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29/03/2011 | FRANCE | N°10/06021

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 29 mars 2011, 10/06021


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 29 MARS 2011



(n° ,10 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06021



Décision déférée : Ordonnance rendue le 03 Septembre 1998 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS



Nature de la décision : contradictoire



Nous, L

ine TARDIF, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié pa...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 29 MARS 2011

(n° ,10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06021

Décision déférée : Ordonnance rendue le 03 Septembre 1998 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : contradictoire

Nous, Line TARDIF, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 01 février 2011 :

L' APPELANTE

- La société HORPHAG RESEARCH SALES LIMITED, société de droit guernesiais

prise en la personne des ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 15]

Élisant domicile au Cabinet Maître Gilbert LADREYT et Agnès ANGOTTI

[Adresse 5]

[Localité 10]

assistée de Me Gilbert LADREYT et Me Agnès ANGOTTI, avocats de la société GIDE LOYRETTE NOVELLE, avocats au barreau de Paris, toque : T04.

et

L'INTIMÉ

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux,

[Adresse 8]

[Localité 11]

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocate au barreau de MONTPELLIER.

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 01 février 2011, les avocats de l'appelante et l'avocate de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 29 Mars 2011 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après:

FAITS, CIRCONSTANCES ET PROCEDURE

Dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité diligentée par les services de la Direction des Vérifications de la Région Ile de France Ouest à [Localité 12], à l'encontre de la SAS BIOLANDES AROME à [Localité 13], le vérificateur a eu connaissance de l'existence d'un contrat de fournitures, non daté mais avec effet au 2 janvier 1995, conclu entre la SAS BIOLANDES AROME et la société HORPHAG RESEARCH Ltd sise à [Localité 15], aux termes duquel la première s'engageait à fournir à titre exclusif à la seconde un produit constitué de procyanidines des écorces de pin maritime.

Le vérificateur avait également relevé que nonobstant l'exclusivité prévue au contrat, la SAS BIOLANDES AROME commercialisait le même produit auprès des sociétés HORPHAG RESEARCH SALES Ltd à [Localité 15] et HORPHAG RESEARCH UK Ltd à Londres.

Une demande d'assistance administrative a été adressée aux autorités fiscales britanniques permettant d'obtenir des renseignements concernant ces trois sociétés :

-HORPHAG RESEARCH Ltd était immatriculée à [Localité 15] sous le numéro 22662, depuis le 30 mai 1990.

-HORPHAG RESARCH SALES Ltd était immatriculée à [Localité 15] sous le numéro 29657, depuis le 23 juin 1995 ;

-HORPHAG RESEARCH UK était immatriculée à Londres sous le numéro 2800432 depuis le 17 mars 1993.

Ces trois sociétés avaient pour actionnaire, principal ou unique, la société LA FOREST INTERNATIONAL Inc domiciliée aux Iles Vierges Britanniques.

Une procédure était pendante devant la première chambre de la Cour d'appel de Bordeaux opposant la société HORPHAG RESEARCH LIMITED aux sociétés SCIPA, INTERNATIONAL COMPANY (Pays Bas),INTERNATIONAL NUTRITION COMPANY(Lichtenstein) et à MM.[P],[K] et [J], et l'Administration fiscale dans le cadre de l'exercice de son droit de communication a été autorisée à consulter et à obtenir copie de documents issus de cette procédure.

Parmi les documents pris en copie figurait une attestation en date du 20 mai 1997, établie par [E] [H] en qualité de représentant d'HORPHAG RESEARCH Ltd.

Cette attestation était établie sur du papier à entête d'HORPHAG RESEARCH Ltd,comportant le numéro d'immatriculation 29657 qui correspondait à celui de la société HORPHAG RESEARCH SALES Ltd,

Par ailleurs, [E] [H] apparaissait au travers de la procédure comme le représentant, l'animateur ou le dirigeant d'HORPHAG.

De plus, les renseignements obtenus par l'administration fiscale, auprès de la Direction Régionale de PARIS SUD de FRANCE TELECOM, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication de l'Administration fiscale, ont mis en évidence l'importance et la fréquence des appels ainsi que la destination des communications téléphoniques tant en France qu'à l'étranger émis à partir de la ligne n° [XXXXXXXX01] attribuée à M.[E] [H] qui était titulaire d'une ligne téléphonique portant ce numéro au [Adresse 7], Mme [V] [H] étant par ailleurs titulaire d'une ligne téléphonique n° [XXXXXXXX02] également au [Adresse 7], ces éléments laissant présumer de la part de M. [H] une utilisation plus professionnelle que privée de sa ligne.

Les recherches effectuées auprès de FRANCE TELECOM INTERNATIONAL ont permis l'identification de nombreux correspondants étrangers notamment les sociétés NEW IMAGE INTERNATIONAL domiciliée à [Localité 16](Nouvelle Zélande) et MW INTERNATIONAL INC domiciliée à HILLSIDE NJ (USA), ces deux sociétés apparaissant comme destinataires de produits facturés à la société HORPHAG RESEARCH SALES LIMITED par la société SAS BIOLANDES AROMES.

En outre ont été également constatés de nombreux appels à destination de la société HORPHAG RESEARCH M ou B SARL à [Localité 14] et de M.[X] [L] à Neuchatel(Suisse), ce dernier apparaissant notamment comme actionnaire et administrateur de la société HORPHAG RESEARCH M et B SARL dont le siège social est en Suisse et qui a pour objet la détention de marques, brevets et autres droits de propriété intellectuelle.

Cette société qui avait pour actionnaires M.[L] et la société LA FOREST INTERNATIONAL Inc. se substituant à HORPHAG RESEARCH Ltd , était titulaire en France des marques Pycnogenol et Oligopine.

Parmi les destinataires des appels téléphoniques nationaux passés à partir de la ligne attribuée à [E] [H] figuraient également les numéros attribués à [I] [F], lequel apparaissait comme avocat plaidant de la société HORPHAG RESEARCH Ltd dans la procédure communiquée par le Parquet général de Bordeaux.

Par ailleurs, selon les renseignements communiqués par FRANCE TELECOM, aucune ligne téléphonique n'était attribuée à [Localité 10] ou sur l'Ile de France aux sociétés HORPHAG RESEARCH Ltd, HORPHAG RESEARCH SALES ou HORPHAG RESEARCH M ou B SARL.

Enfin, il a été vérifié que les époux [H] disposaient de onze comptes bancaires ouverts dans les banques françaises, les recherches entreprises sur les banques de données pour la Suisse ne permettant pas de les identifier aux trois adresses à [Localité 17] et à [Localité 14] qu'ils indiquaient sur ces comptes.

Toutes ces constatations ont fait craindre à l'Administration fiscale que les trois sociétés en cause ne constituent un groupe informel animé ou dirigé par [E] [H], à partir de locaux qu'il occupait à [Localité 10] et n'exercent habituellement une activité commerciale en France dans le cadre d'une installation possédant une autonomie propre, alors que ni ces trois sociétés, ni M.[E] [H] n'étaient répertoriés auprès des services fiscaux pour l'exercice d'une activité professionnelle.

Par ordonnance en date du 3 septembre 1998 du juge délégué par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, des agents de l'administration des impôts ont été autorisés à procéder à des opérations de visite domiciliaire à l'encontre de [E] [H] et des sociétés de droit guernesiais HORPHAG RESEARCH Ltd et HORPHAG RESEARCH SALES Ltd et de droit suisse HORPHAG RESEARCH M and B SARL ,'présumés l'un et/ou les autres, avoir occulté leurs activités réalisées en France en n'ayant pas souscrit les déclarations fiscales y afférentes et ainsi s'être soustraits à l'établissement et au paiement :

-de l'impôt sur le revenu (catégorie des bénéfices industriels et commerciaux -BIC- ou des bénéfices non commerciaux-BNC-) pour Mr [H] [E],

-de l'impôt sur les sociétés (IS) pour les sociétés susvisées,

-et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour toutes les entités visées, en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts (articles 54 du code général des impôts pour les BIC,99 pour les BNC, 54 et 209-1 pour l'IS et 286-3 pour la TVA) '.

Cette ordonnance a autorisé la visite :

- des locaux d'habitation et/ou professionnels et dépendances occupés en droit et/ou en fait par M.[H] [E] et /ou Mme [H] [V] née [Y] et/ou les sociétés HORPHAG RESEARCH LIMITED et/ou HORPHAG RESEARCH SALES LIMITED et/ou HORPHAG RESEARCH M and B SARL sis [Adresse 6]

- et des locaux professionnels occupés en droit et /ou en fait par Maître [F] [I] avocat, sis [Adresse 9].

Les opérations ainsi autorisées se sont déroulées le 10 septembre 1998 et ont été relatées par procès-verbal de même date.

M.[H] [E] qui était né le [Date naissance 4] 1920 est décédé en 2001.

Il a été interjeté appel par la société HORPHAG RESEARCH SALES LIMITED, par déclaration d'appel enregistrée le 6 avril 2010 au greffe des procédures particulières de la Cour d'appel de Paris sous le numéro 10/06021 de l'ordonnance rendue le 3 septembre 1998 par le délégué du Président du Tribunal de Grande Instance de Paris en application notamment de l'article L16 B du Livre des procédures fiscales étant précisé :

-que l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a modifié cet article en instaurant d'une part ,une voie d'appel contre l'autorisation de visite domiciliaire et d'autre part une voie de recours contre le déroulement des opérations de visite,

-et que des dispositions transitoires concernant les procédures de visite et de saisie pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi, ainsi notamment lorsque les procédures de contrôle mises en oeuvre à la suite d'une procédure de visite et de saisie ont donné lieu à proposition de rectifications et font encore l'objet d'un recours, ce qui est le cas en l'espèce.

C'est au visa de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales et de l'article 700 du code de procédure civile, que la société HORPHAG RESEARCH SALES Ltd a relevé appel et formé un recours, étant précisé que l'instance qui l'oppose à l'administration est actuellement pendante devant la Cour administrative d'appel de Paris.

A l'appui de sa demande d'annulation de l'ordonnance du 3 septembre 1998, l'appelante invoque les griefs suivants :

-la violation des dispositions de l'article 6§1 de la Convention EDH qui garantissent le droit à être jugé dans un délai raisonnable et le droit d'accès effectif à un Tribunal,

- le caractère irrégulier de l'ordonnance attaquée en la forme,

- l'impossibilité matérielle d'une vérification par le juge du bien fondé de la requête,

- les pièces produites qui ne permettraient pas de faire présumer la fraude fiscale.

Le Directeur général des finances publiques demande au Premier président de rejeter ces demandes et de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 septembre 1998.

SUR QUOI:

LE DELEGUE DU PREMIER PRESIDENT:

1)Sur la violation des dispositions de l'article 6§1 de la Convention EDH qui garantissent le droit à être jugé dans un délai raisonnable et le droit d'accès effectif à un tribunal:

Attendu qu'à l'appui de ce moyen , la société HORPHAG RESEARCH SALES LIMITED soutient sous le visa de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme :

-qu'elle a été parfaitement diligente et que 'le délai de douze ans écoulé depuis la visite domiciliaire, s'explique par le fait que la procédure française qui était irrégulière , a dû être modifiée par la Loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008, soit près de dix ans après les faits;'

-qu'elle 'n'a pas pu contester dans un délai raisonnable l'ordonnance d'autorisation ;'

- que 'son appel devant le Premier président de la Cour d'appel de Paris a été ouvert plus de dix ans après les faits' et que 'ce retard est exclusivement imputable à l'Etat';

-que 'cette méconnaissance du délai raisonnable justifie l'annulation de l'ordonnance attaquée car cet écoulement excessif de temps a affecté la capacité de l'appelante à se défendre effectivement ;'

