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10/03/2011 | FRANCE | N°09/18879

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 10 mars 2011, 09/18879


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 10 MARS 2011



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18879



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008076131





APPELANTS



Société MEDIAMONDE

ayant son siège : [Adresse 7]



SA PARABOLE REUNION

ayant son siège

: [Adresse 2]



Société MEDIACOM INTERNATIONAL

ayant son siège : [Adresse 7]



Monsieur [Y] [M]

demeurant : [Adresse 6]



représentés par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assis...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 10 MARS 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/18879

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008076131

APPELANTS

Société MEDIAMONDE

ayant son siège : [Adresse 7]

SA PARABOLE REUNION

ayant son siège : [Adresse 2]

Société MEDIACOM INTERNATIONAL

ayant son siège : [Adresse 7]

Monsieur [Y] [M]

demeurant : [Adresse 6]

représentés par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistés de Me Philippe NETTO, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la société d'avocats FIELD FISHER WATERHOUSE FRANCE LLP,

INTIMEES

S.A.S CANAL REUNION

ayant son siège : [Adresse 4]

S.A.S CANAL OVERSEAS

ayant son siège : [Adresse 3]

S.A.S CANAL SATELLITE REUNION

ayant son siège : [Adresse 5]

CLOTILDE

SA CANAL + FRANCE

ayant son siège :[Adresse 1]

SA GROUPE CANAL +

ayant son siège : [Adresse 1]

S.A.S CANAL + DISTRIBUTION

ayant son siège : [Adresse 1]

représentés par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoués à la Cour

assistés de Me Pascal WILHELM, plaidant pour la SELAS WILHELM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0024,

COMPOSITION DE LA COUR :

Après le rapport oral de Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère, et conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Janick TOUZERY-CHAMPION, Conseillère

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Anne BOISNARD

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, présidente et par Mademoiselle Anne BOISNARD, greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Parabole Réunion, créée en 1999 par M.[M] et dirigée par lui, a pour activité la distribution de chaînes par satellite et la commercialisation de bouquets de chaînes de télévision par satellite sur le territoire de l'océan indien ( Ile de La Réunion, Ile Maurice, Mayotte et Madagascar); elle est contrôlée par la société Mediacom International et la société Médiamonde.

La société Groupe Canal Plus et sa filiale Canal Plus France a pour activité l'édition de chaînes de télévision thématiques (sport, cinéma, jeunesse...), la distribution d'offres de chaînes auprès des consommateurs ainsi que la commercialisation de chaînes ;les chaînes de ce groupe sont distribuées en France et également :

- sur l'île de la Réunion et Mayotte par la société Canalsatellite Réunion, filiale de la société Canal Réunion, elle-même filiale de la société Overseas,

- sur l'Ile Maurice par la société MC Vision Ltd, dont l'actionnaire majoritaire est une société de droit mauricien la société Emvision Ltd, elle-même filiale du groupe Currimjee-Jeewanjee .

Le Groupe TPS, crée en 1996, a une activité d'édition de chaînes et de distribution d'offres de chaînes; en dehors de la métropole il a développé une politique de partenariat avec des acteurs locaux à qui il a concédé l'exclusivité de distribution de ses chaînes. Ainsi à la Réunion, Mayotte, Ile Maurice et Madagascar, la société TPS a consenti à la société Parabole Réunion le droit de distribuer les chaînes qu'elle éditait en exclusivité.

Le 30 août 2006, après avis du Conseil de la Concurrence, le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a autorisé le rapprochement des activités du Groupe Canal Plus avec celles de son principal concurrent la société TPS (alors détenue par TF1et M6) à condition de maintenir une libre concurrence et à tout le moins de limiter les effets de la position dominante du groupe Canal Plus et de respecter l'engagement 34 souscrit au bénéfice de la société Parabole Réunion visant la reconduction des contrats existants entre les sociétés TPS et Parabole Réunion dans des conditions commerciales, techniques et de durée au moins aussi favorables que les conditions en vigueur au jour de l'autorisation. Depuis ce rapprochement, le Groupe Canal Plus est devenu l'un des fournisseurs de chaîne du groupe Parabole Réunion.

