Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 15 MARS 2011
(no 109, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 28692
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 décembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 08/ 03864
APPELANTE
Madame Carole X......... 97170 PETIT BOURG GUADELOUPE représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour assistée de Me Karine COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E 906 toque : E 906
INTIMES
Monsieur Bertrand Y...... 72000 LE MANS représenté par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600
Société COVEA RISKS prise en la personne de son représentant légal 19/ 21 allée de l'Europe 92110 CLICHY représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600
SOCIETE EQUITY JURIS prise en la personne de ses représentants légaux 45 avenue Montaigne 75008 PARIS représentée par la SCP BOMMART-FORSTER-FROMANTIN, avoués à la Cour assistée de Me Jean-pierre CHIFFAUT MOLIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1600
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 1er février 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Cour,
Considérant que M. Eric B... et Mme Carole X..., son épouse, étaient les associés de la société Cosmétol et de la société Pharm'up et qu'à la suite de leur séparation et de la conclusion de plusieurs actes, Mme X... a reproché à M. Bertrand Y..., avocat, d'avoir assisté son mari et elle-même alors qu'il les savait en conflit et d'avoir manqué à son devoir de conseil puisqu'à la suite des actes, elle s'est trouvée évincée de ses mandats de cogérant et privée de tout revenu ; qu'elle a donc sollicité l'indemnisation de son préjudice en saisissant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 2 décembre 2009, l'a déboutée de ses demandes, débouté M. Y... de sa demande de dommages et intérêts, condamné Mme X... à payer à la société Equity juris la somme de 2. 000 euros et à M. Y... la somme de 3. 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens ;
Considérant qu'appelante de ce jugement, Mme X..., qui en poursuit l'infirmation, demande que M. Y... et la société Equity juris soient condamnés solidairement à lui payer la somme de 1. 200. 000 euros en réparation du préjudice qu'elle subit depuis son éviction de la cogérance des sociétés Cosmétol, Pharm'up et Pharm'up Océan indien ; Qu'à l'appui de ses prétentions, Mme X... fait valoir que la société en participation, invoquée par ses adversaires, est une œ uvre de l'esprit de M. Y... qui l'a imaginée pour la défense des seuls intérêts de M. B... et qu'en acceptant d'organiser la constitution et la dissolution concomitante de cette société, M. Y... a manqué à son devoir de conseil ; qu'elle ajoute qu'il a commis une faute, non seulement en organisant les modalités de séparation des patrimoines en prétendant intervenir dans l'intérêt commun de son mari et d'elle-même, mais, surtout, en ne lui adressant aucune mise en garde sur les conséquences de ces actes, aucun projet ne lui ayant été transmis avant signature ; qu'elle en déduit qu'il a sciemment nuit à ses intérêts alors qu'il avait accepté de représenter son mari et elle-même et qu'il lui est déontologiquement interdit de représenter dans une même affaire deux parties qui sont en conflit d'intérêt, cette intervention étant également constitutive d'une faute civile ; Que Mme X... soutient donc que du seul fait de l'ensemble des actes rédigés par M. Y... au seul bénéfice de M. B..., elle a été dépossédée de son patrimoine sans aucune contrepartie alors qu'elle était majoritaire au sein des trois sociétés du groupe et que son préjudice consiste en la perte de sa rémunération, de ses avantages en nature, de sa rémunération de gérante de la société Pharm'up Océan indien, de sa prime de gérance des trois sociétés, de ses comptes courants d'associée et de ses dividendes ; Qu'à titre subsidiaire, Mme X... demande que lui soit accordée une provision de 500. 000 euros et que soit ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement qui sera rendu par le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, saisi d'une action en contestation de sa révocation de ses mandats de cogérant et en nullité des actes litigieux ;
Considérant que M. Y..., la société Covéa Risks, son assureur, et la société Equity juris concluent à la confirmation du jugement aux motifs que les premiers juges ont justement refusé d'apprécier un éventuel manquement aux règles de déontologie alors surtout que l'intervention de M. Y..., destinée à prévenir ou à mettre fin à un différend, n'est pas constitutive d'un manquement ; Que, soutenant que M. Y... n'a aucunement manqué à son devoir de conseil, les intimés font valoir qu'il est intervenu au mois de juillet 2006 lorsque époux B... lui ont demandé de procéder à la séparation de leur patrimoine dans la perspective d'un divorce, qu'à cette occasion, il a découvert qu'en dépit des apparences, les droits des époux dans la société Cosmétol et la société Pharm'up étaient de 45 % pour Mme X... et de 55 % pour M. B... sous le couvert d'une société en participation et que, compte tenu de cette convention de