RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 15 mars 2011
(n° 7 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05783
SUR RENVOI APRES CASSATION du 13 janvier 2009 suite à l'arrêt de la 18ème chambre C de la cour d'appel de PARIS du 15 mars 2007 concernant un jugement rendu le 24 juin 2002 par le conseil de prud'hommes de TARBES - section activités diverses - RG n° 00/00166
APPELANTE
Madame [H] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Christian PERCEROU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1566
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/044785 du 27/12/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
SA MSM
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Martine COISNE, avocat au barreau de PARIS, toque : R283
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 janvier 2011, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, présidente
Monsieur Philippe LABREGERE, conseiller
Mme Marie-Aleth TRAPET, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Nadine LAVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente, et par M. Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat écrit du 10 octobre 1992, Madame [H] [D] a été engagée par la société MSM pour interpréter le rôle de [I] dans un viédogramme intitulé '[Localité 5]', consacré à la vie de [I] [N], et destiné essentiellement à être reproduit en nombre en plusieurs versions linguistiques et vendu pour l'usage privé du public.
Aux termes du contrat, sa rémunération était prévue dans les conditions suivantes :
'La rémunération de l'artiste-interprète sera de trente-cinq mille francs (35 000,00 F) pour l'ensemble de sa prestation. Cette rémunération est forfaitaire et, compte tenu des exigences de sa fonction, sans rapport avec le temps qu'elle consacrera réellement à son travail. Elle vise tant le travail d'interprétation qu'elle effectuera que le droit de la fixer, de la reproduire et de la communiquer au public. Elle se compose des éléments suivants pour les différents modes d'exploitation possibles de l''uvre:
- 30 000 F pour l'exploitation par vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, ce mode comprenant la diffusion publique ou semi-publique d'extraits à usage purement promotionnel de l''uvre,
- 2 500 F pour l'exploitation par télédiffusion dans un cadre non commercial,
- 2 500 F pour la communication au public en salle dans un cadre non commercial'.
Le 20 avril 2000, [H] [D] a engagé une action devant le conseil de prud'hommes de TARBES à l'encontre de la société MSM à l'effet de voir juger que son contrat de travail était contraire aux articles L. 212-3, alinéa 2, L. 212-4, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle et L. 762-2 du code du travail, pour n'avoir pas aménagé en sa faveur de rémunération complémentaire à son cachet salarial.
Par jugement de départage du 24 juin 2002, le conseil de prud'hommes de TARBES a débouté [H] [D] de ses demandes. Mme [D] a relevé appel de cette décision.
Par arrêt rendu le 15 septembre 2003, la cour d'appel de Pau a déclaré l'action engagée par [H] [D] à l'encontre de la société MSM prescrite sur le fondement de l'article 1304 du code civil, et confirmé par substitution de motifs le jugement entrepris.
Saisie d'un pourvoi formé par [H] [D], la chambre sociale de la Cour de cassation a, par arrêt du 25 janvier 2006 rendu au visa des articles L. 762-1 et L. 762-2 du code du travail et de l'article 2262 du code civil, cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Pau au motif que 'l'action de Mlle [D], qui avait été engagée en vertu d'un contrat de travail d'artiste-interprète, s'analysait en une demande de paiement d'une rémunération ne présentant pas le caractère de salaire, étrangère à l'application de l'article 1304 du code civil, et soumise dès lors à la prescription trentenaire'.
Statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 15 mars 2007, infirmé le jugement de conseil de prud'hommes de TARBES du 24 juin 2002 et dit que le contrat d'engagement litigieux ne rémunérait que le seul travail d'interprétation de [H] [D] et ne comportait pas de rémunération distincte au titre du droit de la MSM de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de [H] [D]. Elle a fixé sa rémunération à hauteur de 0,76 € TTC par cassette, condamné la société MSM à payer à [H] [D] la somme provisionnelle de 5 000 € et ordonné une mesure d'expertise pour évaluer les sommes dues à [H] [D] en fonction des ventes de vidéogrammes commercialisés par la société MSM.
Statuant sur le nouveau pourvoi formé par la société MSM à l'encontre de cet arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation a, par arrêt du 13 janvier 2009, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Au visa de l'article 1134, elle a jugé que 'le contrat prévoyait bien une rémunération visant tant le travail d'interprétation que le droit de la fixer, de la reproduire et de la communiquer au public et se composait de trois éléments distincts, pour l'exploitation par vidéogramme destinés à l'usage du public, pour l'exploitation par télédiffusion dans un cadre non commercial, et pour la communication au public en salle dans un cadre non commercial'.
