RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 17 Mars 2011
(n° 5, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/06251
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juin 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS Encadrement RG n° 05/10562
APPELANT
Monsieur [L] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Alexa RAIMONDO, avocat au barreau de PARIS, toque : E2109
INTIMEE
SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Olivier LAGRAVE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1947
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Thierry PERROT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire et de Monsieur Bruno BLANC, Conseiller.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Françoise FROMENT, Président, en application de l'ordonnance portant organisation du service en date du 17 Décembre 2010
Monsieur Thierry PERROT, conseiller
Monsieur Bruno BLANC, conseiller
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Françoise FROMENT, Président par suite d'un empêchement du Président, et par Mlle Véronique LAYEMAR, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO dite société ROMEO est une société familiale fondée par M. [M] [C] Président actuel de la société.
M. [L] [C], fils de M. [M] [C], a exercé des fonctions salariées pour le compte de la société familiale dès son plus jeune âge, ses bulletins de salaire mentionnant en premier lieu des fonctions de vendeur, puis à compter de l'année 1993 des fonctions de directeur commercial. Il a démissionné de son emploi salarié le 8 octobre 1997.
Il disposait par ailleurs jusqu'en 1998 de plusieurs mandats sur les sociétés du groupe, notamment un mandat d'administrateur et de directeur général de la société ROMEO dont il a démissionné en juillet 1998. Il a de nouveau travaillé en qualité de vendeur extra-foire à compter de janvier 2000. En dernier lieu, un contrat de travail de cadre commercial a été signé à effet du 2 janvier 2002.
Les parties sont contraires en ce qui concerne le statut de M. [L] [C] dans l'entreprise à compter de janvier 2000.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 octobre 2006, M. [L] [C] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs qu'il n'était pas rémunéré ni de la partie fixe de son salaire, ni de l'intégralité des commissions.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par M. [L] [C] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 8 juin 2009, statuant en départage, qui a :
- condamné la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à lui payer les sommes suivantes:
* 39459,51 € à titre de rappel de commissions,
* 3945,95 € au titre des congés payés afférents,
* 36524 € à titre d'indemnité de congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2005,
- ordonné la remise sous astreinte dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, puis sous astreinte de 10 € par jour de retard, d'un bulletin de salaire conforme au jugement,
- dit que l'astreinte courra pendant trois mois,
- débouté M. [L] [C] de sa demande de rappel de salaire fixe pour la période de juillet 2001 à octobre 2006, de congés payés afférents et de nomination d'un expert afin de reconstituer l'ensemble des commissions perçues depuis avril 2001,
- sursis à statuer sur la rupture du contrat, les indemnités de rupture et la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- sursis à statuer sur la demande reconventionnelle pour brusque rupture,
- ordonné à la radiation de l'affaire,
Vu les conclusions en date du 27 janvier 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles M. [L] [C] demande à la cour :
-d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappels de salaire et de sa demande de nomination d'un expert,
Statuant à nouveau :
- de condamner la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à lui payer la somme de 571683,75 € à titre de rappel des salaires fixes pour la période allant des mois de juillet 2001 à octobre 2006,
- de nommer un expert-comptable, un expert financier ou un expert financier inscrit auprès de la cour d'appel, avec pour mission :
- de se faire remettre par l'entreprise l'ensemble de la comptabilité de celle-ci,
- de se faire remettre l'ensemble des fiches de vente de [L] [C] pour les années 2001 à 2006 inclus,
- de se faire délivrer, afin qu'elles soient annexées au rapport d'expertise, l'ensemble des factures de ventes réalisées par [L] [C] depuis le 1er janvier 2001,
-et plus globalement, de se faire remettre tous documents utiles au parfait accomplissement de sa mission,
- de mettre à la charge exclusive de la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO les frais d'expertise à intervenir et fixer à 5 000 € hors-taxes la première provision qui doit être versée par l'employeur dans les huit jours de l'arrêt à intervenir,
