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24/03/2011 | FRANCE | N°09/24005

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 24 mars 2011, 09/24005


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRÊT DU 24 MARS 2011



(n° 137, 7 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 09/24005



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2009 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006/056963





APPELANTE



SAS FULTON venant aux droits de la Société SAPIN PROMOTION par suite de l'opération

de fusion-absorption de la Société SAPIN PROMOTION par la Société IF PROMOTION devenue FULTON par suite d'un changement de dénomination sociale

agissant poursuites et diligences en la personne ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 24 MARS 2011

(n° 137, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/24005

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Octobre 2009 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006/056963

APPELANTE

SAS FULTON venant aux droits de la Société SAPIN PROMOTION par suite de l'opération de fusion-absorption de la Société SAPIN PROMOTION par la Société IF PROMOTION devenue FULTON par suite d'un changement de dénomination sociale

agissant poursuites et diligences en la personne de son Président et tous représentants légaux

ayant son siège [Adresse 4]

représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour

assistée de Maître Lauriane CHISS, avocat plaidant pour la SELARL ANDRÉ TOUBOUL (Me André TOUBOUL), avocats au barreau de PARIS, toque : L 41

INTIMÉES

SOCIÉTÉ MARTO & FILS, SA

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 3]

représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour

assistée de la SCPA MOLAS - LEGER - CUSIN & ASSOCIÉS (Me Jean LEGER), avocats au barreau de PARIS, toque : P 159

SA DELACHAUX

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour

assistée de Maître Emmanuelle BRIAND, avocat plaidant pour la SCP LEFÈVRE-PELLETIER, avocats au barreau de PARIS, toque : P.238

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 17 février 2011, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Christine BARBEROT, conseillère

Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier :

lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par acte authentique du 28 février 2006, la SARL Sapin promotion a acheté à la SA Delachaux un terrain sis [Adresse 1], sur lequel la société venderesse a déclaré à l'acte, avoir exploité jusqu'en 2003 une aciérie comprenant cinq divisions.

Sur ce terrain désormais en friche, ne restait à la date de la vente que l'ancien bâtiment A de l'exploitation, dont la démolition et la dépollution de la parcelle d'assiette incombait à la société Delachaux. Il avait été spécifié au stade des pourparlers que les autres bâtiments avaient été démolis en 2000 par la SAS Marto & Fils.

La société acquéreur entendait bâtir sur le terrain un ensemble de bâtiments, et en louer un (le futur bâtiment A) à la société Delachaux.

L'acte contenait une clause selon laquelle l'acquéreur prenait le bien dans l'état où il se trouvait au jour de l'acquisition, sans recours ni répétition contre le vendeur à raison de son bon ou mauvais état, de vices de toute nature apparents ou cachés.

Lors des travaux de terrassement nécessaires à l'édification du nouveau bâtiment A, la société Sapin Promotion a découvert sur le site l'existence de massifs et de canalisations en béton, ainsi qu'une citerne de 150 m3, contenant encore des hydrocarbures.

Après avoir exigé de la société venderesse la prise en charge du coût d'enlèvement de ces éléments, et s'être vue opposer la clause de non recours, la société Sapin Promotion a, par actes des 9 août 2006, et 7 juin 2007, fait assigner la société Delachaux sur le fondement des vices cachés et subsidiairement de la réticence dolosive, ainsi que la société Marto & Fils, en qualité de responsable des travaux de démolition.

Par jugement du 9 octobre 2009, le Tribunal de commerce de Paris a :

- joint les causes,

- débouté la société Sapin Promotion de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société Marto & Fils les sommes de 95 680 € TTC avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2007 et 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Sapin Promotion à payer la somme de 10 000 € à la société Delachaux et celle de 3 000 € à la société Marto & Fils au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie, et condamné la société Sapin Promotion aux dépens.

La SAS Fulton, venant, par suite d'une fusion absorption, aux droits de la société Sapin Promotion, a interjeté appel de cette décision, et par dernières conclusions du 12 janvier 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens et argumentation, prie la Cour au visa des articles 1116, 1382 et 1641 et suivants du Code civil, d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

- dire que la découverte d'ouvrages enterrés sur le terrain constitue un vice caché lui causant un préjudice,

- dire que la société Delachaux doit la garantir des conséquences dommageables qui lui ont été causées par ce vice caché,

subsidiairement,

- dire qu'elle a été victime de la réticence dolosive de son vendeur, la société Delachaux et que celle-ci doit la garantir des conséquences dommageables qui en découlent,

- condamner in solidum la société Delachaux et la société Marto & Fils à lui payer les sommes de :

- 110 456,50 € hors taxes, TVA en sus, correspondant aux factures des entreprises Keller et Watelet TP relatives au coût d'enlèvement des constructions découvertes en sous-sol sous l'emprise de l'entrepôt désigné « Bât A » dans l'acte de vente,

- 46 890 € hors taxes, TVA en sus, correspondant au coût d'enlèvement des ouvrages et de la cuve enterrés, découverts depuis le mois de juin 2008,

- débouter la société Marto de sa demande de paiement de la facture n° 701003 du 23 janvier 2007 d'un montant de 80 000 € hors taxes, soit 95 680 € TTC,

- si par impossible la Cour devait estimer que cette facture devait être réglée, condamner la société Delachaux à son paiement,

- dire les sociétés Delachaux et Marto & Fils irrecevables sinon mal fondées en l'ensemble de leurs demandes, les en débouter,

- condamner in solidum la société Delachaux et la société Marto & Fils à lui payer la somme de 15 000 € au titre de l'article 700, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 24 septembre 2010, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens et argumentation, la société Marto & Fils prie la Cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et y ajoutant de :

- condamner la société Fulton à lui payer une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

Par dernières conclusions du 22 septembre 2010, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens et argumentation, la société Delachaux prie la Cour au visa des articles 1116, 1643 et 1134 et suivants du Code civil de confirmer le jugement, et y ajoutant, de :

- débouter la société Fulton de l'intégralité des demandes formées à son encontre en cause d'appel,

- condamner subsidiairement la société Marto & Fils à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle,

- condamner la société Fulton à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.

CECI ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur la garantie des vices cachés

Considérant qu'il convient de rappeler que, suivant acte notarié du 28 février 2006 comportant une clause de non garantie des vices cachés, la SA Delachaux, professionnel de l'aciérie, a vendu à la SARL Sapin promotion, professionnel de l'immobilier moyennant le prix de 9 362'628 €, hors TVA un terrain, à bâtir situé à [Adresse 1] provenant de la division d'un ensemble immobilier de plus grande contenance appartenant au vendeur et comportant en particulier un bâtiment A consistant en un entrepôt exploité par le vendeur que ce dernier s'engageait à démolir à ses frais et sous sa responsabilité ainsi qu'à procéder à la dépollution du terrain d'assiette ;

Que l'acte de vente indiquait encore que la société Delachaux avait exploité sur le terrain vendu une aciérie comprenant cinq divisions, l'exploitation ayant cessé en 2003.

Qu'il est également constant que le terrain acquis, en dehors de la présence de l'entrepôt précité qui n'avait pas été détruit, était en friches, que d'ailleurs l'entreprise Delachaux avait précisé que la démolition des autres bâtiments avait été effectuée par l'entreprise Marto en 2000 ; le terrain étant destiné à être construit ;

Que lors des travaux de terrassement nécessaire à l'édification du nouveau bâtiment A devant être loué à la société Delachaud, la société Sapin a découvert sur le site l'existence de massifs et de canalisations en béton enterrés ainsi qu'une citerne de 150 m cube ayant contenu des hydrocarbures, ce qui constitue un vice caché s'agissant d'un terrain impropre à sa destination n'étant ni nu, ni constructible en l'état ;

Considérant, en droit, que le vendeur est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus, à moins que dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie, sans mauvaise foi de sa part ;

Considérant que, l'acte de vente du 28 février 2006 contenant une clause de non-garantie des vices cachés, il incombe à l'acquéreur de démontrer soit que cette clause n'est pas applicable en raison de la qualité de professionnel de l'immobilier du vendeur, soit que ce dernier connaissait les vices affectant la chose vendue ;

Considérant que la règle selon laquelle le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices cachés de la chose vendue vaut même si l'acheteur est lui-même un professionnel ; qu'il n'est en l'espèce pas contesté que l'acquéreur a la qualité de professionnel de l'immobilier mais pas de l'aciérie de sorte que n'étant pas professionnel de l'aciérie il ne pouvait être présumé connaître les vices affectant le terrain qu'il avait acquis, qu'en revanche, l'entreprise Delachaux est un professionnel de l'aciérie et non de l'immobilier, qu'il s'ensuit que la clause d'exclusion de garantie doit en conséquence être écartée ;

Qu'en effet, la société Delachaux en sa qualité d'exploitante du site dont elle était à même d'appréhender la structure, l'étendue des constructions ainsi que leur assiette, et qui même si les plans des installations remontant à 1971 ne comportaient pas l'existence de massifs de fondations en dehors de l'emprise de l'aciérie L, ne pouvait ignorer qu'une aciérie peut comporter des installations lourdes nécessitant des fondations massives ;