Estimant que cette opération de concentration s'est faite, en dépit des engagements, au détriment de la société Parabole Réunion, celle-ci a saisi le Tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir le respect par le groupe Canal Plus de ses droits exclusifs. Par décision du 18 septembre 2007 assorti de l'exécution provisoire ,cette juridiction a fait droit aux demandes de la société Parabole Réunion et fait interdiction aux sociétés du Groupe Canal Plus et Canal Plus France, sous astreinte de 30.000 € par jour et par infraction constatée, de permettre la diffusion par des tiers de plusieurs chaînes de télévision dont la société Parabole Réunion avait la distribution exclusive sur les territoires de la Réunion, de l'Ile Maurice, Mayotte et Madagascar.

C'est dans ce contexte que les parties ont signé le 30 mai 2008 un Protocole d'Intention aux termes duquel elles ont confirmé leur volonté de rapprocher leurs activités et leurs sociétés afin de dégager des synergies et créer un acteur de télévision par satellite unique sur l'Océan indien. Elles se sont engagées de manière ferme et irrévocable à conclure un ou plusieurs protocoles d'accord au plus tard le 15 septembre 2008 emportant concomitamment

- l'acquisition par Canal Réunion d'un pourcentage total de 25,2 % du capital et des droits de vote de Parabole Réunion , moyennant un prix total de 40 millions d'euros (constituant la première étape)

- un engagement ferme et irrévocable d'apport dès que possible par Médiacom International et ou Média Monde au profit de Canal Réunion du solde des actions composant le capital de Parabole réunion (constituant la seconde étape) et une fusion entre Parabole Réunion, Canal Satellite Réunion et Canal Réunion dans une nouvelle entité dénommée 'CR NewCo'.

Ce protocole était signé sous diverses réserves notamment l'obtention de l'accord de la société Currimejee-Jeewanjee sur la détention par la société CRNewCo (entité née de la fusion projetée) de la majorité du capital de l'entité mauricienne issue du rapprochement entre MC Vision ltd et Médiacom ltd, en cas d'évolution favorable de la législation mauricienne, celle-ci ne permettant pas à une entreprise étrangère de prendre une participation de plus de 20 % dans une société de droit mauricien.

Selon arrêt du 19 juin 2008, la Cour d'appel de Paris a pour l'essentiel infirmé le jugement rendu le 18 septembre 2007, en ce qu'elle a débouté la société Parabole Réunion de sa demande d'exclusivité sur la diffusion des chaînes Cinécinéma Premier, Cinécinéma Emotion, Cinécinéma Frisson, Cinécinéma Famiz et Ma Planète.

Se prévalant de la caducité du protocole d'intention en raison de la non réalisation de deux des quatre conditions suspensives prévues, les sociétés Canal (sociétés Canal Réunion, Canal Overseas, Canal Satellite réunion, Canal Plus France, Groupe Canal Plus , Canal Plus Distribution) ont alors refusé d'exécuter ce Protocole et ont été assignées par les sociétés Parabole Réunion, Mediacom International, Mediamonde et M.[M] par acte du 21 octobre 2008 devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir l'exécution forcée dudit protocole.

Par jugement du 15 juin 2009, la juridiction consulaire a :

- débouté les sociétés Parabole Réunion, Médiacom International, Médiamonde et M.[M] de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté les sociétés Canal Réunion, Canal Overseas, Canal Satellite Réunion, Canal Plus France, Groupe Canal Plus, Canal Plus Distribution de leur demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

- condamné in solidum les demanderesses à verser aux défenderesses une indemnité de 25.000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Cette juridiction a estimé que la non réalisation d'une des conditions suspensives n'était pas une défaillance des sociétés Canal ,puisque cette condition dépendait uniquement de l'accord de la société Currimjee-Jeewanjee, de droit mauricien, juridiquement indépendante et qu'elle entraînait la caducité du Protocole d'intention.

