Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 16 FEVRIER 2011
(n° 54, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/13303
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2009
Tribunal de Commerce de LILLE - RG n° 2008/00403
APPELANTE
S.A.R.L. SERGENT
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me TEYTAUD François, avoué à la Cour
assistée de Me LE ROC'H Armelle, avocat au barreau de PARIS - toque R243
substituant Me JUNQUA-LAMARQUE Mathieu, avocat
INTIMEES
S.A.S DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par la SCP GARNIER, avoués à la Cour
assistée de Me SELLIER Jacques, avocat au barreau de LILLE
plaidant pour la SCP SELLIER-LEQUINT-HAUGER (LEGALIS)
SAS RENAULT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour
assistée de Me BRICOGNE André, avocat au barreau de PARIS - toque P151
plaidant pour la SELAS VOGEL et VOGEL, avocats
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 janvier 2011 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, président de chambre, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
- M.LE FEVRE, président de chambre, président
- M.ROCHE, président de chambre
- M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président, et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 16 avril 2009 par lequel le Tribunal de Commerce de LILLE a notamment :
- déclaré recevable l'intervention forcée de la société RENAULT par la société SERGENT,
- constaté que le contrat d'agent relais RENAULT du 30 septembre 2003 était parfaitement licite et bénéficiait du régime d'exemption n°1400/2002 du 31 juillet 2002,
- prononcé la résiliation du contrat aux torts de la société SERGENT,
- condamné cette dernière à déposer l'enseigne RENAULT et toute signalétique dans le délai de 30 jours à compter de la présente décision,
- dit que faute par celle-ci de procéder à cette dépose, elle serait redevable, passé ce délai, d'une astreinte dont le montant sera provisoirement fixé jusqu'au 30 septembre 2009 à 500€ par jour de retard,
- dit que l'astreinte serait liquidée par 'la présente juridiction',
- débouté la société SERGENT de sa demande en dommages et intérêts formulée à l'encontre de la société RENAULT,
- condamné la société SERGENT à payer à chacune des sociétés DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE et RENAULT la somme de 3 000 € au titre des frais hors dépens;
Vu l'appel interjeté par la société SERGENT et ses conclusions du 18 mai 2010 tendant à faire:
- infirmer le jugement,
- condamner solidairement les sociétés RENAULT et DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE à lui payer la somme mensuelle de 7 355 € H.T. à compter du 1er août 2009 à titre de dommages et intérêts jusqu'au prononcé de l'arrêt,
- condamner respectivement la société RENAULT et la société DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE à lui payer 1 000 et 1 500 € à titre de dommages et intérêts complémentaires,
subsidiairement,
- prononcer la nullité du contrat d'agent relais,
très subsidiairement,
- saisir la Cour de Justice des communautés européennes de quatre questions préjudicielles sur les conditions d'application du règlement d'exemption n° 1400/2002,
en tout état de cause,
- condamner solidairement les intimées à lui payer 453 026 € à titre de dommages et intérêts outre 20 000 € au titre des frais hors dépens ;
Vu les conclusions présentées le 7 mai 2010 par la société DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE et tendant à la confirmation du jugement ainsi qu'à la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 8 décembre 2010 par lesquelles de la société RENAULT sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société SERGENT à lui payer la somme de 10 000 € au titre des frais hors dépens ;
Vu les conclusions de procédure du 12 janvier 2011 par lesquelles la société RENAULT demande de dire irrecevables les conclusions signifiées le 11 janvier 2011 par la société SERGENT;
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Par acte du 30 septembre 2003 la société DISTRIBUTION AUTOMOBILE BETHUNOISE (ci-après désignés DAB), elle-même concessionnaire de la société RENAULT en vertu d'un contrat prenant effet le 1er octobre 2003, a conclu avec la société SERGENT un contrat d'agent relais RENAULT dont l'objet était de confier à cette dernière la réparation et l'entretien des véhicules RENAULT, la commercialisation des pièces de recharge fournies et distribuées par la société RENAULT, achetées notamment auprès de son concessionnaire, ainsi que la réalisation de diverses prestations ; que, toutefois, les relations entre les parties se dégradèrent rapidement et en avril 2004, la société SERGENT refusait de signer 'un avenant fixant l'objectif pièces de rechange pour l'année 2004" avant de cesser progressivement tout approvisionnement auprès de la société DAB ; que les désaccords persistant, celle-ci a, par courrier du 21 juin 2005, constaté la résiliation de plein droit du contrat et invité son agent à procéder à la dépose de l'enseigne RENAULT dont il disposait ; que, devant le refus opposé par la société SERGENT tant à la demande ainsi faite qu'au principe de la résiliation du contrat la liant à la société DAB, cette dernière l'a, par acte du 14 septembre 2008, assignée devant le Tribunal de Grande Instance d'HAZEBROUCK aux fins de constater le jeu de la clause résolutoire et prononcer la résiliation du contrat en cause aux torts de l'intéressée ; que c'est dans ces conditions qu'après que la société RENAULT eût été assignée en intervention forcée et que l'affaire eût été renvoyée devant le Tribunal de commerce de LILLE, cette juridiction a rendu le jugement susvisé présentement entrepris ;
Sur la recevabilité des conclusions signifiées par la société SERGENT le 11 janvier 2011
Considérant qu'aux termes de l'article 15 du code de procédure civile .'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense' ; qu'aux termes de l'article 16 du même Code : ' le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement...' ,
Considérant que les conclusions susmentionnées ont été signifiées le 11 janvier 2011 alors que l'audience de plaidoirie était fixée au 12 janvier suivant, excluant de la sorte que les autres parties au litige puissent utilement y répondre ; qu'il échet, donc, afin d'assurer la loyauté et la contradiction du présent débat contentieux, de dire irrecevables lesdites écritures ;
Au fond
Sur la licéité du contrat d'agent relais RENAULT
Considérant que si la société SERGENT soutient que ledit contrat 'tombe sous le coup de l'article 101 du T.F.U.E. du 31 juillet 2002" et si elle indique à cet effet que 'la clause restrictive de concurrence inhérente aux systèmes de distribution sélective devient illicite en matière automobile si l'accord en cause ne peut bénéficier du régime d'exemption communautaire', il convient de rappeler qu'un contrat de distribution n'est susceptible de rentrer dans le champ d'application des articles 101 susmentionné et
L 420-1 du code du commerce qu'en cas d'affectation du commerce entre Etats membres par toutes pratiques ou accords qui auraient pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ; qu'en l'occurrence le contrat litigieux, étant un contrat sélectif qualitatif, constitue, en lui-même, un élément de concurrence conforme audit article 101 ; qu'en effet un tel système de distribution sélective ne présente nul élément anticoncurrentiel dès lors que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif relatif à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions sont fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ; qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que ces conditions n'aient pas été remplies en l'espèce ; que, par suite, l'appréciation de l'éventuelle conformité dudit contrat à un règlement d'exemption est sans influence sur sa licéité, laquelle n'est ainsi pas utilement contestée par l'appelante; que les demandes subsidiaires présentées par celle-ci aux fins de questions préjudicielles sur les conditions d'application du règlement d'exemption n° 1400/2002 doivent être par suite considérées comme dépourvues d'objet au regard du débat contentieux ;
Sur la résiliation du contrat sollicitée par la société DAB
Considérant qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier qu'entre 2003 et 2005 la société SERGENT a progressivement, ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, cessé toute commande notamment de pièces de rechange auprès de la société DAB ; que si l'appelante fait valoir à ce propos que le contrat d'agent relais ne lui imposait aucune obligation d'approvisionnement exclusif auprès de cette dernière et si elle se prévaut d'achats effectués auprès d'autres concessionnaires du réseau de distribution sélective mis en place par la société RENAULT, il sera rappelé que l'article 1134 du Code Civil énonce que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ;
qu'en l'occurrence l'article 1-2 du contrat litigieux précise que l'agent RENAULT RELAIS doit assurer 'la commercialisation des pièces de rechange fournies et distribuées par RENAULT achetées notamment auprès de son concessionnaire' et l'article 1-4 ajoute que ledit agent 's'engage, pour toute la durée de validité du présent accord à consacrer ses meilleurs efforts à l'exécution du présent contrat' ; que la diminution puis la cessation de toute commande auprès de la société DAB doivent ainsi être regardées, au regard des stipulations ci-dessus rappelées, comme une violation directe tant de celles-ci que de la bonne foi contractuelle relativement au principe même du contrat ; que la société SERGENT ne saurait utilement s'exonérer de sa faute conventionnelle en excipant d'un désaccord sur les objectifs assignés pour l'année 2004 et inscrits dans l'avenant qui lui avait été proposé à cet effet et qu'elle s'était refusée de signer dès lors que le contrat prévoyait expressément sur ce point qu''en l'absence d'accord entre les parties et jusqu'à ce qu'une décision définitive intervienne, il se poursuit provisoirement sur la base des objectifs annuels proposés par le concessionnaire pour l'année précédente' ; qu'il y a lieu, en conséquence, et compte tenu du manquement caractérisé de la part de l'appelante à l'obligation conventionnelle essentielle d'approvisionnement non exclusif auprès de son concessionnaire, confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de l'agent et ordonné la dépose de l'enseigne RENAULT et de toute signalétique de cette marque; que la société SERGENT sera déboutée de l'intégralité de ses prétentions indemnitaires dirigées contre les sociétés intimées auxquelles aucune faute ne saurait être imputée ;
Considérant, enfin, que si la société DAB sollicite la condamnation de la société DAB à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts 'pour procédure abusive', elle ne justifie aucunement de la réalité du dommage invoqué ; que, par suite et en tout état de cause, sa demande indemnitaire présentée de ce chef ne peut qu'être écartée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter les parties du surplus de leurs demandes respectives ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société SERGENT à payer sur le fondement de l'article susvisé la somme de 4 000 € à la société DAB et celle de 1 000 € à la société RENAULT ;
PAR CES MOTIFS
- Dit irrecevables les écritures signifiées par la société SERGENT le 11 janvier 2011.
- Confirme le jugement en toutes ses dispositions.
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives.
- Condamne la société SERGENT aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
- La condamne également à verser au titre des frais hors dépens la somme de 4 000 € à la société DAB et celle de 1 000 € à la société RENAULT.
LE GREFFIER LE PRESIDENT