La Cour de cassation a remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
[H] [D] sollicite la réformation du jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes et demande à la cour de juger que la clause de rémunération prévue au contrat d'interprétation est nulle et en tout cas doit être réputée non écrite, de condamner la société MSM au paiement d'une somme de 220 000 € au titre de la rémunération de ses droits de fixation et de reproduction de son interprétation, en fonction de l'exploitation de la vidéocassette du film [I], sa vie, sa passion.
La société MSM conclut à la prescription de l'action en nullité de [H] [D], par application de l'article 1304 du code civil. Elle demande à la cour de constater que [H] [D] a reçu une rémunération au titre de l'exploitation et qu'elle ne peut prétendre à une rémunération proportionnelle à l'exploitation et sollicite en conséquence la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. Subsidiairement, elle demande que la cour constate que [H] [D] ne peut prétendre qu'à une somme forfaitaire qui ne peut être supérieure à celle dont les parties étaient convenues. Reconventionnellement, la société MSM sollicite la condamnation de [H] [D] à la restitution de la somme de 8 000 € versée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 mars 2007 avec intérêts à compter d'avril 2007.
Par lettre du 1er décembre 2010, le médiateur, nommé par ordonnance du 22 octobre 2010, après plaidoirie du dossier, a informé la cour qu'il n'avait pu rapprocher les parties.
Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et reprises oralement à l'audience du 5 octobre 2010.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la recevabilité de la demande de nullité de la clause contractuelle de rémunération
Par 'conclusions de modification du dispositif' adoptées et déposées à l'audience du 5 octobre 2010, [H] [D] demande explicitement à la cour de 'juger nulle et en tout cas non écrite la clause de rémunération prévue au contrat d'interprétation ayant lié les parties'.
[H] [D] fait valoir que, dès lors que la Cour de cassation a résolu le problème de la prescription en jugeant de manière 'incontournable' - contrairement à ce que tente encore de soutenir la société MSM - que son action était soumise à la prescription trentenaire, elle se trouve bien fondée à invoquer et à obtenir la nullité des clauses litigieuses de son contrat d'interprétation.
Mme [D] invite, dans ces conditions, la cour à juger que, faute d'avoir aménagé la rémunération de l'artiste-interprète pour sa prestation artistique distincte de la cession de ses droits sur l'oeuvre, la convention sera annulée. Elle ajoute qu'à défaut d'accord collectif applicable aux vidéogrammes, il y aura lieu à fixation de la rémunération sur exploitation qui lui est due en fonction des usages 'et des éléments du dossier' et qu'elle évalue à la somme de 220 000 € au regard du très important volume de vente des vidéocassettes réalisé par la société MSM, l'expert judiciaire désigné en la personne de Monsieur [V] [J] ayant, en conclusion de son rapport en date du 27 octobre 2008, indiqué que les vidéocassettes sur lesquelles Mme [D] pourrait prétendre être rémunérée représenteraient 381 781 unités.
La société MSM soulève en effet, sur le fondement de l'article 1304 du code civil, la prescription de l'action en nullité déjà exercée par [H] [D] le 20 avril 2000 à l'encontre du contrat d'engagement du 10 octobre 1992. Elle précise que l'action de [H] [D] ne peut s'analyser en une action en paiement puisqu'elle a valablement perçu une rémunération pour les différentes exploitations du film.
Mais considérant que [H] [D] estime n'avoir pas perçu, au titre de la cession des ses droits sur le film [I], sa vie, sa passion, de rémunération distincte du salaire qui lui a été versé pour son travail d'interprétation, le contrat ne prévoyant qu'une rémunération globale de 35 000 francs, la ventilation de cette somme entre trois différents mode d'exploitation étant purement fictive et la somme forfaitaire versée ne rémunérant que sa prestation artistique ;
Considérant que, dans ces conditions, il n'est pas contestable que la demande aujourd'hui encore présentée devant la cour s'analyse, comme l'a constaté la Cour de cassation dans son arrêt du 25 janvier 2006, en une demande de paiement d'une rémunération ne présentant pas le caractère de salaire, étrangère à l'application de l'article 1304 du code civil, et soumise dès lors à la prescription trentenaire ;
Considérant que l'action de [H] [D] est recevable ; qu'il convient de l'examiner ;
Sur la clause contractuelle de rémunération de [H] [D]
[H] [D] invoque la jurisprudence Coccinelle dont elle soutient qu'elle est intervenue sur des faits similaires à ceux de la présente espèce, ayant donné l'occasion à la Cour de cassation de juger, par arrêt du 10 février 1998, que la rémunération de l'artiste interprète au titre de la cession de ses droits sur l'oeuvre devait être distincte de la rémunération artistique et qu'en conséquence le contrat prévoyant une seule somme forfaitaire, n'incluant pas la rémunération de la prestation de l'artiste-interprète, devait être annulé.
La société MSM fait valoir que, conformément à l'article L. 212-4 du code de la propriété industrielle, elle a effectué une 'ventilation du cachet salarial' en prévoyant, aux termes du contrat d'engagement du 10 octobre 1992, que la rémunération globale servie à [H] [D] 'se composerait des éléments suivants pour les différents modes d'exploitation possibles de l''uvre : 30 000 francs pour l'exploitation par vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, 2 500 francs pour l'exploitation par télédiffusion dans un cadre non commercial et 2 500 francs pour la communication au public en salle dans un cadre non commercial'.
Selon la société de production, le fait que, dans le contrat litigieux, la rémunération ait été affectée dans sa totalité à certains modes d'exploitation, ne signifie pas que l'exploitation n'ait pas été rémunérée comme le prescrit l'article L. 212-4 du code de la propriété industrielle, ce que confirmerait l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 13 janvier 2009 jugeant que, dès lors que le contrat prévoyait une rémunération visant tant le travail d'interprétation que le droit de la fixer, de la reproduire et de la communiquer au public et se composait de trois éléments distincts, la cour d'appel de Paris en avait dénaturé les termes et violé l'article susvisé.
Mais considérant que l'article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, prescrivant l'obligation de fixer, dans un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur, une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre, induit que la rémunération de l'artiste-interprète au titre de la cession de ses droits sur l'oeuvre doit être distincte de la rémunération de sa prestation artistique ;
Considérant qu'il y a lieu de rechercher si les termes de la clause de rémunération litigieuse permettent de vérifier que la distinction requise par ce texte a été opérée ;
Considérant que [H] [D] fait valoir que la société MSM a établi, à son profit, un bulletin de paie laissant apparaître le règlement, pour la période du 1er au 31 décembre 1992, d'un salaire brut de 35 000 francs ; que Mme [D] n'a au demeurant perçu qu'une somme nette de 30 385,67 francs, après déduction des charges sociales, dont elle soutient qu'elle correspondait au cachet dû pour sa représentation physique ; qu'elle en déduit qu'elle n'a pas été rémunérée au titre de l'exploitation de son interprétation ;
Considérant que la société MSM soutient, au contraire, que la somme ainsi versée visait à rétribuer, outre le travail d'interprétation, la rémunération distincte prévue pour chaque mode d'exploitation de l'oeuvre ; que cette rémunération forfaitaire ne pouvait avoir qu'un caractère salarial ;
Considérant que la nature exclusivement salariale de la rémunération effectivement versée ne permet pas de rejeter l'hypothèse selon laquelle la somme versée par la société MSM aurait rémunéré la cession, par [H] [D], de ses droits sur l'interprétation de son rôle ;
Considérant qu'en effet, l'interprète - à la différence de l'auteur - peut être payé forfaitairement pour une exploitation de sa prestation enregistrée, ce qui lui permet au demeurant de bénéficier d'une protection sociale ; que le salaire ne constitue plus seulement la contrepartie d'une prestation de travail ;
Considérant que la société MSM observe avec justesse qu'en l'absence de convention collective ou d'accord spécifique applicable au secteur d'activité concerné, la rémunération due à [H] [D] au titre de l'autorisation consentie au producteur de fixer, reproduire et communiquer au public sa prestation, ne pourrait qu'avoir une nature intégralement salariale, dès lors que, par application de l'article L. 212-6 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions de l'article L. 762-2 du code du travail ancien - devenu l'article L. 7121-8 - ne disqualifient en redevances que la fraction des rémunérations qui excède les bases fixées par une convention collective ou un accord spécifique ; que les rémunérations comprises dans les limites du plafond ainsi déterminé doivent nécessairement être considérées comme des salaires ;
