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17/02/2011 | FRANCE | N°08/08922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 17 février 2011, 08/08922


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 17 Février 2011

(n° 1 , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08922 IB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 07/02640



APPELANTE

SAS UFIFRANCE PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P

259







INTIME

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

CANADA

représenté par Me Bruno SCARDINA, avocat au barreau D'ANGERS







COMPOSITION DE LA COUR :



En appli...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 17 Février 2011

(n° 1 , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/08922 IB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2008 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 07/02640

APPELANTE

SAS UFIFRANCE PATRIMOINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS, toque : P 259

INTIME

Monsieur [W] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

CANADA

représenté par Me Bruno SCARDINA, avocat au barreau D'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2011, en audience publique, les parties représentées ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle BROGLY, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Séverine GUICHERD, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, président et par Séverine GUICHERD, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à l'encontre du jugement prononcé le 22 mai 2008 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section Commerce, statuant en formation de jugement sur le litige l'opposant à Monsieur [W] [K].

Vu le jugement déféré aux termes duquel le Conseil de Prud'hommes :

- a condamné la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à verser à Monsieur [W] [K] les sommes suivantes :

* 10 000,00 € en remboursement des frais professionnels pour la période de mars 2002 à mars 2003.

* 46 000,00 € en remboursement des frais professionnels pour la période postérieure à mars 2003.

* 14 046,83 € au titre des commissions.

* 1 404,68 € au titre des congés payés y afférents.

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007.

* 15 000,00 € à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.

- a rejeté toutes les autres demandes.

- a condamné la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à Monsieur [W] [K] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions visées par le Greffier et développées oralement à l'audience, aux termes desquelles :

La S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE, appelante, demande à la Cour :

- s'agissant de la demande de remboursement des frais professionnels :

principalement : la confirmation du jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a déclaré prescrite tout demande de remboursement de frais professionnels antérieure au 8 mars 2002.

- la réformation de la décision susvisée en ce qu'elle a alloué à Monsieur [W] [K] la somme de 10 000 € en remboursement des frais professionnels pour la période de mars 2002 à mars 2003.

- la réformation dudit jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur [W] [K] recevable en sa demande de remboursement de frais professionnels postérieure au mois de mars 2002 et en ce qu'il lui a alloué la somme de 46 000 € à ce titre,

subsidiairement : de soumettre toute condamnation à remboursement de frais aux cotisations sociales.

- de déduire des condamnations, les sommes perçues par Monsieur [W] [K] en remboursement des frais professionnels, soit la somme de 20 917,89 €.

s'agissant de la demande de rappel de salaires, de réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 14 046,83 € au titre des commissions, outre la somme de 1 404,68 € au titre des congés payés y afférents, après avoir validé les systèmes de rémunération ressortant des contrats de travail de Monsieur [K].

- de débouter Monsieur [W] [K] de toute demande de rappel de salaires après avoir validé la rémunération ressortant des contrats de travail du 7 avril 2000 et du 3 mars 2003.

s'agissant des commissions relatives au dossier de Monsieur et Madame [S], de débouter Monsieur [W] [K] de sa demande.

s'agissant des dommages-intérêts pour un prétendu non-remboursement des frais professionnels et non-paiement du SMIC :

- de réformer la décision entreprise en qu'elle a alloué à Monsieur [W] [K] la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts.

- de débouter le salarié de toute demande de dommages-intérêts.

s'agissant de la clause de protection de clientèle.

- de lui donner acte qu'elle s'en rapporte sur la demande d'annulation qui n'est assortie d'aucune demande indemnitaire et qui est sans objet dès lors que la clause a été levée.

s'agissant de la rupture du contrat de travail.

- de constater que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission.

- de débouter Monsieur [W] [K] de toute demande à ce titre.

- subsidiairement de constater que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice supérieur à celui réparé par l'octroi d'une somme d'un montant équivalent à six mois de salaire, sur la base de 3 035 €.

sur les frais irrépétibles.

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Monsieur [K] la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

en tout état de cause, de condamner Monsieur [W] [K] à restituer les sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire avec intérêts de droit à compter de leur perception.