portage, il a rédigé, à la demande des époux, le procès-verbal constatant la dissolution de cette société et mis à jour les statuts de la société Pharm'up pour faire mention de la répartition réelle du capital ; qu'ils soulignent que M. Y... n'est intervenu qu'en 2006 pour clarifier la situation des époux B... et notamment au regard de deux appartements, propriétés apparentes de Mme X... mais financés en commun, et qu'il ne pouvait pas avoir connaissance de la création de la société en participation créée le 10 septembre 1998 et dont les statuts ont été mis à jour le 27 novembre 2004 ; Que les intimés font encore valoir que M. Y... n'a aucunement trahi le mandat que lui ont donné les deux époux ; Qu'enfin, la société Covéa Risks, M. Y... et la société Equity juris exposent que, d'une part, le préjudice allégué par Mme X... n'est pas certain alors surtout qu'elle a agi contre son mari devant le Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre et que, d'autre part, il n'existe aucun lien de causalité entre la faute invoquée et le prétendu dommage qui, en tous cas, ne pourrait résulter que d'une perte de chance de refuser de signer les actes litigieux, non prouvée en l'espèce ;
En fait :
Considérant qu'en fait, M. B... et Mme X... ont contracté mariage le 7 septembre 1997 sous le régime de la séparation des biens ; qu'ils se sont séparés au cours de l'été 2006 ; que, le 16 novembre 2007, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a rendu une ordonnance de non-conciliation qui a été partiellement confirmée par la Cour d'appel de Basse-Terre en son arrêt du 17 mai 2010 ; que le Tribunal devait se prononcer sur le divorce le 27 janvier 2011 ; Que Mme X... et M. B... étaient associés au sein de deux sociétés commerciales : la société Cosmétol créée le 1er octobre 1998, dont Mme X... possédait 74 % du capital, M. B... 1 % et M. C... 25 %, et la société Pharm'up, créée au mois de janvier 2004 entre Mme X... et M. B... qui se partageaient le capital de 2. 000 euros par moitié ; Que, par un contrat du 27 novembre 2004, M. et Mme B... ont effectué, au profit de la société Pharm'up un apport évalué à 498. 000 euros, soit la totalité des parts qu'ils détenaient dans la société Cosmétol portant ainsi le capital de la société Pharm'up à 50. 000 parts se répartissant à raison de 49. 850 parts au profit de Mme X... et de 150 parts au profit de M. B... ; que l'un et l'autre des époux exerçait un mandat de cogérant de l'une et l'autre sociétés ; Que, le 17 juillet 2006, avec l'assistance de M. Y..., M. et Mme B... ont conclu un acte dit « acte de dissolution de la société en participation dénommée B...-X...-Cosmétol-Pharm'up » ; qu'aux termes de cet acte, il existait, depuis le 10 septembre 1998, entre Mme X... à raison de 45 % et M. B... à raison 55 %, une société en participation ne disposant pas de la personnalité morale, dont l'actif était composé des seules 49. 800 parts sociales de la société Pharm'up, société non révélée que les deux associés ont décidé de dissoudre ; Que, le même jour, M. et Mme B... ont conclu un acte rédigé par M. Bertrand Y..., avocat, et intitulé « Reconnaissance de donation entre époux » aux termes duquel il était stipulé que Mme X... s'était portée acquisitrice seule de biens immobiliers consistant en trois appartements, que le financement de ces biens avait été assuré pour moitié par M. B... et que, lorsque les intérêts des époux viendraient à être liquidés, M. B... aurait droit à une somme d'argent égale à la moitié de la valeur des biens ; Qu'enfin, le 18 juillet 2006, M. et Mme B... ont signé deux transactions ; que la première, faisant référence à l'acte de acte de dissolution de la société en participation, stipule que Mme X... a entendu contester « tant l'existence, la validité que les effets de la société en participation » ainsi que « l'existence, la validité et les effets de l'acte de dissolution » en faisant valoir « non seulement le vice de son consentement consécutif à l'erreur qu'elle aurait commise en signant lesdits documents au fur et à mesure, que le dol résultant des man œ uvres dolosives qu'aurait mises en œ uvre M. B... pour parvenir à la faire signer, qu'enfin la violence, notamment morale qu'il aurait exercée à son égard au même titre », que, pour sa part, M. B... a entendu également prétendre à la nullité de ces actes pour revendiquer la totalité des parts sociales de la société Pharm'up et que l'un et l'autre des époux renonce à ces différends ; que le deuxième acte de transaction prévoyait que les époux B... renonçaient à toute contestation de la « Reconnaissance de donation entre époux » ; Que, par lettre en date du 1er décembre 2006, M. B... a fait connaître à son épouse que, par résolution prise lors de l'assemblée générale ordinaire de la société Cosmétol en date du 17 novembre 2006, a été décidée la dissolution du collège des cogérants de cette société et qu'elle n'exerçait plus les fonctions de gérant depuis cette date ;
Sur la responsabilité de M. Y... :
