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10/03/2011 | FRANCE | N°10/07568

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 10 mars 2011, 10/07568


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 10 MARS 2011



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07568



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - 3ème Chambre RG n° 2008000143





APPELANT:



Monsieur [X] [J]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 8] (63)

de nation

alité française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]



représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la Cour

assisté de Maître Jean-Fabrice BRUN, avocat plaidant pour CMS BUREAU FRANCIS...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRET DU 10 MARS 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/07568

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Mars 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - 3ème Chambre RG n° 2008000143

APPELANT:

Monsieur [X] [J]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 8] (63)

de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la Cour

assisté de Maître Jean-Fabrice BRUN, avocat plaidant pour CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE au barreau de Hauts de Seine NAN 1701

INTIMEE:

SAS EXPERTISE AUDIT ASSOCIES

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne des ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP SCP MONIN - D AURIAC DE BRONS, avoué à la Cour

assistée de Maître Maxime DELHOMME, avocat au barreau de PARIS Toque : P 94

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Février 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président

Monsieur Edouard LOOS, Conseiller

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,

MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public,

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Monsieur Daniel COULON, Greffier présent lors du prononcé.

Le 12 décembre 1997, Monsieur [X] [J], qui exerçait l'activité de marchand

de biens, s'est vu notifier deux avis de redressement par l'administration fiscale, l'un d'un montant de 14.440.951 F au titre de la TVA et l'autre d'un montant de 19.452.318 F au titre de l'impôt sur le revenu, soit aujourd'hui un total de plus de 5,1 M€ (14.440.951 F + 19.452.318 F = 33.893.269 F soit 5.166.995,55 €).

Monsieur [J] déclare s'être acquitté des droits en principal et avoir épuisé tous les recours en vue d'être déchargé des majorations qui lui sont réclamées, le Ministre du budget ayant rejeté son ultime recours le 4 avril 2007.

Le 11 décembre 2007, il a attrait l'un de ses cabinets d'expert-comptables, la SAS EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS, devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de l'entendre condamner à lui payer, dans le dernier état des demandes formulées devant les premiers juges, 2.424.873 € de dommages et intérêts, outre 20.000 € de frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 10 mars 2010, le tribunal a déclaré l'action prescrite en retenant essentiellement que Monsieur [J] connaissait les désordres comptables depuis le procès-verbal du 13 octobre 1997 de défaut de comptabilité, dressé par l'Administration et signé par lui-même, lequel, sans en connaître le montant, lui permettait d'en déduire qu'un redressement lui serait notifié, alors qu'il ne justifie pas avoir assigné le cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS avant le 12 octobre 2007.

Vu l'appel interjeté le 2 avril 2010, par Monsieur [J] et ses ultimes écritures signifiées le 2 août 2010 réclamant 20.000 € de frais irrépétibles et poursuivant l'infirmation du jugement en renouvelant ses demandes antérieurement formulées devant les premiers juges et en sollicitant les intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 21 octobre 2010, par la société EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS réclamant 8.000 € supplémentaires au titre des frais non compris dans les dépens et :

- à titre principal, poursuivant la confirmation du jugement,

- subsidiairement, contestant avoir commis une faute contractuelle en sollicitant le rejet des prétentions de Monsieur [J] ;

SUR CE, la cour :

sur la prescription

Considérant liminairement qu'il n'est pas contesté que la prescription applicable est celle de l'ancien article 189 bis de l'ancien code de commerce, devenu article L 110-4 de l'actuel code de commerce issu de la codification par l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000, dont le délai était de dix années avant la modification intervenue par l'article 15 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Considérant que l'action de Monsieur [J] tend à l'obtention de dommages et intérêts en réparation de mauvaises exécutions alléguées des prestations comptables par le cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS ;

Que, si en matière de responsabilité contractuelle, le point de départ de la prescription est fixé au jour où l'obligation a été exécutée ou aurait dû l'être, c'est à la condition que le créancier de l'indemnisation avait connaissance du dommage correspondant ;

Que s'agissant des conséquences fiscales des écritures comptables et des déclarations effectuées sur le conseil de l'expert-comptable dans le cadre de sa lettre de mission, la prescription court du jour où le créancier a été en mesure d'agir ;

