Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 16 MARS 2011
(n° 182 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16622
Décision déférée à la Cour
Ordonnance de référé rendue le 02 Juin 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Paris sous le RG n° 10/54135
APPELANTE
SOCIETE CIVILE DES MOUSQUETAIRES, société civile à capital variable, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, [Adresse 1]
représentée par Me Bruno NUT, avoué à la Cour
assistée de Me Bruno CHEMAMA, plaidant pour la SELAFA COULON ET ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : K 2
INTIMÉ
Monsieur [V] [S], [Adresse 2]
représenté par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoués à la Cour
assisté de Me Sylvain NIORD, plaidant pour la SELAS DFP ET ASSOCIES, avocats au barreau de Saint-Etienne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Marcel FOULON, président, chargé d'instruire l'affaire et Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Marcel FOULON, président
Monsieur Renaud BLANQUART, conseiller
Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS CONSTANTS
1 - La société civile des Mousquetaires - SCM - est une société civile à capital variable, régie par la loi du 24 juillet 1967, codifiée pour partie par les articles L. 231-1 à L. 231-8 du Code du commerce.
2 - La société ITM, connue sous la dénomination du groupement des mousquetaires, est un franchiseur.
3 - En 1998, M. [V] [S] entrait au sein du groupement des Mousquetaires et concluait avec ITM un contrat d'adhésion.
4 - Le 14 mars 1993, il souscrivait 36 parts pour un montant de 285 840 francs - 43 576 euros), puis 10 parts le 17 avril 1998 et enfin le 14 mai 1999, 14 parts;
5 - L'article 7 du règlement intérieur de SCM indique :
' les associés qui sont venus se joindre à eux (les fondateurs) ont adhéré en toute sincérité, non seulement aux clauses statutaires, mais également aux clauses dudit règlement. Par conséquent, pour toutes transactions concernant les parts qui viendraient à intervenir entre associés ou entre associés et la société, la valeur retenue sera celle fixée comme indiqué ci-dessus ainsi que chaque associé s'y engage définitivement'.
6 - L'article 13 du même règlement précise :
'Pour tous litiges pouvant intervenir entre eux ou entre l'un ou plusieurs d'entre eux et la société, les associés décident de s'en remettre à une procédure de conciliation'.
7 -'Dans le cas où les conciliateurs échoueraient dans leur mission de conciliation, les litiges seraient soumis au Tribunal de grande instance compétent'.
8 - Comme M. [S] n'exploitait plus d'enseigne ITM, l'assemblée générale de la SCM du 24 mai 2005 prononçait son exclusion fixant par ailleurs la valeur de remboursement des parts sociales à la valeur unitaire de 4 570,13 euros, 'conformément aux règles statutaires, au règlement intérieur et au rapport de la Gérance'. Elle décidait également que le remboursement des sommes revenant aux associés exclus ou démissionnaires serait effectué 'chaque année à compter de l'exercice suivant leur exclusion ou leur démission, du quart de leur droit, puis par quarts de telle manière que le délai total de remboursement n'excède pas 4 années'.
9 - M. [S] percevait 301 869,28 euros en 4 annualités dont la dernière est intervenue en janvier 2009.
10 - Par lettre du 21 décembre 2009, il contestait le montant du remboursement de ses parts.
11 - Par acte du 26 avril 2010, il assignait la SCM devant le Président du Tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil.
12 - Par ordonnance en la forme des référés du 2 juin 2010, ce juge désignait M. [C] [W] pour procéder à l'évaluation des droits sociaux de M. [X] de la SCM en utilisant toutes méthodes et critères qu'il jugerait appropriés et disait que chacune des parties conserverait à sa charge les dépens qu'elle avait personnellement engagés.
13 - La SCM interjetait appel le 10 août 2010.
14 - L'ordonnance de clôture était rendue le 15 février 2011.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE LA SCM
Par dernières conclusions en date du 11 février 2011, auxquelles il convient de se reporter, la SCM soutient :
- qu'il convient de surseoir à statuer puisque la Cour de cassation est saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité de l'article 1843-4 du Code civil ;
- que l'ordonnance qui s'intitule 'ordonnance de référé' rendue par un juge ... 'tenant l'audience publique des référés' ne pouvait être rendue 'en la forme des référés', et que 'l'incompétence' de ce juge entraîne la nullité de l'ordonnance ;
- qu'en estimant que les parties n'avaient pas entendu mettre en oeuvre cette procédure de conciliation, le Président a entaché sa décision d'excès de pouvoir, ce qui entraîne la nullité de celle-ci ;
- que M. [S] est irrecevable en sa demande, faute d'avoir mis en oeuvre la procédure de conciliation obligatoire ;
- que l'article 1843-4 du Code civil ne peut recevoir application lorsque la cession est déjà réalisée et donc parfaite ;
- à titre subsidiaire, qu'aucune des deux conditions de l'article 1843-4 du Code civil n'est réunie, à savoir :
1°) il n'y avait pas de désaccord entre les parties sur le nom de l'expert ;
2°) il n'y avait pas de contestation, puisque M. [S], en souscrivant au capital de la SCM, avait accepté les statuts et le règlement intérieur ;
Elle demande à la Cour :
- de surseoir à statuer ;
- d'annuler l'ordonnance ;
- de débouter M. [S] de sa demande ;
- de condamner M. [S] à payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DE M. [S]
Par dernières conclusions en date du 14 février 2011, auxquelles il convient de se reporter, M. [S] soutient :
- que le 'sursis à statuer ne s'impose pas pour des raisons de forme puisque les conditions de l'article 126-5 du Code de procédure civile ne sont pas remplies' ;
- que la clause de conciliation (cf. § 7) ne prévoit le recours à la conciliation que pour les actions au fond ;
- que de nombreux exemples pratiques démontrent l'inutilité de cette tentative de conciliation, et que ce moyen n'a qu'un but dilatoire ;
- qu'aucun délai n'existe pour solliciter l'application de l'article 1843-4 du Code civil ;
- que de toutes façons 'l'associé ne perd cette qualité qu'après le remboursement total de ses parts' ici 'le 14 janvier 2009 et la contestation formulée après avoir eu connaissance parcellaire des comptes sociaux le 21 décembre 2009".
Il demande :
- de rejeter le sursis à statuer ;
- de déclarer irrecevable l'appel-nullité ;
- que l'existence d'une contestation justifiant la désignation d'un tiers évaluateur procède des pouvoirs dévolus au seul Président du Tribunal de grande instance ;
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que la décision rendue sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil, 'sans recours possible', peut être frappée d'un appel-nullité, recevable en cas d'excès de pouvoir de ce juge ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité
Considérant que la SCM, qui n'a pas respecté les dispositions impératives de l'article 126-2 du Code de procédure civile , est irrecevable en sa demande, fondée sur l'articles 126-5 du même Code ;
Sur 'l'incompétence' du juge
Considérant que ce moyen, concerne en réalité les pouvoirs du juge, relevant de la recevabilité, au sens de l'article 125 du Code de procédure civile, et non pas de la 'compétence' de celui-ci ; que la SCM, qui n'invoque pas l'absence de délégation du Président du Tribunal de grande instance de Paris, au juge signataire de la décision ne peut sérieusement soutenir que ce dernier n'a pas statué en 'la forme des référés', alors qu'après avoir été saisi en la forme des référés, il a expressément statué en cette qualité ;
Sur la clause de conciliation préalable
Considérant que ne constitue pas un excès de pouvoir le fait pour un juge statuant en la forme des référés, d'avoir estimé que ne devait pas s'appliquer la clause de conciliation préalable prévue dans un contrat ;
Qu'il y a donc lieu de débouter la SCM de son appel, sur ce point ;
Sur les conditions de l'article 1843-4 du Code civil
Considérant que les dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du Code civil permettent la saisine du Président, même en présence de clauses statutaires contraires ;
Considérant, cependant, que les modalités contractuelles de calcul du prix de cession doivent s'appliquer lorsque ladite cession est parfaite, c'est-à-dire dès la levée de l'option ;
Considérant que M. [S] reconnaît :
1°) avoir reçu les lettres de la SCM du 7 juin 2005 et 17 janvier 2006 précisant les modalités de paiement du prix de cession par elle fixé ;
2°) avoir reçu paiement des 4 annualités prévues, dont la dernière en janvier 2009 ;
Qu'il reconnaît encore n'avoir contesté le prix susvisé que le 21 décembre 2009, et ce alors que la cession était devenue parfaite ; que la demande, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil ne pouvait donc qu'être rejetée ;
Qu'en y faisant droit, malgré tout, le premier juge a excédé ses pouvoirs ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCM les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;
PAR CES MOTIFS
- Déboute la société civile à capital variable 'LA SOCIÉTÉ CIVILE DES MOUSQUETAIRES' de ses demandes de sursis à statuer et de nullité de l'ordonnance,
- Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau :
- Déboute M. [V] [S] de sa demande,
- Condamne M. [V] [S] à payer à la société civile à capital variable 'LA SOCIÉTÉ CIVILE DES MOUSQUETAIRES' 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamne M. [V] [S] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT