Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 17 MARS 2011
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/28626
Décision déférée à la Cour : Recours en annulation d'une sentence arbitrale en date du
2 décembre 2009 rendue par le tribunal arbitral de Paris, composé de Monsieur [F], président et Messieurs [G] et [R], arbitres
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [N] [Z] né le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
(BELGIQUE)
représenté par la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, avoués à la Cour
assisté de Me Damien LAUGIER, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDERESSE AU RECOURS :
S.A.S GEF
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour
assistée de Me Stéphane COLOMBET, avocat au barreau de PARIS, toque : R 210
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 février 2011, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur MATET, président
Madame GUIHAL, conseillère
Madame DALLERY, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur MATET, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Aux termes d'un protocole de cession du 24 octobre 2003, M.[N] [Z] s'est engagé à céder la totalité des actions représentant le capital social de la société INES, qui détenait 95% du capital de la société ECOBUROTIC créée en 1991, à la société SGPA ou à toute autre société contrôlée par elle. Par application de la clause de substitution les titres ont été acquis par la société GEF. Le protocole a prévu que M.[N] [Z] continuerait à assumer ses fonctions de président des sociétés INES et ECOBUROTIC jusqu'au 31 décembre 2005.
Puis, à la suite de dissensions entre les parties, SPGA et GEF d'une part, M.[N] [Z] d'autre part ont décidé de mettre un terme à leur collaboration et aux contrats les liant aux termes d'un protocole transactionnel du 22 décembre 2004. La société GEF se plaignant de violations par M.[N] [Z] de ses obligations contractuelles d'assurer la passation des pouvoirs au sein d'ECOBUROTIC, de non concurrence et de non débauchage à son préjudice, a saisi l'Association Française d'Arbitrage le 6 mars 2008, en désignant comme arbitre M.[R]. Le Comité d'arbitrage de l'Association Française d'Arbitrage constatant la défaillance de M.[N] [Z] dans la désignation d'un arbitre a décidé d'y procéder d'office en désignant M. [G] et les deux arbitres ont désigné comme président du tribunal arbitral, M.[F].
Le tribunal arbitral a rendu, à Paris, le 2 décembre 2009 une sentence aux termes de laquelle il a jugé être compétent pour statuer sur le litige, retenu la responsabilité de M.[N] [Z], l'a condamné à verser à la société GEF la somme de 1 350 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice avec intérêts de droit au taux légal à compter de la date de la sentence et à rembourser à la société GEF deux tiers des frais et honoraires de 160 000€ qu'elle a avancés en totalité à titre de provision pour frais et honoraires d'arbitrage.
M.[N] [Z] a formé un recours en annulation de la sentence arbitrale et, par conclusions du 6 janvier 2011, prie la cour de l'annuler, sur le fond de déclarer irrecevables les demandes de la société GEF, et la débouter de toutes ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 500 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 150 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il soutient que son recours est recevable et que la sentence doit être annulée, motifs pris de l'absence de convention d'arbitrage (article 1484 1° du code de procédure civile), de la composition irrégulière du tribunal arbitral (article 1484 2° du code de procédure civile) et de la violation du principe de la contradiction (article 1484 4° du code de procédure civile).
Suivant conclusions du 22 novembre 2010, la société GEF oppose à titre liminaire l'irrecevabilité des conclusions de M.[N] [Z] faute de ne pas faire connaître son domicile actuel, demandant de juger qu'il ne soutient pas son recours en annulation et de l'en débouter. A titre principal, elle sollicite de déclarer le recours en annulation irrecevable, subsidiairement, de condamner le recourant à lui verser la somme de 6 473 779€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et subsidiairement à 5 625 000€, et en tout état de cause de condamner M.[N] [Z] à lui payer la somme de 50 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 150 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que les moyens d'annulation sont infondés et doivent être rejetés.
Sur quoi,
Sur l'exception d'irrecevabilité des conclusions de M.[N] [Z]
Considérant que la société GEF soulève l'irrecevabilité des conclusions du recourant au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile au motif que ce dernier dissimule sa véritable adresse et ne mentionne pas dans ses conclusions son domicile réel ; qu'en l'espèce, M.[N] [Z] indique dans ses dernières conclusions demeurer [Adresse 2] (Belgique) ;
Que la société GEF ayant tenté en vain de faire signifier la sentence arbitrale à une autre adresse, [Adresse 7], Ile Maurice, ne démontre pas que l'adresse qui figure dans les conclusions de M.[N] [Z] ne soit pas celle de son domicile réel ; que l'exception d'irrecevabilité des conclusions est donc rejetée ;
Sur le recours en annulation
Sur le 1er moyen pris de l'absence de convention d'arbitrage (article 1484 1° du code de procédure civile)
M.[N] [Z] fait valoir que le protocole transactionnel du 22 décembre 2004 conclu entre les parties a mis un terme à l'ensemble des dispositions du protocole de cession du 24 octobre 2003 à l'exception des articles 9 et 10, que la transaction a autorité de la chose jugée et qu'en conséquence les parties ont entendu renoncer à faire application de la clause compromissoire de l'article 13.2 du protocole de cession ; que le tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage dès lors qu'il a été saisi sur le seul fondement de la clause d'arbitrage du protocole de cession.
Considérant que la clause compromissoire présente, par rapport à la convention principale dans laquelle elle s'insère, une autonomie juridique et qu'elle peut être mise en oeuvre indépendamment de l'existence de la convention principale ;
Considérant que les parties ont inséré une clause compromissoire à l'article 13.2 du protocole de cession du 24 octobre 2003 : 'tout différend qui pourrait naître de la validité de l'interprétation, de l'exécution et/ou de l'inexécution du présent protocole ainsi que de ses suites sera tranché par voie d'arbitrage, conformément au Règlement de l'Association Française d'Arbitrage auquel les parties déclarent adhérer' ; qu'en prévoyant expressément de soumettre les suites du protocole de cession à l'arbitrage, puis en insérant à nouveau, une année plus tard, dans le protocole transactionnel du 22 décembre 2004, une convention d'arbitrage libellée en des termes exactement identiques à celle figurant dans le protocole de cession, les parties ont confirmé leur volonté de soumettre leur différend à l'arbitrage ; qu'en conséquence, le moyen relatif à l'absence de convention d'arbitrage est rejeté ;
Sur le second moyen tenant à la composition irrégulière du tribunal arbitral et la méconnaissance du principe de la contradiction par le tribunal arbitral (article 1484 2° et 4° du code de procédure civile)
M.[N] [Z] articule que la constitution du tribunal arbitral est irrégulière dans la mesure où il n'a pas eu la possibilité de choisir son arbitre alors que la clause compromissoire prévoit que le tribunal arbitral sera composé de trois arbitres, l'un désigné par le cédant, l'autre par l'acquéreur et le Président par les deux arbitres ainsi désignés. Il allègue que sa défaillance dans la désignation de son arbitre a été involontaire et qu'il a été privé de le choisir alors que la clause compromissoire l'imposait et fait grief au Comité d'arbitrage d'avoir fait primer l'article 4 de son règlement sur les stipulations de la clause compromissoire. Il en conclut que la sentence a été rendue par un tribunal irrégulièrement composé et accessoirement en violation du principe du contradictoire prévu au code de procédure civile et à l'article 6§1 de la CEDH.
Or considérant que l'article 4 du règlement de l'Association Française d'Arbitrage auquel les parties ont adhéré en souscrivant la clause compromissoire prévoit qu'en cas de défaillance d'une des parties dans la désignation de l'arbitre qui lui incombe, le Comité d'arbitrage y procède d'office ; qu'aux termes de l'article 12.1 du protocole, toute notification aux adresses indiquées par les parties sera considérée comme valablement faite, sauf à elles à notifier une nouvelle adresse, et qu'en l'espèce M.[N] [Z] n'a pas donné d'autres adresses que celles qui figuraient dans le protocole et où les notifications ont été opérées ; qu'en l'occurrence, l'AFA ayant notifié la requête de la société GEF les 11 et 12 mars 2008 à M.[N] [Z] à ses deux adresses en Belgique et à l'Ile Maurice [ la sentence énonce en page 8 que la preuve des envois par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception a été fournie par l'AFA selon lettre du 15 septembre 2008 au conseil de M.[N] [Z]] en lui précisant qu'il devait répondre à la société GEF au plus tard le 14 avril 2008 et M.[N] [Z] n'ayant pas désigné un arbitre en qualité de cédant dans les délais impartis, la désignation d'office d'un arbitre à l'expiration du délai a été faite en conformité avec les dispositions de la convention d'arbitrage ; que le moyen pris de la composition irrégulière du tribunal arbitral est donc rejeté ; que le reproche que fait M.[N] [Z] au tribunal arbitral d'avoir méconnu le principe de la contradiction pour les mêmes faits n'est pas plus opérant, étant observé que M.[N] [Z] a reconnu à l'audience du tribunal arbitral que le principe de la contradiction avait été parfaitement respecté ;
Sur les autres demandes
Considérant que la société GEF n'établit pas de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus le recours de M.[N] [Z] ; que sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est donc rejetée ;
Considérant que M.[N] [Z] succombant est condamné aux dépens et sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile rejetée, et à ce titre il est condamné à payer à la société GEF la somme de 50 000€ ;
Par ces motifs,
Rejette l'exception d'irrecevabilité des conclusions de M.[N] [Z],
Rejette le recours en annulation de la sentence rendue à Paris le 2 décembre 2009,
Déboute la société GEF de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M.[N] [Z] à payer à la société GEF la somme de 50 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne M.[N] [Z] aux dépens et admet Maître TEYTAUD, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT