Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 17 FEVRIER 2011
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/23492
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Octobre 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 1ère Chambre 1ère Section RG n° 07/09121
APPELANT:
Monsieur [B] [L]
né le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 8]
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par la SCP BAUFUME GALLAND VIGNES, avoué à la Cour
assisté de Maître Mathieu QUEMERE, avocat au barreau de l'Essonne
INTIME:
Maître [N] [E]
administrateur judiciaire
demeurant [Adresse 7]
[Localité 5]
représenté par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoué à la Cour
assisté de Maître Philippe HERVE, avocat plaidant pour l'association FABRE - GUEUGNOT - SAVARY au barreau de PARIS Toque : r 44
INTIMEE:
Maître [U] [F]
mandataire judiciaire
demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP ARNAUDY ET BAECHLIN, avoué à la Cour
assistée de Maître Philippe HERVE, avocat plaidant pour l'association FABRE - GUEUGNOT - SAVARY au barreau de PARIS Toque : R 44
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président
Monsieur Edouard LOOS, Conseiller
Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON,
MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public,
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Patrice MONIN-HERSANT, Président, et par Monsieur Daniel COULON, Greffier présent lors du prononcé.
Le 1er novembre 2002, Monsieur [B] [L] a été embauché en qualité de directeur commercial par la sarl MILLENIUM, moyennant une rémunération brute mensuelle de 5.335 €, outre une prime de 10 % du chiffre d'affaires HT.
La société a été mise en redressement judiciaire par jugement du 26 août 2003 du tribunal de commerce de Paris, ayant fixé au 1er juillet 2002, la date de cessation des paiements et ayant désigné Maître [N] [E] en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance du dirigeant, et Maître [U] [F] en qualité de représentant des créanciers.
Sur demande de Maître [E], le tribunal a, par jugement du 1er décembre 2003, converti le redressement en liquidation judiciaire en mettant fin à la mission de l'administrateur judiciaire et en désignant Maître [F] en qualité de liquidateur judiciaire.
Les 12 et 14 juin 2007, Monsieur [L], mettant en cause la responsabilité professionnelle des mandataires de justice, a attrait Maître [E] et Maître [F] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les entendre condamner 'in solidum' à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de :
- 63.255,89 € (globalement) en réparation de ses préjudices financiers, correspondant à une perte de chance de recouvrer ses salaires arriérés d'un montant de 51.255,89 € et une indemnité [complémentaire] de congés payé d'un montant de 12.000 € calculée sur les commissions,
- 15.000 € (soit environ trois mois de salaire) en réparation d'une perte de chance,
outre 5.000 € pour résistance abusive et des frais irrépétibles.
S'y opposant, Maître [E] et Maître [F] ont reconventionnellement réclamé 1.500 € chacun de dommages et intérêts, pour procédure abusive, et également des frais non compris dans les dépens.
Par jugement contradictoire du 21 octobre 2009, le tribunal a débouté Monsieur [L] de ses demandes et Maître [E] et Maître [F] de leur demande reconventionnelle en leur octroyant 2.000 € de frais irrépétibles chacun.
Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2009, par Monsieur [L] et ses ultimes écritures signifiées le 12 janvier 2011 réclamant 7.500 € de frais irrépétibles et :
- demandant, à titre principal, la désignation d'un expert, initialement sollicitée devant le magistrat de la mise en état,
- à défaut, poursuivant l'infirmation du jugement en renouvelant les demandes antérieurement formulées devant les premiers juges outre la condamnation 'in solidum' de Maître [E] et Maître [F] à assumer le coût du rachat des points retraite manquants ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 décembre 2010 par Maître [E] et Maître [F] réclamant chacun 3.000 € de frais non compris dans les dépens et, s'opposant à la demande d'expertise, poursuivant la confirmation du jugement en sollicitant en outre, chacun 1.500 € de dommages et intérêts pour appel abusif et leur mise hors de cause ou, à tout le moins, de débouter l'appelant de ses fins, moyens et conclusions ;
Vu le visa du 7 octobre 2010 du Ministère public ;
SUR CE, la cour :
Considérant que Maître [E] et Maître [F] étant, chacun, recherché au titre de leur responsabilité professionnelle, ne sont pas fondés à demander leur mise hors de cause ;
