RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 09 Mars 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/05854
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Juin 2009 par le Conseil de Prud'hommes de MEAUX - Section Encadrement - RG n° 08/00638
APPELANT
Monsieur [E] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Isabelle JAQUANIELLO, avocate au barreau de PARIS, A0084
INTIMÉE
S.A. CIC EST
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Claire MATHURIN, avocate au barreau de PARIS, L0097
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de MEAUX du 11 juin 2009 ayant débouté M. [E] [Z] de ses demandes et l'ayant condamné aux dépens.
Vu la déclaration d'appel de M. [E] [Z] reçue au greffe de la Cour le 30 juin 2009.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 1er février 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [E] [Z] qui demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré , et condamner la SA CIC EST à lui payer la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal partant de la citation et capitalisation.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 1er février 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA CIC EST qui demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et condamner M. [E] [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA COUR
M. [E] [Z] a été embauché par la SOCIETE NANCEIENNE VARIN BARNIER (SNVB) en contrat de travail à durée indéterminée du 18 juin 2001 en qualité de chargé d'affaire entreprises, moyennant un salaire brut annuel de 42 686 euros sur 13 mois et une prime de bilan d'un montant variable en fonction de ses résultats.
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [E] [Z] percevait un salaire brut mensuel de 3 825,91 euros en qualité de directeur d'agence de l'établissement de [Localité 7].
La convention collective applicable est celle de la Banque.
Par lettre du 17 décembre 2007, la société CIC Banque SNVB a convoqué M. [E] [Z] à un entretien préalable prévu le 2 janvier 2008, avant de lui notifier le 5 janvier 2008 son licenciement motivé par son « refus réitéré d'occuper le poste de Chargé d'Affaires Entreprises au Centre d'Affaires de [Localité 6] (qui) constitue un manquement à votre contrat de travail, étant une nouvelle fois rappelé que cette affectation n'emporte modification ni de votre classification, ni de votre rémunération globale ».
Pour contester le bien fondé de son licenciement, M. [E] [Z] indique que :
' il lui a été proposé peu de temps après son embauche d'occuper le poste de Directeur de l'Agence de [Localité 7], avant que l'intimée ne cherche à lui imposer un changement d'affectation et de qualification non conformes à la clause contractuelle de « mobilité » (article 5).
S'agissant, selon lui, d'une clause de mutation visant tout à la fois un changement d'affectation géographique et de fonctions, l'intimée l'a mise en 'uvre dans des conditions non dictées par l'intérêt de l'entreprise, constitutives d'un abus de droit ou d'un détournement de pouvoir, puisque sa mutation lui a été imposée deux jours après son retour d'un congé longue maladie emportant modification de sa qualification ainsi que de sa rémunération (partie variable / commissionnement), sans respect d'un délai de prévenance suffisant.
' cette clause est en outre nulle et de nul effet puisqu'elle ne fixe pas les limites géographiques dans lesquelles un changement d'affectation est susceptible d'intervenir , et mentionne que son refus justifierait la rupture de la relation de travail, en sorte qu'elle lui est inopposable.
' sa mutation enfin a un fondement disciplinaire si l'on se réfère à un courrier de l'intimée du 7 décembre 2007 dans lequel il lui est reproché un manque de résultats de l'agence de [Localité 7], alors même qu'il n'a commis aucune faute puisque se contentant de refuser une «affectation lésionnaire» décidée par son supérieur hiérarchique avec lequel les relations professionnelles s'étaient dégradées .
La SA CIC EST répond que :
' La nouvelle affectation programmée de M. [E] [Z] constituait non pas une modification du contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur puisque sa qualification de cadre niveau I restait inchangée, sa rémunération fixe et variable lui était garantie, le poste de Chargé d'Affaires constituait une évolution normale dans sa progression de carrière, exclusive de toute rétrogradation disciplinaire.
' La clause contractuelle (article 5) s'analyse en un engagement de mobilité professionnelle qui n'a rien d'abusif puisqu'elle correspond aux pratiques internes (« la mobilité après 5 ans sur le même poste est inévitable dans une banque »).