Monsieur [W] [K], poursuit la confirmation du jugement déféré et demande en conséquence à la Cour :

- de juger abusive la mise en oeuvre du système du SMIC imputable sur les commissions des mois suivants aboutissant à priver le salarié de ressources mensuelles au moins égales au SMIC, compte tenu des frais professionnels demeurant à sa charge.

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de somme de 14 046,83 € au regard des retenues sur commissions abusives opérées sur la période non prescrite.

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de la somme de 3 099,60 € au titre de la commission afférente au contrat de vente immobilière initié par Monsieur [K].

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel distinct.

- de dire et juger nulle et de nul effet la clause 3.1.4 d'intégration des frais dans les commissions figurant dans le contrat de travail du 28 septembre 1998.

- de juger nulle et de nul effet la clause 2.3 du contrat de travail du 3 mars 2003 prévoyant d'intégrer les frais dans les commissions à hauteur de 10%.

- de juger nulle et de nul effet la clause 2.2 du contrat de travail du 3 mars 2003 prévoyant un remboursement forfaitaire des frais, limité à 230 € par mois en sus du SMIC.

- de juge non opposable la prescription quinquennale.

- subsidiairement, de juger la prescription interrompue par la reconnaissance par l'employeur le 28 février 2003 du droit du salarié démarcheur au remboursement des frais professionnels afférents au poste de démarcheur application faite des dispositions de l'article 2248 du Code Civil.

- de juger en conséquence Monsieur [K] en droit d'obtenir remboursement par la société UFIFRANCE PATRIMOINE des frais professionnels exposés dans le cadre de son emploi de démarcheur sur toute la durée d'emploi.

- réformant le jugement, de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement des sommes suivantes en remboursement des frais.

* 4 081,33 € au titre de l'année 1998.

* 10 397,00 € au titre de l'année 1999.

* 10 666,00 € au titre de l'année 2000.

* 10 780,00 € au titre de l'année 2001.

* 10 870,00 € au titre de l'année 2002.

et tenant compte des frais remboursés de manière forfaitaires par la société,

* 10 130,00 € au titre de l'année 2003.

* 10 023,00 € au titre de l'année 2004.

* 6 509,33 € au titre de l'année 2005.

- de juger les sommes ainsi allouées, nettes de toute cotisation sociale, application faite de l'article L 242-1 du Code de la Sécurité sociale.

- de juger que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation et d'ordonner la capitalisation desdits intérêts.

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel distinct du simple retard subi par le salarié du fait de la déloyauté contractuelle de l'employeur défaillant en matière de remboursement des frais.

- de juger la rupture du contrat imputable à l'employeur et de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de la somme de 30 000 € en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du Travail.

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE à lui verser :

* 6 070 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.

* 607 € au titre des congés payés y afférents.

* 2 591 € au titre de l'indemnité légale de licenciement.

- de confirmer le jugement et de déclarer nulle et de nul effet la clause 4.4 de non-concurrence prévue au contrat de travail du 3 mars 2003.

- de débouter la société UFIFRANCE PATRIMOINE de l'ensemble de ses demandes.

- de condamner la société au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de confirmer le jugement pour le surplus.

- de condamner la société UFIFRANCE PATRIMOINE aux dépens.

CELA ETANT EXPOSE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 7 avril 2000, Monsieur [W] [K] a été engagé en qualité de conseiller en gestion de patrimoine par la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE.

Ce contrat prévoyait une rémunération composée d'une partie fixe égale au SMIC ayant nature d'avance et donnant lieu à report et imputation sur le mois suivant, outre un commissionnement sur le chiffre d'affaires réalisé et une rémunération de 'suivi client permanent' assise sur l'épargne investie par les clients affectés, visités pendant l'année.

A ce contrat, s'en est substitué un second signé le 3 mars 2003 qui prévoit que le salarié perçoit une partie fixe constituée d'un salaire de base égal au SMIC, augmenté d'une indemnité forfaitaire de 230 € au titre des frais professionnels et d'une partie variable versée sur le seuil de déclenchement mensuel fixé à 100% du traitement de base atteint.