Par conclusions récapitulatives du 6 janvier 2010, les sociétés Parabole Réunion, Médiacom International, Mediamonde et M.[M], appelants, poursuivent l'infirmation du jugement querellé. Ils demandent à titre principal qu'il soit enjoint aux sociétés Canal Réunion, Canal Overseas, Canal SatelliteRéunion, Canal Plus France, Groupe Canal Plus, Canal Plus Distribution, sous astreinte (dont il plaira à la Cour de se réserver la liquidation) de 75.000 € par jour de retard et par infraction constatée, à procéder à l'exécution effective du Protocole d'Intention du 30 mai 2008 dès la signification de l'arrêt. Ils souhaitent que les différents actes matérialisant l'intégralité des opérations d'acquisition et de cession stipulées au protocole d'intention du 30 mai 2008 interviennent au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt. Ils sollicitent la condamnation:

- solidaire des sociétés Canal Plus France et Groupe Canal Plus à verser à la société Parabole Réunion les intérêts courus au taux légal depuis le 15 septembre 2008 sur la somme de 18 millions d'euros,

- de la société Canal Réunion à verser aux sociétés Médiamonde et Médiacom International , à hauteur de leur participation respective dans le capital de la société Parabole Réunion les intérêts courus au taux contractuel de 8% depuis le 15 septembre 2008 sur la somme de 40 millions d'euros.

A titre subsidiaire, ils estiment la vente parfaite par les sociétés Médiamonde et Médiacom International de 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion pour le prix total de 40 millions d'euros. Ils demandent en conséquence la condamnation de la société Canal Réunion, au besoin sous astreinte (dont il plaira à la cour de se réserver la liquidation) à verser aux sociétés Médiamonde et Médiacom International , chacune proportionnellement aux titres cédés la somme de 40 millions d'euros, majorée des intérêts au taux contractuel de 8 % à compter du 15 septembre 2008. Ils réclament qu'il soit ordonné :

-aux sociétés Médiamonde et Médiacom International la remise à la société Canal Réunion des ordres de mouvement des titres représentant 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion, concomitamment au paiement effectif de l'intégralité du prix de cession, au besoin sous le contrôle d'un huissier de justice,

- à la société Parabole Réunion, dès la vente exécutée, d'inscrire le transfert de propriété dans ses registres de mouvement de titres et comptes d'actionnaires , au besoin sous le contrôle d'un huissier de justice.

Plus subsidiairement, ils sollicitent la condamnation solidaire

- des sociétés Canal Réunion, Canal Overseas et Groupe Canal Plus à payer aux sociétés Médiacom International et Médiamonde à hauteur de leur participation respective dans le capital social de la société Parabole Réunion , la somme totale de 99,3 millions d'euros, toutes causes confondues, à titre de dommages et intérêts

- des sociétés Canal Réunion, Canal Overseas, Canal Satellite Réunion, Canal Plus France, Groupe Canal Plus et Canal Plus Distribution à verser à M.[M] la somme de 1 million d'euros à titre de dommages et intérêts,

- des sociétés Canal Overseas et groupe Canal Plus à régler à la société Médiacom International la somme de 28 millions d'euros à titre de dommages et intérêts, pour la perte de chance.

En tout état de cause, ils souhaitent le rejet des prétentions des intimées et leur condamnation solidaire à lui verser la somme totale de 100.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures récapitulatives du 19 janvier 2011, les sociétés Groupe Canal Plus, Canal Plus France, Canal Plus Distribution, Canal Plus Overseas, Canal Plus Réunion, (appelées sociétés Canal dans la présente instance) intimées formant appel incident, requièrent la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que le protocole d'intention du 30 mai 2008 est caduc depuis le 15 septembre 2008 .A titre principal, elles demandent qu'il soit constaté que certaines des conditions suspensives à l'exécution du Protocole du 30 mai 2008 ont défailli et ont entraîné la caducité de ce Protocole. Elles estiment que la condition suspensive relative à l'obtention par la société Groupe Canal Plus de l'accord du groupe Currimjee-Jeewanjee sur la modification du contrôle de la société MC Vision Ltd ne constitue pas une promesse de porte fort ou une obligation de résultat et qu'en tout état de cause, la défaillance de cette condition quelle que soit sa qualification ne permet pas de faire échec à la caducité du Protocole. Elle concluent au rejet de toutes les prétentions des appelantes.