Qu'elle ne peut dans ces conditions, prétendre sans autres vérifications, avoir procédé au retrait des installations auxquelles elle s' était obligée pour vendre un terrain nu destiné à être bâti, en invoquant les travaux qu'elle avait commandés et fait réaliser en 2000 par l'entreprise Marto dont il est prouvé qu'il ne s'agissait que de démolitions partielles ne concernant qu'une partie du terrain comme en atteste le bon de commande versé aux débats ;

Qu'au vu de ces éléments qui établissent que la société Delachaud pouvait connaître les vices affectant la chose vendue, c'est à tort que les premiers juges ont dit que la société Sapin avait la possibilité de soupçonner l'existence de massifs de fondations et accepté ce risque en exonérant la société Delachaud de sa garantie ;

Qu'il convient, réformant la décision de condamner la société Delachaud à payer à la société Fulton le coût des travaux de destruction des ouvrages enterrés pour un montant d'une part, de 110 456,50 € et d'autre part, de 46 890 € hors taxes, TVA en sus ;

Considérant que ces sommes qui représentent le coût des travaux d'enlèvement des massifs, et autres agrégats d'acier et de béton, et de dépollution suffisent à réparer le préjudice subi par la société Fulton qui sera déboutée de sa demande de prise en charge par la société Delachaud du coût des travaux qu'elle a commandés à la société Marto laquelle au demeurant ne formule pas de demande de ce chef à l'occasion de la présente instance ;

Sur la responsabilité de la société Marto

Considérant que l'entrepreneur qui a reçu mission d'exécuter un ouvrage est tenu de réaliser des travaux exempts de vices et d'alerter, dans le cadre de son obligation de conseil, le maître de l'ouvrage sur les défauts de la chose qui en compromettent l'usage, sauf à se faire décharger expressément de sa responsabilité ;

Considérant qu'il résulte de la juxtaposition des plans produits, celui annexé à la commande passée en 2000 par Delachaud et le plan établi par les architectes (pièce 19) à la demande de la société Furton que, contrairement à ce que soutient la société Marto chargée de travaux de démolition dans un périmètre défini sur un plan annexé à sa commande, les matériaux retrouvés sont bien situés dans son périmètre d'intervention incluant les bâtiments H, M, M1, M2, J, B2, G2, L, G, F, I,L1, L3, L5, L7, à l'exception du massif n° 1 du plan situé dans une zone limitrophe ;

Que le bon de commande produit démontre que sa mission était généralisée et incluait les démolitions de superstructure mais aussi d'infrastructure de sorte qu'à supposer qu'elle ait entendu limiter ses recherches à une profondeur déterminée, elle devait le spécifier dans son marché et veiller à attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la présence plausible de massifs de béton résiduels sous les fondations ou à leur proximité immédiate ;

Considérant qu'elle a manqué à son devoir de conseil envers la société Delachaud ;

Considérant que la société Furton, tiers au contrat conclu entre les sociétés Delachaux et Marto est fondée à invoquer, sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, les manquements contractuels précités dès lors que ces manquements lui ont causé un préjudice ;

Considérant dans ces conditions, que la société Marto doit être condamnée in solidum avec la société Delachaux à payer à la société Furton les sommes de 110 456,50 et 46 890 € hors taxes, TVA en sus correspondant à son préjudice ;

Considérant que la société Delachaux, laquelle n'a pas donné lors des travaux qu'elle lui a confiés en 2000, tous les éléments à la société Marto relativement à la configuration du site sera garantie des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de moitié seulement ;

Considérant que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions ;

Et considérant que l'équité commande de condamner in solidum les sociétés Delachaux et Marto aux dépens et à payer à la société Fulton une indemnité de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant précisé qu'entre les sociétés Delachaux et Marto la condamnation aux dépens et aux frais sera répartie dans les mêmes proportions que leurs responsabilités ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement dont appel et statuant à nouveau,

- dit la société Delachaux tenue à la garantie des vices cachés sans que la clause d'exonération figurant à l'acte de vente puisse être retenue,

- dit la société Marto responsable sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle du préjudice subi par la société Fulton en relation avec les vices affectant le sol du terrain vendu par la société Delachaux,

- condamne in solidum les sociétés Delachaux et Marto à payer à la société Fulton les sommes de 110 456,50 et 46 890 € hors taxes, TVA en sus, en réparation de son préjudice,

- dit que la société Delachaux sera garantie de cette condamnation par la société Marto à hauteur de moitié des sommes allouées,

- condamne in solidum les sociétés Delachaux et Marto à payer à la société Fulton la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejette toute autre prétention,

- condamne in solidum les sociétés Delachaux et Marto aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit que pour la condamnation aux dépens et aux frais des responsabilités seront partagées dans les mêmes proportions que la condamnation principale.

La Greffière,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/24005
Date de la décision : 24/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°09/24005 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-24;09.24005 ?
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