Invoquant la nullité des clauses relatives à sa rémunération, Monsieur [W] [K] a saisi le Conseil de Prud'hommes afin d'obtenir la condamnation de la société UFIFRANCE PATRIMOINE au paiement de diverses sommes.

Postérieurement à la décision de première instance et après exécution des condamnations par l'employeur, Monsieur [W] [K] a, par courrier en date du 17 octobre 2008, pris acte de la rupture de son contrat de travail en excipant les mêmes griefs que ceux invoqués devant le Conseil de Prud'hommes.

La S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE a accusé réception le 27 novembre 2008 de cette prise d'acte de rupture en déliant le salarié de la clause de protection de clientèle insérée au contrat de travail.

SUR CE

Sur la demande en remboursement des frais professionnels.

Monsieur [W] [K] sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu'il ne lui a alloué que la somme de 56 000 € à titre de remboursement de ses frais professionnels pour la période de mars 2002 à mars 2003 (10 000 €), et pour la période postérieure à mars 2003 (46 000 €) et demande à la Cour, statuant à nouveau de condamner la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à lui verser la somme de 85 551 € à ce titre, en estimant la prescription quinquennale inapplicable en l'espèce.

Cependant, en application des dispositions de l'article 2277 du Code Civil, la créance du salarié sur l'employeur en remboursement des frais engagés par le premier dans le cadre de la prestation de travail au profit du second se prescrit, comme le salaire, par 5 ans. La saisine du Conseil de Prud'hommes par Monsieur [W] [K] datant du 8 mars 2007, point de départ de la prescription, la demande en remboursement des frais professionnels antérieurs au 8 mars 2002 est donc prescrite.

Monsieur [W] [K] ne peut valablement contourner cette règle en faisant valoir que le système mis en place était frauduleux et que la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE en avait parfaitement connaissance : en effet, il lui appartenait de soulever l'irrégularité dénoncée dans les 5 ans où il a connu les faits, connaissance résultant de ses bulletins de paye successifs, la prétendue mauvaise foi de l'employeur ne l'empêchant pas d'agir.

Par ailleurs, Monsieur [W] [K] ne peut se prévaloir d'une reconnaissance de dette suspensive de la prescription résultant de l'accord d'entreprise intervenu le 28 février 2003 : en effet, cet accord, qui ne traite pas spécifiquement de la question du remboursement des frais professionnels mais globalement des relations de travail au sein de l'entreprise, n'opère aucun constat d'un caractère irrégulier des clauses contractuelles antérieures en la matière et n'a pas pour objet de régler sur ce point un litige entre les parties, au demeurant inexistant à l'époque. Il ne peut donc s'en déduire la reconnaissance d'une dette par la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE.

Sur la période du 8 mars 2002 au 3 mars 2003 (date de l'avenant au contrat de travail).

Le premier contrat de travail de Monsieur [K], conclu le 7 avril 2000, contentait une clause aux termes de laquelle ' les traitements fixes et les commissions versées couvrent tous les frais professionnels de prospection et de suivi de clientèle'.

Le principe en la matière est que les frais professionnels engagés par un salarié doivent être supportés par l'employeur sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu que le salarié en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC.

L'examen du contrat de travail conclu le 7 avril 2000 fait ressortir qu'il ne contenait aucune garantie de cette nature, de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré nulle la clause litigieuse.

La nullité de la clause afférente à la rémunération incluse dans le contrat de travail du 7 avril 2000 ouvre droit au remboursement à Monsieur [W] [K] des frais professionnels par lui engagés pour la période non prescrite et donc comprise entre le 8 mars 2002 et le 3 mars 2003, date de signature du second contrat de travail.

La réalité de ses frais est incontestable et la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE, par l'insertion dans le contrat de travail d'une clause nulle dont le rédaction lui est manifestement imputable, n'a pas permis au salarié de préserver les justificatifs utiles à sa demande. Elle n'est donc pas fondée à lui reprocher a posteriori l'insuffisance des éléments justificatifs réunis.

Monsieur [K] fixe à 1 100 € par mois, en moyenne, ses frais professionnels.

Au vu des éléments du dossier, la Cour estime que Monsieur [W] [K] peut prétendre au remboursement de ses frais professionnels à hauteur de 600 € par mois.

Il y a lieu de réformer le jugement déféré sur le montant de la somme allouée à Monsieur [W] [K] au titre du remboursement de ses frais professionnels pour la période comprise entre mars 2002 et mars 2003, et statuant à nouveau de condamner la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à lui verser la somme de 7 200 € à ce titre.

Sur la période postérieure au 3 mars 2003.

Monsieur [W] [K] a accepté le 3 mars 2003 un nouveau contrat de travail prévoyant un remboursement forfaitaire des frais professionnels dans les conditions et sur le montant fixé par l'accord d'entreprise signé quelques jours plus tôt.

Il allègue un vice de son consentement l'ayant conduit à accepter ces nouvelles dispositions mais n'établit aucune circonstance de nature à l'établir : en effet, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, de sa qualité de salarié protégé, il disposait de tous les éléments nécessaires pour apprécier le bien fondé ou non des termes du nouveau contrat proposé à son acceptation, ayant au surplus, en cas de doute, la faculté de demander toute précision utile à l'employeur ou aux représentants des organisations syndicales ayant négocié l'accord.

La clause insérée à l'article 2.2 du contrat de travail prévoit une rémunération se décomposant d'une partie fixe et d'une partie variable. La partie fixe appelée également traitement de base, est constituée d'un salaire de base égal au SMIC mensuel, majoré d'une indemnité brute de 10% au titre des congés payés et de la somme brute de 230 € correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels.

Si le système mis en place est en théorie licite en ce qu'il respecte formellement les conditions fixées par la jurisprudence pour intégrer les frais professionnels dans la rémunération, il doit encore, pour être opérant, reposer sur la fixation d'un forfait préalablement chiffré très proche des frais réels habituellement engagés. Dans le cas inverse, ou si la marge de variation est trop importante, il conduit constamment au risque de voir la rémunération nette s'établir à un niveau inférieur au SMIC, instaurant ainsi en permanence une incertitude sur le niveau minimal de la rémunération, sauf à contraindre le salarié à collationner systématiquement les justificatifs de ses frais pour formuler utilement, si besoin, des demandes de remboursement, ce qui est la négation même de la notion de forfait.

En l'occurrence, au vu des pièces justificatives fournies, des modalités d'exécution du contrat de travail par Monsieur [W] [K], notamment de l'étendue de sa zone de prospection, des exigences contractuelles pesant sur lui, telles que le nombre de rendez-vous à assurer et l'activité réellement déployée, il est manifeste que le forfait accordé au salarié est structurellement insuffisant et ne représente en moyenne que le tiers des frais réellement engagés.

Dans ces conditions, il y a lieu, non pas d'annuler la clause, mais de la déclarer inopposable à Monsieur [W] [K] en ce qu'elle détermine pour lui un forfait totalement inapproprié et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné le remboursement des frais restés à sa charge mais de le réformer sur le montant qui lui a été alloué.

Au vu des éléments du dossier et compte tenu notamment des sommes déjà versées au cours du contrat, la Cour est en mesure de fixer à 22 000 € la somme qui doit être versée par la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE en remboursement complémentaire des frais exposés par Monsieur [W] [K] d'avril 2003 jusqu'à la fin de l'année 2006.

La somme de 22 000 € sera assujettie aux cotisations sociales sur la base de l'option déclarée par l'employeur, telles qu'elle résulte de l'accord d'entreprise du 28 février 2003, élément que le salarié ne peut valablement remettre en cause.

Sur le rappel de commissions.

Aux termes de l'article 2.1 du contrat de travail signé le 3 mars 2003, en contrepartie de la fonction confiée au signataire, telle que définie à l'article 1.2 du contrat de travail, celui-percevra une rémunération annuelle brute forfaitaire, incluant une majoration de 10% au titre de l'indemnité de congés payés et correspondant à l'horaire annuel maximal de travail fixé au présent contrat. Elle se décompose d'une partie fixe et d'une partie variable.

L'article 2.3 du contrat de Monsieur [W] [K] qui traite de la rémunération variable prévoit que les commissions et gratifications dont les barèmes figurent en annexe, qui constituent la partie variable, ne seront versées que lorsque les objectifs d'activité tels que fixés à l'article 1.3 du contrat de travail seront atteints, et pour la fraction générée excédant le seuil de déclenchement fixé à 100% du traitement de base.

L'article 2.3 prévoit en son 2ème alinéa qu'en cas de non atteinte du seuil mensuel applicable, les commissions ne donneront pas lieu à règlement et l'alinéa 3 dudit article stipule que dans l'hypothèse où le seuil de déclenchement ne serait pas atteint, le différentiel en résultant serait alors imputé sur la partie variable générée le ou les mois suivants, pour la détermination du déclenchement de la fraction excédentaire de la partie variable et de son montant à régler au collaborateur.

Il ne résulte pas de cette clause un système d'imputation du SMIC sur les commissions du mois suivant permettant à l'employeur de se rembourser indirectement du SMIC versé, ainsi que le soutient Monsieur [W] [K] : en effet, aux termes de son contrat, le montant du SMIC est quoiqu'il en soit assuré, dès lors que la question des frais professionnels est réglée ainsi qu'il a été ci-dessus exposé.

Il est de principe que sont licites ces stipulations contractuelles qui ont pour effet d'assurer chaque mois au salarié une rémunération minimale égale au SMIC, peu important la détermination des horaires, les performances commerciales et le calcul de la rémunération variable : en effet, les règles d'ordre public régissant le SMIC qui est une garantie, n'imposent pas d'obligation particulière à l'employeur, s'agissant de la structure de la rémunération qui ressortit de la liberté contractuelle, dès lors que le salaire versé est au moins égal au minimum légal, lequel n'est jamais affecté par la rémunération brute proportionnelle.

En l'espèce, les bulletins de salaire produits démontrent la réalité du paiement mensuel du SMIC à Monsieur [W] [K] en fonction de ses jours de présence, de sorte que la retenue contractuelle de commissions n'a aucun caractère abusif.

Dès lors que le mode de rémunération est licite, Monsieur [W] [K] doit être déclaré mal fondé en sa demande de rappel de salaires et des congés payés y afférents.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter Monsieur [K] de sa demande de rappel de salaire.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts.

En méconnaissant sciemment d'une part ses obligations de prendre à sa charge la totalité des frais engagés par son salarié pour l'exercice de ses fonctions et de verser chaque mois une rémunération au moins égale au SMIC, (disposition d'ordre public, avant mars 2003), et en fixant d'autre part un montant forfaitaire de remboursement des frais professionnels structurellement insuffisants à partir du mois de mars 2003, la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE a placé le salarié dans une situation financière précaire tout en lui imposant une réduction d'autant du salaire perçu, ce qui caractérise un comportement fautif générateur d'une préjudice distinct de celui résultant du simple retard apporté au paiement des sommes dues.

Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE à verser des dommages-intérêts à Monsieur [W] [K] mais de le réformer sur le montant alloué qu'il y a lieu de réduire à la somme de 6 000 €.

Sur la demande nouvelle en paiement de commissions du contrat [S].

Monsieur [W] [K] sollicite pour la première fois en cause d'appel la somme de 3 099,60 € à titre de commission dans le dossier [S], outre la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts.

Cependant, Monsieur [W] [K] ne justifie pas suffisamment par les deux pièces qu'il verse aux débats le bien fondé de cette demande : ainsi s'il produit effectivement un contrat de réservation signé par Monsieur et Madame [S], la deuxième pièce est sans rapport avec le contrat de réservation de Monsieur et Madame [S] puisqu'il s'agit d'un prêt accordé à Madame [G]. En outre la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE établit par la production d'un état informatique que le contrat de réservation de Monsieur et Madame [S] a été finalement annulé.

Par suite, Monsieur [K] ne peut qu'être débouté de ses demandes.

Sur la clause dite de protection de clientèle.

Le contrat de travail de Monsieur [W] [K] comporte un paragraphe 4.4 prévoyant une clause dite de protection de clientèle qu'il analyse comme une clause de non-concurrence, point sur lequel la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE s'en rapporte à justice.

De la simple lecture de cette clause, il ressort qu'elle a pour objet de restreindre considérablement toute activité de l'ancien salarié dans le domaine qui était le sien au sein de la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE.

A l'évidence, cette clause limite le principe de la libre concurrence. Elle doit dès lors être requalifiée, indépendamment de la dénomination qui lui a été donnée au cours des relations contractuelles.

Cette clause qui ne prévoyait aucune contrepartie financière doit en conséquence être annulée.

Sur la rupture du contrat de travail.

Monsieur [W] [K] sollicite pour la première fois en cause d'appel que la rupture de son contrat de travail qui s'est inscrite dans le cadre d'une prise d'acte du 17 octobre 2008, soit déclarée imputable à l'employeur à l'encontre duquel il reproche un certain nombre de manquements contractuels.

La S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE réplique que les circonstances de la prise d'acte de rupture doivent conduire la Cour à conclure que la rupture produit les effets d'une démission.

En l'espèce, Monsieur [W] [K] a pris acte de la rupture le 17 octobre 2008, alors qu'il avait saisi le Conseil de Prud'hommes le 8 mars 2007, soit 17 mois avant, ce qui démontre à l'évidence que les manquements qu'il allègue à ce jour, ne rendaient pas impossible le maintien du contrat de travail.

En réalité, Monsieur [W] [K] ne démontre nullement que ce sont les griefs qu'il reproche à son employeur qui ont motivé son départ et ce, d'autant qu'à la date de la prise d'acte de rupture, Monsieur [W] [K] avait obtenu satisfaction devant le Conseil de Prud'hommes par une condamnation de son employeur.

Dans ces conditions, la prise d'acte de rupture de Monsieur [K] doit produire les effets d'une démission et non pas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur [W] [K] doit donc être débouté de ses demandes tendant au paiement de ses indemnités de préavis, des congés payés y afférents, de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de restitution.

Monsieur [W] [K] devra restituer à la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE les sommes reçues de cette dernière en exécution provisoire de la décision de première instance en ce qu'elles excéderaient le montant de la créance telle qu'elle est maintenant fixée par la Cour. Il n'y a toutefois pas lieu à condamnation de ce chef, le présent arrêt infirmatif constituant de plein droit le titre permettant si nécessaire la mise à exécution forcée de cette restitution.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens.

Succombant partiellement en son recours, la SAS UFIFRANCE sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Il y a lieu en équité de laisser à Monsieur [W] [K], la charge de ses frais non compris dans les dépens par lui exposés devant la Cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement déféré :

- en ce qu'il a déclaré Monsieur [W] [K] bien fondé en sa demande de remboursement des frais professionnels pour la période de mars 2002 à mars 2003 et pour la période comprise entre mars 2003 et décembre 2006, ainsi qu'en sa demande de dommages-intérêts.

- en ce qu'il a annulé la clause dite de protection de clientèle.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau.

Déclare inopposable à Monsieur [W] [K] la clause de son contrat de travail fixant à 230 € le remboursement forfaitaire de ses frais professionnels.

Condamne la SAS UFIFRANCE à verser à Monsieur [W] [K] les sommes suivantes :

* 7 200,00 € en remboursement des frais professionnels engagés par Monsieur [W] [K] de mars 2002 à mars 2003.

* 22 000,00 € en remboursement des frais professionnels pour la période postérieure à mars 2003.

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2007.

* 6000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct lié au non remboursement intégral des frais professionnels et ce, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement

Dit que les sommes de 7 200 € et de 22 000 € seront assujetties aux cotisations sociales sur la base de l'option déclarée par l'employeur.

Déboute Monsieur [W] [K] de sa demande de rappel de commissions, des congés payés y afférents et de ses autres demandes formées pour la première fois en cause d'appel.

Déboute les parties de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la S.A.S UFIFRANCE PATRIMOINE aux dépens d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 08/08922
Date de la décision : 17/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°08/08922 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-17;08.08922 ?
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