A titre subsidiaire, elles considèrent que la demande d'exécution partielle du protocole d'intention est nouvelle en cause d'appel et comme telle irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile. Elle arguent de l'impossibilité de fait d'exécuter le protocole d'intention, en tout ou partie, et de procéder au rapprochement des sociétés Parabole Réunion et Groupe Canal Plus, en raison de l'incompatibilité de ce protocole avec les dispositions légales en vigueur à l'Ile Maurice et les dispositions d'ordre public françaises relatives au contrôle des concentrations. Elle font valoir que le protocole d'intention constitue une obligation de faire et, ne peut en droit que se résoudre en dommages et intérêts. Elles réclament le rejet des demandes en dommages et intérêts.

A titre infiniment subsidiaire, elles soutiennent que la demande en dommages et intérêts du fait du non respect d'une promesse de porte fort est nouvelle en cause d 'appel et comme telle irrecevable en vertu de l'article 564 du code de procédure civile. Elles soulèvent également l'absence de preuve de tout préjudice certain, direct et personnel des appelants et du lien entre le préjudice allégué et la non réalisation du protocole du 30 mai 2008.

Elles concluent au rejet de toutes les prétentions des appelants .

Enfin, elles sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il les a déboutées de leur demande reconventionnelle et réclament la condamnation solidaire des appelants à leur payer:

- une somme de 1.500.000 euros en raison du caractère abusif des demandes,

- une somme de 100.000 € pour chacune des intimées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Considérant qu'il est prévu au protocole d'intention signé entre les parties le 30 mai 2008

-en son article 2 intitulé 'Closing', (ce mot closing étant défini en page 3 comme la réalisation effective des opérations de cession/acquisition par échange des ordres de mouvement et paiement visés à l'article 2) que :

'Sous réserve (i) de l'article 4 ci-après ainsi que (ii) du rachat par Mediamonde de l'intégralité du capital de Médiacom International(..)(iii) du rachat par Canal Overseas d'un minimum de 29 % du capital de Canal Réunion auprès des actionnaires minoritaires de cette dernière et (iv) de l'accord tel que visé à l'article 11, de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne, qui serait issue du rapprochement entre MC Vision Ltd et Mediacom Ltd, les parties s'engagent de manière ferme et irrévocable à conclure un ou plusieurs protocoles d'accord au plus tard le 15 septembre 2008, (..)

-en son article 4 intitulé 'Consultation des comités d'entreprise' que :

'Les parties conviennent que la conclusion des accords visés aux présentes sera subordonnée à l'obtention du résultat des consultations préalables des comités d'entreprise des sociétés Parabole Réunion et du GIE Multi TV Réunion (..)';

-en son article 11 intitulé " Rapprochement des entités mauriciennes' que :

'Les parties entendent rapprocher (..) les activités mauriciennes de Parabole Réunion et de la société MC Vision ltd, dans le respect des contraintes légales et réglementaires locales.

Canal Overseas s'engage donc dès à présent à faire ses meilleurs efforts afin d'obtenir des autorités mauriciennes l'évolution de la législation. Elle s'engage également à faire ses meilleurs efforts afin que ses partenaires actuels dans MC Vision ltd et notamment la société Currimjee Jeewanjee s'associent à ses démarches vis à vis des autorités mauriciennes à cet égard et permettent à CR Newco d'obtenir une majorité du capital de l'entité mauricienne issue de ce rapprochement.

Canal Overseas obtiendra l'accord de la société Currimjee Jeewanjee pour que CR Newco détienne la majorité du capital de l'entité mauricienne issue de ce rapprochement en cas d'évolution de la législation mauricienne.';

-et en son article 16 'Divisibilité des stipulations' que :

' le fait qu'une stipulation quelconque du protocole devienne nulle, inopposable, caduque, illégale ou inapplicable ne pourra remettre en cause la validité , la légalité, l'applicabilité des autres stipulations du protocole qui devront être interprétées comme si les autres dispositions n'avaient jamais existé et n'exonérera pas chacune des parties de l'exécution dudit protocole';

Qu'il convient de rappeler, pour une bonne compréhension du litige, que la législation mauricienne ne permet pas à une entreprise étrangère de prendre une participation de plus de 20 % dans une société de droit mauricien ;

