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24/03/2011 | FRANCE | N°07/06769

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 24 mars 2011, 07/06769


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 24 Mars 2011

(n° 1 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/06769 JMD



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 05/10369





APPELANT

Monsieur [R] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Bérengère MOULIN, avoc

at au barreau de PARIS, toque : B0156





INTIMÉES ET APPELANTES INCIDENTES

SA CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Quil...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 24 Mars 2011

(n° 1 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 07/06769 JMD

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 05/10369

APPELANT

Monsieur [R] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Bérengère MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0156

INTIMÉES ET APPELANTES INCIDENTES

SA CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Quilina VIZZANOVA MOULONGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D553

SA CB ASSOCIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Quilina VIZZANOVA MOULONGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D553

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Eddy VITALIS, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Monsieur [R] [W] à l'encontre d'un jugement prononcé le 2 juillet 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS ayant statué sur le litige qui l'oppose la S.A.S. CB'A ASSOCIES et à la S.A.S. CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui :

¿ a mis hors de cause la S.A.S. CB'A ASSOCIES ;

¿ a requalifié en cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour faute grave ;

¿ a condamné la S.A.S. CBA ARCHITECTURE à payer à Monsieur [R] [W] les sommes suivantes :

- 16 008 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 7 470,40 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

¿ a débouté les parties de leurs autres demandes.

Vu les conclusions visées par le greffier et confirmées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Monsieur [R] [W], appelant, poursuit l'infirmation partielle du jugement déféré et sollicite la condamnation solidaire de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT et de la S.A.S. CB'A ASSOCIES au paiement des sommes suivantes :

- 1 513 115 € à titre de rappel de commissions sur la période du premier janvier 2001 au 31 décembre 2005, subsidiairement la somme qui pourrait être déterminée à l'issue d'une mesure d'expertise judiciaire,

- 16 008 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 600 € au titre des congés payés afférents,

- 7 470,40 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 64 032 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 700 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,

- 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, en cas de non reconnaissance de la coexistence des contrats de travail avec la S.A.S. CB'A ASSOCIES et la S.A.S. CBA ARCHITECTURE, il demande la condamnation de la S.A.S. CB'A ASSOCIES au paiement des sommes suivantes :

- 11 433,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- 7 622 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 3 811,22 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement.

En tout état de cause, Monsieur [R] [W] requiert la remise de bulletins de paie conformes à la décision, les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, leur capitalisation et la condamnation solidaire de la S.A.S. CB'A ASSOCIES et de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE aux dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. CB'A ASSOCIES, intimée et appelante incidente, sollicite sa mise hors de cause et le débouté des demandes de Monsieur [R] [W] à son égard. Elle requiert la condamnation de Monsieur [R] [W] à lui payer la somme de 6 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT , intimée et appelante incidente, conclut au débouté de toutes les demandes de Monsieur [R] [W], avec restitution des sommes payées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance et indemnisation pour frais irrépétibles à concurrence de 6 000 €.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par lettre d'embauche en date du 29 juin 1998, Monsieur [R] [W] a été engagé par la S.A.S. CB'A ASSOCIES en qualité d'architecte commercial et a pris ses fonctions le 24 août 1998. En février 1999 est créée la S.A. (transformée ultérieurement en S.A.S.) CBA ARCHITECTURE par laquelle Monsieur [R] [W] sera dès lors rémunéré. Il détient environ 10 % des actions de cette société, participation qu'il revendra en 2005.

La rémunération mensuelle fixe initiale de Monsieur [R] [W] s'élevait à 3 049 €. Elle a été augmentée à plusieurs reprises de sorte qu'elle se montait en dernier lieu à la somme de 5 336 €.

Le 21 juin 2005, Monsieur [R] [W] a adressé à la S.A.S. CB'A ASSOCIES une mise en demeure d'avoir à lui régler sous 48 heures la partie variable de son salaire, soit la somme de 1 323 000 € à parfaire.

Le 23 juin 2005, Monsieur [R] [W] a pris acte du défaut de paiement de cette somme et de la rupture consécutive de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 28 juin 2005, la S.A.S. CBA ARCHITECTURE convoquait Monsieur [R] [W] pour le 6 juillet 2005 à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette mesure était prononcée par lettre du 12 juillet 2005 pour faute grave.

SUR CE

Sur le rappel de commissions.

La lettre d'embauche de Monsieur [R] [W] comporte notamment cette disposition : "En plus de votre rémunération de base, vous percevrez une commission de 2 % de la marge brute sur le New Business identifié CB'A, et de 5 % de la marge brute sur le New Business non identifié CB'A."

Monsieur [R] [W] fait valoir qu'il n'a jamais perçu cette rémunération variable et il en demande le paiement à la S.A.S. CB'A ASSOCIES comme à la S.A.S. CBA ARCHITECTURE qu'il considère, sans être plus précis sur cette question, comme un seul et même employeur ou comme ses co-employeurs.

Sur l'employeur de Monsieur [R] [W].

Monsieur [R] [W] a été embauché par la S.A.S. CB'A ASSOCIES. Comme cela résulte des pièces versées aux débats et notamment de l'attestation de Monsieur [T] [C], alors salarié de la S.A.S. CB'A ASSOCIES (il l'a quittée en octobre 1999) et qui a participé à cette embauche, il était prévu que l'arrivée de Monsieur [R] [W] permettrait de développer l'activité du groupe en matière d'architecture commerciale et, en cas de réussite, de créer une nouvelle société dédiée à cette activité. Monsieur [R] [W] ne produit aucun élément propre à démentir cette présentation.

En février 1999 a été effectivement créée la S.A.S. CBA ARCHITECTURE à laquelle a été transférée l'entité économique constituant jusque-là un département de la S.A.S. CB'A ASSOCIES spécialisé dans l'architecture commerciale.

Ce transfert remplit toutes les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail. Il concerne une activité bien identifiée, distincte de celles assurées par ailleurs par les autres sociétés du groupe et qui s'est totalement séparée de son giron d'origine, la S.A.S. CB'A ASSOCIES. Madame [H] [M], architecte d'intérieur, a été également transférée, puis à raison de deux jours par semaine un autre salarié de la S.A.S. CB'A ASSOCIES, Monsieur [L] [D], de même qu'au fil du temps de nouveaux collaborateurs propres à cette filiale ont été recrutés (9 entre mai et décembre 1999), la société s'installant dans le même temps dans de nouveaux locaux (bail du 25 octobre 1999), même si son siège social est resté à l'adresse historique du groupe. La S.A.S. CBA ARCHITECTURE a repris les clients précédemment traités par l'activité architecture de la S.A.S. CB'A ASSOCIES, récupérant ainsi les dossiers concernés et aménageant en conséquence ses nouveaux bureaux. En novembre 2000, Monsieur [R] [W] a été nommé directeur de la création de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE, de même qu'il existait un directeur de la création dans les autres sociétés du groupe. Comme les autres sociétés du groupe, la S.A.S. CBA ARCHITECTURE a une vie sociale autonome, génère son propre chiffre d'affaires et dispose de ses propres bilans.

Monsieur [R] [W] ne démontre en rien que l'activité menée sous couvert de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE était en fait gérée par la S.A.S. CB'A ASSOCIES. Il ne peut qu'invoquer l'identité de dirigeants des deux structures, Messieurs [A] [Y] et [P] [V] ainsi que Monsieur [L] [D] remplacé ensuite par Monsieur [X] [G], ce qui est insuffisant en soi pour établir leur qualité de co-employeurs, et affirme sans produire aucun élément de preuve pertinent que son activité s'est poursuivie "en lien avec la société CB ASSOCIES qui conserve l'exercice du pouvoir de direction" ou qu'il "est employé indifféremment par l'une ou l'autre société du groupe CB'A".

Il est au contraire établi que chaque société du groupe a une activité technique propre, oeuvrant toutes dans le domaine du design mais sous des déclinaisons aussi variées que l'architecture commerciale d'intérieur, le packaging, la création de sites internet, la promotion sur les lieux de vente, la création d'objets publicitaires, une société holding, CT FINANCES, rassemblant les métiers supports tels que le service comptable, les ressources humaines ou l'informatique. Les compétences spécifiques et singulières de chaque filiale excluent toute permutabilité des salariés, même si ceux-ci peuvent être amenés à travailler de concert sur des projets transversaux, comme ils le feraient avec des sociétés tierces. Monsieur [R] [W] invoque l'intitulé CB'a Design Solutions commun à toutes les sociétés (qui n'apparaît qu'en 2004 comme il l'indique lui-même), appellation relevant d'une démarche commerciale et d'un souci de visibilité à l'égard de la clientèle et qui ne corrobore nullement l'hypothèse d'activités et de personnels indifférenciés au sein d'un groupe créé pour les besoins de la cause. Au demeurant lorsqu'une opération requiert la technicité propre à plusieurs filiales du groupe, des refacturations sont opérées entre elles.

Seules des fonctions généralistes peuvent être assurées par un même salarié dans plusieurs sociétés du groupe. Ce fut le cas (jusqu'au premier juillet 2001) de Monsieur [L] [D], directeur général, qui était salarié de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE à raison de deux jours par semaine et de la S.A.S. CB'A ASSOCIES pour trois jours. Il apparaît sur le livre des entrées et sorties du personnel des deux sociétés, il percevait une rémunération et recevait des bulletins de paie des deux sociétés. De son côté, Monsieur [R] [W] a des fonctions techniques d'architecte, il est sorti du registre du personnel de la S.A.S. CB'A ASSOCIES quand il est entré sur celui de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE sans figurer concomitamment sur les deux documents, il a été payé d'abord par la S.A.S. CB'A ASSOCIES puis à compter du premier mars 1999 par la S.A.S. CBA ARCHITECTURE et n'a jamais reçu une double rémunération, ni après mars 1999 une rémunération de la S.A.S. CB'A ASSOCIES, de la même façon qu'il n'a jamais après le transfert été soumis à un ordre d'un dirigeant ou d'un cadre de la S.A.S. CB'A ASSOCIES ès qualités. Il convient d'ailleurs de relever que malgré la confusion qu'il a cherché à instaurer en adressant en juin 2005 ses prétentions financières puis sa lettre de prise d'acte à la S.A.S. CB'A ASSOCIES, c'est bien son véritable employeur, la S.A.S. CBA ARCHITECTURE, qui lui a répondu.

Monsieur [R] [W] a été parfaitement informé de son transfert. Tout d'abord celui-ci avait été envisagé dès son embauche. Ensuite Monsieur [R] [W] a été associé à la création de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE dont il a acquis des actions (qu'il a entrepris de vendre en mars 2005) et a été nommé administrateur. Le transfert s'est traduit immédiatement par de nouvelles mentions sur son bulletin de salaire. Il a lui-même utilisé ensuite exclusivement des tampons et du papier à entête de la nouvelle société. Ces éléments ne sauraient être contrebalancés par les termes d'une attestation en date du 10 novembre 2002 que Madame [Z] [U], alors responsable du personnel, lui a remise à sa demande pour être produite à un tiers ("Mr [W] n'a pas eu d'avenant à son contrat de travail lui indiquant qu'il avait été transféré. Il lui a été simplement précisé que l'ensemble de ses avantages restaient acquis. C'est ainsi qu'il n'a pas vérifié l'entête de son bulletin de salaire, qui diffère juste au niveau de l'intitulé"), document que Monsieur [R] [W] utilise aussi abusivement que vainement dans le présent litige.

Les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étant réunies, ses dispositions s'appliquent automatiquement et de plein droit et le contrat de travail de Monsieur [R] [W] s'est nécessairement poursuivi avec la S.A.S. CBA ARCHITECTURE à compter du premier mars 1999. La rédaction et l'acceptation d'un avenant au contrat de travail initial ne sont pas, au regard de la situation des parties, des conditions suspensives de l'effet légalement prévu.

Il convient donc de constater que Monsieur [R] [W] a eu deux employeurs successifs, la S.A.S. CB'A ASSOCIES jusqu'au 28 février 1999 et la S.A.S. CBA ARCHITECTURE à compter du premier mars 1999. Le contrat initial a cessé de plein droit en ce qu'il concerne la S.A.S. CB'A ASSOCIES et la demande de constat d'une rupture abusive de ce contrat par l'employeur est dès lors sans objet.

Sur la clause de commissionnement.

Invoquant la clause de commissionnement figurant à son contrat de travail, Monsieur [R] [W] soutient que doit lui être versée, solidairement par les deux sociétés, un pourcentage moyen de 3,5 % de la marge brute de la S.A.S. CB'A ASSOCIES.

Toutefois d'une part l'obligation souscrite par la S.A.S. CB'A ASSOCIES concernant la rémunération de Monsieur [R] [W] a été transférée à la S.A.S. CBA ARCHITECTURE le premier mars 1999. La S.A.S. CB'A ASSOCIES n'est donc son éventuelle débitrice que pour la période antérieure, au demeurant prescrite. Concernant la période ultérieure, et plus précisément les cinq années non couvertes par la prescription, Monsieur [R] [W] n'est recevable à agir qu'à l'encontre de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE et sur la base de la marge brute de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE, la disposition contractuelle : "la marge brute sur le New Business identifié CB'A et (...) le New Business non identifié CB'A" devant nécessairement se lire à compter du premier mars 1999, en raison de l'effet produit de plein droit par le transfert conforme aux dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, : "la marge brute sur le New Business identifié CBA ARCHITECTURE et (...) le New Business non identifié CBA ARCHITECTURE".

D'autre part la lecture que fait Monsieur [R] [W] de la clause en dénature totalement le sens. Contrairement à ce qu'il soutient, ne peut être considérée comme claire, non équivoque et conforme à la commune intention des parties une clause qui, à la lire de manière superficielle comme il le fait, attribuerait à un seul salarié d'une société qui en compte plusieurs dizaines une rémunération ponctionnant la plus grande part du bénéfice de cette dernière et qui serait 5 fois supérieure à la moyenne des 10 plus hauts salaires du groupe auquel elle appartient. Les usages de la profession, tant dans l'ensemble de ce secteur d'activité qu'en interne, usages parfaitement établis par les pièces que versent au débat les intimées, de même que le simple bon sens, conduisent nécessairement à considérer que le "New Business" dont il est fait état se rapporte aux affaires que le salarié concerné aurait amenées à la société. Alors que Monsieur [R] [W] n'a pas une fonction spécifiquement commerciale, le commercial de l'intitulé 'architecte commercial' signifiant qu'il s'agit de l'architecture de locaux commerciaux, et alors qu'il n'encadre pas une équipe de vente, il n'a aucune vocation à percevoir une rémunération fondée sur la marge brute globale de l'entreprise (et a fortiori sur celle d'une entreprise qui ne l'emploie pas). Seule, dans ce contexte, une clause expresse et claire, et non un raisonnement a contrario à partir d'un silence du texte, pourrait fonder ses prétentions.

Les éléments du dossier démontrent d'ailleurs que Monsieur [R] [W] a été recruté avec une rémunération fixe conforme aux données du marché et du groupe pour des fonctions similaires à celles qui lui étaient confiées, qu'il a été ensuite à plusieurs reprises augmenté (augmentation de près de 60 % en 6 ans) et qu'il a perçu des primes exceptionnelles, bénéficiant ainsi du développement de l'entreprise. Il ne peut donc soutenir que la clause de commissionnement telle qu'il l'interprète est une condition nécessaire au bon équilibre des droits et obligations réciproques des parties.

Quant à la finalité de cette clause, il s'avère qu'il y a été recouru parce que, au moment de son recrutement, Monsieur [R] [W] a fait état d'un carnet d'adresses pouvant lui permettre d'étoffer la clientèle de son nouvel employeur. Toutefois il ne produit aucun élément déterminant qu'il est à l'origine d'un 'New Business' au sens du contrat et cette disposition initiale, devenue rapidement sans objet, est restée lettre morte, y compris à ses propres yeux, puisqu'il n'en a fait nullement état tout au long de la relation contractuelle. Il affirme qu'il a abordé le sujet à plusieurs reprises, évoque un contexte de réclamations légitimes étouffées et bafouées par l'employeur, mais il ne produit aucun élément justificatif, se contentant de renvoyer à l'attestation de Madame [U] citée ci-dessus. Il indique que sa vie personnelle, son extrême implication dans son travail, les projets de rénovation des propres locaux du groupe, les titres et responsabilités qui lui étaient confiés ont retardé la mise en oeuvre de sa rémunération variable, mais il n'explique pas en quoi ces éléments l'auraient empêché de faire valoir ses droits, à tout le moins de rappeler dans son principe l'existence de cette rémunération comme il en a eu notamment l'occasion lors de difficultés de trésorerie de la S.A.S. CBA ARCHITECTURE en juillet 2002 affectant le paiement de son salaire.