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer la somme de 36524 € à titre de congés payés,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur la demande de requalification de sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail,
et statuant à nouveau :
- de dire que les griefs formulés justifient que la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
- de condamner la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à lui payer les sommes suivantes :
* 58795,47 € à titre d'indemnité de préavis,
* 5879,54 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
* 25478,37 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 352772,82 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 50000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,
- d'ordonner à l'employeur ,sous astreinte de 250 € par jour de retard, de lui remettre l'ensemble des documents obligatoires faisant mention de son exacte qualification de directeur général, outre les fiches de paie conformes des mois de janvier 2001à mai 2006, les attestations annuelles de présence dans l'entreprise et les doubles de déclarations faites aux caisses de retraite,
- de condamner la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux à savoir: l'assurance maladie, la sécurité sociale, les allocations familiales, la caisse de retraite, la caisse de prévoyance, la FNGS et l'AGFF,
- de débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes,
- de condamner la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les conclusions en date du 27 janvier 2011, au soutien de ses observations orales, par lesquelles la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de rappel de salaire fixe pour la période de juillet 2001 à octobre 2006, des congés payés afférents et de la demande de nomination d'un expert afin de reconstituer l'ensemble des commissions perçues depuis avril 2001,
Et statuant à nouveau :
- de donner acte à la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO de la renonciation de M. [L] [C] à invoquer le grief de harcèlement moral à l'encontre de l'employeur,
Dans l'hypothèse d'une évocation par la cour :
- de débouter M. [L] [C] du surplus de ses demandes,
- de constater que la prise d'acte de rupture s'analyse en une démission avec toutes les conséquences de droit,
- de débouter M. [L] [C] de l'ensemble de ses demandes,
- de l'accueillir en sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation de M. [L] [C] à lui payer la somme de 13720,41 € à titre d'indemnité pour brusque rupture, ainsi que la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE :
Sur les rappels de salaire :
Considérant que, pour infirmation, M. [L] [C] soutient avoir, à la suite de sa démission du 8 octobre 1997, repris une activité salarié au sein de la société ROMEO à compter du premier janvier 2000; qu'après n'avoir obtenu jusqu'au 30 juin 2000 que de fiches de paie mentionnant la qualification de ' vendeur extra foire' et avoir, exigé au mois de juillet 2000 de disposer d'un contrat de travail écrit, il s'est vu adresser le 13 décembre 2000, un projet de contrat prévoyant une évolution professionnelle ; que ce contrat a été complété par les parties en prévoyant une partie fixe mensuelle de 60000 F ainsi qu'une partie variable correspondant à 7 % des ventes réalisées par le salarié ; qu'à partir de juillet 2001, il n'a plus été réglé de la partie fixe de son salaire ;
Considérant que l'employeur soutient, en réplique, que l'unique contrat de travail le liant à M. [L] [C] est le contrat de travail de cadre commercial signé le 2 janvier 2002; prévoyant une avance sur commission de 30000 F mensuels, son salaire étant constitué d'une commission de 7 % sur son chiffre d'affaires personnel; qu'ainsi, M. [L] [C] restera cadre commercial jusqu'en octobre 2006 sans jamais remettre en cause son statut ; qu'en tout état de cause la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO prétend avoir respecté ses obligations contractuelles en réglant les avances sur commission et l'intégralité de ce qui était du à M. [L] [C] ;
Considérant que les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Qu'il sera seulement ajouté que M. [L] [C] n'établit pas avoir exercé les fonctions de directeur général pour la période allant de juillet 2001 à octobre 20006' ;
Sur la rupture du contrat de travail :
Considérant que, sur ce chef de demande, le conseil de prud'hommes a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale au motif que les faits de harcèlement dénoncés par M. [L] [C] dans la lettre de prise d'acte de rupture faisaient l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile ;
Considérant que sur ce chef de demande, pour infirmation, M. [L] [C] soutient que la demande formulée au titre de la rupture de son contrat de travail n'est pas fondée sur les faits dénoncés devant la juridiction pénale mais sur le non-paiement des salaires et des commissions ;
Qu'en réplique, l'employeur soutient qu'il n'existe aucun manquement d'aucune sorte au titre du droit à commission le concernant dont M. [L] [C] puisse justifier ;
Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire d'une démission; qu'il convient d'acter que par voie de conclusions l'appelant ne forme aucune demande au titre d'un quelconque harcèlement devant la juridiction civile ';
Considérant que pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais constituer des manquements suffisamment graves pour caractériser une rupture imputable à l'employeur ;
Considérant que, dans sa lettre de prise d'acte de rupture en date du 16 octobre 2006, le salarié fait grief à son employeur de ne pas lui avoir réglé la partie fixe de son salaire et l'intégralité des commissions qu'il estimait lui être dues ;
Que force est de constater, qu'à la barre du conseil de prud'hommes de Paris, lors de l'audience du 6 décembre 2006, soit plus d'une année après la saisine du conseil, l'employeur a remis un chèque d'un montant de 5971,71 € bruts relatif à la partie variable du salaire du mois de juin 2006 ; que par ailleurs l'employeur a payé le 10 février 2007 une somme de 23759,59 € représentant des sommes dues au titre du maintien des salaires pendant les arrêts de travail du salarié; que la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO ne s'explique pas sur les raisons pour lesquelles elle n'a pas procédé au paiement des sommes dues en temps et en heures ;
que les premiers juges ont, par ailleurs, relevé que des commissions à hauteur de 39459,51 €, outre les congés payés, n'avaient pas été payées à compter de mars 2005';
Considérant que le non paiement des sommes sus visées constituent des manquements graves justifiant la prise d'acte de rupture aux torts de l'employeur'; que dés lors elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse; qu'il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a sursis à statuer sur ce chef de demande';que partant, la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO sera déboutée de sa demande tendant à la condamnation du salarié à lui payer des dommages et intérêts en raison de la brusque rupture du contrat de travail' ;
Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise (plus de 11 salariés), de l'ancienneté (appréciée à compter du 2 janvier 2002) et de l'âge du salarié (né en avril 1962) ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article'L.122-14-4 du Code du travail ancien devenu L'1235-3, une somme de 117600 € à titre de dommages intérêts' ;
Considérant, par ailleurs, que la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO , soutenant la thèse de la démission, ne critique aucun des décomptes présentés par le salarié au titre des demandes fondées sur l'application de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement, statut cadre', en ce qui concerne l'indemnité de préavis et l'indemnité conventionnelle de licenciement'; qu'il sera fait droit aux demandes présentées par M. [L] [C]';
Considérant, par ailleurs, en ce qui concerne la demande tendant à la réparation d'un préjudice distinct présentée par M. [L] [C], que celui-ci ne justifie pas du préjudice allégué'; que par ailleurs, il ne saurait être fondé sur un harcèlement quelconque qui n'est pas soutenu devant la juridiction civile'; qu'il convient donc de débouter le salarié de ce chef de demande ';
Considérant que la demande de remise de documents sociaux conformes n'est pas fondée, M. [L] [C] ayant été débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître avoir exercé des fonctions de directeur général ;
Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif';
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a sursis à statuer sur la rupture du contrat de travail, les demandes indemnitaires liées à la rupture et la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau':
Dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail intervenue le 26 octobre 2006 produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à payer à M. [L] [C] les sommes suivantes':
* 58795,47 € à titre d'indemnité de préavis,
* 5879,54 € au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,
* 117600 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,
Ordonne d'office le remboursement par la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO aux entreprises concernées des indemnités de chômage versées à M. [L] [C] suite à la rupture de son contrat de travail dans la lilmite de 6 mois,
CONDAMNE la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO à payer à M. [L] [C] 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,