Considérant qu'à titre principal, les appelants sollicitent l'exécution forcée de ce protocole d'intention et notamment de l'engagement des intimées à obtenir l'accord de leur partenaire, la société Currimjee Jeewanjee, sur la détention par la société CR Newco (entité issue de la fusion projetée) de la majorité du capital de l'entité mauricienne issue du rapprochement des entités mauriciennes en cas d'évolution favorable de la législation mauricienne; qu'à cet effet ils prétendent, d'une part, qu'ils peuvent seuls renoncer à cet engagement pris à leur seul bénéfice, et d'autre part, que celui-ci s'analyse en une promesse de porte-fort, visée à l'article 1120 du code civil, mettant à la charge des intimées une obligation de résultat; que par conséquent ce protocole ne peut être frappé de caducité par la non réalisation d'une condition à laquelle ils ont pu valablement renoncer ;

Que pour leur part, les intimées rétorquent que le défaut de réalisation de deux des conditions suspensives prévues au protocole d'intention entraîne sa caducité, conformément aux dispositions de l'article 1176 du code civil ; elles contestent que l'engagement litigieux puisse s'analyser en une promesse de porte -fort ;

Considérant qu'en subordonnant, à l'article 2 du protocole du 30 mai 2008, leurs engagements à la réalisation de quatre événements (consultation des comités d'entreprise, rachat de l'intégralité du capital de Médiacom International, rachat de 29 % du capital de Canal Réunion et accord de la société Currimjee Jeewanjee) les parties ont nécessairement entendu conférer à leur accord un caractère conditionnel; que ces clauses constituent donc bien des conditions suspensives à la signature d'une autre convention à la date du 15 septembre 2008, dès lors que la perfection de leur accord est assujettie à la réalisation de ces divers événements ;

Qu'à tout le moins dans leurs dernières écritures les appelants reconnaissent que la quatrième condition, dénommée 'iv', tenant à l'obtention de l'accord de la société Currimjee Jeewnanjee est une condition suspensive ; qu'il n'est contesté par aucune des parties que cet accord n'a pas été obtenu à la date du 15 septembre 2008 ;

Qu'en application des dispositions de l'article 1176 du code civil ' lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé' ;

Que les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que cette condition 'iv' a été stipulée à leur seul profit, ce qui n'est nullement précisé dans l'acte ; qu'en outre, il est manifeste que chaque partie avait un intérêt à sa réalisation afin de pouvoir concrétiser leurs accords, à savoir créer une nouvelle entité CR Newco résultant de la fusion entre les sociétés Paraboles Réunion et Canal satelllite Réunion et Canal Réunion et un rapprochement par l'apport à la société Canal Réunion du solde des titres composant le capital de la société Parabole Réunion ; qu'à juste titre les premiers juges ont retenu que le refus de la société mauricienne emportait une modification substantielle de l'esprit et du périmètre de l'opération projetée ;

Que la défaillance de cette condition suspensive à la date du 15 septembre 2008 emporte en conséquence caducité du protocole d'intention, dont peuvent se prévaloir les deux parties, conformément à l'article susmentionné, sans qu'il soit utile dès lors de se prononcer sur les autres conditions suspensives ;

Considérant que si les appelants ne prétendent pas conformément aux dispositions de l'article 1178 du code civil que ce sont les intimées, qui intentionnellement ont empêché l'accomplissement de la condition suspensive 'iv', en revanche ils analysent cette clause érigée en condition suspensive en un engagement de porte-fort emportant une obligation de résultat, afin de contrecarrer la conséquence relative à la caducité du protocole provoquée par la défaillance de la condition suspensive ;

Qu'ils en veulent pour preuve la teneur du courrier que leur a adressé le 28 avril 2008 M.[D], Président de la société Canal Overseas :

'je souhaite finaliser nos discussions. Pour cela nous avons décidé de faire deux avancées essentielles en votre direction, en acceptant (..) d'acter à l'art 11 le principe que nous nous engageons à obtenir avant le closing, de Currimjee Jeewanjee l'acceptation d'une détention par la CR Newco de la majorité du capital de la société mauricienne post-rapprochement, sous réserve que la législation mauricienne le permette';

et de l'article 11 du protocole litigieux relatif à ' Canal Overseas obtiendra l'accord de la société Currimjee Jeewanjee (..) en cas d'évolution de la législation mauricienne' ;

