Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 04 MARS 2011
(n°82, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/22982
Décision déférée à la Cour : jugement du 13 octobre 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 7ème chambre - RG n°2007026083
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S.U. FIGAROMEDIAS, anciennement dénommée PUBLIPRINT, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par la SCP PETIT - LESENECHAL, avoués à la Cour
assistée de Me Aude LYONNET plaidant pour la SCP LYONNET - BIGOT - BARRET, avocat au barreau de PARIS, toque P 458
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
Société STUDIO [O] SRL, société de droit italien, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 1]
ITALIE
représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistée de Me Julien RIVET plaidant pour la SELAS BERTHEZENE - NEVOUET - RIVET, avocat au barreau de PARIS, toque G 106
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Fabrice JACOMET, Président
M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Mme Pascale BEAUDONNET, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
Mme Pascale BEAUDONNET a préalablement été entendue en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société Sudio [O] Srl (ci-après Sudio [O]) expose que M. [I] [O] a, au début des années 1950, eu l'idée de proposer aux hôtels italiens de se rendre à [Localité 5] pour négocier pour leur compte avec des journaux français et notamment le Figaro des annonces publicitaires vantant leurs établissements.
M. [O], puis la société Studio [O] créée en 1984, a été à partir de 1976 le représentant général pour l'Italie du journal Le Figaro, puis, après sa création, de la société Publiprint, régie publicitaire du groupe Figaro, apportant à cette dernière des annonces publicitaires par elle négociées avec des clients italiens.
En septembre 1988, la société d'édition Socpresse, société mère de la société Publiprint et filiale du groupe [U], a confié à la société de droit anglais Mercury Publicity Limited (Mercury) la responsabilité de la prospection et du suivi de toutes les activités de publicité pour toutes les publications (journaux, magazines...) de l'éditeur.
Ce contrat a été renouvelé en décembre 1993, la société Mercury devenant le Département de Publicité Internationale pour toutes les publications diffusées par la société Socpresse.
Par contrat applicable à compter du 1er avril 1993, la société Mercury a confié à la société Studio [O] le droit exclusif de démarcher des annonceurs publicitaires en Italie et de proposer leurs annonces aux publications portant le nom Figaro.
Par courrier du 6 octobre 2004 co-signé par M. [C] [U] directeur général de la société Mercury et par M. [W] PDG de la société Publiprint, ces sociétés ont informé la société Studio [O] de ce que, 'suite au rachat du groupe de presse le Figaro par le groupe Dassault, les ventes d'espaces publicitaires sur votre territoire (Italie) seront centralisées par Publiprint sur [Localité 5]... votre contrat de représentation sera automatiquement transféré à Publiprint...'
Par contrat du 18 mars 2005 conclu pour une année prenant effet le1er novembre 2004, la société Publiprint et la société Studio [O] ont conclu un 'contrat de représentant exclusif en qualité de sous-régie commissionnée' par lequel la société Publiprint a confié en exclusivité la sous-régie de l'exploitation de la publicité des titres du Figaro à la société Studio [O] pour l'Italie.
Le 28 juin 2005, les sociétés Express-Expansion et Publiprint, toutes deux filiales de la société Socpresse, indiquant réorganiser leur activité de vente d'espaces publicitaires au niveau international et vouloir restructurer leur réseau de vente d'espaces publicitaires en choisissant un seul partenaire pour chaque marché clef, ont lancé un appel d'offres à représentant.
La société Studio [O] a le 28 juillet 2005 déposé un dossier de candidature pour l'Italie.
Par courrier du 6 octobre 2005, la société Publiprint a indiqué à la société Studio [O] que le contrat du 18 mars 2005 ne serait pas renouvelé et prendrait donc automatiquement fin le 1er novembre 2005.
Estimant brutale au sens de l'article L.442-6 du code de commerce la rupture par la SAS Publiprint de relations commerciales établies selon elle depuis 1950, la société Studio [O] l'a assignée en indemnisation.
Par jugement du 24 juin 2008, le tribunal a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Publiprint et renvoyé l'affaire pour conclusions au fond. La cour d'appel de Paris a, le 3 décembre 2008, rejeté le contredit formé par Publiprint et dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de l'affaire.
Statuant au fond par le jugement entrepris du 13 octobre 2009, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Publiprint à payer à la société [O] la somme de 1 051 588 euros à titre d'indemnité de préavis majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2006 avec application de l'article 1154 du code civil et la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes.
Vu les dernières écritures en date du 2 décembre 2010 de la société Publiprint, nouvellement dénommée Figaromedias (et ci-après Publiprint), appelante, qui prie la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée et de le confirmer en ce qu'il a débouté la société [O] de ses autres demandes. Cette société sollicite 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 19 novembre 2010, la société Studio [O] (et ci-après [O]) demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu qu'une relation commerciale établie de plus de 40 ans la liait à Publiprint et avait été brutalement rompue par cette dernière faute d'avoir respecté un délai de préavis de 12 mois et en ce qu'il lui a alloué une somme de 1 051 588 euros à titre d'indemnité de préavis outre intérêts et anatocisme.
La société [O] forme un appel incident tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses autres demandes d'indemnisation formées à hauteur de la somme de 220 000 euros. Elle sollicite en tout état de cause la publication de l'arrêt et la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la relation commerciale établie :
Considérant que Publiprint, qui reproche aux premiers juges d'avoir retenu l'existence d'une relation commerciale ancienne et continue entre elle-même et [O], soutient que cette relation n'a commencé qu'avec le contrat signé le 18 mars 2005 à effet du 1er novembre 2004 ; qu'elle fait valoir que la cour de céans a, le 3 décembre 2008, exclut du litige les rapports entretenus par les sociétés Mercury et [O] sans limiter cette exclusion au seul débat sur la compétence ; que jusqu'à la fin de l'année 2004, [O] a tenu sa mission de sous-régie et sa rémunération à ce titre de Mercury ce qui définit l'existence d'une relation commerciale entre ces deux sociétés et non avec Publiprint ; que, contrairement à ce que soutient [O], son partenaire commercial effectif depuis 1988 était Mercury qui, chargée de la régie internationale de vente de la publicité des titres Figaro, était seule à pouvoir décider et choisir une sous-régie ; qu'en particulier de 1993 à 2004, Mercury recevait les ordres de publicité de l'Italie, les facturait aux annonceurs italiens et était facturée par [O] du montant des commissions revenant à celle-ci ; que les termes de la lettre adressée à [O] le 22 juin 2004 confirment que, contrairement à ce que soutient cette dernière, Mercury n'avait jamais eu un rôle de simple 'boîte aux lettres' et que Publiprint n'a pas en 2004 poursuivi les obligations contractuelles de Mercury mais initié les siennes propres en signant le 18 mars 2005 un nouveau contrat distinct et autonome avec [O] ;
Considérant que [O] invoque les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce en ce qu'elles prévoient qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait pour tout commerçant... de rompre brutalement... une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ;
Que la responsabilité ainsi encadrée par ces dispositions est de nature délictuelle ;
Considérant que Publiprint n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt rendu par cette cour le 3 décembre 2008, saisie de la seule question de compétence de la juridiction française, a - en retenant que 'sont indifférents à la solution du litige les rapports ayant pu lier les deux sociétés en cause à la société de droit anglais Mercury, le droit applicable à ces rapports et le juge compétent pour en connaître, dès lors que cette société n'est pas présente à l'instance qui ne concerne que les seuls rapports entre la société [O] et la société Publiprint'- exclu le débat au fond relatif à la relation commerciale invoquée par [O] comme établie avec Publiprint indépendamment des changements de nature contractuelle ou extra-contractuelle intervenus ;
Considérant que Publiprint ne conteste pas que M. [O] a, depuis le début des années 1950, négocié avec des journaux français et notamment le Figaro des annonces publicitaires vantant des établissements italiens, ni que M. [O], puis la société Studio [O] a été à partir de 1976 le représentant général pour l'Italie du journal Le Figaro, puis de Publiprint, régie publicitaire du groupe Figaro, apportant à ce dernier des annonces publicitaires par lui négociées avec des clients italiens ;
Considérant que Publiprint conteste en revanche l'existence d'une relation commerciale entre elle et [O] à compter de 1988 ;
Considérant qu'au mois de septembre 1988, la société Socpresse, éditeur, société mère de la société Publiprint et filiale du groupe [U], agissant pour et au nom du Groupe (défini comme comprenant tous les journaux, magazines, périodiques publiés par l'éditeur) a conclu avec la société de droit anglais Mercury un contrat confiant à cette dernière la responsabilité exclusive et absolue de la prospection et du suivi de toutes les activités de publicité pour tout le Groupe pour tous les pays du monde sauf la France ;
Qu'un nouveau contrat a été signé les 16 et 17 décembre 1993 entre la société Socpresse, pour et au nom du Groupe et la société Mercury en termes similaires, étant précisé (article 2-a) que la société Mercury 'à partir de la date des présentes, constituera le Département de Publicité Internationale du Groupe' et donc pour toutes les publications diffusées par la société Socpresse, et ce pour tous les pays sauf la France ;
Qu'en exécution du contrat des 16 et 17 décembre 1993, la société Mercury a confié à la société Studio [O] (dit le Représentant) le droit exclusif de démarcher des annonceurs publicitaires en Italie et de proposer leurs annonces aux publications portant le nom Figaro, ce contrat s'appliquant à toutes les transactions conclues entre Mercury et [O] depuis le 1er avril 1993 ;
Considérant que s'il est exact que [O] a contracté avec Mercury, il résulte des pièces versées aux débats que la relation commerciale qui liait Publiprint à [O] s'est en réalité continuée par l'intermédiaire de Mercury, [O] poursuivant sans interruption au profit des titres du Figaro les mêmes missions que celles qu'elle effectuait avant 1988 directement au profit de Publiprint ; qu'il importe peu à cet égard que Mercury ait, à partir de 1993 enregistré les ordres de publicité de l'Italie, facturé les annonceurs italiens et été facturée par [O] du montant des commissions lui revenant, dès lors que Mercury agissait en tant que 'Département de Publicité Internationale du Groupe' qui comprenait en particulier les titres du Figaro ;
Que ce n'est qu'au surplus qu'il est observé que [O] n'est pas contredite lorsqu'elle indique que Mercury a eu pour directrice à Londres une personne qui était jusqu'alors directrice de la publicité internationale chez Publiprint ; qu'en outre, les éléments produits montrent que, même durant les contrats signés entre Socpresse et Mercury, [O] a parfois entretenu des relations directes avec Publiprint ;
Considérant que les termes du courrier adressé le 22 juin 2004 par la société Socpresse à la société Mercury, valant avenant au contrat des 16 et 17 décembre 1993, confirment que Mercury était jusqu'en 2004 le département publicitaire international du Groupe ; que par cet avenant concernant en particulier l'Italie, Publiprint déclare qu' 'elle fera...son affaire personnelle de la collecte et de la gestion des ordres publicitaires...et de toutes les relations, démarches et actions avec et par les actuels représentants de Mercury, selon liste en annexe 2 (soit pour l'Italie la société Studio [O]), le tout de telle sorte que Mercury ne puisse être recherchée ni inquiétée à ce titre'; qu'il est ainsi confirmé que Publiprint a poursuivi ses relations commerciales avec [O] par l'intermédiaire de Mercury jusqu'en 2004 avant de les continuer directement avec [O], représentant italien du Groupe ;
Considérant que les termes de cet avenant sont en outre confirmés par ceux du courrier du 6 octobre 2004 co-signé par M. [C] [U], directeur général de la société Mercury, et par M. [W], PDG de la société Publiprint, courrier par lequel ces sociétés ont informé la société Studio [O] de ce que, 'suite au rachat du groupe de presse le Figaro par le groupe Dassault, les ventes d'espaces publicitaires sur votre territoire (Italie) seront centralisées par Publiprint sur [Localité 5]. Ce changement prendra effet à partir du 1er novembre 2004 et votre contrat de représentation sera automatiquement transféré à Publiprint qui, en temps utile, vous contactera pour vous confirmer la procédure ultérieure quant au déroulement de l'activité au jour le jour...' ;
Considérant qu'au vu de ces éléments, Publiprint n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas en 2004 poursuivi les obligations contractuelles de Mercury ni qu'elle a initié les siennes propres en signant le 18 mars 2005 un nouveau contrat distinct et autonome avec [O] ;
Que Publiprint est d'autant moins fondée en cette affirmation que le contrat du 18 mars 2005 prenant effet au 1er novembre 2004, qu'elle a conclu en sa qualité de régie de l'exploitation des titres Figaro avec la société Studio [O] est un 'contrat de représentant exclusif en qualité de sous-régie commissionnée', par lequel Publiprint confie en exclusivité la sous-régie de l'exploitation de la publicité desdits titres en Italie à la société Studio [O] chargée de prospecter la clientèle des annonceurs et de leurs mandataires et de recueillir les ordres de publicité passés en Italie à insérer dans les titres du Figaro ;
Qu'ainsi ce contrat, - qui confie à [O] les mêmes missions et lui confère les mêmes droits et obligations que ceux déjà confiés à celle-ci et exercés par elle directement puis indirectement pour le compte de Publiprint, - ne constitue que la poursuite des relations commerciales établies entre ces deux sociétés ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que les sociétés Publiprint et [O] ont entretenu des relations commerciales continues depuis le début des années 1950 et non pas seulement comme le soutient Publiprint depuis le contrat signé le 18 mars 2005 ;
Sur la brutalité de la rupture de la relation commerciale :
Considérant qu'à titre subsidiaire, Publiprint conteste le caractère brutal de la rupture des relations établies avec [O], exposant que l'appel d'offres du 28 juin 2005 a fait courir le délai de préavis, qu'en outre, les termes du contrat formalisé le 18 mars 2005 à effet du 1er novembre 2004 'emportaient par eux-même, à raison de la stipulation, pour la première fois après des années, d'une durée désormais limitée à un an, signification de ce que les relations étaient vouées à prendre fin à la date d'échéance contractuelle du 31 octobre 2005" , qu'enfin [O] a perçu des commissions jusqu'à l'été 2006 ;
Considérant que [O] fait valoir que l'appel d'offres du 28 juin 2005 n'était pas assez précis et explicite pour lui permettre de comprendre l'aléa affectant la poursuite de la relation commerciale, que Publiprint ne lui a notifié sa décision de ne pas renouveler le contrat de représentant exclusif que le 6 octobre 2005 et que le contrat a ainsi pris fin le 31 octobre 2005, soit un préavis de 25 jours caractérisant la brutalité de la rupture ;
Considérant qu'il est établi que les relations commerciales entre les parties ont pris fin le 31 octobre 2005 ; que le fait que [O] ait reçu des commissions jusqu'à l'été 2006 ne signifie pas qu'elle a bénéficié d'un délai supplémentaire après cette date ; qu'il résulte des pièces produites que ces sommes perçues en 2006 correspondent à un solde de commissions dû par Publiprint à [O] pour la période antérieure au 31 octobre 2005 ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient Publiprint, le fait que le contrat formalisé le 18 mars 2005 a été conclu pour une durée d'une année à compter du 1er novembre 2004 avec possibilité de reconduction par avenant signé des deux parties dans le mois précédant la fin du contrat, ne saurait être interprété comme manifestant l'intention de cette société de mettre fin à ses relations avec [O] le 31 octobre 2005 ;
Considérant qu'au vu des pièces versées aux débats, le 28 juin 2005, les sociétés Express-Expansion et Publiprint, toutes deux filiales de la société Socpresse, indiquant réorganiser leur activité de vente d'espaces publicitaires au niveau international et vouloir restructurer leur réseau de vente d'espaces publicitaires en choisissant un seul partenaire pour chaque marché clef, ont lancé un appel d'offres à représentant ;
Qu'était joint à cet appel d'offre un mémoire décrivant la société de représentation recherchée, en termes d'objectifs de vente, d'organisation, de marketing, de relations publiques et outils promotionnels ; qu'étaient mentionnées les coordonnées de la personne à contacter afin de fixer aux candidats un rendez-vous de présentation à [Localité 5] ;
Que la société Studio [O], qui a présenté le 28 juillet 2005 à [Localité 5] un dossier de candidature pour l'Italie, ne peut soutenir s'être méprise sur le fait que la lettre du 28 juin, dont les termes sus-rappelés sont dépourvus d'ambiguïté, constituait un appel d'offres ;
Qu'il ne peut davantage être retenu avec les premiers juges qu'en proposant à [O] de répondre à l'appel d'offres en juillet 2005, Publiprint a laissé espérer à cette société que leur relation serait poursuivie ; qu'aucun élément ne montre que Publiprint a laissé penser à [O] qu'elle serait le candidat retenu ; que le fait qu'avant les résultats de l'appel d'offres, Publiprint a demandé en septembre 2005 à [O] d'organiser pour elle à Milan une conférence le 14 octobre suivant ne saurait être interprété comme une garantie donnée à cette dernière quant à la poursuite des relations commerciales ; qu'il en est de même du fait que l'activité de [O] a représenté 47% du chiffre d'affaires réalisé par Publiprint à l'international ;
Que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le fait que cet appel d'offres ne se limite pas à l'Italie, territoire d'exclusivité de [O], ne saurait exclure que cet appel d'offres soit considéré comme un préavis ;
Considérant que la notification écrite le 28 juin 2005 par Publiprint à tous ses représentants dans le monde, dont la société [O] pour l'Italie, de sa volonté de recourir à un appel d'offres, manifestant son intention de ne pas poursuivre les relations commerciales aux conditions antérieures, a fait courir le délai de préavis ;
Que le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a retenu que le préavis n'avait couru qu'à compter de la lettre adressée le 6 octobre 2005 par Publiprint à [O] pour l'informer du fait que le contrat du 18 mars 2005 conclu pour une année à partir du 1er novembre 2004 ne serait pas renouvelé et prendrait donc fin le 1er novembre 2005 ;
Qu'il sera retenu qu'en rompant le 28 juin 2005 à effet du 31 octobre 2005 les relations commerciales qu'elle entretenait avec M. [O] puis la société [O] depuis les années 1950, la société Publiprint n'a pas respecté un délai de préavis suffisant ;
Considérant que [O] soutient qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis d'un an courant du 31 octobre 2005 au 31 octobre 2006 ;
Considérant qu'eu égard à l'ancienneté de la relation commerciale établie entre les parties et compte également tenu du fait que [O] était représentant exclusif des titres du Figaro pour l'Italie, réalisant plus de la moitié de son chiffre d'affaires avec Publiprint, la société [O] est fondée à soutenir qu'elle aurait dû bénéficier d'un délai de préavis d'une année ;
Que ce préavis, qui a commencé à courir le 28 juin 2005 n'ayant été accordé que jusqu'au 31 octobre 2005, il y a lieu d'examiner pour la période du 1er novembre 2005 au 28 juin 2006 les préjudices invoquées par [O] comme résultant de la rupture brutale des relations commerciales ;
Sur les préjudices invoqués :
Considérant que [O], qui sollicite la confirmation des dispositions du jugement relatives à l'indemnité de préavis, soutient que son préjudice résulte de la perte de chiffre d'affaires généré pendant un an dès lors qu'étant commissionnaire, sa marge brute est égale à son chiffre d'affaires ; qu'elle souligne qu'une année d'activité génère des revenus sur deux exercices en raison des délais d'encaissement des commissions ; qu'elle ajoute être fondée à obtenir une perte de chiffre d'affaires et non de marge brute car ses charges d'exploitation n'ont pas diminué avec la perte de la clientèle Publiprint ; que [O] demande par ailleurs l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'indemnisation de l'atteinte portée à sa crédibilité, de l'embauche d'un directeur commercial pour se reconstruire, et à la publication de la décision ;
Considérant que Publiprint soutient que [O] ne démontre pas avoir subi un préjudice justifiant une indemnité de préavis et n'établit pas avoir subi de perte de chiffre d'affaires depuis la rupture de leurs relations ; qu'elle ajoute que la méthode d'évaluation retenue par le tribunal ne peut être confirmée car contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation et se fondant sur le chiffre d'affaires relatif à la meilleure année réalisée et non sur une moyenne ; qu'elle sollicite par ailleurs la confirmation du jugement rejetant les autres chefs de préjudice invoqués ;
Considérant que le préjudice subi par [O] résulte non de la rupture des relations commerciales, mais du caractère brutal de cette rupture ;
Que, contrairement à ce que soutient Publiprint, il importe peu que le chiffre d'affaires de [O] n'ait pas ou peu diminué après la rupture dès lors que ce chiffre d'affaires a nécessairement été amputé de celui qui aurait dû être réalisé avec elle durant le préavis ;
Que, contrairement à ce que soutient [O], le gain manqué durant la période de préavis non respectée ne saurait être évalué en fonction de son chiffre d'affaires sans tenir compte de ses charges d'exploitation ;
Considérant qu'au vu des éléments versés aux débats, et en particulier des bilans de la société [O] et de l'état des commissions perçues par cette dernière pour une année, le préjudice résultant pour cette société des gains qu'elle a manqués pour la période du 1er novembre 2005 au 28 juin 2006 du fait de la brutalité de la rupture des relations commerciales entretenues avec Publiprint, doit être évalué à la somme de 400 000 euros ; que les intérêts dûs sur cette somme doivent courir à compter de la présente décision ;
Considérant que [O] sollicite par ailleurs une somme de 220 000 euros en raison de l'atteinte portée à sa crédibilité professionnelle et des frais de rémunération d'un directeur commercial ;
Considérant qu'à défaut de production du contrat de travail du directeur commercial que [O] soutient avoir dû embaucher en octobre 2005 afin de prospecter de nouveaux clients, il n'est pas justifié par les fiches de paie versées aux débats en langue italienne de la date d'embauche de ce salarié ; qu'en l'absence de lien établi entre cette embauche et la rupture brutale des relations commerciales, ce chef de demande doit être écarté ;
Considérant que n'est pas davantage établie l'existence d'un lien entre la perte partielle en janvier 2009 de l'activité de [O] pour la société The Economist et la rupture brutale en cause ;
Considérant enfin que l'atteinte que [O] invoque à son image et à sa crédibilité professionnelles, à la supposer établie - ce qui n'est pas le cas - ne résulte pas de la brutalité de la rupture mais du fait même de la fin des relations entretenues entre les parties ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces chefs de demande ainsi que la demande de publication de la décision sollicitée pour réparer l'atteinte causée invoquée à l'image et à la réputation de [O] ;
Considérant qu'aucune considération tirée de l'équité ne conduit à faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Publiprint à verser à la société Studio [O] Srl la somme de 1 051 588 euros à titre d'indemnité de préavis majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2006 et avec application de l'article 1154 du code civil ;
L'infirmant sur ce point et statuant à nouveau :
Condamne la société Publiprint devenue la société Figaromédias à payer à la société Studio [O] Srl la somme de 400 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision et application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Déboute les parties pour le surplus ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
Le Greffier Le Président