Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 23 MARS 2011
(n° 72 , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15821.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Avril 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/16800.
APPELANTE
LA Société LABORATOIRES ASEPTA
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP ROBLIN CHAIX de LAVARENNE, avoués à la Cour,
assistée de Me Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat au barreau de Paris, toque : P362
plaidant pour le Cabinet HOLLIER LAROUSSE & Associés
INTIMÉE
LA société PIERRE FABRE DERMO COSMETIQUE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3],
représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Pierre DEPREZ, avocat au barreau de Paris, toque : P221
plaidant pour la SCP DEPREZ GUIONOT & Associés
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Greffier, lors des débats : M. NGUYEN
ARRÊT :- Contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR,
Vu l'appel relevé par la société anonyme de droit monégasque Laboratoires Asepta du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 3ème section, n° de RG : 07/16800), rendu le 29 avril 2009 ;
Vu les dernières conclusions de l'appelante (28 octobre 2010) ;
Vu les dernières conclusions (12 octobre 2010) de la s.a. Pierre Fabre Dermo-cosmétique, intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 23 novembre 2010 ;
* *
SUR QUOI,
Considérant que la société Laboratoires Asepta, titulaire de la marque française « Coup d'éclat » déposée le 26 octobre 1977 pour désigner notamment des produits cosmétiques, ayant constaté que la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique commercialisait des produits pour cheveux colorés avec la mention « sérum coup d'éclat », a assigné cette société sur le fondement de la contrefaçon et celui de la concurrence déloyale ;
Que le tribunal, par le jugement dont appel, ayant retenu, en premier lieu, que le terme « coup d'éclat » était employé par la société défenderesse pour décrire une des caractéristiques du produit offert à la vente et non pour indiquer l'entreprise de provenance de celui-ci, en deuxième lieu, que les produits commercialisés, distincts par leur nature et leur destination, étaient présentés à la clientèle dans des conditionnements de type courant suffisamment différents pour écarter tout risque de confusion, a débouté la société Laboratoires Asepta de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer des dommages-intérêts à la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique en réparation du préjudice qu'elle lui avait causé en menaçant un de ses distributeurs de poursuites judiciaires ;
Considérant que la société Laboratoires Asepta ne reprend pas devant la cour ses demandes soutenues en première instance au titre de la concurrence déloyale ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que la validité de la marque « Coup d'éclat », en particulier son caractère distinctif, n'est pas contestée ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque [...] pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
Considérant que la marque invoquée a été déposée pour les produits et services de la classe 3, soit les produits suivants : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux, dentifrices » ;
Considérant toutefois que, par arrêt définitif du 17 novembre 2006, cette cour a prononcé la déchéance partielle des droits de la société Laboratoires Asepta sur la marque en cause à compter du 28 décembre 1996 pour les « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessives ; pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, lotions pour les cheveux, dentifrices », de sorte que la validité de la marque invoquée ne subsiste que pour les « cosmétiques », à l'exclusion des « lotions pour les cheveux » ;
Considérant que le produit commercialisé par la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique mis en cause par la société Laboratoires Asepta est destiné, selon les conseils d'utilisation figurant sur l'emballage (pièce 4), à être appliqué 'sur l'ensemble de la chevelure en froissant les cheveux » ; que ce produit, qui s'analyse donc en lotion pour cheveux, n'est pas identique aux produits couverts par la marque invoquée, de sorte que l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle sur lequel se fonde principalement l'appelante n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ;
Considérant que la société Laboratoires Asepta invoque subsidiairement les dispositions de l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » ;
Considérant que la société Pierre Fabre Dermo-cosmétique ne conteste pas que le serum objet du présent litige doit être regardé comme similaire aux produits cosmétiques couverts par la marque invoquée ; qu'il en résulte qu'il y a lieu de rechercher si les conditions de présentation de ce produit sont de nature à créer un risque de confusion quant à son identité ou son origine;
Considérant que l'examen de l'emballage cartonné et du flacon contenant le produit en cause, auquel a procédé la cour, révèle que ceux-ci comportent :
en partie supérieure, un carré de couleur verte dans lequel s'inscrit, en caractères jaunes, la marque semi figurative « René Furterer [Localité 5] », qui est la marque sous laquelle la société Pierre Fabre Dermo-cosmétiques commercialise ses produits,
en partie médiane, la mention « Okara protect color » qui désigne une gamme de produits de soins capillaires,
au dessous des indications précédentes, en caractères de moindre dimension, l'expression « Sérum coup d'éclat sans rinçage » ;
Considérant qu'il ressort de ces constatations que cette dernière expression n'a pas pour objet de désigner l'origine du produit puisque celle-ci est déjà définie par la présence de la marque « René Furterer » nettement mise en évidence en partie supérieure du flacon et de son emballage, et encore par l'indication de la gamme « Okara protect color » à laquelle il appartient ;
Que l'expression en cause n'a en réalité d'autre fonction que de distinguer le produit, non pas dans son origine ou son identité, mais dans sa nature et sa fonction, telle que définie plus en détail en plus petits caractères sur l'un des côtés de l'emballage cartonné : « ce sérum illumine instantanément la chevelure et donne relief, luminosité et éclat à la couleur. Texture fondante inédite. Plus de 70 ' de maintien de la couleur grâce aux bienfaits protecteurs des extraits naturels d'Okara et d'Hamamélis » ; que l'expression « Sérum coup d'éclat sans rinçage », dans ce contexte, ne peut être comprise autrement que comme la traduction sous la forme la plus imagée et la plus courte possible de la fonction du produit qui permet, en une application instantanée et sans nécessité de procéder à un rinçage de la chevelure, de lui restituer en une seule opération (un coup) de l'intensité, de la luminosité à la couleur (de l'éclat) ;
Considérant que c'est donc par des motifs pertinents que le tribunal a rejeté les demandes de la société Laboratoires Asepta au titre de la contrefaçon en retenant que le terme « coup d'éclat » était employé en l'espèce pour décrire une des caractéristiques du produit offert à la vente ' emploi exclusif de tout risque de confusion dans l'esprit du public - et non pour indiquer l'entreprise de provenance de celui-ci, celle-ci résultant de l'utilisation des marques « René Furterer » et « Okara » ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande de la société Pierre Fabre Dermo-esthétique au titre de la concurrence déloyale :
Considérant que la société Laboratoires Asepta a fait adresser, le 10 mars 2008, par son conseil en propriété intellectuelle, une lettre (pièce 14 de l'intimée) à la société Ceriv, qui édite le site « beaute-addict.com », lui enjoignant, après avoir rappelé les textes du code de la propriété intellectuelle sur la contrefaçon et notamment ses dispositions répressives et sous la menace « d'engager toute action visant à la défense de ses droits », de procéder sous quinze jours au retrait de la dénomination « coup d'éclat » sur son site ;
Considérant que le tribunal a estimé à juste titre que l'envoi d'une telle lettre, alors que la procédure était en cours, constituait une faute ; que cet acte relève en effet d'une pratique déloyale qui a nécessairement perturbé le réseau de distribution de la société Pierre Fabre Dermo-esthétique et lui a causé un préjudice justement évalué par le tribunal ;
Considérant, en définitive, que le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
* *
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
CONDAMNE la société Laboratoires Asepta aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Pierre Fabre Dermo-esthétique 15.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,