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16/02/2011 | FRANCE | N°09/04988

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 16 février 2011, 09/04988


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 Février 2011



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04988



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 08/04757





APPELANT

Monsieur [R] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

comparant en personne, ass

isté de Me Aymeric HAMON, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE





INTIMÉE

S.A. UBS SECURITIES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie CORMIER-LEGOFF, avocate au barreau de PARIS,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 Février 2011

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04988

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Mars 2009 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - Section Encadrement - RG n° 08/04757

APPELANT

Monsieur [R] [U]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Aymeric HAMON, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

INTIMÉE

S.A. UBS SECURITIES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Aurélie CORMIER-LEGOFF, avocate au barreau de PARIS, J 007

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Geneviève LAMBLING, Présidente

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

En vertu d'un contrat à durée indéterminée en date du 11 septembre 2006, M. [U] est entré le 18 septembre 2006 au service de la SA UBS Securities France (ci-après UBS) en qualité de 'Sales Trader', et moyennant une rémunération annuelle brute de base fixée à 90 000 euros, puis à 100 000 euros à compter du 1er mars 2007, 'à laquelle s'ajoutera un éventuel bonus discrétionnaire'.

En février 2007, M. [U] a perçu la somme de 18 800 euros bruts au titre de la prime discrétionnaire pour 2006.

En février 2008, UBS a versé à M. [U] une prime discrétionnaire 2007 d'un montant de 133 002 euros bruts, et lui a consenti des droits conditionnels à attribution d'actions d'une valeur de 15 000 euros.

Après avoir, par la voie de son conseil, exprimé son mécontentement sur le montant des sommes et droits qui lui avaient été octroyés, et demandé vainement à connaître les modalités de calcul de ces sommes et droits, M. [U] a, le 10 avril 2008, pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, puis a saisi le 24 avril 2008 le conseil de prud'hommes de Paris afin en substance que les modalités du bonus discrétionnaire soient jugées illicites et que la rupture de la relation contractuelle soit analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 30 mars 2009, le conseil de prud'hommes a débouté M. [U].

Régulièrement appelant, M. [U] demande à la cour d'infirmer ce jugement et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger illicite les modalités de la clause de bonus discrétionnaire,

- constater une atteinte au principe d'égalité de traitement entre M. [U] et ses collègues,

- condamner en conséquence UBS à lui verser 150 000 euros de rappels de salaires au titre du bonus 2007 et 15 000 euros de congés payés afférents,

- dire que la prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner UBS à lui verser 282 000 euros de rappels de salaire au titre du bonus 2006 et 28 200 euros de congés payés afférents,

- condamner UBS à lui verser la somme de 393 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celles de 98 250 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 9 825 euros de congés payés afférents, la somme de 16 375 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, celle enfin de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Intimée, UBS requiert la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner M. [U] au paiement d'un euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de la brusque rupture du contrat de travail, et d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un complet exposé des faits et de la procédure, la cour se réfère expressément aux écritures que les parties ont déposées et développées oralement à l'audience du 5 janvier 2011.

MOTIFS

Sur l'illicéité des modalités du bonus discrétionnaire

Considérant que M. [U] soutient en substance que l'employeur, qui a fait le choix d'insérer dans son contrat de travail un élément de rémunération variable sous la forme d'un bonus, a enfreint les dispositions des articles 24 et 28 de la convention collective des sociétés de bourse des termes desquelles il résulte qu'un élément variable de rémunération doit dépendre d'objectifs, quels qu'ils soient, et 'être transparent' vis à vis du salarié ;

Considérant que l'article 24 de la convention collective nationale est ainsi rédigé :

'En vertu de la présente convention, la rémunération effective est déterminée dans le cadre de chaque entreprise. Elle est constituée par des appointements fixes mensuels et peut comporter des éléments variables dont la proportion est éventuellement différente selon les systèmes de rémunération existant dans l'entreprise.

Ces éléments variables sont liés à la nature des métiers et au niveau de responsabilité';

Que l'article 28 de la convention est ainsi rédigé :

'Les éléments variables de la rémunération sont fixés par chaque entreprise. Ils peuvent faire l'objet de contrats spécifiques avec tel ou tel collaborateur ou groupes de collaborateurs ou de dispositions générales applicables à l'ensemble du personnel.

Ils peuvent également faire l'objet d'accord avec les délégués syndicaux, soit pour l'ensemble des salariés de l'entreprise, soit pour certaines catégories du personnel. En outre, les accords relatifs à l'intéressement dans le cadre de la loi du 22 novembre 1986 peuvent être conclus avec les délégués syndicaux, les représentants élus du personnel.

Ces éléments variables peuvent être fonction d'objectifs qualitatifs tel le respect des délais ou de critères quantitatifs comme, par exemple, une participation aux résultats d'exploitation ou à l'amélioration de la productivité de l'entreprise ou d'un service.

Des avances mensuelles sur les éléments variables peuvent être versées en complément des appointements fixes mensuels';

Considérant qu'il s'évince de ces dispositions que la rémunération effective peut comporter des éléments variables, et que ces éléments variables peuvent être fonction d'objectifs qualitatifs ou de critères quantitatifs; que la convention collective nationale des sociétés de bourse ne contient ainsi pas les dispositions contraignantes que lui prête M. [U] ;

Et considérant que la circonstance qu'il avait valeur contractuelle, puisqu'il était inséré dans le contrat de travail, n'interdisait pas que le complément de rémunération, dit bonus, soit fixé discrétionnairement par l'employeur; que la clause du contrat de travail prévoyant clairement et sans ambiguïté qu'à la rémunération fixe de M. [U], s'ajouterait 'un éventuel bonus discrétionnaire' et que la société ne s'obligeait ici ni 'sur la périodicité, le quantum et l'ensemble des modalités de versement' était ainsi parfaitement valable ;

Considérant que le jugement entrepris sera donc ici confirmé ;

Sur l'atteinte au principe d'égalité de rémunération

Considérant que M. [U] fait d'abord valoir que le bonus discrétionnaire faisait partie intégrante de sa rémunération et dépendait de ses performances, que l'employeur a failli à son obligation de transparence en ne répondant pas à son interrogation sur ses modalités de calcul avant qu'il n'engage la procédure, que cette clause du contrat faisant dépendre cette rémunération de la volonté unilatérale et arbitraire de l'employeur est une clause potestative proscrite par les articles 1129, 1170 et 1174 du code civil;

Considérant cependant qu'il a été ci-avant dit que le contrat de travail de M. [U] pouvait valablement prévoir, en sus de la rémunération fixe, l'attribution d'une prime discrétionnaire laissée à la libre appréciation de l'employeur ; qu'il est constant que le contrat liant les parties ne rattachait l'attribution de cette prime à aucun critère d'attribution, et qu'il stipulait même que l'employeur ne s'obligeait ni sur sa périodicité, ni sur son montant, ni sur l'ensemble de ses modalités de versement; que dés lors, M. [U] ne peut imputer à faute à UBS de n'avoir pas justifié du mode de calcul de la prime qu'il a perçue ;

Considérant en revanche que le principe de non discrimination salariale s'impose à l'employeur, qui ne peut arguer du caractère discrétionnaire d'une gratification pour prétendre traiter différemment des salariés placés dans une situation identique ;

Considérant qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombe à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire, d'établir que la différence de rémunération constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination ;

Considérant que M. [U] fait valoir qu'il a perçu en 2007 une prime inférieure à celle de deux collègues, M. [X] et M. [Z], engagés dans un temps concomittant de sa propre embauche et avec lesquels il travaillait en binôme, et soutient qu'il a été victime d'une rupture d'égalité de rémunération; qu'il fait à cet égard valoir que le travail en binôme des Sales et des Sales Traders constitue la 'marque de fabrique' chez UBS ; que pour sa part, il travaillait en binôme avec M. [X] pour le segment clients boutiques, et avec M. [Z] pour le segment client Hedges funds, que M. [Z] et lui-même faisaient le même travail; que, s'agissant de M. [X], les deux métiers, sales et sales traders, étant exercés indistinctement chez UBS, il effectuait un rôle de vendeur pour 50% de son temps ; qu'il ajoute que leurs niveaux d'études et d'expérience sont comparables, voire en sa faveur, que son niveau de performance individuelle sur l'année 2007 a été excellent, qu'il en a été de même des résultats d'UBS ;

Considérant que M. [U] prétend ainsi qu'il était placé dans une situation identique à celle de M. [X] et de M. [Z] ;

Considérant que UBS conteste que MM. [X] et [Z] effectuaient un travail égal ou de valeur égale à celui de M. [U]; qu'elle verse en cause d'appel leurs contrats de travail; que, de leur examen, il résulte que, pour avoir une ancienneté dans l'entreprise, similaire à celle de M. [U] s'agissant de M. [X], comparable à celle de M. [U] s'agissant de M. [Z] embauché trois mois plus tôt, MM. [Z] et [X] ont été engagés moyennant, chacun, un montant de rémunération sensiblement supérieur à celui de M. [U] ; que M. [X] a été engagé en qualité de 'Sales' ; que, de l'étude réalisée en juillet-août 2007 par l'observatoire des métiers dans la banque, il ressort notamment que 'la mission du vendeur 'sales' est de convaincre les investisseurs de passer leurs ordres de négociation par l'intermédiaire de son établissement' , que 'son objectif est de générer un volume de courtage' et que 'la fonction 'sales' est une fonction commerciale' ; que s'il résulte de cette étude que 'dans certaines maisons le métier de sales trading est parfois confondu avec la fonction de vendeur sales', l'organigramme du département 'Equities' auquel appartenait M. [U] témoigne de ce que l'équipe 'Sales' d'UBS était différenciée de l'équipe 'Sales-Trading'; que la répartition des clients français UBS, que M. [U] verse au débat, distingue aussi la fonction 'Sales' de celle de 'Sales-Trader' ; que le classement des postes sur le site Intranet d'UBS confirme cette distinction; que ni la circonstance que M. [U] travaillait avec M. [X], ni non plus celle que tous deux ont été destinataires de mêmes e-mails adressés par des clients-dont UBS observe au demeurant justement que ces messages ont pu être également envoyés au responsable de l'équipe ou à une assistante - n'établissent que les fonctions exercées par M. [U] et par M. [X] se confondaient; qu'il est constant que le poste de 'Sales' confié à M. [X] était à l'origine directe du chiffre d'affaires réalisé par l'employeur; que les fonctions qu'il occupait n'étaient dés lors pas d'égale valeur à celles de M. [U]; qu'il s'ensuit que ces deux salariés n'étaient pas placés dans une situation identique au regard de la gratification considérée; que, pour sa part, M. [Z] a été embauché en qualité de 'Sales trader' à l'instar de M. [U], mais au grade 'd'Executive Director' niveau de classification G de la convention collective de la bourse, alors que M. [U] était positionné au grade de 'Director', niveau de classification F de la convention collective; que les pièces du débat établissent que le positionnement du salarié dans l'un ou l'autre des grades 'Director' ou 'Executive Director' dépend de l'appréciation du niveau de performance, des compétences et des capacités techniques du salarié; que l'emploi de 'sales trader' au grade 'd'executive director' définit un poste dont le champ de compétences et de responsabilités est supérieur à celui de 'sales trader' au grade de 'Director'; que M. [Z] occupait ainsi un poste de niveau hiérarchique supérieur à celui de M. [U] ; qu'USB peut ainsi être suivie lorsqu'elle fait valoir que M. [Z] assumait la responsabilité des 'Hedge Funds' qui correspondent à un type de produits financiers dont les enjeux financiers sont importants ; que M. [Z] exerçait ainsi des fonctions plus importantes que celles occupées par M. [U] ; que partant, leurs rôles respectifs et leur poids dans l'entreprise ou à l'égard des tiers, ne peuvent être qualifiés de valeur égale ;

Et considérant que M. [U] n'argumente pas en réponse à son ancien employeur lorsque ce dernier affirme que la seule personne qui occupait un poste de même nature et de même grade que lui, en l'occurrence Mme [W], a perçu un bonus d'une valeur très inférieure au sien ;

Considérant que de l'ensemble de ce qui précède, et étant ajouté que le bonus servi à M. [U] au titre de l'année 2007 s'est avéré d'un montant correspondant à près du double de celui qu'il avait reçu l'année précédente reconstitué en année entière, il résulte que les premiers juges ont avec pertinence rejeté l'existence d'une atteinte au principe d'égalité des rémunérations ;

Sur les autres demandes

Considérant que la demande, nouvelle en cause d'appel, de complément de bonus au titre de l'année 2006, sera de la même manière rejetée puisqu'elle procède des mêmes moyens ;

Considérant que l'ensemble des prétentions de M. [U] ayant été ci-avant jugées infondées, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant que l'employeur ne peut prétendre que la prise d'acte de la rupture l'a brutalement placé dans une situation délicate justifiant sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts alors que M. [U] s'est offert à exécuter son préavis et qu'un refus lui a été opposé ;

Considérant enfin que les situations économiques respectives des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant :

DÉBOUTE la SA UBS Securities de sa demande de dommages-intérêts,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 09/04988
Date de la décision : 16/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°09/04988 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-16;09.04988 ?
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