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15/03/2011 | FRANCE | N°10/03075

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 15 mars 2011, 10/03075


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1- Chambre 3
ARRET DU 15 MARS 2011
(no 184, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03075
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Février 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 51453

APPELANTES
SAS MYLAN agissant poursuites et diligences de son Président 117 Allée des Parcs 69792 ST PRIEST CEDEX
SAS QUALIMED, agissant poursuites et diligences de son Président 117 Allée des Parcs 34 rue Sa

int Romain 69008 LYON ²

représentées par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour assistées de Me ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1- Chambre 3
ARRET DU 15 MARS 2011
(no 184, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03075
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Février 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 51453

APPELANTES
SAS MYLAN agissant poursuites et diligences de son Président 117 Allée des Parcs 69792 ST PRIEST CEDEX
SAS QUALIMED, agissant poursuites et diligences de son Président 117 Allée des Parcs 34 rue Saint Romain 69008 LYON ²

représentées par Me Dominique OLIVIER, avoué à la Cour assistées de Me Jean-Christophe GALLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E 146

INTIMEES
Société E. I. DU PONT DE NEMOURS AND COMPAGNY prise en la personne de ses représentants légaux 1007 Market Street Wilmington DELAWARE 19898 ETATS UNIS

SNC LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET prise en la personne de ses représentants légaux 3 avenue hoche 75008 PARIS

représentées par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour assistées de Me BENARD Laëtitia plaidant pour le Partnership ALLEN et OVERY LLP, avocats au barreau de PARIS, toque J 022

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mlle Véronique COUVET, greffier