Qu'ils estiment que la société Canal ayant ainsi garanti personnellement le fait d'un tiers, cet engagement doit être qualifié de porte-fort au sens de l'article 1120 du code civil ; qu'ils prétendent que celui qui se porte fort du fait d'un tiers le fait toujours dans l'intérêt exclusif du bénéficiaire de la promesse ; qu'ainsi, ils considèrent que l'engagement de la société Canal pris au profit de la société Parabole de garantir la survenance de la condition suspensive démontre nécessairement que cette condition a été stipulée au seul bénéfice de la société Parabole, bénéficiaire de la garantie et qu'elle a donc pu valablement y renoncer, par courriel du 3 septembre 2008 ;

Considérant que les sociétés intimées arguent en premier lieu de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'engagement de porte-fort soulevé pour la première fois en cause d'appel ;

Mais considérant conformément aux dispositions de l'article 563 du code de procédure civile, que les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge ; que cet argument est dénué de sérieux ;

Considérant qu'elles contestent, en second lieu, s'être portées fort de l'engagement de leurs partenaires, dès lors qu'elles n'ont jamais manifesté leur volonté de se porter fort pour un tiers et qu'elles ne pouvaient le faire pour un tiers sur lequel elles ne détiennent aucun contrôle direct ou indirect, aucun pouvoir d'influence sur les décisions à prendre ; qu'il n'a été mis à la charge de la société Canal Overseas qu'une obligation de moyens et non de résultat qui serait contraire par essence à la qualification de condition suspensive ;

Considérant qu'il convient d'observer que l'engagement souscrit par le président de la société Canal Overseas dans une lettre d'intention d'avril 2008 a été repris en des termes identiques à l'article 11 du protocole ;

Que le premier engagement souscrit par la société Canal Overseas tenant à 'faire ses meilleurs efforts' tant auprès des autorités mauriciennes que de ses partenaires actuels et notamment de la société Currimjee Jeewanjee est constitutif d'une obligation de moyens et non de résultat, dès lors qu'il exprime seulement l'intention du souscripteur de mettre en oeuvre certains moyens pour permettre la réalisation du projet ; qu'en outre cet engagement comporte un aléa important en ce qu'il dépend d'autres facteurs externes sur lesquels les sociétés intimées n'ont pas de prise (modification de la loi mauricienne et autorisation d'une société tierce) ; que dans ces conditions, il ne peut s'agir d'une obligation de porte-fort, qui ne comprend qu'une obligation de résultat ;

Que si le second engagement 'obtenir l'accord' pourrait être analysé comme une obligation de résultat, il convient toutefois de relever qu'il n'a été pris que dans l'hypothèse d'une évolution de la législation mauricienne, dont il n'est pas contesté qu'elle n'a pas eu lieu, ainsi qu'il ressort du compte rendu de réunion entre les conseils des sociétés Groupe Canal et Currimjee Jeewanjee en date du 7 juillet 2008 ; que cette réserve tenant au changement de la loi mauricienne n'ayant pas été levée, puisque les autorités mauriciennes ont opposé un refus, cet engagement est devenu caduc ; qu'en effet l'accord de la société Currimjee Jeewnanjee n'avait en soi aucun effet en l'absence d'évolution de la loi mauricienne ;

Que les sociétés intimées, qui se sont seulement engagées à réaliser des démarches pour obtenir, d'une part, une modification de la législation mauricienne, d'autre part, l'accord de la société mauricienne Currimjee Jeewanjee afin de permettre aux sociétés Canal et Parabole d'obtenir une majorité du capital de l'entité mauricienne nouvelle, ont souscrit une obligation de faire, dont l'inexécution se résout en dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1142 du code civil ; que par conséquent cette inexécution ne saurait empêcher la caducité du protocole résultant de la non réalisation de la condition suspensive, entraînant ainsi l'impossibilité pour les appelantes d'en solliciter l'exécution forcée ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, les appelants sollicitent l'exécution partielle du protocole d'intention, constitué selon eux de deux étapes distinctes, ne formant pas un tout ; qu'ils demandent en conséquence que soit déclarée parfaite la vente par les sociétés Mediamonde et Médiacom International de 25,2 % du capital et des droits de vote de la société Parabole Réunion à la société Canal Réunion pour le prix total de 40 millions d'euros, constituant la première étape ;

Considérant que les sociétés intimées arguent de l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en cause d'appel ;

Mais considérant qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge ; que la demande tendant à réclamer l'exécution forcée totale du protocole formée devant le tribunal comprend virtuellement celle de l'exécution forcée partielle de ce même acte ; que ce moyen est donc inopérant ;

 

Considérant sur le fond que le protocole ayant été déclaré caduc son exécution forcée, fût-elle partielle, est impossible ;

Qu'en toute hypothèse, contrairement aux allégations des appelants, les deux phases distinctes du protocole litigieux constituent un tout dès lors que les parties ont prévu une prise de majorité du capital par le groupe Canal Plus de la société issue de la fusion des deux opérateurs de télévision payante; qu'ordonner la cession de 25,2 % des actions de la société Parabole sans ordonner la cession du solde des actions de cette dernière, reviendrait à dénaturer le sens du protocole et la volonté des parties ;

Que la clause 16 relative à la divisibilité des stipulations ne peut trouver application en l'espèce puisque la caducité ne porte pas sur une seule clause du protocole mais sur l'entier protocole; qu'à supposer même que cette clause puisse s'appliquer, elle doit s'interpréter au regard de son alinéa 2 qui prévoit qu'en cas de caducité d'une clause du protocole, les parties entreront en négociation pour modifier ces dispositions de telle manière à ce que telles qu'amendées, elles soient valides et reflètent autant que possible l'intention initiale des parties ; que dans une telle hypothèse, les parties avaient donc l'obligation de négocier à nouveau ;

Considérant qu'à titre très subsidiaire, les appelants sollicitent la condamnation solidaire des intimées à leur payer des dommages et intérêts du fait de la non réalisation de leurs engagements à concurrence de la somme de 99,3 millions d'euros au profit des sociétés Médiacom International et Médiamonde au titre d'un préjudice équivalent à la valorisation de la société Parabole Réunion faite dans le protocole et la valorisation actuelle établie par un expert, de la somme de 1 million d'euros au bénéfice de M.[M] pour atteinte à sa réputation d'homme d'affaires et pour le temps passé à traiter ce litige, de la somme de 28 millions d'euros pour la société Mediacom International au titre de la perte de chance, et ce, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, qui prévoit que ' le débiteur est condamné au paiement de dommages et intérêts (..) à raison de l'inexécution de l'obligation (..),toutes les fois où il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère ;

Considérant que ce chef de demande est recevable dès lors qu'en première instance les appelants avaient déjà formé une demande d'expertise pour permettre de calculer leur préjudice et une demande de provision de 15.000.000 € sur le préjudice indemnisable, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une prétention nouvelle ;

Qu'il convient d'abord de vérifier si les sociétés intimées, tenues à une obligation de moyens, ont mis en oeuvre toutes les possibilités dont elles disposaient ;

Qu'il ressort du compte rendu de réunion du 7 juillet 2008 (dont la teneur n' a pas été contestée) que les sociétés Overseas et Canal Réunion ont ouvert depuis plusieurs mois des discussions avec le groupe Currimjee Jeewanjee en direct et par l'intermédiaire de leurs conseils respectifs, afin d'obtenir les accords recherchés ; que l'avocat du groupe Currimjee Jeewanjee a confirmé que des échanges oraux ont eu lieu entre ses clients et les autorités mauriciennes ; que celles-ci ont indiqué à cette occasion être tout à fait opposées à l'évolution de la législation mauricienne proposée et ont clairement rappelé que le seuil légal de détention d'une participation dans le capital d'une société de télévision à l'Ile Maurice était actuellement limité à 20 % ; que ce conseil a appelé la société Groupe Canal à la plus extrême vigilance et prudence dans les démarches actuellement entreprises vis à vis des autorités mauriciennes afin de ne pas froisser ces dernières ; qu'il a également précisé que ses clients entendaient conserver une participation majoritaire dans cette entité mauricienne et ce quel que soit le schéma qui serait mis en place ; qu'il a ajouté que cet avis constituait la position définitive des ses clients et n'était plus susceptible d'évoluer ;

Qu'il apparaît ainsi que les sociétés intimées ont rempli l'obligation de diligence qu'elles avaient souscrite ; qu'aucun manquement ne saurait leur être reproché ;

Que de manière superfétatoire il peut être observé que les appelantes ne justifient pas que les préjudices, dont elles se plaignent soient en lien de causalité direct avec l'inexécution du protocole d'intention ;

Qu'en effet, il résulte du rapport de l'expert amiable [S] [C], dont ont fait choix les appelantes, en page 1 que c'est la fusion des sociétés TPS et Canal, qui a lourdement pénalisé l'évolution financière de la société Parabole Réunion; que du tableau reproduit en page 3 de l'annexe, il apparaît que la prise de parts de marché par cette dernière société s'est effondrée dès 2004 de manière très significative (87 % en 2004, 68 % en 2005, 10 % en 2006 et 8% en 2007 et 4 % en 2008) ; que les griefs tenant à la perte d'exclusivité d'un certain nombre de ses chaînes et baisse d'attractivité des chaînes mises à sa disposition imputables aux sociétés Canal ont été avancés par la société Parabole Réunion dès 2007, donc antérieurement au protocole litigieux et ont été rejetés par la juridiction d'appel et la Cour de cassation; qu'enfin cet expert n'a pas évalué l'impact sur la société Parabole Réunion de l'émergence d'une nouvelle concurrence depuis 2008 d'autres opérateurs de télévision (Orange, Médiaserv, Outre mer Télécom) ;

Que les appelantes ne seraient fondées à invoquer, tout au plus, qu'une perte de chance de vendre la société Parabole Réunion au prix prévu dans le protocole ; que toutefois, il convient de rappeler que des négociations devaient être menées pour fixer un prix pour la second étape et que ces deux étapes formaient un tout ;

Considérant que M.[M] ne justifie par aucun élément que sa réputation d'homme d'affaire ait pu être entachée de quelque manière que ce soit par la caducité de ce protocole ;

Considérant que la perte de chance de céder les titres que la société Mediacom devait détenir dans le capital de la société CR Nexco ne saurait valoir la somme de 10 millions d'euros dans la mesure où cette valeur reste hypothétique ;

Qu'enfin aux termes de l'article 17 du protocole, l'indemnité globale, forfaitaire et définitive de 18 millions d'euros n'était due qu'en cas de transaction entre les parties pour mettre fin aux divers litiges opposant les parties, laquelle n'est pas intervenue ;

Que dans ces conditions les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes en dommages et intérêts ;

Considérant que la demande de 1.500.000 € à titre de dommages et intérêts formée par les sociétés intimées ne peut pas davantage prospérer ; qu'en effet, elles ne démontrent nullement que la caducité du protocole d'intention est imputable au comportement des sociétés appelantes ; qu'en effet l'absence de réalisation de la condition suspensive tenant à l'accord de la société Currimjee Jeewanjee ne peut être reprochée à ces dernières ;

Considérant que l'équité commande en vertu de l'article 700 du code de procédure civile d'allouer aux sociétés intimées une indemnité globale de 10.000 € ; que la demande sur ce même fondement des sociétés appelantes ne peut être accueillie ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne in solidum les sociétés Médiamonde, Mediacom International, Parabole Réunion et M.[M] à payer aux sociétés Canal ( Canal Réunion, Canal Overseas, Canal Satellite Réunion, Canal Plus France, Groupe Canal Plus, Canal Plus Distribution), en plus de celle allouée à ce titre par les premiers juges, une indemnité globale de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Médiamonde, Mediacom International, Parabole Réunion et M.[M] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier

A. BOISNARD

La Présidente

C. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 09/18879
Date de la décision : 10/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°09/18879 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-10;09.18879 ?
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