Que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la connaissance, même en son principe, à compter du procès-verbal du 13 octobre 1997 du défaut de comptabilité dressé par l'Administration et signé par Monsieur [J], du risque à venir de notification d'un redressement fiscal ne permettait pas pour autant à ce dernier d'agir à l'encontre du cabinet d'expertise comptable, tant que le risque n'était pas effectivement réalisé, laquelle réalisation résulte de la notification du 12 décembre 1997 du redressement fiscal ;

Qu'en conséquence, au jour de la délivrance de l'assignation du 11 décembre 2007, la prescription décennale n'était pas encore acquise ;

sur le fond

Considérant qu'il résulte de la lettre de mission du 23 novembre 1991, établie par la société EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS et dont il n'est pas contesté qu'elle est contre-signée par Monsieur [J] [pièce n° 1 de l'intimée] que le cabinet d'expertise-comptable procédait :

- annuellement à l'établissement des comptes annuels de l'entreprise de Monsieur [J], soit son activité en propre de marchand de biens, comprenant la vérification du journal général et du livre d'inventaire et l'établissement :

. des comptes annuels : bilan, compte de résultat et annexe (avec enregistrement comptable des comptes-rendus trimestriels de gérance émanant des cabinets immobiliers DAB/LAFFERABE/RÉPUBLIQUE, lesquels assuraient les déclarations fiscales et sociales concernant Monsieur [J] en sa qualité de propriétaire d'immeubles),

. des déclarations fiscales de l'activité propre de marchand de biens,

- mensuellement à l'établissement des paies du personnel,

- trimestriellement aux déclarations sociales correspondantes ;

Qu'il n'est pas contesté que les comptes correspondant à l'opération spécifique en indivision [B]/[J] à [Localité 6] étaient établis par la société d'expertise comptable FIDUCIAIRE PARIS NORD ;

Considérant qu'il résulte des termes de la lettre-fax du 20 juin 1996 [pièce n° 10 de l'intimée] que le cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS a rappelé à Monsieur [J] qu'il n'était toujours pas en possession des documents concernant les déclarations de l'indivision [B]/[J], lesquels étaient réclamés depuis 'début avril 1996'en lui demandant de faire le nécessaire concernant le défaut de paiement des honoraires du cabinet FIDUCIAIRE PARIS NORD, pour permettre à celui-ci de transmettre les documents 'indispensables à l'établissement de votre déclaration de résultat' [celle de Monsieur [J]] ;

Que par lettre du 18 juillet 1996 [pièce n° 1 de l'appelant] le cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS a adressé à Monsieur [J] une 'déclaration provisoire pour l'activité marchand de biens au 31 décembre 1995 ' en précisant que, ne disposant pas des informations relatives aux comptes des opérations faites en indivision avec Monsieur [B], il appartiendra à Monsieur [J] 'd'adresser une déclaration rectificative une fois ces informations connues' ;

Qu'outre la lettre précitée l'invitant à adresser une déclaration rectificative une fois connus les comptes de l'indivision [B]/[J], il résulte de l'exposé (non contesté) de la lettre de notification fiscale du 12 décembre 1997, que mis en demeure les 3 septembre et 15 octobre 1997, Monsieur [J], en se bornant à prétendre que les documents comptables sont à l'adresse de son associé, Monsieur [B] décédé depuis [Date décès 7] 1995, n'a pas déféré aux injonctions de l'inspecteur des impôts concernant la fourniture des déclarations requises ;

Considérant en outre que, professionnel du chiffre, l'expert-comptable a aussi une obligation étendue de conseil au profit de son client et qu'en exécution de celle-ci, la société EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'avoir attiré l'attention de Monsieur [J] sur les conséquences exactes qui pouvaient, le cas échéant, résulter :

- tant de la fourniture d'une déclaration seulement provisoire ne reflétant pas la totalité des opérations de marchand de biens durant l'année fiscale considérée,

- que du défaut de fourniture ultérieure de la déclaration rectificative visée dans la lettre précitée du 18 juillet 1996,

notamment sur le risque d'être considéré 'de mauvaise foi' et les conséquences attachées à cette situation par les règles fiscales, outre la mise en oeuvre de pénalités importantes et d'intérêts moratoires ;

Considérant à cet égard, que Monsieur [J] estime que le préjudice est indemnisable dès lors que les pénalités ont été mises à sa charge [conclusions page 18], et qu'il évalue ses dommages en fonction des pénalités et des intérêts de retard qui lui ont été appliqués [conclusions page 14] ;

Mais considérant que le paiement des intérêts de retard ne constitue pas un préjudice indemnisable, dans la mesure où ceux-ci compensent le profit retiré par l'intéressé de la conservation de la jouissance des sommes, dont il était redevable envers le Trésor, jusqu'à la date du paiement du principal de l'impôt et que Monsieur [J] n'a pas allégué, ni a fortiori démontré, que les intérêts moratoires appliqués par l'Administration auraient constitué une charge dépassant le seul gain de trésorerie dont il a bénéficié ;

Qu'outre les bases rectifiées d'imposition au titre des BIC des années 1994 et 1995 les deux notifications de redressement fiscal du 12 décembre 1997 [pièces n° 2 et 3 de l'appelant] concernent la TVA éludée, outre les intérêts de retard et des majorations au titre des pénalités de mauvaise foi (au taux de 40 %) ;

Qu'il résulte des termes de l'article 1728 (§ 3) du code général des impôts, dans sa version applicable à l'époque de la notification des redressements, que la majoration de 40 % est appliquée lorsque la déclaration requise n'est pas produite dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure par pli recommandé, ce dont Monsieur [J] s'est abstenu de faire en dépit des mises en demeure de l'Administration des 3 septembre et 15 octobre 1997 ;

Qu'en conséquence les majorations appliquées ne résultent pas de la carence partielle du cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS dans l'accomplissement de son obligation étendue de conseil ;

Que par ailleurs, en se bornant à invoquer un préjudice moral correspondant à 'l'atteinte à sa réputation de contribuable honnête et diligent et au tracas que lui ont causé les différentes procédures', ayant notamment conduit à sa condamnation à 15 mois d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale, la décision ayant fait l'objet d'une publication dans la presse, Monsieur [J] n'établit pas pour autant que le préjudice moral qu'il allègue résulterait de la carence partielle du cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS dans l'accomplissement de son obligation étendue de conseil ;

Qu'en effet, marchand de biens professionnel, il avait nécessairement une connaissance au moins diffuse du risque de pénalités encourues, au moins en leur principe, de sorte que :

- en ne justifiant pas avoir pris des initiatives en vue, d'au moins tenter de débloquer la situation sur l'établissement des comptes de l'indivision [B]/[J] suite au défaut de règlement de la part d'honoraires à charge de la succession [B],

- en n'ayant pas déféré dans le délai requis, aux injonctions de l'Administration sur la fourniture des déclarations qui lui incombaient,

il est lui-même à l'origine du dommage moral dont il se plaint aujourd'hui, la carence partielle du cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS dans l'accomplissement de son obligation étendue de conseil étant demeurée sans incidence réelle sur la réalisation du préjudice moral invoqué, d'autant qu'aux termes de la lettre de mission précité du 23 novembre 1991, Monsieur [J] s'était engagé à fournir les informations nécessaires à l'accomplissement de la mission de centralisation des informations par le cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS en vue de l'établissement du bilan ;

Considérant, en conséquence, que ne justifiant pas :

- de préjudices indemnisables,

- ni davantage d'un préjudice moral résultant de la carence partielle du cabinet EXPERTISE AUDIT ASSOCIÉS dans l'accomplissement de son obligation étendue de conseil,

la demande de dommages et intérêts de Monsieur [J] n'est pas fondée ;

Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer des indemnisations au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement et statuant à nouveau,

Déclare Monsieur [J] recevable dans son action, mais mal fondé quant au fond, l'en déboute,

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles tant de première instance que d'appel,

Condamne Monsieur [J] aux dépens de première instance et d'appel,

Admet la SCP MONIN - D'AURIAC DE BRONS au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

D. COULON P. MONIN-HERSANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/07568
Date de la décision : 10/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°10/07568 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-10;10.07568 ?
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