Qu'il convient aussi de préciser liminairement, que, le 28 octobre 2010, soit le jour initialement envisagé pour la clôture de l'instruction de l'affaire et alors que le calendrier de procédure était connu depuis le 30 juin 2010, l'appelant a signifié des conclusions d'incident tendant à la nomination d'un expert en vue, essentiellement, de reconstituer l'état de trésorerie de la société MILLENIUM à compter de la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ;
Que cet incident a initialement été fixé au 18 novembre 2010 pour être plaidé devant le conseiller de la mise en état, mais que les intimés ont fait valoir, par lettre du 9 novembre 2010 de leur avoué, qu'ils n'avaient pas eu le temps matériel suffisant pour examiner le rapport d'un expert comptable versé aux débats de l'incident par Monsieur [L] au soutien de sa demande d'expertise ;
Que compte tenu de la proximité de la date de plaidoirie, l'incident a été joint au fond par décision du 18 novembre 2010 du conseiller de la mise en état, objet d'une mention au dossier ;
Considérant que Monsieur [L] reproche essentiellement à Maître [E] et à Maître [F] d'avoir indivisément concouru à ses préjudices allégués en ayant :
- maintenu l'activité de la société en augmentant ainsi la dette salariale, alors que, selon lui, la situation était irrémédiablement compromise depuis juillet 2003, et avoir négligé de le licencier en l'ayant abusivement maintenu dans ses fonctions en poursuivant son contrat de travail, tout en s'abstenant de le rémunérer, alors que, selon lui, des fonds étaient disponibles et n'ont pas été affectés au règlement de sa créance salariale 'super-privilégiée',
- manqué à leur obligation d'information sur le dépassement du plafond des AGS, tout en maintenant une relation de travail alors qu'il n'était plus payé et ne pouvait plus bénéficier de la garantie du fonds de garantie des salaires ;
Mais considérant que durant la période d'observation du 23 août au 30 novembre 2003, la mission de Maître [F] se limitait à la vérification du passif en sa qualité de représentant des créanciers, l'assistance du dirigeant dans la gestion relevant de la mission de l'administrateur judiciaire ;
Qu'il résulte des termes du jugement du 26 août 2003 du tribunal de commerce de Paris, qu'en fonction des pièces alors versées au dossier par le gérant de la société, qui sollicitait le bénéfice d'un redressement judiciaire, de l'existence à l'époque de contrats importants et des informations recueillies, le tribunal de commerce a ouvert une procédure simplifiée de redressement judiciaire au bénéfice de la société MILLENIUM en fixant à quatre mois, la durée de la période d'observation, soit jusqu'au 26 décembre 2003 ;
Qu'il n'est pas contesté que l'essentiel du passif déclaré n'a pu être connu que début novembre 2003 ;
Que Maître [E], dont la mission se limitait à l'assistance du dirigeant dans la gestion de l'entreprise, a, dès le 12 novembre 2003, indiqué au tribunal qu'il estimait qu'il était de la plus extrême urgence de prononcer la liquidation judiciaire, ce qu'a fait la juridiction dès le 1er décembre suivant ;
Qu'au vu du calendrier très resserré ci-dessus rappelé, il apparaît que les reproches formulés à l'encontre de Maître [E] ne sont pas fondés ;
Considérant qu'après la conversion, le 1er décembre, du redressement en liquidation judiciaire, Maître [F], en sa nouvelle qualité de liquidateur-judiciaire a, dès le 4 décembre 2003, fait convoquer Monsieur [L] à un entretien préalable, le 10 décembre suivant, en vue d'une éventuelle mesure de licenciement économique ;
Qu'il n'est pas non plus contesté que Monsieur [L] bénéficiait alors, de la protection spécifique correspondant à son statut de représentant des salariés dans le cadre de la procédure collective, entraînant l'obligation de solliciter des autorisations préalables de l'autorité administrative compétente ;
Que, le 5 janvier 2004, son licenciement lui a été notifié ;
Qu'au vu du calendrier tout aussi resserré ci-dessus rappelé, il apparaît que les reproches formulés à l'encontre de Maître [F], ès qualités de liquidateur judiciaire, ne sont pas davantage fondés ;
Considérant aussi qu'en se bornant à reprocher un défaut d'information sur le plafond de garantie du fond de garantie des salaires le concernant, Monsieur [L] ne rapporte pas, pour autant, la démonstration qu'une telle information lui aurait permis d'être licencié antérieurement, la décision n'appartenant pas au préposé qui ne peut, le cas échéant, que démissionner de son contrat de travail, ce qui ne lui permet pas de bénéficier des mêmes garanties et indemnisations qu'en cas de licenciement ;
Qu'au surplus, l'objectif de la période d'observation consiste à analyser les possibilités de redressement de l'entreprise en phase d'exploitation, ce qui ne conduisait pas son dirigeant, ni l'administrateur judiciaire en charge de l'assister, à envisager de licencier durant cette période, alors que l'entreprise ne comportait plus que cinq salariés et qu'un plan social, ayant déjà supprimé treize emplois, avait été mis en oeuvre durant la période précédent immédiatement l'ouverture de la procédure collective ;
Que si Monsieur [L] a, par sa note du 23 octobre 2003 (pièce n° 2 de l'appelant), fait part de ses inquiétudes sur la capacité de la société MILLENIUM à faire face à ses échéances de fin octobre, il n'a pas démenti les mandataires de justice, lorsque ceux-ci ont indiqué, dans leurs écritures, que dès octobre 2003, Monsieur [L] avait déjà atteint le plafond d'indemnisation des AGS, de sorte que, à supposer établie l'obligation d'information des mandataires de justice sur ce point particulier, le défaut corrélatif d'information n'est pas à l'origine des préjudices correspondants allégués par l'appelant ;
Qu'en outre, il convient de relever, concernant la demande formulée par Monsieur [L] à hauteur de 51.285,89 €, que :
- le solde de tout compte d'un montant de 30.765,78 € et le salaire de décembre 2003, à hauteur de 9.374,47 €, soit au total 40.140,25 €, sont échus postérieurement à la conversion en liquidation judiciaire, leur défaut de règlement résultant de l'insuffisance de la réalisation des actifs au cours des opérations de liquidation, le privilège du fond de garantie des salaires, à hauteur de 288.637,32 €, correspondant exclusivement aux arriérés existant au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective et au coût des licenciements, primant les salaires échus ultérieurement et ayant, en conséquence, absorbé la totalité du produit disponible, sans qu'une faute n'ait été démontrée à l'encontre du liquidateur judiciaire dans la réalisation desdites opérations,
- les salaires non réglés, normalement dûs entre le 26 août et le 30 novembre 2003, du fait de la continuation de l'exploitation de l'entreprise durant la période d'observation (octobre 2003 : 9.323 €, solde novembre 2003 : 643,60 € et note de frais novembre 2003 : 1.149,04 €, soit au total 11.115,64 €) ne bénéficient pas, en cours d'exploitation, d'un privilège particulier, le dirigeant, qui était toujours à la tête de l'entreprise, devant y faire normalement face au même titre que les autres charges d'exploitation arrivant à échéance durant ladite période, et qu'à compter de l'ouverture de la liquidation judiciaire, lesdits salaires ont bénéficié du privilège y attaché, mais que leur règlement n'est pas alors intervenu pour la même raison de l'absorption de la totalité du produit disponible par le privilège de rang supérieur du fond de garantie des salaires, sans qu'une faute n'ait été démontrée à l'encontre du liquidateur judiciaire dans la réalisation desdites opérations,
de sorte qu'au global (40.140,25 + 11.115,64 = 51.255,89) aucun des postes allégués de préjudice n'est, en tout état de cause, imputable aux mandataires de justice ;
Qu'il n'est pas non plus justifié que l'indemnité complémentaire alléguée de congés payés, d'un montant de 12.000 €, assise sur les commissions, ait fait l'objet d'une demande formulée au cours des opérations de redressement ou de liquidation judiciaires ;
Considérant aussi que :
- en se bornant à prétendre 'de n'avoir pu entreprendre des recherches d'emplois, d'être admis aux ASSEDIC, de percevoir les indemnités de fin de contrat et de bénéficier des procédures spécifiques au retour à l'emploi',
- en demandant, en outre, la condamnation 'in solidum' de Maître [E] et Maître [F] 'à assumer le coût du rachat des points retraite manquants du fait du défaut de paiement de cotisations correspondant à toute sa période d'emploi au sein de la société MILLENIUM ' ou au moins 'au titre de la période de la date de cessation des paiements à la date de [son] licenciement ',
Monsieur [L] n'en démontre pas pour autant, à les supposer établis, que les préjudices correspondants résultent d'une erreur ou d'une faute commise par les mandataires de justice ;
Que, compte tenu des analyses ci-avant, l'institution d'une mesure d'instruction apparaît sans intérêt pour la solution du litige ;
Qu'en se bornant à solliciter chacun 1.500 € de dommages et intérêts pour appel abusif, Maître [E] et Maître [F] ne démontrent pas pour autant, la réalité du préjudice qu'ils allèguent ;
Que succombant principalement, Monsieur [L] ne saurait prospérer dans sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'en revanche, il serait inéquitable de laisser aux intimés la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'ils ont dû exposer en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS:
Rejette la demande d'expertise,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur [B] [L] aux dépens d'appel et à verser mille euros (1.000 €) de frais irrépétibles à chacun des intimés,
Admet la SCP ARNAUDY et BAECHLIN au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
D. COULON P. MONIN-HERSANT