• La société américaine EI DU PONT DE NEMOURS AND COMPANY (DU PONT) est titulaire d'un brevet EP 0 253 310 ayant pour titre « Imizadoles qui bloquent les récepteurs de l'angiotensine II ».
Une demande de brevet européen a été déposée le 9 juillet 1987 sous priorité de deux brevets américains du 11 juillet 1987 (US 884 920) et du 22 mai 1987 (US 50 341). La mention de la délivrance du brevet EP 310 a été publiée le 26 octobre 1994 par l'Office Européen des brevets.
Le brevet européen a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités et a expiré le 9 juillet 2007.
Il a pour objet un groupe de composés hypertenseurs dont le losartan, des compositions pharmaceutiques les contenant ainsi que des procédés de préparation de ces composés.
Le 16 juin 1995, la société DU PONT a déposé une demande de certificat complémentaire de protection (CCP) no 95C 0018 sur la base de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) NJ 20000 obtenue en France le 15 février 1995 et sur la base de l'AMM NT 12 209 obtenue en Suède le 2 septembre 1994.
Le CCP... a été délivré le 17 octobre 1996 et sa délivrance a été publiée au BOPI no96/ 45. Sa date d'expiration était fixée au 2 septembre 2009. Il couvre le Losartan. Il a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités.
Le 27 février 2009, la société DU PONT a déposé une demande dite d'extension pédiatrique » conformément à l'article 36 du règlement CE no1901/ 2006 du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique.
Par décision du 6 juillet 2009 publiée au BOPI no09/ 31 du 31 juillet 2009, le directeur de l'INPI a fait droit à la demande de la société DU PONT.
La validité du CCP no... a ainsi été prorogée jusqu'au 8 mars 2010.
Le brevet EP 310 n'a jamais fait l'objet d'aucune contestation depuis sa délivrance.
Conformément à un contrat de licence conclu entre la société DU PONT et la société LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME CHIBRET (MERCK) inscrit au RNM sous le no..., la société MERCK est titulaire d'une licence exclusive de la partie française du brevet EP 310 et d'une licence exclusive du CCP no....
La société DU PONT est également titulaire du brevet européen EP C 733 336 intitulé « compositions pharmaceutiques comprenant des imizadoles comme antagonistes d'angiotensine II et des diurétiques » qui a été déposé le 5 janvier 1989 et dont la mention de la délivrance a été publiée à l'OEB le 1er avril 1998. Ce brevet a expiré le 5 janvier 2009.
Le 14 août 1998, la société DU PONT a déposé une demande de CCP... sur la base de l'autorisation de l'AMM NL 20037 obtenue en France le 15 février 1995.
Le CCP no... a été délivré le 6 avril 2001. Il couvre le Losartan en combinaison avec l'hydrochlorthiazide (HCTZ). Il a expiré le 15 février 2010.
La société MERCK est titulaire de l'AMM des spécialités pharmaceutiques comprenant du losartan. Elle commercialise ces spécialités en France sous la marque « cozaar » et le losartan plus un diurétique sous les dénominations « hyzaar » et « fortzaar » qui correspondent à des dosages différents.
La société MYLAN a obtenu l'inscription de ses spécialités génériques LOSARTAN HTCZ MYLAN 50mg et 100 mg par décisions de l'AFSSAPS le 5 juin 2009, ces spécialités comportent les deux principes actifs du losartan et du HTCZ.
La société MERCK, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juillet 2009, a mis en garde la société MYLAN contre la mise sur le marché de ces spécialités à base de losartan avant le 2 mars 2010, date de l'expiration de son CCP.
Le 26 janvier 2010, la société MYLAN au nom de la société QUALIMED, a répondu soutenant que les spécialités pharmaceutiques contenant du losartan seul d'une part et du losartan combiné avec de l'hydrochlorthiazide constituent des produits différents et que seul le CCP... a reçu une extension pédiatrique de sorte que le CCP... n'est pas couvert par cette extension.
La société MERCK lui a adressé un nouveau courrier de mise en garde le 27 janvier 2010.
Le 2 février 2010, la société DU PONT et la société MERCK ont fait assigner en référé d'heure à heure la société MYLAN et la société QUALIMED aux fins d'interdiction de vente sous astreinte des compositions pharmaceutiques reproduisant les caractéristiques couvertes notamment par les revendications 1, 2, 3, 4 et 5 du brevet EP no 0253310 et du CCP no... et au paiement d'une somme de 100. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 12 février 2010 a interdit à la société MYLAN et à la société QUALIMED d'offrir à la vente et de vendre, c'est-à-dire commercialiser ces compositions pharmaceutiques et notamment le LOSARTAN HTCZ MYLAN 50mg et 100mg reproduisant les caractéristiques couvertes notamment par les revendications 1, 2, 3, 4 et 5 du brevet EP no 0253310 et du CCP no... avant le 2 mars 2010 et ce sous astreinte de 100 euros par comprimé offert en vente et vendu en vrac ou sous toute autre forme de conditionnement, l'astreinte prenant effet à compter du jour de l'ordonnance, s'est réservé la liquidation de l'astreinte, a débouté les sociétés MYLAN et QUALIMED de leurs demandes reconventionnelles, les a condamnés solidairement à payer à la société DU PONT et MERCK la somme globale de 15. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés MYLAN et QUALIMED, appelantes, par conclusions du 21 janvier 2011, demandent à la cour de :
- dire qu'elles n'ont pas commis de contrefaçon en mettant sur le marché leur spécialité LOZARTAN HCTZ le 15 février 2010 ;
- constater que les conditions d'obtention de la prorogation du CCP no... telles que fixées par l'article 36 du règlement de l'union européenne no1901/ 2006 ne sont pas réunies ;
- débouter en conséquence les sociétés DU PONT et MERCK de l'intégralité de leurs demandes ;
- à titre subsidiaire, renvoyer l'affaire devant la cour de justice des communautés européennes en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne afin de la saisir des questions préjudicielles suivantes :
1) l'article 4 du règlement 469/ 2009 du 6 mai 2009 permet-il d'opposer un CCP couvrant une spécialité pharmaceutique comportant un seul principe actif (composé A) pour faire obstacle à la fabrication et/ ou la commercialisation d'une spécialité comportant ce principe actif en combinaison avec un autre principe actif (composés A + B),
alors qu'aux termes de ce même article, la protection conférée par le CCP s'étend au seul produit couvert par l'AMM du médicament correspondant,
que les obligations réglementaires pharmaceutiques imposent l'obtention d'une AMM pour un médicament comportant un principe actif seul et d'une AMM distincte pour un médicament comportant le même principe actif (composé A) en combinaison avec un autre principe actif (composés A + B)
que l'article 1b du même règlement définit le produit comme le principe actif ou la composition de principes actifs d'un médicament ?
2) S'il est répondu par l'affirmative à la question 1, la prorogation pédiatrique obtenue conformément au règlement 469/ 2009 sur la base d'essais pédiatriques réalisés pour un produit comportant un principe actif seul (composé A) pourrait-elle être opposée et faire obstacle à la fabrication et/ ou la commercialisation d'un produit comportant ce principe actif en combinaison avec un autre principe actif (composés A + B) alors même que ce produit n'aurait pas fait l'objet d'essais pédiatriques et que les conditions de l'article 36, 1 à 2, du règlement 1901/ 2006 ne seraient pas remplies ? La notion de produit visée par l'article 36 alinéa 4 du règlement 1901/ 2006 doit-elle être interprétée à la lumière de l'article 1) b du règlement 469/ 2009 ?
3) L'article 36-3 du règlement 1901/ 2006 du 12 décembre 2006 relatif aux médicaments à usage pédiatrique exige-t-il que le produit ait obtenu dans tous les Etats membres une AMM pédiatrique comportant les résultats des études pédiatriques effectuées ? S'il est répondu par l'affirmative, s'agit-il d'une condition de fond exigeant l'obtention d'une AMM pédiatrique dans tous les Etats membres à la date du dépôt de la demande de prorogation du CCP ou d'une condition de forme permettant de rectifier la demande de prorogation après son dépôt et de déposer les AMM délivrées en cours d'instruction de ladite demande.
En tout état de cause, condamner solidairement les sociétés DU PONT et MERCK à payer aux sociétés MYLAN et QUALIMED la somme de 50. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes d'écritures en date du 25 janvier 2011, les sociétés DU PONT et MERCK souhaitent voir la cour confirmer l'ordonnance entreprise et statuer à nouveau en disant que l'interdiction provisoire aurait due être étendue aux actes de fabrication, d'importation, d'utilisation et de détention de tout produit pharmaceutique comprenant le LOSARTAN reproduisant les revendications 1 à 5 du brevet EP no 0253310 et du CCP no... jusqu'au 2 mars 2010, débouter les appelantes de toutes leurs demande et de les condamner à leur verser la somme de 100. 000 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE, LA COUR
Considérant que les demandes sont formées sur le fondement de l'article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que : « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon... Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il peut être porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. » ;
Considérant que la procédure prévue par ces dispositions est autonome et ses conditions d'application diffèrent de celles fixées par les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;
Considérant qu'au vu du texte applicable en l'espèce, il appartient à la société DU PONT et à la société MERCK de démontrer qu'au vu des éléments de preuve qu'elles peuvent détenir et au regard des titres dont elles disposent, une atteinte à leurs droits, par la fabrication et la mise en vente d'un médicament générique par la société MYLAN et la société QUALIMED est vraisemblable ou imminente ;
Considérant que les appelantes contestent le fait que le CCP no... prorogé par décision du 6 juillet 2009 jusqu'au 2 mars 2010 puisse leur être opposé pour interdire la fabrication et la mise en vente de leurs produits génériques avant cette date ;
Considérant qu'elles remettent en cause la validité de l'extension délivrée en France le 6 juillet 2009 par l'INPI par référence à l'article 13 point 3 du règlement 469/ 2009 et 36 du règlement 1901/ 2006 ; qu'elles reprochent à la société DU PONT de ne pas démonter que toutes les AMM pédiatriques avaient été délivrées dans les 27 Etats de l'union européenne au moment du dépôt de la demande d'extension pédiatrique ;
Considérant qu'en effet, le CCP... a été délivré le 17 octobre 1996 pour expirer le 2 septembre 2009 et qu'une extension pédiatrique en application de l'article 36 du règlement 1901/ 2006 a été accordée permettant une protection du losartan jusqu'au 2 mars 2010 ;
Considérant que la prorogation de protection accordée dans ce cadre est une récompense des études faites en matière pédiatrique mais ne signifie pas que le produit est nécessairement efficace auprès de la population pédiatrique et la prorogation peut être accordée alors même que l'indication pédiatrique n'est pas autorisée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 36 précité, la demande de prorogation comprend le résultat des études réalisées selon un plan d'investigation pédiatrique approuvé et la prorogation de six mois n'est accordée que si le produit est autorisé dans tous les Etats membres ;
Considérant que le texte qui n'évoque que le fait que le produit soit autorisé, ne précise pas que lors du dépôt de la demande, toutes les AMM pédiatriques doivent avoir été obtenues ; qu'en effet, demander la production des 27 AMM pédiatriques au jour du dépôt de la demande n'est pas en pratique réalisable en l'absence de procédure centralisée d'enregistrement et du fait de la diligence variable des différentes agences appelées à donner ces autorisations ; que le texte ne peut que viser l'exigence de fournir les AMM initiales, les AMM pédiatriques pouvant être transmises au cours de la procédure délivrance de la prorogation ; qu'il convient d'ailleurs de constater que cette position a été finalement adoptée par l'INPI ainsi que le confirme la circulaire du syndicat de l'industrie pharmaceutique du 7 janvier 2011 ;
Considérant que la société DU PONT a déposé sa demande de prorogation le 27 février 2009 et que figuraient dans les pièces jointes la copie des AMM de tous les autres Etats membres ; qu'il s'ensuit que la procédure est régulière et la prorogation délivrée à la suite de cette demande n'a pas lieu d'être annulée
Considérant que le CCP... était valide jusqu'au 2 mars 2010 ;
Considérant qu'il s'ensuit que jusqu'à cette date, toute fabrication ou commercialisation de spécialités revendiquées et protégées par ce titre est prohibée ;
Considérant que le règlement applicable au litige est le règlement 469/ 2009 du 16 mai 2009 et qu'en tout état de cause, le débat porte sur les articles 4 et 5 de ce règlement qui sont identiques à ceux du règlement 1768/ 92 cités dans l'instance ;
Considérant qu'il convient de rappeler les définitions des termes visés dans ce règlement ;
Considérant que le médicament s'entend de toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou l'animal ;
Considérant que le produit est le principe actif ou la composition de principes actifs ;
Considérant que l'article 4 du règlement concerne l'objet de la protection du certificat et énonce que « dans les limites de la protection conférée par le brevet de base, la protection conférée par le certificat s'étend au seul produit couvert par l'autorisation de mise sur le marché du médicament correspondant, pour toute utilisation du produit en tant que médicament qui a été autorisée avant l'expiration du certificat » ; que l'article 5 complète celui-ci indiquant les effets du certificat en disposant que « sous réserve de l'article 4, le certificat confère les mêmes droits que ceux qui sont conférés par le brevet de base et est soumis aux mêmes limitations » ;
Considérant que les parties admettent que ces articles doivent être lus en combinaison ;
Considérant que le brevet de base est le brevet qui protège un produit en tant que tel, un procédé d'obtention d'un produit ou une application d'un produit et qui est désigné par son titulaire aux fins de la procédure d'obtention d'un certificat ;
Considérant que le brevet de base a pour titre « Imizadoles qui bloquent les récepteurs de l'angiotensine II » et se rapporte à des antagonistes de récepteurs de l'angiotensine, groupe d'agents hypertenseurs ; que les revendications 1à 5 du brevet couvrent le losartan ;
