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29/03/2011 | FRANCE | N°10/00771

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 29 mars 2011, 10/00771


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 29 MARS 2011
(no 130, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00771
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 16559

APPELANTE

Madame AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR représentant l'Etat Français Bâtiment Condorcet-TELEDOC 331 6 rue Louise Weiss 75703 PARIS CEDEX 13 représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour assistée de, Me Alexandre de JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 278 la SCP CHAIGNE ET ASSOCI

ES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame Malika X... épouse Y...... 92600 ASNIERES SU...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 29 MARS 2011
(no 130, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 00771
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 16559

APPELANTE

Madame AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR représentant l'Etat Français Bâtiment Condorcet-TELEDOC 331 6 rue Louise Weiss 75703 PARIS CEDEX 13 représentée par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour assistée de, Me Alexandre de JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 278 la SCP CHAIGNE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame Malika X... épouse Y...... 92600 ASNIERES SUR SEINE représentée par Me Pascale BETTINGER, avoué à la Cour assistée de Me Nejya KHELLAF, avocat au barreau de PARIS, toque : D 450

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre chargé du rapport et Madame Dominique GUEGUEN, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Françoise MARTINI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de PARIS à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

MINISTERE PUBLIC représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions écrites

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour,

Considérant qu'ayant déposé une plainte pour escroquerie contre M. A... B..., Mme Malika X..., épouse Y..., qui, malgré de nombreuses démarches, n'a pu obtenir le renvoi de l'auteur des faits devant la juridiction correctionnelle, ni l'indemnisation de son préjudice, a recherché la responsabilité de l'Etat et, à cette fin, saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 2 décembre 2009, a condamné l'Agent judiciaire du Trésor à lui verser la somme de 11. 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 3. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Considérant qu'appelant de ce jugement, l'Agent judiciaire du Trésor demande que Mme Y... soit déboutée de ses demandes au motif qu'elle est restée fautivement inactive alors qu'il lui était loisible d'user de la procédure d'injonction de payer ou de citer directement M. A... B... devant le tribunal correctionnel ; qu'il ajoute que le dysfonctionnement constaté n'est pas caractéristique d'une faute lourde dès lors que Mme Y... disposait des moyens juridiques pour éviter la prescription et qu'en l'occurrence, il n'existe aucun déni de justice puisqu'elle n'a pas usé des voies de recours mises à sa disposition ; Qu'à titre subsidiaire et compte tenu des incertitudes pesant sur la décision qu'aurait prise le tribunal correctionnel et sur la solvabilité de M. A... B..., l'Agent judiciaire du Trésor demande que l'indemnité allouée à Mme Y... en réparation d'une perte de chance soit réduite à de plus justes proportions ;