Il s'avère donc que Monsieur [R] [W] adresse à une société qui n'est pas son employeur une réclamation salariale infondée dans son principe.

Il convient donc de confirmer le débouté des demandes de Monsieur [R] [W] relatives au paiement d'un solde de salaire variable.

Sur la rupture du contrat de travail.

Sur la prise d'acte de rupture.

Pour que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié produise son effet, il convient qu'elle soit adressée à l'employeur dont les manquements son dénoncés. En l'espèce Monsieur [R] [W] a expédié son courrier du 23 juin 2005 à une société qui ne l'employait plus depuis plusieurs années. Compte tenu des liens de groupe entre la société réceptionnaire et la société effectivement intéressée, cette dernière a pu avoir connaissance de la lettre rapidement. Toutefois dans les circonstances ainsi décrites, la prise d'acte est ambiguë et donc dénuée de portée.

Sur le licenciement.

La lettre de licenciement relève entre autres griefs 'la mauvaise foi et les mensonges contenus dans (le) courrier du 21 juin 2005" et notamment la demande de se 'voir payer des sommes hallucinantes et indues', suivie d'un 'empressement à prendre acte de la rupture (du) contrat de travail, dès le 23 juin'.

Il convient en effet de constater qu'en réclamant subitement le paiement sous 48 heures d'une somme représentant près de 250 fois son salaire mensuel, en ne respectant pas le délai déjà particulièrement court dans lequel il mettait la S.A.S. CB'A ASSOCIES en demeure d'exécuter un paiement aussi exorbitant, sa lettre du 23 juin 2005 ayant été expédiée alors que celle du 21 n'avait pu être distribuée au plus tôt que le 22 et qu'il n'en avait pas reçu l'avis de réception, timbré du 23 à 18 heures, et en feignant d'ignorer la S.A.S. CBA ARCHITECTURE, son véritable employeur, à tout le moins à ses yeux son co-employeur puisqu'il n'a jamais prétendu à l'inexistence d'une relation de travail avec cette dernière, Monsieur [R] [W] s'est totalement départi de la loyauté devant présider aux relations contractuelles et a procédé à des manoeuvres grossières et malveillantes propres à déstabiliser l'entreprise et faisant peser abusivement une menace sur ses intérêts vitaux, ce qui constitue une faute grave justifiant à elle seule le prononcé du licenciement immédiat et sans indemnité.

Il y a lieu dès lors d'infirmer la décision de première instance ayant requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et de débouter Monsieur [R] [W] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Sur la demande de remboursement.

Monsieur [R] [W] devra restituer à la S.A.S. CBA ARCHITECTURE les sommes qu'il a reçues de cette dernière en exécution provisoire de la décision de première instance. Il n'y a toutefois pas lieu à condamnation de ce chef, le présent arrêt infirmatif constituant de plein droit le titre permettant si nécessaire la mise à exécution forcée de cette restitution.

Il convient simplement de préciser que, par application des dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du code civil, les intérêts sur la somme à restituer courront au taux légal à compter du jour de la notification du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant au principal, Monsieur [R] [W] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.

La somme qui doit être mise à la charge de Monsieur [R] [W] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la S.A.S. CB'A ASSOCIES et la S.A.S. CBA ARCHITECTURE peut être équitablement fixée à 1 500 € pour chacune d'elles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré.

Déboute Monsieur [R] [W] de toutes ses demandes.

Condamne Monsieur [R] [W] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la S.A.S. CB'A ASSOCIES ainsi qu'à la S.A.S. CBA ARCHITECTURE COMMERCIALE ET DESIGN D'ENVIRONNEMENT la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 07/06769
Date de la décision : 24/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°07/06769 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-24;07.06769 ?
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