Qu'elle ajoute par ailleurs, que ' l'appel devant le Premier président, douze ans après la visite domiciliaire, ne répond pas à la notion de recours effectif aux termes de l'article 6§1 de la Convention EDH, d'autant que' M.[H], occupant des lieux visités et dirigeant de fait présumé de l'appelante ''est décédé depuis dix ans ;'

Mais attendu que contrairement à ce que soutient l'appelante, la loi du 4 août 2008 n'est pas contraire à l'article 6§1 de la CEDH, pas plus qu'à l'article 1 du Protocole additionnel n°1 ;

Qu'en effet, elle ouvre un recours nouveau qui permet d'accéder à un juge pour que soient vérifiées les conditions formelles d'autorisation de la visite domiciliaire, les présomptions articulées au fond pour la délivrance de l'ordonnance et, le cas échéant, les circonstances du déroulement de la visite ;

-Qu'aux termes de son arrêt rendu le 21 février 2008(aff.RAVON et autres C/FRANCE req.18497/03), évoqué par l'appelante, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu à la violation de l'article 6§1 de la CEDH dans la mesure où les requérants n'avaient pas pu bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif, en fait comme en droit, de la régularité de la décision prescrivant la visite ainsi que, le cas échéant, des mesures prises sur son fondement, le ou les recours disponibles devant permettre en cas d'irrégularité, soit de prévenir la survenance de l'opération, soit, dans l'hypothèse où une opération jugée irrégulière a déjà eu lieu, de fournir à l'intéressé un redressement approprié(point 28) ; que la Cour a considéré que la possibilité de se pourvoir en cassation, juge du droit, ne permettait pas un examen des éléments de fait fondant les autorisations litigieuses (point 29), et que le contrôle juridictionnel par ailleurs prévu par l'article L 16 B ne suffisait pas à combler cette lacune (point 30);que ce disant, la Cour a seulement jugé que les personnes concernées par la visite devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif et précisé les deux points sur lesquels devait pouvoir porter ce contrôle :

-la régularité de la décision prescrivant la visite,

-la régularité des mesures prises sur son fondement ;

Que notamment l'arrêt du 21 février 2008, n'a pas remis en cause le principe de la légalité des visites domiciliaires judiciairement autorisées en cas de présomption de fraude, affirmé par la Cour dans son arrêt KESLASSY du 8 janvier 2002, dès lors que la législation et la pratique des Etats en la matière offraient des garanties suffisantes contre les abus ;(CEDH 2ème section arrêt n°51578/99 du 8 janvier 2002) ;

Qu'au contraire, la Cour européenne a précisé sa jurisprudence par son arrêt rendu le 16 octobre 2008(CEDH 5 ème section n°10447/03-affaire MASCHINO/FRANCE .)

Que par ailleurs, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que' les dispositions de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, qui introduisent la possibilité d'un appel devant le Premier président de la cour d'appel en matière de droit de visite de l'administration des impôts permettent d'obtenir un contrôle juridictionnel effectif de la décision prescrivant la visite'et 'ainsi, elles ne constituent pas une immixtion du législateur dans un litige en cours et ne contreviennent pas aux dispositions de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales'; (cass.com. 9/03/2010 pourvoi 09-14 707 Bull 2010 IV n° 50°C) ;

Qu'enfin, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions introduites par la loi du 4 août 2008 n'étaient pas contraires au droit à un recours juridictionnel effectif et qu'en outre celles-ci n'affectaient aucune situation légalement acquise dans des conditions contraires à la garantie des droits proclamés par l'article 16 de la Déclaration de 1789, jugeant ainsi que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales était conforme à la Constitution ; (décision n°2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010.) ;

Que la modification apportée par l'article 164 de la loi du 4 août 2008 a donc ajouté un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision prescrivant la visite et des mesures prises sur son fondement et a maintenu les mêmes garanties déjà prévues par la loi ;

Qu'il en résulte que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction actuelle et les dispositions transitoires de l'article 164 précité sont conformes aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme, à l'article 6§1 de la CEDH ainsi qu'à l'article 1du Protocole additionnel n°1 ;

2)Sur le caractère irrégulier de l'ordonnance attaquée en la forme :

Attendu que l'appelante soutient :

a) d'une part que l'ordonnance ne mentionne pas que les personnes dont les locaux font l'objet de l'autorisation de visite ont la faculté de saisir le juge ayant autorisé les opérations et ce avant le commencement des opérations et pendant le déroulement de celles-ci ;

Que pour ce faire, elle invoque à nouveau l'arrêt RAVON et critique l'interprétation faite par l'Administration des arrêts MASCHINO etARCALIA ;

Mais attendu que:

-aux termes de l'arrêt RAVON ,ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus ,la Cour a jugé que les personnes concernées par la visite devaient bénéficier d'un contrôle juridictionnel effectif et précisé les deux points sur lesquels devait porter ce contrôle , à savoir la régularité de la décision prescrivant la visite et la régularité des mesures prises sur son fondement et ce sans aucune autre exigence;

-aux termes de l'arrêt rendu le 16 octobre 2008,indiqué également ci-dessus (CEDH 5ème section n°10447/03-affaire MASCHINO/la France), elle a jugé(§33)rappelant la décision KESLASSY que 'l'article L 16 B du livre des procédures fiscales énonce un certain nombre de garanties. D'une part , il prévoit une autorisation judiciaire préalable après vérification par le juge des éléments fondant la demande de l'administration. D'autre part, l'ensemble de la procédure de visite et de saisie est placée sous l'autorité et le contrôle du juge qui désigne un officier de police judiciaire pour y assister et lui rendre compte , et qui peut à tout moment se rendre lui-même dans les locaux et ordonner la suspension ou l'arrêt de la visite';

-et qu'aux termes de l'arrêt rendu le 31 août 2010(CEDH 5ème section n°33088/88 -affaire SAS ARCALIA/la France ),il a été jugé que'...le grief, tiré de l'ineffectivité du contrôle opéré par les juges des libertés et de la détention , ne saurait prospérer dans la mesure où la cour d'appel sera amenée à effectuer un second contrôle des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa demande d'autorisation pour diligenter une visite domiciliaire;'

Qu'en l'espèce, l'ordonnance déférée qui a été notifiée préalablement à la personne présente sur les lieux ainsi que l'établit le procès-verbal rédigé à l'issue des opérations de visite et de saisie mentionne les officiers de police judiciaire chargés d'assister aux opérations , de tenir informé le juge délégué par le Président du Tribunal de grande instance de Paris et de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense;

Qu'ainsi , l'ordonnance satisfait en toutes ses dispositions aux exigences de la Convention européenne et que le moyen sera dès lors, écarté;

b) d'autre part , que l'ordonnance ne mentionne pas la faculté de faire appel au conseil de son choix:

Attendu que la demanderesse soutient que ,l'ordonnance attaquée en ne précisant pas la faculté de faire appel à un conseil de son choix , doit être considérée comme ne respectant pas le droit à l'assistance d'un défenseur de son choix énoncé par l'article 6§3 de la Convention EDH et partant doit être considérée comme irrégulière, un contrôle a posteriori par le premier président de la cour d'appel n'étant pas de nature à couvrir cette atteinte aux droits de la défense;

Mais attendu que sur l'accès à l'avocat , la loi en vigueur à l'époque de l'ordonnance critiquée ne prévoyait pas la mention d'une telle possibilité;

Que la Cour européenne des droits de l'homme n'en avait pas non plus affirmé le caractère indispensable;

Qu'enfin la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin 2010( pourvoi n° 09-66678 )a rappelé que 'Le juge des libertés et de la détention n'était pas tenu de mentionner dans sa décision que tout intéressé a le droit de solliciter auprès de lui la suspension ou l'arrêt des opérations autorisées en cas de contestation de leur régularité et a la possibilité de faire appel à un avocat ; qu'ayant relevé l'existence de recours engagés par ailleurs contre les conditions concrètes de la visite domiciliaire le premier président en a déduit à bon droit que c'est dans le cadre de ces recours qu'il peut s'assurer du respect des droits de la défense';

Que ces moyens ne sont donc pas fondés;

3) Sur la vérification par le juge de l'autorisation du bien fondé de la requête:

Attendu que l'appelante évoque:

a)l'impossibilité matérielle d'une vérification conforme aux dispositions de l'article L16B du LPF, au motif que l'administration fiscale a présenté le 3 septembre 1998 à l'appui de sa requête 400 feuillets correspondant à 56 pièces et que le juge de l'autorisation a rendu son ordonnance le jour même;

Mais attendu qu'il est de jurisprudence constante que 'l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ne prévoit aucun délai entre la présentation de la requête et le prononcé de la décision et que le nombre de pièces produites comme la circonstance que certaines décisions soient rédigées dans les mêmes termes que d'autres visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence , ne peuvent à eux seuls laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude fiscale'(Cass.com12 octobre 2010 pourvoi n°09-15573);

b) la violation des dispositions de l'article 6§1 de la Convention EDH garantissant le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par le juge de l'autorisation et soutient que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable a été doublement violé le juge de l'autorisation ayant jugé trop vite et le premier président de la cour d'appel de Paris allant juger trop tard, reprenant ainsi des arguments invoqués précédemment auxquels il a déjà été répondu;

4)Sur la présomption de fraude fiscale:

Attendu qu'il est renvoyé à l'exposé des faits ,circonstances et procédure pour l'énumération des éléments dont disposait l'administration et dont a disposé le premier juge pour estimer qu'il existait, non des preuves mais des présomptions de fraude fiscale;

Que le juge de l'autorisation n'est pas le juge de l'impôt et qu'il ne lui appartient pas , dans le cadre de sa saisine ,de statuer sur le bien fondé de l'imposition , dès lors que l'existence de présomptions justifie l'autorisation ; que le juge doit rechercher s'il existe des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de preuve sollicitée , mais qu'il n'est pas tenu d'établir l'existence de ces agissements; que le Premier président apprécie l'existence des présomptions à la date de l'autorisation de visite sans avoir à tenir compte des résultats de la vérification de comptabilité ultérieure;

Attendu que l'appelante soutient que:

a)les pièces produites par l'administration fiscale ne permettent pas de faire présumer qu'elle ou les autres sociétés ou Mr [H] se seraient soustraits à l'établissement ou au paiement de l'impôt ,ce qui suppose au préalable l'exercice habituel d'une activité en France, contestant:

-le rôle de [E] [H] au sein du groupe HORPHAG,

-sa qualité présumée de représentant ,animateur ou dirigeant,

-l'exercice habituel d'une activité commerciale des sociétés en France,

-la loyauté de l'administration qui aurait présenté au juge de l'autorisation des faits incomplets.

Mais attendu que c'est l'ensemble des éléments réunis qui a permis de présumer que les trois sociétés en cause étaient susceptibles de constituer un groupe informel animé ou dirigé par [E] [H], à partir de locaux qu'il occupait à [Localité 10] et qu'ainsi elles pouvaient être présumées exercer habituellement une activité commerciale en France dans le cadre d'une installation possédant une autonomie propre à savoir notamment :

- l'attestation établie par Mr [H] en qualité de représentant d'HORPHAG RESEARCH Ltd sur le papier à entête de cette société mais comportant le n° d'immatriculation 29657 à [Localité 15] de la société HORPHAG RESEARCH SALES Ltd,

-l'examen de la procédure judiciaire communiquée par le Parquet général de la Cour d'appel de Bordeaux qui permettait de constater que la qualité de dirigeant ou d'animateur de [E] [H] était mentionnée dans les écritures de la société HORPHAG RESEARCH Ltd et dans le jugement du tribunal de Grande instance de Bordeaux ;

-les produits commandés à BIOLANDES AROME et facturés à HORPHAG RESEARCH SALES ou HORPHAG RESEARCH UK étaient livrés ,notamment en Nouvelle Zélande et aux Etats-Unis avec lesquelles des appels téléphoniques étaient régulièrement émis à partir de la ligne dont [E] [H] était titulaire ;

Que par ailleurs , le grief de manque de loyauté de l'administration n'apparaît pas fondé, l'appelante ne démontrant nullement que l'administration se serait abstenue de produire des pièces qui auraient été de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge ;

Que de surcroît , il n'est pas démonté ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 23 février 1999( pourvoi n°97-30032), 'en quoi la production des documents litigieux, à les supposer en possession de l'administration, eût été de nature à remettre en cause l'appréciation par le juge des éléments retenus à titre de présomptions de fraude fiscale pour autoriser les visites domiciliaires;'

Qu'en conséquence, il apparaît que le juge délégué par le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris disposait d'éléments suffisants pour présumer la fraude ;

b) à titre subsidiaire que les pièces produites par l'administration ne permettent pas de faire présumer que l'appelante ou les autres sociétés ou Mr [H] aient eu recours à l'un au moins des quatre procédés listés à l'article L 16 B du LPF , le juge devant constater que le contribuable a agi selon l'un au moins des quatre moyens suivants :

-'en se livrant à des achats ou à des ventes sans factures,

- ou en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles,

-ou en omettant de passer ou en faisant passer des écritures,

-ou en passant ou en faisant passer des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ;'

Mais attendu que, le premier juge a relevé qu'il pouvait être présumé que [E] [H] ou les trois sociétés visées par les présomptions de fraude, exerceraient une activité professionnelle en France sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes, et qu'il a été jugé que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales concerne toute soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou de la TVA par l'un des agissements qui y est visé, dont l'omission de passation d'écritures et que le manquement aux obligations déclaratives , agissements relevant de l'article 1741 du code général des impôts autorise la mise en oeuvre de la procédure de visite et saisie domiciliaires;(cass.com 10/02/1998 pourvoi n°95-30221) ;

Qu'en conséquence , le moyen doit être rejeté ;

Attendu que l'appelant conteste par ailleurs 'l'élément intentionnel des prétendues fraudes' et énonce que 'le mot sciemment (exigé pour les 3ème et 4ème procédés ne figure pas dans l'attendu décisif en page 13 alinéa 2 qu'en ce qu'il est inclus dans la citation du texte de l'article L 16 B du LPF par le juge, et non en ce qu'il résulte de l'application de ce texte au cas d'espèce ; '

Mais attendu que la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà statué sur ce point dans un arrêt du 29 juin 2010(pourvoi n° 09-15702) ;

' Attendu que pour statuer comme elle fait, l'ordonnance, après avoir énoncé que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales est applicable dès lors que le contribuable a agi 'en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures inexactes ou fictives' retient qu'en aucune de ses mentions, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'indique que la société Trimble Europe BV aurait procédé à la passation régulière de ses écritures comptables et qu'elle l'aurait fait sciemment ;

Attendu qu'en statuant ainsi,alors que l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales exige de simples présomptions, le premier président a encore ajouté à la loi des conditions qu'elle ne comporte pas';

Attendu que ces moyens seront donc écartés ;

Attendu que du tout, il s'évince qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue le 3 septembre 1998 par le juge délégué par M. le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris ;

5)Sur les frais irrépétibles:

Attendu que succombant en ses demandes, l'appelante sera déboutée de celle formée au titre des frais irrépétibles ;

Que le Directeur général des finances publiques est recevable et fondé à demander sa condamnation à l'indemniser de ses frais irrépétibles par le paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 3 septembre 1998 par le juge délégué par M. le Président du Tribunal de grande instance de Paris ;

Déboute l'appelante de l'ensemble de ses demandes ;

La condamne au paiement de la somme de 1 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Line TARDIF


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/06021
Date de la décision : 29/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°10/06021 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-29;10.06021 ?
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