' La nouvelle affectation du salarié était justifiée, sans aucun lien avec son état de santé et correspondait à la fin de sa mission de Directeur d'Agence.
L'article 5 «AFFECTATION-MOBILITE PROFESSIONNELLE ET PERFECTIONNEMENT» du contrat de travail stipule que : « Monsieur [Z] est affecté au centre d'Affaires de [Localité 5] étant entendu que le développement de sa carrière, ses aspirations personnelles ou les besoins de l'entreprise pourront justifier un changement d'affectation vers les Services Centraux ou vers les différentes Unités du Réseau impliquant le cas échéant un changement de domicile ou des déplacements professionnels ' Au cas où la société demanderait à Monsieur [Z] de poursuivre ses activités dans de nouvelles fonctions compatibles avec son expérience professionnelle un tel changement ne constituera pas une modification de son contrat de travail ' ».
Cette clause s'analyse en une clause générale de mutation tant géographique que fonctionnelle et contrairement à ce que prétend la SA CIC EST emporte modification du contrat de travail de M. [E] [Z] puisque :
- elle ne définit pas précisément sa zone d'application géographique et, de fait, confère à l'employeur le pouvoir unilatéral d'en étendre la portée («' étant entendu que le développement de sa carrière, ses aspirations personnelles ou les besoins de l'entreprise pourront justifier un changement d'affectation vers les Services Centraux ou vers les différentes Unités du Réseau impliquant le cas échéant un changement de domicile ou des déplacements professionnels ») ;
- elle peut aboutir à une transformation radicale des attributions confiées au salarié et, en conséquence, à une modification de son niveau de responsabilités au sein de l'entreprise après comparaison, notamment, des fiches de postes de Directeur d'Agence et de Chargé d'Affaires Entreprises que produit l'appelant (pièces numéros 14 et 16).
La SA CIC EST ne pouvait pas ainsi se prévaloir de ladite clause pour imposer à M. [E] [Z], à la fin de l'année 2007, son départ du poste de Directeur de l'Agence de [Localité 7] en vue de rejoindre celui de Chargé d'Affaires Entreprises au Centre de [Localité 6], peu important la référence faite par l'intimée aux pratiques des établissements bancaires en vertu desquelles « la mobilité après 5 ans sur le même poste est inévitable ».
Outre le fait que cette clause de mutation n'est pas valable en tant que telle, si l'intimée, dans ses courriers des 29 novembre et 12 décembre 2007, indique à M. [E] [Z] que lui sera garanti son niveau de «commissionnement commercial» (part variable de sa rémunération), c'est seulement au titre de l'année 2008, sans garantie pour les années suivantes puisque le dernier relevé des performances des différentes unités fait apparaître que l'Agence de [Localité 7] est mieux classée que le Centre d'Affaires de [Localité 6] (pièce 19 du salarié), ce qui n'est pas sans conséquence sur le montant de la rémunération globale servie à l'appelant.
Le licenciement de M. [E] [Z] est ainsi sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et la SA CIC EST condamnée à lui payer à ce titre la somme de 90 000 euros en application de l'article L.1235-3 du code du travail, représentant 18 mois de salaires, en considération de son âge (42 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (6 années) et du fait qu'il justifie d'une prise en charge par l'ASSEDIC au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à compter de mai 2008.
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par la SA CIC EST aux organismes sociaux intéressés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [E] [Z], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.
La SA CIC EST sera condamnée en équité à régler à M. [E] [Z] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande du même chef et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.
INFIRME le jugement entrepris.
Statuant à nouveau :
CONDAMNE la SA CIC EST à payer à Mr [E] [Z] la somme de 90 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt, capitalisables dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
ORDONNE le remboursement par la SA CIC EST aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [E] [Z], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.
CONDAMNE la SA CIC EST à verser à M. [E] [Z] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE la SA CIC EST de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SA CIC EST aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE