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15/03/2011 | FRANCE | N°09/24959

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 15 mars 2011, 09/24959


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 15 MARS 2011

(no 107, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/24959

Décision déférée à la Cour :

jugement du 21 octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 08/11535

APPELANTE

S.A.S. DIFPAP agissant en la personne de ses représentants légaux

17 rue Guiglionda de Sainte Agathe

Espace Gabin

06300 NICE

représentée pa

r la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Michel REY, avocat au barreau de MONTAUBAN (TARN ET GARONNE) SCP REY ROSSI

INTIME...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 15 MARS 2011

(no 107, 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/24959

Décision déférée à la Cour :

jugement du 21 octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 08/11535

APPELANTE

S.A.S. DIFPAP agissant en la personne de ses représentants légaux

17 rue Guiglionda de Sainte Agathe

Espace Gabin

06300 NICE

représentée par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Michel REY, avocat au barreau de MONTAUBAN (TARN ET GARONNE) SCP REY ROSSI

INTIME

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR représentant l'ÉTAT FRANÇAIS

Bâtiment Condorcet

6 rue Louise Weiss

75013 PARIS

représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour

assisté de Me Véronique JOBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 195

SCP VALLUIS JOBIN LAVIRON, avocats au barreau de PARIS

Le MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

34 Quai des Orfèvres

75001 PARIS

représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions écrites

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 31 janvier 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC

représenté à l'audience par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, qui a développé ses conclusions écrites

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

La Cour,

Considérant que, par jugement du 5 octobre 1998, le Tribunal de commerce d'Ajaccio a placé la société Bureau Services en redressement ; que, par un jugement du 28 juin 1999, il la soumettait à un plan de continuation ; que la société n'a pas respecté les échéances arrêtées par le plan, ni déposé dans les délais légaux le rapport annuel relatif à ses engagements financiers en sorte que M. Joseph Philippi, commissaire au plan, l'a fait assigner le 23 juin 2005 devant le Tribunal de commerce d'Ajaccio aux fins de résiliation du plan et de liquidation ; que l'affaire a été appelée à une audience du 19 septembre 2005 et que, finalement, le jugement a été rendu le 25 juin 2007 ;

Qu'entre le 31 janvier 2007 et le 29 juin de la même année, la société Difpap a livré à la société Bureau Services du matériel pour un montant de 71.877,24 euros ; que sa créance, régulièrement produite, s'est avérée irrécouvrable, faute d'actif ;

Que, se plaignant du délai dans lequel le Tribunal de commerce d'Ajaccio a rendu sa décision et prononcé la résiliation du plan de redressement de la société Bureau Services et la liquidation de cette société, la société Difpap a fait assigner l'Agent judiciaire du Trésor en réparation du préjudice consécutif à ce retard qui lui a fait perdre toute possibilité de recouvrer sa créance ; que, par jugement du 21 octobre 2009, le Tribunal de grande instance de Paris l'a déboutée de ses demande et condamnée aux dépens ;

Considérant qu'appelante de ce jugement, la société Difpap demande que l'Agent judiciaire du Trésor soit condamné à lui payer la somme de 71.877,24 euros à titre de dommages et intérêts ;

Qu'à l'appui de sa prétention, la société Difpap fait valoir que, même si la situation financière de la société Bureau Services était obérée dès la date de l'assignation délivrée à la requête de M. Philippi, il n'en demeure pas moins qu'elle n'était pas en mesure de le savoir dès lors que le mandataire avait autorisé la poursuite de l'activité ; que, sur ce point, elle fait observer que ce ne sont que les livraisons des mois de janvier à juin 2007 qui sont restées impayées ;

Qu'enfin, l'appelante soutient que, si le Tribunal de commerce d'Ajaccio avait statué dans un délai raisonnable, elle n'aurait pas livré des marchandises à la société Bureau Services entre le 31 janvier 2007 et le 29 juin de la même année ;

Considérant que l'Agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation du jugement au motif que, même si le délai mis par le Tribunal de commerce d'Ajaccio pour statuer est relativement long, il ressort des pièces de la procédure que les délais ont été accordés à la société Bureau Services pour présenter ses moyens de défense et qu'en outre, l'Etat ne répond pas des fautes éventuellement commises par le mandataire judiciaire ; qu'en réalité, il n'existe, en cause, ni faute lourde du service de la justice, ni déni de justice ;

Considérant que M. le procureur général, à qui le dossier a été communiqué, conclut à l'infirmation du jugement ; qu'il fait valoir qu'en matière de procédures collectives, la célérité est de règle et qu'en l'espèce le déni de justice allégué est certain ; que, s'agissant du lien de causalité entre le déni de justice et le dommage dont se plaint la société Difpap, il soutient que, si la résolution du plan de continuation avait été prononcée plus tôt qu'elle ne l'a été, la société Difpap n'aurait livré aucune marchandise à la société Bureau Services qui, partant, n'aurait subi aucun préjudice ;

SUR CE :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, « l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice » ; que, « sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice » ;

Qu'il s'infère de ce texte que le déni de justice s'entend non seulement du refus de répondre aux requêtes ou de la négligence à juger les affaires en état de l'être, mais aussi de tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend notamment le droit de tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable ;

Qu'ainsi défini, le déni de justice s'apprécie au regard des circonstances propres à chaque affaire ;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort de l'exposé des faits tels qu'ils sont rappelés en tête du présent arrêt que, s'agissant d'une affaire simple, le Tribunal de commerce d'Ajaccio a placé la société Bureau Services en liquidation le 25 juin 2007 alors qu'il avait été saisi de la demande près de deux ans auparavant et qu'en la matière, eu égard à l'impérieuse nécessité de préserver les intérêts des créanciers qui s'impose, la célérité est de règle ;

Qu'en outre, les contractants qui savent qu'une entreprise commerciale est soumise à une procédure collective sont en droit d'attendre de la justice qu'elle agisse promptement lorsque survient une situation caractérisant une cessation des payements ;

Que, dans ces conditions, le délai de deux ans qui s'est écoulé avant que le Tribunal de commerce d'Ajaccio prononce la liquidation de la société Bureau Services, qui n'est pas justifié par le seul souci de respecter le principe de la contradiction, est excessif et constitutif d'un déni de justice au sens des dispositions susvisées ;

Considérant que, comme le soutient la société Difpap, si le Tribunal de commerce d'Ajaccio avait statué dans un délai raisonnable, elle n'aurait pas livré des marchandises à la société Bureau Services entre le 31 janvier 2007 et le 29 juin de la même année ;

Que, plus précisément, la situation de la société Bureau Services était compromise dès le mois de juin 2005 puisque le commissaire au plan, l'a fait assigner le 23 juin 2005 devant le Tribunal de commerce d'Ajaccio aux fins de résiliation du plan et de liquidation de sorte qu'il est certain que, si la société avait été mise en liquidation dans les meilleurs délais, la société Difpap n'aurait pas contracté avec elle ; qu'il existe donc un lien de causalité entre le déni de justice et le préjudice subi par la société Difpap ;

Considérant que la société Difpap établit, grâce aux factures et à la déclaration de créance versées au dossier que le dommage subi, eu égard à l'irrécouvrabilité de sa créance, s'élève à la somme de 71.877,24 euros ;

Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement frappé d'appel et de condamner l'Agent judiciaire du Trésor à payer à la société Difpap la somme de 71.877,24 euros à titre de dommages et intérêts ;

Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens l'Agent judiciaire du Trésor sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à payer à la société Difpap les frais qui, non compris dans les dépens, seront arrêtés, en équité, à la somme de 2.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 21 octobre 2009 par le Tribunal de grande instance de Paris ;

Faisant droit à nouveau :

Condamne l'Agent judiciaire du Trésor à payer à la société Difpap la somme de 71.877,24 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute l'Agent judiciaire du Trésor de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à la société Difpap la somme de 2.000 euros ;

Condamne l'Agent judiciaire du Trésor aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel seront recouvrés par la S.C.P. Petit et Lesénéchal, avoué de la société Difpap, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 09/24959
Date de la décision : 15/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-03-15;09.24959 ?
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