Considérant qu'aucune convention collective ni aucun accord spécifique ne régissant la situation soumise à la cour, et la commission prévue l'article L. 212-9 du code de la propriété industrielle n'ayant pas été sollicitée de déterminer les modes et les bases de la rémunération de l'interprète d'un rôle enregistré sur vidéogramme, aucun plafond n'existe qui justifierait l'application de l'article L. 7121-8 du code du travail, lequel conduirait à conférer la nature de redevance aux rémunérations servies à l'artiste-interprète dès lors que sa présence physique n'est pas requise pour l'exploitation, qu'il s'agit de l'utilisation d'un enregistrement de sa prestation et que la rémunération, versée à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement, est fonction du produit de cette exploitation et non du salaire initial ;
Considérant qu'en l'espèce, les parties étaient convenues d'une rémunération forfaitaire englobant la prestation artistique et la cession des droits sur l'oeuvre ; que cette rémunération ne pouvait avoir qu'une nature salariale à raison de la nécessité de pratiquer une application combinée des articles L. 212-6 du code de la propriété industrielle et L. 7121-8 du code du travail ; que le caractère nécessairement salarial de la rémunération versée ne permet pas de déterminer l'affectation de cette rémunération;
Considérant que l'addition des trois sommes fixées dans la clause de rémunération - à savoir 30 000 francs pour l'exploitation par vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, 2 500 francs pour l'exploitation par télédiffusion dans un cadre non commercial et 2 500 francs pour la communication au public en salle dans un cadre non commercial - aboutit à la somme totale versée à [H] [D], soit 35 000 francs brut ; que cette opération mathématique conduit à considérer que le travail d'interprétation, en dépit de la formule contenue dans l'acte d'engagement de l'artiste, a pu n'être pas rémunéré ;
Considérant que l'artiste ne peut percevoir une rémunération forfaitaire englobant sa prestation artistique et la cession de ses droits que si le contrat d'engagement expose clairement que cette somme unique rémunère à la fois la prestation et la cession de droits, et qu'est prévue une ventilation pour chaque mode d'exploitation de l''uvre ;
Considérant que la clause contenue dans le contrat d'engagement liant [H] [D] et la société MSM a fixé une rémunération globale - de nature nécessairement salariale - pour la prestation de l'artiste et la cession de ses droits ; que la formulation viciée de la clause ne permettant pas de vérifier l'effectivité d'une rémunération de la prestation artistique promise et due à [H] [D], ni en conséquence l'existence d'une rémunération de l'artiste-interprète au titre de la cession de ses droits sur l'oeuvre distincte de la rémunération de son travail d'interprétation, il y a lieu d'en prononcer la nullité ;
Considérant qu'en l'absence de toute source subsidiaire constituée par un texte ou un accord fixant les modes et les bases de rémunération applicables à la situation de Mme [D], il appartient au juge de fixer celle-ci ;
Sur les sommes dues à [H] [D] au titre de la cession des droits d'exploitation
Mme [D] estime que sa prestation artistique a été rémunérée, ce qui n'est pas contesté par le producteur qui soutient avoir rempli l'artiste de l'ensemble de ses droits. Sa demande ne porte que sur la rémunération de la cession de ses droits d'exploitation.
A cet effet, [H] [D] se réfère à la décision rendue par la cour de renvoi au profit de Madame [W] à la suite de l'arrêt précité prononcé par la Cour de cassation dans l'affaire dite Coccinelle. Elle sollicite en conséquence la fixation de sa rémunération forfaitaire sur exploitations 'en fonction des usages et des éléments du dossier'. Au titre des usages, elle revendique un contrat signé à une période contemporaine de celle de son engagement par la S.A. MSM avec une société LABORA, producteur d'un autre film dont elle était le personnage principal, lequel s'était engagé à lui verser '5 francs par cassette vendue'.
La société MSM s'étonne de ce que, sous couvert d'une demande présentée comme forfaitaire, Mme [D] sollicite en réalité une rémunération proportionnelle à l'exploitation du film, en tout cas en lien avec cette exploitation. Elle dénie l'existence d'un usage qui permettrait aux artistes principaux d'un film de percevoir une redevance calculée sur le prix public ou 'selon un certain montant nominal par vente unitaire' et récuse toute valeur probante au document établi sur papier libre par une société LABORA pour promettre à Mme [D] une rémunération que celle-ci reconnaît dans ses écritures n'avoir jamais perçue.
Le producteur estime que l'action de [H] [D] ne vise en réalité qu'à contester le caractère forfaitaire de sa rémunération, qui est apparu constituer un mode de rétribution moins avantageux qu'une redevance proportionnelle, compte tenu du succès qu'a connu la vente des vidéocassettes. Mme [D] précise elle-même dans ses écritures que c'est en apprenant, huit ans après la signature de son contrat, que la cassette du film représentait la troisième source de chiffres d'affaires des commerces environnant le sanctuaire de [Localité 5] qu'elle s'est étonnée de n'avoir jamais perçu de complément de rémunération sur l'exploitation de son interprétation.
La société MSM salue la prestation de l'artiste - comme celle de Mme [P] incarnant Notre-Dame de Lourdes dans le film tourné en quatorze jours -, mais souligne sa place modeste dès lors qu'il ne figure pas même dans la filmographie lourdaise et qu'il a cessé d'être exploité en 2007 et ajoute que [H] [D] ne bénéficie d'aucune notoriété, même s'il n'est pas contesté que l'artiste a joué le rôle - principal dans le récit des apparitions de Lourdes - de [I] [N].
La somme de 200 000 € réclamée par Mme [D] apparaît d'autant plus exorbitante à la société MSM que la totalité des recettes nettes perçues au titre de l'exploitation du vidéogramme entre 1993 et 2007 représente une somme de 148 819 € et que Monsieur [K], seul auteur et réalisateur de la vidéocassette, a perçu, au titre de sa rémunération forfaitaire légalement prévue, une somme de 48 288 €.
Considérant que la preuve de l'usage invoqué par Mme [D] n'est pas rapportée par les documents peu probants versés aux débats ;
Considérant qu'en l'état de la demande de [H] [D], des conclusions du rapport de l'expertise judiciaire précédemment ordonnée, d'absence d'accord spécifique applicable ou d'intervention de la commission instituée par l'article L. 212-9 du code de la propriété industrielle, il convient de fixer la rémunération de Mme [D] au titre de la cession de ses droits d'exploitation à la somme forfaitaire de 10 000 € et de dire que cette rémunération est de nature intégralement salariale ;
Sur la demande reconventionnelle
Considérant que la société MSM est déboutée de sa demande reconventionnelle tendant au remboursement de la somme de 8 000 € versée en exécution de l'arrêt prononcé par la dix-huitième chambre de la cour d'appel de Paris le 15 mars 2007 ; qu'une compensation pourra être opérée entre ce règlement et la condamnation prononcée par le présent arrêt ;
Sur l'application de la loi du 10 juillet 1991
Considérant que Mme [D] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ; qu'elle sollicite le paiement d'une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991;
Considérant qu'une somme de 4 000 € lui est allouée sur ce fondement ; que [H] [D] devra renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991, modifié par la loi du 18 décembre 1998, si, dans le délai de douze mois à compter de la délivrance de l'attestation de fin de mission, elle parvient à récupérer auprès de la société MSM la somme allouée au titre des textes précités.
Considérant que les honoraires du médiateur - soit 600 € hors taxes - et ceux de l'expert judiciaire précédemment nommé sont mis à la charge de la société MSM qui succombe ;
PAR CES MOTIFS
Se prononçant au vu de l'arrêt rendu le 13 janvier 2009 par la chambre sociale de la Cour de cassation,
RÉFORME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tarbes le 24 juin 2002 ;
CONDAMNE la société MSM à verser à Madame [H] [D] une somme de 10 000 € ;
ORDONNE la compensation judiciaire entre la créance de Madame [H] [D] au titre du de la cession de ses droits d'exploitation (soit 10 000 € brut) et la somme versée par la société MSM en exécution de l'arrêt prononcé par la dix-huitième chambre de la cour d'appel de Paris le 15 mars 2007 (soit 8 000 €) ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société MSM à verser à Madame [H] [D] une somme de 4 000 € au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, Mme [D] devant renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991, modifié par la loi du 18 décembre 1998, si, dans le délai de douze mois à compter de la délivrance de l'attestation de fin de mission, elle parvient à récupérer auprès de la société MSM la somme allouée au titre des textes précités ;
CONDAMNE la société MSM aux entiers dépens qui comprendront notamment les honoraires du médiateur et de l'expert judiciaire précédemment nommé.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE