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02/03/2011 | FRANCE | N°09/20985

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 02 mars 2011, 09/20985


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 2 MARS 2011



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20985



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2007F00421





APPELANT



Monsieur [F] [G] exercant sous l'enseigne EURO DELICES inscrite au RCS de COMPIEGNE sous le numéro 3

24 889 617

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]



représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour

assisté de Maître Isabelle FOURNIER LABAT avocat, toque G211





INTIMÉE



S....

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 2 MARS 2011

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/20985

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2007F00421

APPELANT

Monsieur [F] [G] exercant sous l'enseigne EURO DELICES inscrite au RCS de COMPIEGNE sous le numéro 324 889 617

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Lionel MELUN, avoué à la Cour

assisté de Maître Isabelle FOURNIER LABAT avocat, toque G211

INTIMÉE

S.A.R.L. MANSARDIS

agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour

assistée de Maître Jean François MERIENNE avocat et associés, barreau de Dijon

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 JANVIER 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Pascale GIROUD, Présidente

Mme Agnès MOUILLARD, Conseillère

Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère,

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Marie-Claude GOUGE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Pascale GIROUD, président et par Mme Marie-Claude GOUGE, greffière.

***

Le 26 octobre 2006, la société Mansardis, qui exploite une superette sous l'enseigne Marché U, a commandé un four à pizza à emporter à M. [G], fournisseur de matériels de restauration sous l'enseigne Euro Délices, au prix de 14 232,40 €.

Le 21 mars 2007, M. [G], exposant que Mansardis avait refusé la livraison du matériel et des consommables et que la lettre de change émise lors de la commande n'avait pas été payée à son échéance du 31 décembre 2006, l'a assignée en paiement de la facture.

Par jugement du 8 septembre 2009, le tribunal de commerce de Créteil a annulé la commande, débouté M. [G] de sa demande en paiement et l'a condamné à payer à Mansardis une somme de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA COUR :

Vu l'appel de ce jugement interjeté par M. [G] le 19 octobre 2009 ;

Vu les conclusions signifiées le13 décembre 2010 par lesquelles l'appelant poursuit l'infirmation du jugement et demande à la cour de juger qu'il est bien fondé à poursuivre l'exécution forcée du contrat de vente, de condamner en conséquence Mansardis à lui payer 14 232,40 € TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2007, date de la réception de la mise en demeure, de lui donner acte de ce qu'il procédera à la livraison dès encaissement du prix de condamner Mansardis à lui payer 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 17 mai 2010 par lesquelles Mansardis poursuit la confirmation du jugement et réclame à M. [G] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE :

Considérant que pour prononcer l'annulation de la vente, le tribunal a relevé que Mansardis avait annulé sa commande dès le 1er novembre suivant, que M. [G] n'avait pas répondu et avait, le 11 novembre 2006, tenté de faire livrer des consommables que Mansardis avait refusés et que M. [G] ne s'est plus manifesté ensuite, qu'il en a déduit que le contrat n'avait pas été exécuté ;

Considérant toutefois qu'aucune conséquence ne peut être tirée du fait que M. [G] n'ait pas livré le four dont Mansardis avait expressément indiqué ne plus vouloir ; qu'il est constant d'ailleurs que, le 11 novembre 2006, Mansardis a refusé les consommables qu'elle avait simultanément commandés, confirmant sa volonté de renoncer au contrat, ce qu'elle ne pouvait faire sans motif, la vente étant parfaite dès lors qu'il y avait eu accord sur la chose et sur le prix ; que, loin d'accepter cette rétractation,, M. [G] a saisi son avocat qui, le 8 janvier 2007, a adressé à Mansardis une mise en demeure de payer le prix ; qu'il ne peut être retenu dans ces conditions que le contrat n'a pas été exécuté ;

Considérant que Mansardis soutient subsidiairement que, s'étant renseignée peu après la commande auprès d'autres exploitants sous l'enseigne 'U' et auprès du responsable des ventes de ce réseau, elle avait appris que l'unité de fabrication vendue par M. [G] était peu performante et qu'elle n'avait pas intérêt à acquérir ce four à pizza, particulièrement onéreux ; qu'elle demande l'annulation du contrat pour dol, invoquant aussi une erreur sur les qualités substantielles de la chose, le four vendu présentant de nombreux défauts de conformité, et plus subsidiairement encore, demande la résolution du contrat pour ce motif ;

Considérant, sur le dol, que Mansardis reproche à M. [G] de lui avoir extorqué la commande après lui avoir assuré fallacieusement :

- que le four était un concept révolutionnaire avec un temps de cuisson très limité et la possibilité de cuire deux pizzas simultanément,

- qu'elle pourrait réaliser une marge brute importante, en lui annonçant un prix qui ne correspondant même pas au tract proposé,

- qu'il effectuerait pour elle une distribution gratuite de tracts pour le lancement du four, ainsi qu'une animation dans le magasin 'ou quatre fois dans l'année',

- qu'il reprendrait le four à l'issue d'une année si elle n'était pas satisfaite du concept ;

Considérant toutefois qu'aucun des documents mis aux débats n'établit que M. [G] ait promis de telles prestations à Mansardis, la capacité de cuire deux pizzas en même temps n'étant mentionnée sur aucun document à valeur d'information précontractuelle ou proprement contractuelle, pas plus que la distribution gratuite de tracts ni l'animation au magasin, et pas davantage la reprise du four à l'issue d'une période d'un an, étant encore observé que le bon de commande du 26 octobre 2006 ne fait état d'aucune prestation accessoire  ; que les prévisions de marge brute figurant dans la plaquette de présentation du four, qui dépendent à la fois des conditions financières pratiquées par le fournisseur de matières premières et de la stratégie de l'exploitant, indépendantes donc des prestations techniques de l'appareil, ne sont pas de nature à vicier le consentement de l'acquéreur ; que le dol allégué n'est donc pas démontré ;

Considérant que Mansardis se prévaut également de ce que le produit ne correspond pas aux spécifications contractuelles, ainsi qu'il résulte de l'expertise qu'elle a fait effectuer sur un four identique détenu par un collègue exploitant un magasin de la même enseigne, l'expert ayant relevé de graves discordances entre les caractéristiques annoncées par M. [G] préalablement à la conclusion du contrat, notamment en ce qui concerne l'aspect et les performances de l'appareil, en particulier la rapidité de cuisson, ainsi que de nombreuses non-conformités au regard des normes techniques de sécurité d'origine communautaire ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. [G], cette expertise, quoique non réalisée contradictoirement, est recevable dès lors qu'elle a été soumise à la discussion des parties ; qu'il appartient à la cour d'en apprécier la force probante et la pertinence au regard des prétentions et observations respectives des parties ;

Considérant qu'il est constant que, dans sa plaquette de présentation, Euro Délices assurait que les fours qu'elle commercialisait, fabriqués 'avec des matériaux professionnels et nobles (inox, laiton)', pouvaient 'cuire pizzas, tourtes, viennoiseries, etc ... en un temps record de 3 mn' ;

Que M. [M] [C], ingénieur en électricité, a procédé en mars 2008 à l'examen approfondi d'un four du même modèle (1600) utilisé au magasin Super U à [Localité 4] ;

Qu'aux termes de son rapport du 4 avril 2008, il a constaté que le four ne correspondait pas, en son aspect, à celui annoncé dans la plaquette de présentation de Euro Délices en ce que manquaient les éléments décoratifs cuivrés ou en laiton et que l'élément en inox se limitait à une tôle montée sur glissières faisant office de table de préparation ;

Qu'il a également relevé que la minuterie, faute de graduation chiffrée, était inutilisable en pratique ;

Qu'il a ensuite été alerté par la difficulté à trouver la plaque signalétique de l'appareil, logée dans le compartiment de raccordement, et a relevé immédiatement l'absence de marquage CE, rendu obligatoire par le décret n° 95-1081 du 3 octobre 1995 et gage de conformité de l'appareil aux normes de sécurité communautaires ; que l'examen du raccordement électrique lui a permis de relever plusieurs défauts de conformité aux normes applicables, rendant l'utilisation de l'appareil dangereuse pour le personnel, notamment en cas d'échauffement important, mais a supposé que ce branchement anormal avait été modifié dans le cadre de réparations effectuées par Euro Délices pour ce magasin de [Localité 4] ;