Considérant que Mme Y... conclut à la confirmation du jugement en faisant valoir qu'il ne lui était pas possible d'user de la procédure d'injonction de payer ou de la procédure de citation directe dès lors que le procès-verbal ne fait pas apparaître le montant de la somme due et qu'en réalité, les faits sont constitutifs d'un déni de justice ; qu'elle ajoute que, si le ministère public avait poursuivi M. A... B..., elle aurait pu obtenir une somme de 12. 044, 90 euros à titre de dommages et intérêts de sorte que la perte de chance a été exactement évaluée par les premiers juges :
Considérant que M. le procureur général conclut à la confirmation du jugement aux motifs que le déni de justice est caractérisé et que l'évaluation du préjudice subi par Mme Y... a été exactement appréciée ;
SUR CE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, « l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice » ; que, « sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice » ; Qu'il s'infère de ce texte que le déni de justice s'entend non seulement du refus de répondre aux requêtes ou de la négligence à juger les affaires en état de l'être, mais aussi de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend notamment le droit de tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable ; Qu'ainsi défini, le déni de justice doit s'apprécier au regard des circonstances propres à l'espèce ; Considérant que, le 7 octobre 2003 et à la suite d'une plainte déposée par Mme Y..., pour des faits d'escroquerie portant sur une somme de 15. 244, 90 euros et imputés à M. Alfred A... B..., le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné une médiation pénale ; qu'il a fait convoquer les susnommés le 17 décembre 2003 et que l'affaire a été renvoyée au 28 janvier 2004 ; qu'aux termes du procès-verbal dressé à cette date par le délégué du procureur de la République, M. A... B... s'est engagé à payer à Mme Y... la somme de 2. 000 euros, puis une somme de 400 à 500 euros par mois ; Que, le 10 janvier 2005, le conseil de Mme Y... a porté à la connaissance du procureur de la République que M. A... B... n'avait pas respecté son engagement et qu'il n'avait versé que 3. 200 euros ; qu'il demandait alors le renvoi de M. A... B... devant le tribunal correctionnel ; qu'il réitérait ses demandes les 21 juin et 14 septembre 2005, puis par lettre recommandée du 1er septembre 2006, dans laquelle il réclamait une copie du procès-verbal, et encore les 24 janvier et 29 mai 2007 ; Que, le 21 juin 2007, le conseil de Mme Y... a avisé M. le procureur général de la difficulté rencontrée avec le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny et que, le 28 juin, il l'a informé qu'il venait de recevoir une copie du procès-verbal ; Que, le 28 juin 2007, puis le 24 septembre 2007, l'avocat de Mme Y... s'est encore adressé au procureur de la République afin de demander le renvoi de M. A... B... devant le tribunal correctionnel ; Que le conseil Mme Y... s'est adressée au Garde des sceaux et que, par lettre du 8 octobre 2008, le procureur de la République a reconnu le mauvais fonctionnement du service et lui a fait connaître que, faute d'acte interruptif de prescription, l'action publique était prescrite de sorte que ne lui étaient ouvertes que la voie civile ou la recherche de la responsabilité de l'Etat ; Considérant qu'il n'est pas contesté que, même si le procès-verbal de médiation pénale est rédigé en des termes ambigus en ce qu'il porte que M. A... B... a payé à Mme Y... la somme de 2. 000 euros et qu'il s'engage à lui verser une somme comprise entre 400 et 500 euros par mois sans que le montant restant dû soit précisé, il n'en demeure pas moins que la somme restant due s'élève à 12. 044, 90 euros ; Considérant qu'entre le mois de janvier 2005 et le mois de septembre 2007, Maître Khellaf, avocat de Mme Y..., s'est adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny afin de lui faire connaître que M. A... B... ne respectait pas les termes du procès-verbal de médiation pénale et demander son renvoi devant la juridiction correctionnelle ; que le procureur n'a pas donné suite à ces demandes et que, ce faisant, il a laissé se prescrire l'action publique alors qu'en vertu de l'article 41-1 du Code de procédure pénale, il avait le pouvoir de renvoyer M. A... B... devant le tribunal correctionnel en raison de sa défaillance ; Qu'il suit de ce qui précède que, même si Mme Y... aurait pu agir devant le juge civil, le déni de justice est caractérisé ; Considérant que le préjudice matériel subi par Mme Y... s'analyse en une perte de chance d'obtenir des dommages et intérêts devant le juge pénal ; Que, compte tenu des circonstances de la cause, qui ne permettent pas d'affirmer que la juridiction correctionnelle aurait retenu que les faits reprochés à M. A... B... étaient constitutifs d'une escroquerie ou de toute autre infraction pénale, la perte de chance subie par Mme Y... sera évaluée à 7. 000 euros ; Qu'à cette somme, s'ajoute l'indemnisation de son préjudice moral exactement fixée à 1. 000 euros par les premiers juges ; Considérant qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel sauf sur le montant des dommages et intérêts alloués à Mme Y... et de condamner l'Agent judiciaire du Trésor à lui verser, à ce titre, la somme de 8. 000 euros ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, l'Agent judiciaire du Trésor sera débouté de sa demande ; qu'en revanche, il sera condamné à payer à Mme Y... les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 3. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 2 décembre 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a fixé à la somme de 11. 000 euros les dommages et intérêts alloués à Mme Malika X..., épouse Y... ;
Faisant droit à nouveau quant à ce :
Condamne l'Agent judiciaire du Trésor à payer à Mme Y... la somme de 8. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Déboute l'Agent judiciaire du Trésor de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à Mme Y... la somme de 3. 000 euros ;
Condamne l'Agent judiciaire du Trésor aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Bettinger, avoué de Mme Y..., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/00771
Date de la décision : 29/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-03-29;10.00771 ?
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