Considérant qu'il ressort de l'ensemble des circonstances de fait ci-avant rappelées qu'au moment de se séparer, M. et Mme B... ont voulu organiser la répartition de leurs biens et parts sociales et qu'ils ont eu recours à M. Y... pour rédiger les actes ; que, même si la séparation a pu se dérouler de façon conflictuelle, il ne saurait être fait grief à M. Y... d'avoir conseillé les deux époux dès lors qu'ils ont tous deux et librement sollicité ses services et participé à l'élaboration des actes ; Qu'en particulier, il convient de souligner que le fait, pour un avocat, d'intervenir seul dans la rédaction d'une convention destinée à prévenir ou à mettre fin à un différend, loin de constituer une faute déontologique ou une faute civile, entre dans ses attributions normales tant que les parties, comme en l'espèce, cherchent à parvenir à un accord ; Qu'à cet égard, M. Y... n'a commis aucun manquement à ses obligations professionnelles ; Considérant qu'en revanche, Mme X... est recevable à rechercher si, à cette occasion, M. Y... n'a pas favorisé les intérêts de M. B... et, partant, manqué à son devoir de conseil vis-à-vis d'elle ; Considérant que l'acte de reconnaissance de donation entre époux constituait une contrepartie à l'acte dit « acte de dissolution de la société en participation dénommée B...-X...-Cosmétol-Pharm'up », tous deux signés par les époux le 17 juillet 2006 et que, dans le prolongement de ces deux actes, M. et Mme B... ont souhaité divorcer par consentement mutuel ; qu'un message de M. Y... leur fournissait diverses précisions sur ce point ; qu'à ce message, Mme X... répondait en donnant la liste des points sur lesquels elle était d'accord avec M. B... et qu'elle remerciait M. Y... de l'informer au sujet du pacte d'associé concernant la garantie de son statut de gérante et sa rémunération égale à la sienne sur l'ensemble des sociétés ; Considérant que l'affirmation de Mme X..., qui prétend que la société en participation serait « une œ uvre de l'esprit de M. Y... », est contredite, tant par l'acte de dissolution du 17 juillet 2006 qui fait apparaître que cette société existait depuis le 10 septembre 1998, que par les statuts de cette société, mis à jour le 27 novembre 2004 et portant la signature de Mme X... ; qu'il en résulte que cette société en participation préexistait à l'intervention de M. Y... qui, partant, n'a jamais été en mesure de donner quelque conseil que ce soit sur l'opportunité de créer une telle société, tout comme il est étranger à la cession des parts de la société Cosmétol, intervenue en 2001 ; Que, compte tenu du domaine de l'intervention de M. Y..., qui a été sollicité afin d'organiser les conséquences matérielles et financières de la séparation des époux, et eu égard à la nature des actes qu'il a été amené à rédiger, il n'était aucunement tenu de se livrer à des investigations dans les comptes personnels des époux ; Qu'en réalité, les actes signés par M. B... et Mme X... les 17 et 18 juillet 2006 ne sont aucunement déséquilibrés et que, préservant les intérêts de chacune des parties, ils forment un tout indissociable comme l'a reconnu Mme X... qui, le 16 septembre 2006, écrivait à M. Y... : « Certaine de ta compréhension, je compte énormément sur toi, Bertrand, pour arriver le plus vite à une solution convenable pour les deux parties » ; Considérant que les faits ci-avant rappelés démontrent que Mme X... ne peut sans se contredire, soutenir que M. Y... a « dévoyé » le mandat qu'elle lui a confié pour, ensuite, énoncer, notamment à la page 8 de ses conclusions, que son préjudice a pour origine « l'acceptation fautive par Maître Y... de la mission qui lui a été confiée uniquement par Monsieur B... » ; Qu'en fait, Mme X... a continué à prendre l'attache de M. Y... jusqu'au mois de septembre 2006 notamment pour lui demander s'il avait « avancé » sur le « pacte de famille » qu'elle souhaitait conclure et ce, sans formuler le moindre grief ; Considérant qu'il suit de tout ce qui précède que M. Y... démontre qu'il a satisfait à son devoir de conseil ; Que, par voie de conséquence et sans qu'il y ait lieu de sursoir à statuer, il convient de confirmer le jugement frappé d'appel ;
Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile :
Considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions susvisées ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, Mme X... sera déboutée de sa réclamation ; qu'en revanche, elle sera condamnée à payer aux intimés les frais qui, non compris dans les dépens d'appel, seront arrêtés, en équité, à la somme de 2. 000 euros pour la société Equity juris et à la somme de 3. 000 euros pour M. Y... ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 décembre 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris au profit de M. Bertrand Y..., de la société Equity juris et de la société Covéa Risks ;
Déboute Mme Carole X... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et la condamne, par application de ce texte, à payer à la société Equity juris la somme de 2. 000 euros et à M. Y... la somme de 3. 000 euros ;
Condamne Mme X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S. C. P. Bommart-Forster et Fromantin, avoué de M. Y..., de la société Equity juris et de la société Covéa Risks, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT