Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 09 MARS 2011
(n° 60 , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/06697
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008052904
APPELANTE
La société LEGO, SAS
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Marie-Aimée DE DAMPIERRE, avocat au barreau de Paris, toque : J33
plaidant pour HOGAN LOVELLS
INTIMÉES
Maître [L] [S] ( de la SELAFA MJA)
agissant es qualité de liquidateur judiciaire de la Société LUNATIC CONSTRUCTION
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour
assistée de Me Frédéric DUMONT, avocat au barreau de Paris, toque : P221
plaidant pour la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier PIMOULLE, Président
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Melle Aurélie GESLIN
ARRÊT :- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par Mademoiselle Aurélie GESLIN, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement contradictoire du 6 février 2009 rendu par le tribunal de commerce de Paris,
Vu l'appel interjeté le 13 mars 2009 par la SAS LEGO,
Vu l'assignation en intervention forcée du 8 juin 2010 de la SELAFA MJA en la personne de Maître [S] ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS LUNATIC CONSTRUCTION (ci-après dite LUNATIC), intimée,
Vu les dernières conclusions du 8 décembre 2010 de la société appelante,
Vu les dernières conclusions du 14 juin 2010 du liquidateur judiciaire de la société intimée,
Vu l'ordonnance de clôture du 4 janvier 2011,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société LEGO, reprochant à la société LUNATIC la commercialisation d'éléments modulaires d'ameublement (LUNABLOCKS) reprenant la forme et les proportions de ses briques de jeux de construction pour enfants (BRIQUES LEGO) en les sur dimensionnant, a fait assigner, à bref délai, cette société le 18 juillet 2008 devant le tribunal de commerce pour parasitisme ;
Que, selon décision dont appel, les premiers juges ont débouté la société LEGO de l'ensemble de ses demandes et l'ont condamnée à payer 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, retenant qu'elle $gt; ni $gt; à son encontre ;
Considérant que l'appelante, qui admet que sa brique de jeu autoblocante de construction pour enfants n'est plus protégée par un titre de propriété intellectuelle (brevets expirés depuis 1988 et marque tridimensionnelle-en forme de brique-définitivement annulée) maintient, dans le cadre du présent recours, que la société LUNATIC a commis des actes de parasitisme en reproduisant de façon quasi identique la forme notoire de sa brique, sans en retenir le caractère fonctionnel de jouet adapté à l'échelle d'un enfant ;
Qu'elle fait valoir que la société LUNATIC tire un profit indu de la valeur économique de son produit (ancienneté, qualité, investissements et reconnaissance de la brique de jeu commercialisée en France depuis 1962) en en reprenant, sans nécessité, la forme, les proportions (multiplicateur de 11,9), les couleurs (rouge, jaune, vert, orange blanc et noir) la matière (plastique) et la gamme (1, 2, 4 ou 8 tenons), au surplus $gt; voire sans emballage, traduisant la volonté de se placer dans son sillage à moindre frais ;
Mais considérant que le simple fait de reprendre les éléments d'une brique de jeu qui n'est plus protégée par un droit exclusif, de permettre la construction de meubles modulaires visuellement comparable à celle pouvant être réalisée en miniature par l'imbrication de briques de la société LEGO, et d'opérer ainsi, sans impératif technique ou fonctionnel, la transposition de l'univers du jouet à celui des meubles (pour adultes ou enfants) ne saurait suffire à caractériser à l'encontre de la société LUNATIC des agissements parasitaires, susceptibles d'engager sa responsabilité, même s'ils s'apprécient indépendamment de tout risque de confusion ;
Considérant qu'il ne peut en effet être sérieusement soutenu que le marché du jeu de construction pour enfant peut être faussé par le détournement d'un produit connu, appliqué à un univers radicalement distinct (décoration et maison), lequel ne relève pas du savoir faire de la fabrication de jouets adaptés aux enfants mais d'efforts et d'investissements particuliers compte tenu de contraintes spécifiques en matière d'ameublement ;
Qu'en réalité l'activité de la société LUNATIC ne parasite pas l'activité ni l'univers du jeu pour enfant de la société LEGO, laquelle n'est pas connue pour utiliser des briques sur dimensionnées dans un domaine comparable à celui de la société LUNATIC, même si elle a pu présenter de telles briques ou certains de leurs éléments pour la promotion de ses jeux ou la réalisation de meubles de rangement de jouets ;
Considérant par ailleurs que la société LUNATIC communique sous sa marque, laquelle est apposée, même de façon discrète, sur ses produits, et n'utilise pas la marque verbale ni le logo de la société LEGO, et il n'est nullement démontré qu'elle a pu laisser croire, même antérieurement à l'introduction de la présente instance, que la société LEGO était associée à ses produits ;
Que si la société LUNATIC s'est incontestablement inspirée des briques élémentaires et du concept d'un jeu de construction de libre parcours, initialement créés et commercialisés exclusivement par la société LEGO, il ne peut être admis qu'elle a excédé la liberté du commerce et agi au détriment de cette société, alors qu'elle a manifestement réalisé un produit ayant une identité propre (utilisation et marché différents) et que le rattachement à la société LEGO ne procède pas d'une volonté de s'approprier indûment la valeur d'autrui, même si le choix de reprise d'éléments visuels renvoie à un produit qui demeure largement associé dans l'esprit du public à la société LEGO (en dépit de la disparition de son monopole) ;
Considérant, en définitive, qu'il ne peut être reproché à faute à une société spécialisée dans la décoration et l'ameublement de reproduire, en le sur dimensionnant, l'aspect ludique de briques d'un jeu de construction pour enfants devenu célèbre, que d'autres fabricants de jouets ont pu licitement reproduire, et qui n'évoque le nom de la société LEGO qu'à raison de ses droits antérieurs dans cet univers ;
Considérant que faute pour la société LEGO de rapporter la preuve qui lui incombe d'actes de commercialisation constitutifs de parasitisme à l'encontre de la société LUNATIC, la décision entreprise ne peut qu'être approuvée en ce qu'elle l'a déboutée de toutes ses prétentions à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la SAS LEGO aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, et à verser à la SELAFA MJA ès qualité de liquidateur judiciaire de la société LUNATIC CONSTRUCTION une somme complémentaire de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,