Qu'enfin, ayant mis le four à chauffer, il a constaté qu'il lui fallait 25 mn pour atteindre la température de 300°, de sorte que, dans l'hypothèse d'un service rapide, il devait être maintenu préchauffé en permanence ; que les essais de cuisson auxquels il a procédé ont montré qu'au terme de 2 mn 30, une pizza congelée de 28 cm était encore gelée sur le dessus, et qu'il fallait presque le double de temps pour obtenir une cuisson suffisante partant d'une pizza dégelée et le triple, voire plus, pour une congelée ;

Considérant que ces constatations ne sont pas vraiment discutées par M. [G], qui se borne à souligner qu'il s'agit d'un appareil détenu par un tiers, sans soutenir toutefois que le modèle qu'il commercialise offre des performances différentes ;

Qu'ainsi, il ne conteste pas les différences esthétiques et pratiques (matériaux et minuteur) relevées ;

Qu'il ne prétend pas non plus que les fours de type 1600 qu'il commercialise sont revêtus du marquage 'CE', alors qu'aux termes de l'article 2 du décret visé par l'expert, 'ne peuvent être fabriqués, importés, détenus en vue de la vente, mis en vente, vendus, mis en location ou distribués à titre gratuit que les matériels visés à l'article 1er qui satisfont à la double condition d'être fabriqués conformément aux règles de l'art prévalant en matière de sécurité et ne pas compromettre, s'ils sont installés et entretenus correctement et utilisés conformément à leur destination, la sécurité des personnes et des animaux domestiques ainsi que des biens et d'être revêtus du marquage 'CE' défini à l'article 8 du présent décret', les violations de cette interdiction étant pénalement sanctionnées ; qu'à cet égard, l'attestation d'une entreprise d'électricité selon laquelle le matériel utilisé était conforme aux normes CE, établit seulement la conformité des câbles aux normes de construction mais ne permet pas de présumer d'une utilisation en adéquation avec leurs capacités ;

Qu'enfin, M. [G] n'offre pas de prouver que l'appareil qu'il commercialise permet de cuire une pizza en trois minutes, Mansardis produisant d'ailleurs une lettre adressée à l'un de ses confrères, détenteur d'un appareil identique, dans laquelle il affirmait au contraire : 'il est clair que pour vos pizzas à emporter une cuisson de 2 mn 30 est largement suffisante, puisque à 90 % des cas, la ménagère va terminer la cuisson dans son four pour avoir une qualité fraîcheur au moment de la consommation', admettant ainsi qu'au terme d'un temps si court, un cuisson supplémentaire s'imposait chez le client final ;

Considérant qu'il est ainsi établi que le matériel commercialisé par M. [G], outre qu'il méconnaît gravement la réglementation applicable, ne correspond pas aux spécifications annoncées, tant au plan esthétique et pratique (matériaux et minuterie), qu'en sa caractéristique essentielle, soit sa capacité à cuire un pizza dans le temps très court de 3 minutes ;

Qu'il suit de là que la vente doit être résolue aux torts de M. [G] et ce dernier débouté de sa demande ;

Et considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer une indemnité supplémentaire à Mansardis et de rejeter la demande de M. [G] à ce titre;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il annule la commande du 26 octobre 2006,

Et statuant à nouveau,

Prononce la résolution de la vente conclue le 26 octobre 2006 entre la société Mansardis et M. [G] aux torts de ce dernier,

Déboute en conséquence M. [G] de sa demande en paiement envers la société Mansardis,

Condamne M. [G] à payer à la société Mansardis la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande formée à ce titre,

Condamne M. [G] aux dépens d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 09/20985
Date de la décision : 02/03/2011

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°09/20985 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-02;09.20985 ?
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