Considérant que le certificat complémentaire de protection qui a fait l'objet de la prorogation jusqu'au 2 mars 2010 vise le losartan potassium qui est donc le produit visé dans l'AMM ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par les appelantes que les deux produits Losartan HCTZ 50 mg et 100 mg sont des médicaments génériques au sens de l'article L 5121-1 5o du code de la santé publique c'est-à-dire une spécialité pharmaceutique qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs que la spécialité de référence, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par les études de biodisponibilité appropriées ;
Considérant que les sociétés MYLAN et QUALIMED contestent toute contrefaçon par leurs produits des titres qui leur sont opposés dès lors que les produit génériques qu'elles destinent à la vente, contiennent du losartan et un autre principe actif le HCTZ ; qu'elles considèrent que le seul produit protégé par le CCP invoqué par leurs adversaires est le losartan et que la preuve est rapportée de ce qu'il n'y a pas contrefaçon dès lors que les sociétés intimées ont obtenu un autre CCP visant le losartan associé à un diurétique ce qui signifie que les produits sont distincts ;
Considérant qu'il convient de rappeler que la contrefaçon s'apprécie en droit français selon les ressemblances et non seulement par rapport aux différences de sorte que l'adjonction de caractéristiques supplémentaires à celles revendiquées par un brevet ne fait pas disparaître la contrefaçon ;
Considérant que le certificat complémentaire de protection qui vise à soutenir l'innovation dans le domaine de la santé, accorde une protection à un produit en tant que médicament sous toutes les formes relevant de la protection du brevet de base ;
Considérant ainsi qu'en l'espèce, le certificat qui bénéficie de la prorogation confère les mêmes droits que ceux du brevet de base visant le losartan et la protection conférée par ce certificat vise le produit couvert par l'AMM et ce pour toute utilisation du produit en tant que médicament qui a été autorisée avant l'expiration du certificat ; qu'il s'ensuit que la protection concerne tout usage du losartan en tant que médicament ;
Considérant que l'existence d'un autre CCP dont la protection est expirée est indifférent en l'espèce, que ce CCP ... correspondait à une autre AMM portant sur le losartan potassium et l'hydrochlorothiazide et donc à la protection d'un médicament différent même si le losartan était contenu dans celui-ci ; qu'à deux AMM peuvent correspondre deux CCP et deux brevets de base distincts ; qu'en tout état de cause, les produits concernés étaient différents et ces produits différents avaient fait l'objet de deux protections distinctes ;
Considérant que la société MYLAN a obtenu le 5 juin 2009 des AMM relativement à des spécialités pharmaceutiques Losartan HCTZ 50 et 100 mg ; qu'il s'agit de produits génériques qui sont des spécialités pharmaceutiques ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs que la spécialité de référence et la même forme pharmaceutique ; qu'en l'espèce, ces spécialités contiennent du losartan en tant que médicament ;
Considérant, en effet, que l'AFFSAPS dans son répertoire des spécialités pharmaceutiques mis à jour le 29 janvier 2010 mentionne pour les deux produits des appelants que leur composition pour un comprimé contient du losartan potassique et de l'HCTZ et que le médicament est indiqué dans les cas d'hypertension artérielle ;
Considérant qu'il s'ensuit que les produits génériques que les sociétés MYLAN et QUALIMED envisageaient de mettre sur le marché pouvaient constituer si cette mise sur le marché intervenait avant le 2 mars 2010, une contrefaçon du produit protégé par le CCP... dès lors qu'ils contenaient du losartan ;
Considérant que les sociétés DU PONT et MERCK indiquent que les sociétés MYLAN et QUALIMED ont obtenu l'inscription de leurs produits sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables aux assurés sociaux le 30 octobre 2009, le 10 novembre 2009, un avis relatif aux prix de vente de ceux-ci, le 17 septembre 2009 leur mise au répertoire des génériques ;
Considérant que la société MERCK a adressé le 22 juillet 2009 un courrier de mise en garde aux deux sociétés adverses rappelant leurs droits et leur impossibilité de fabriquer, offrir, mettre dans le commerce, utiliser, importer ou détenir les produits ainsi protégés jusqu'aux dates d'expiration des titres ;
Considérant que la société MYLAN a répondu le 26 janvier 2010 qu'elle ne souscrivait pas au raisonnement de la société DU PONT et qu'elle contestait la protection revendiquée estimant que l'échéance du certificat complémentaire de protection du losartan associé au HCTZ expirait le 15 février 2009 ; qu'elle a ajouté se réserver le droit de faire toute action tendant au respect de ses droits et en particulier à l'absence d'entrave à la pénétration des génériques ;
Considérant que les intimées considèrent qu'il résulte de ces éléments qu'une atteinte imminente à leurs droits était ainsi démontrée justifiant les mesures sollicitées ;
Considérant que l'atteinte imminente est celle qui n'est pas encore réalisée mais qui se produira surement si la situation présente doit se perpétuer ;
Considérant que le législateur a autorisé les génériqueurs à effectuer toutes les formalités nécessaires à la mise sur le marché de leurs produits avant l'extinction des droits de propriété industrielle sur le produit princeps ainsi que cela est prévu à l'article 5121-10 du code de la santé publique ; que de même ils peuvent faire inscrire leur produit sur la liste des médicaments remboursables et sur le répertoire des génériques ; que ces formalités se font sous réserve de l'information du titulaire des droits ;
Considérant dès lors que le seul fait que ces diligences dans le respect des dispositions légales aient été accomplies par les sociétés MYLAN et QUALIMED avant l'expiration des droits des sociétés DU PONT et MERCK ne suffit pas à démontrer l'atteinte imminente portée aux droits de celles-ci ;
Considérant que la simple lettre de mise en garde adressée par les titulaires des droits aux sociétés adverses n'est pas davantage probante ;
Considérant que, de même, la réponse de la société MYLAN contestant l'analyse des titres faite par les sociétés DU PONT et MERCK et notamment relativement au second CCP ... ne suffit pas à caractériser l'atteinte imminente aux droits de ces dernières et la commission d'actes potentiels de contrefaçon antérieurement au 2 mars 2010 ;
Considérant qu'en effet, il n'est pas en l'état rapporté la preuve par les intimées, pour la période postérieure allant du 15 février au 2 mars 2010, de préparatif de mise en fabrication ou de commercialisation pendant cette période, de diffusion de brochures ou de publicités annonçant la sortie des produits, de la visite des médecins en vue de la prescription de ces génériques ; qu'en l'absence de tels éléments relatifs à la mise en place d'une fabrication, d'un démarchage ou d'une publicité et alors que l'assignation a été délivrée le 2 février 2010 et que le CCP devait expirer le 2 mars 2010, la probabilité de voir cette fabrication et cette offre à la vente mises en place dans un délai aussi court, apparaît peu vraisemblable ;
Mais considérant qu'aux termes de leurs propres écritures, la société MYLAN et de la société QUALIMED devant la cour d'appel déclarent ne pas avoir commercialisé leurs spécialités et effectué de préparatif d'une quelconque commercialisation avant le 15 février 2010 et ne pas avoir commis d'actes de contrefaçon en mettant sur le marché leurs spécialités au 15 février 2010 ; qu'il ressort de cette énonciation qu'elles admettent implicitement avoir postérieurement à cette date du 15 février 2010 mis sur le marché les génériques incriminés par leurs adversaires ; que, par cet aveu, l'atteinte imminente est démontrée ;
Que dès lors, il convient de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné l'interdiction de la commercialisation des spécialités LOSARTAN HCTZ 50 mg et LOSARTAN HCTZ 100 mg jusqu'au 2 mars 2010 ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des intimées tendant à interdire la fabrication, la détention, l'utilisation ou l'importation de ces spécialités avant cette date dès lors qu'il s'agit de spécialités génériques qui ont obtenu les autorisations nécessaires des autorités publiques et qui doivent pouvoir être commercialisées dès la fin de la protection accordée par le brevet et le CCP détenus par les sociétés intimées ; que seule la commercialisation avant l'expiration de la protection peut être incriminée ;
Considérant néanmoins qu'en raison des constatations rappelées ci-dessus de la cour, le prononcé d'une mesure d'astreinte ne se révèle ni nécessaire ni opportune et l'ordonnance sera infirmée de ce chef ;
Considérant qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant les arguments de fait et de droit soulevés par les parties et notamment celui tiré de l'opportunité de poser une question préjudicielle à la CJUE ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que les circonstances de fait justifient que chacune des parties conserve la charge des dépens engagés dans la présente procédure ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le prononcé de l'astreinte ;
Statuant à nouveau
Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
Rejette toutes les autres demandes des parties ;
Rejette toute demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/03075
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-03-15;10.03075 ?
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