans la limite de deux mois ;
Sursoit à statuer sur le surplus des demandes ;
Avant dire droit sur les demandes de [L] [D] au titre de sa bonification,
Désigne monsieur [W] [R] demeurant [Adresse 4], tel [XXXXXXXX02] fax [XXXXXXXX01] en qualité d'expert, avec mission de :
- entendre les parties et tous sachants,
- se faire communiquer et prendre connaissance de tous documents utiles à la solution du litige, notamment les livres et documents comptables de la Banque BELGOLAISE et de l'entité AMB,
- au vu du contrat de travail de [L] [D] et de son avenant n° 1, déterminer les résultats d'AMB et les bonifications annuelles revenant éventuellement au salarié au titre des années 2005, 2006 et 2007,
- fournir tous éléments de fait relatifs aux contestations des parties,
- s'il y a lieu, dresser le compte entre elles,
- plus généralement, fournir tous éléments utiles à la solution du litige,
- du tout, dresser rapport ;
Dit que l'expert devra déposer son rapport au greffe du pôle social de la cour d'appel
(pôle VI-11) en deux exemplaires et aux parties ou à leur conseil en un exemplaire avant le
31 janvier 2012 ;
Dit que [L] [D] devra faire l'avance d'une provision de 2 500 € à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée auprès du régisseur de la cour d'appel avant le 30 avril 2011 ;
Renvoie l'affaire à l'audience de procédure du 10 février 2012 à 9 heures ;
Dit que la notification du présent arrêt par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffe vaudra convocation des parties pour cette audience ;
Réserve les dépens.
Le Greffier, Le Président,