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16/02/2011 | FRANCE | N°09/04731

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 16 février 2011, 09/04731


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRET DU 16 Février 2011

(n° 7 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04731-CR



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section Encadrement RG n° 08/00912





APPELANT

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Vanessa ROMEI, avocat au barre

au de PARIS, toque D622







INTIMÉE

MUTUALITE DE LA FONCTION PUBLIQUE - CENTRE DE LA GABRIELLE -

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocats ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRET DU 16 Février 2011

(n° 7 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/04731-CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Avril 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX section Encadrement RG n° 08/00912

APPELANT

Monsieur [Z] [X]

[Adresse 5]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Vanessa ROMEI, avocat au barreau de PARIS, toque D622

INTIMÉE

MUTUALITE DE LA FONCTION PUBLIQUE - CENTRE DE LA GABRIELLE -

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (Me Nawal BEIKRIT, avocat au barreau de PARIS) toque : P0209

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Greffier : Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrice MORTUREUX DE FAUDOAS, Président et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 09 avril auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de MEAUX a :

- débouté Monsieur [Z] [X] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la MUTUALITE DE LA FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE de sa demande reconventionnelle,

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [Z] [X]

Monsieur [Z] [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 4 mai 2009.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues par les parties à l'audience du 5 janvier 2011, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

MOTIFS

Suivant contrat à durée déterminée du 2 avril 1990, Monsieur [Z] [X] a été engagé par la MUTUALITE DE LA FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE en qualité de contremaître. La relation contractuelle s'est poursuivie à partir du 3 septembre 1990 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, Monsieur [X] ayant précisément la qualité de moniteur d'atelier échelon 1, coefficient 283.

Ayant découvert en 2008 qu'un de ses collègues de travail percevait un complément de rémunération prévu par la convention collective pour les salariés titulaires au minimum d'un Bac + 2, Monsieur [X] a demandé à bénéficier de ce complément de rémunération au motif qu'il était titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome turc.

Sa demande ayant été refusée et soutenant qu'il était victime de discrimination, Monsieur [X] a saisi le 11 juillet 2008 le conseil de prud'hommes de MEAUX aux fins d'obtenir la rectification de son coefficient et un rappel de complément de diplôme, un rappel de salaire du 1er juillet 2008 au 16 février 2009, les congés payés afférents à ces rappels, des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et 1132-1 du code du travail ainsi que la délivrance de bulletin de paie conforme, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ses demandes ayant été rejetées, Monsieur [X] a interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Alors que l'instance en appel était en cours, Monsieur [X] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de 3 jours avec retenue du salaire correspondant, notifiée le 30 octobre 2009 après un entretien préalable du 13 octobre 2009 auquel le salarié avait été régulièrement convoqué.

Ayant saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Meaux le 29 janvier 2010 pour faire annuler cette sanction et obtenir le rappel de salaire correspondant à la mise à pied, le CENTRE DE LA GABRIELLE lui a opposé le principe de l'unicité de l'instance. Il s'est donc désisté de sa seconde instance devant le conseil de prud'hommes, pour présenter ses demandes devant la cour avec les demandes antérieures relatives à la discrimination.

A la suite de visites médicales du 12 avril 2010 et du 3 mai 2010, et après étude de poste et de ses conditions de travail, le médecin du travail a déclaré Monsieur [X] inapte à son poste de travail, ce qui a entraîné son reclassement (proposition de l'employeur par lettre du 14 septembre 2010) sur un poste de Moniteur Educateur au sein de l'institut Médico-Educatif / SAVI que le salarié a accepté par lettre du 16 septembre 2010.

C'est donc en l'état de cette situation que l'affaire a été examinée à l'audience du 5 janvier 2011.

Sur la discrimination alléguée et les demandes de Monsieur [X]

En application des dispositions de l'article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, de qualification, de classification, de promotion professionnelle.

Il n'est pas contesté qu'aux termes d'un avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002 la convention collective de la FEHAP (Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés) à laquelle le salarié était soumis, un complément de rémunération égal à 32 points a été prévu pour les moniteurs d'atelier titulaires d'un diplôme de niveau Bac + 2 et au-delà.

Monsieur [X], qui justifie être titulaire d'un diplôme d'ingénieur agronome turc obtenu le 15 juillet 1987, prétend avoir droit à ce complément de rémunération depuis le 1er juillet 2003 et sollicite :

- une somme de 12052,80 euros à titre de rappel de salaire correspondant au complément de rémunération de 32 points pour la période du 1er juillet 2003 au 1er septembre 2010,

- 1205,28 euros au titre des congés payés afférents,

la fixation du salaire de référence à la somme mensuelle de 2497,91 euros bruts.

Il soutient qu'au regard de la réponse du Centre International d'Etudes Pédagogiques (CIEP) organisme sollicité par son employeur, il appartenait à ce dernier d'apprécier si le diplôme qu'il présentait consacrait bien les connaissances et aptitudes correspondant à son poste de moniteur d'atelier.

Monsieur [X] prétend quant à lui rapporter la preuve de son niveau d'étude par une attestation délivrée le 5 juin 2009 par le Ministère de l'agriculture et de la pêche (à même d'apprécier son diplôme d'ingénieur agronome), selon laquelle son diplôme d'ingénieur agronome turc sanctionnait quatre années d'études supérieures dans le système éducatif turc; que dans le système éducatif français, les diplômes sanctionnant 4 années d'études après le baccalauréat relevaient du niveau II de la nomenclature des niveaux de formation, c'est à dire d'un niveau comparable à celui de la licence ou de la maîtrise. Il estime donc rapporter la preuve que son diplôme d'ingénieur agronome turc était supérieur à BAC + 2.

La MUTUALITE DE LA FONCTION PUBLIQUE (MFP) demande la confirmation du jugement entrepris en soutenant que Monsieur [X] ne démontre pas être titulaire d'un diplôme étranger équivalent à BAC + 2 en France et à titre subsidiaire de le débouter de sa demande pour la période postérieure au 17 septembre 2010.

La MFP prétend, au vu de la réponse du CIEP, que pour apprécier si le diplôme de Monsieur [X] est équivalent à Bac + 2, il lui appartient de solliciter un établissement d'enseignement supérieur français, lequel sur proposition d'une commission pédagogique, déterminera son niveau d'admission et par conséquent son niveau d'études en France. Elle soutient que l'attestation de reconnaissance de niveau d'études délivrée jusqu'au 31 août 2009 par le Centre ENIC-NARIC FRANCE ou le Ministère de l'Agriculture pour la filière agricole ou par les rectorats jusqu'au 31 décembre 2007, n'établissait que le niveau atteint dans le système éducatif étranger auquel le diplôme appartenait, mais qu'il n'effectuait pas de comparaison avec le système éducatif français. La MFP indique que depuis 2009, l'attestation de comparabilité délivrée pour un diplôme obtenu à l'étranger n'est pas une équivalence; que ce document ne peut servir de fondement à la demande de Monsieur [X].

La question qui se pose en l'espèce est de savoir si le diplôme d'ingénieur agronome obtenu par Monsieur [X] en Turquie lui permettait de bénéficier du complément de rémunération de 32 points accordé aux moniteurs d'atelier titulaire d'un diplôme de niveau BAC + 2 et au-delà.

Il ressort de la lettre du Centre International d'Etudes Pédagogiques (CIEP) du 27 avril 2008 abritant le Centre d'information sur la reconnaissance des diplômes ERIC NARIC (European Network of Information Centres- National Academic Recognition Information Centres) qu'une attestation de reconnaissance de niveau d'études pour son diplôme obtenu à l'étranger a été délivré à Monsieur [X] en ces termes :

« Nous attestons au vu des pièces qui nous ont été présentées, que le diplôme « Lisans Diplomasi » « spécialité Ingénieur en Agronomie », délivré le 15 juillet 1987 par la Faculté d'Agronomie de l'Université de [6] (Turquie) sanctionne quatre années d'études supérieures dans le système éducatif turc.

Ce diplôme permet à son détenteur en Turquie de poursuivre ses études supérieures ou de travailler dans le domaine de l'agronomie »

L'auteur de cette lettre apportait à Monsieur [X] les précisions suivantes:

« Je vous informe qu'il n'existe pas de principe juridique d'équivalence entre les titres et les diplômes obtenus à l'étranger et les diplômes français délivrés par le ministère de l'Education nationale, et par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

En ce qui concerne la reconnaissance professionnelle de diplômes étrangers, il appartient aux employeurs ou à l'administration organisatrice d'un concours d'apprécier si les titres présentés consacrent les connaissances appropriées à l'emploi postulé.

Si vous désirez poursuivre des études dans un établissement d'enseignement supérieur français, vous pouvez, sur présentation du ou des diplômes étrangers que vous possédez, demander une dispense d'études auprès de l'établissement dans lequel vous souhaiteriez préparer un diplôme français. Le Président de l'université ou le directeur de l'établissement concerné déterminera votre niveau d'admission sur proposition d'une commission pédagogique. (') Cette dispense est destinée à vous permettre de conserver tout ou partie de vos acquis antérieurs. »

Monsieur [X] justifie avoir obtenu du Service de l'Enseignement Technique du Ministère de l'agriculture et de la pêche une « attestation de niveau d'études » datée du 5 juin 2009 ainsi libellée:

« je certifie au vu des pièces qui m'ont été présentées, que le :

Diplôme d'ingénieur agronome

délivré le 15 juillet 1987 par l'Université de [6] en Turquie à Monsieur [M] [X], né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 7] en Turquie et qui a obtenu la nationalité française par décret du 30 août 1996 avec l'autorisation légale de prendre le nom de [Z] [X], sanctionne 4 années d'études supérieures dans le système éducatif turc.

Dans le système éducatif français, les diplômes sanctionnant 4 années d'études après le baccalauréat relèvent du niveau II de la nomenclature des niveaux de formation de 1969.

La présente attestation est délivrée pour servir et valoir ce que de droit. »

Contrairement à ce que soutient la MFP, il n'est pas demandé à Monsieur [X] de présenter un diplôme d'ingénieur agronome équivalent au diplôme français, pour prétendre au complément de rémunération, mais un diplôme sanctionnant un niveau d'études de plus de deux ans après le baccalauréat.

En l'espèce, au vu des attestations délivrées tant par le CIEP que par le Ministère de l'agriculture et de la pêche, Monsieur [X] rapporte la preuve qu'il est bien titulaire d'un tel diplôme puisqu'il bénéficie d'un titre sanctionnant quatre années d'études supérieures. Faute par la MFP de prouver le contraire, les attestations fournies par l'appelant seront déclarées suffisantes pour lui ouvrir le droit au bénéfice du complément de rémunération de 32 points prévu par la convention collective.

Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée et de condamner la MFP à payer à Monsieur [Z] [X] la somme de 12052,80 euros à titre de rappel de salaire correspondant au complément de rémunération de 32 points qu'il aurait dû percevoir pour la période du 1er juillet 2003 au 1er septembre 2010, cette somme n'étant pas contestée dans son montant. La MFP sera en outre condamnée à lui verser la somme de 1205,28 euros correspondant aux congés payés afférents, le salaire mensuel de référence incluant la prime de 32 points étant quant à lui fixé à 2497,91 euros.

La MFP sera par ailleurs condamnée à délivrer à Monsieur [X] des bulletins de paie conformes à cette situation.

Sur la demande d'annulation de la sanction disciplinaire.

Il ressort des pièces produites que par lettre recommandée AR du 30 octobre 2009, Monsieur [X] s'est vu notifier une mise à pied de trois jours avec retenue sur salaire correspondant à ces trois jours, pour avoir passé directement passé une commande de 12 orchidées auprès des établissements [V], fournisseur du Centre de la Gabrielle et des les avoir fait livrer au « JARDILAND [Localité 9] ». Il a été reproché au salarié de n'avoir pas respecté les procédures en la matière en passant directement une commande auprès d'un fournisseur, d'avoir dissimulé les faits, d'avoir fait une tentative d'escroquerie en faisant livrer ces fleurs ailleurs qu'à l'adresse habituelle sans préciser qu'il s'agissait d'une commande personnelle à facturer comme telle, et d'avoir menti en prétendant le contraire.

En l'espèce, Monsieur [X] indique avoir voulu acheter le 14 septembre 2009 des fleurs pour un ami à l'occasion d'un mariage, mais il conteste la dissimulation, le mensonge et la tentative d'escroquerie qui lui sont reprochés. Il prétend avoir signalé au fournisseur qu'il s'agissait d'une commande personnelle et soutient que celui-ci s'est trompé au moment de la facturation.

Il n'est pas contesté que le salarié avait le droit de bénéficier à titre personnel auprès des fournisseurs de la structure de tarifs préférentiels (réduction de 60%) pour des commandes personnelles. Par ailleurs, le Centre de La Gabrielle avait formellement demandé aux Etablissements [V] par lettre du 23 avril 2009 de refuser toute demande non accompagnée d'un bon de commande émanant de la structure.

Selon les pièces versées aux débats, les Etablissements [V] (établissement horticole) ont adressé au Centre de la Gabrielle une facture du 16 septembre 2009 d'un montant de 132,09 euros afin d'obtenir le règlement de 12 orchidées dont la livraison avait été effectuée, non pas à l'adresse du Centre, mais au « JARDILAND [Localité 9] ». Cette facture ne faisait référence à aucun bon de commande émanant de la structure (ESAT du Centre de la Gabrielle). A la suite du refus du centre d'acquitter la facture, les fleurs ont été restituées par Monsieur [X] aux Établissements [V], lesquels ont alors délivré un avoir au Centre La Gabrielle correspondant au montant de la facture.

La MFP-Centre de La Gabrielle verse aux débats un courriel des établissements [V] du 15 octobre 2009 précisant ceci :

«  Suite à la demande de Monsieur [Z] [X], nous avons déposé une commande d'orchidées phalaenopsis d'une valeur de 125,20 euros HT chez notre client « Jardiland » de [Localité 8] afin d'éviter à Monsieur [X] de venir chercher chez nous et ainsi de faire un grand déplacement pour une petite commande.

C'est donc avec plaisir que nous et notre client « Jardiland » lui avons rendu ce service, et nous avons donc naturellement facturé cette commande comme d'habitude au nom du CAT La Gabrielle puisque l'on ne nous a absolument pas demandé de la faire au nom de Monsieur [X] (peut être par omission de sa part, mais certainement pas par notre volonté).

Suite à l'appel du magasin « Jardiland » à votre établissement pour vous signaler que la commande était à votre disposition, vous nous avez fait savoir que cette commande était nulle et non avenue. Nous avons récupéré cette marchandise par les soins de M.[X] et avons établi l'avoir en conséquence. »

Si ces éléments établissent bien que la demande de livraison de fleurs litigieuse n'a pas été effectuée selon les procédures prescrites (absence de bon de commande émanant de la structure, livraison à une adresse autre que celle de l'établissement), et que le salarié a omis de préciser qu'il s'agissait d'une commande personnelle, en revanche le Centre de la Gabrielle ne rapporte pas la preuve d'une tentative d'escroquerie de la part du salarié ayant pour objet de faire payer par le centre, une commande personnelle.

L'employeur n'a jamais proposé à Monsieur [X] d'acquitter la facture litigieuse, alors que ce dernier a toujours affirmé qu'il s'agissait d'une commande personnelle.

Dans ces circonstances, si Monsieur [X] a bien omis de respecter les procédures prescrites même pour une commande dont il était personnellement bénéficiaire, la sanction de trois jours de mise à pied se révèle disproportionnée au regard de la faute réellement commise et de l'absence d'antécédents disciplinaires chez un salarié ayant 19 ans d'ancienneté. Il y a donc lieu d'annuler la mise à pied de trois jours notifiée par lettre du 30 octobre 2009 et d'ordonner à la MFP de verser à Monsieur [X] les salaires correspondant à ces trois jours, soit la somme de 220, 40 euros, outre 22,04 euros au titre des congés payés afférents. La MFP devra par ailleurs délivrer au salarié un bulletin de salaire rectificatif.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du Code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel .

En cas de litige relatif à l'application de l'article L 1152-1, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles .

Monsieur [X] soutient qu'il a été victime de harcèlement moral et réclame à ce titre une somme de 29974,92 euros à titre de dommages et intérêts. Il prétend que ce harcèlement s'est manifesté notamment par un refus injuste de son employeur de lui accorder le bénéfice de la convention collective, par une dégradation progressive de ses conditions de travail selon lui consécutive à ses dénonciations sur la maltraitance et les violences régnant au sein de l'établissement, par un accroissement de ses tâches (prise en charge des chantiers Espaces Verts), par une sanction injustifiée et un traitement différentiel lors de la notification de sa mise à pieds de trois jours. Il affirme que l'ensemble des pressions subies ont gravement altéré sa santé et qu'il a fait l'objet d'arrêts de travail successifs depuis le 14 décembre 2009, ayant finalement abouti à une décision d'inaptitude.

Il ressort des pièces produites que s'il est incontestable que les conditions de travail de Monsieur [X] se sont largement dégradées (dégradation notamment des locaux et de la serre dans laquelle il exerçait son activité) cette dégradation est plus le résultat d'une absence de moyens financiers et de pénurie budgétaire que d'une volonté délibérée de la Direction de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

La MFP rapporte en effet la preuve qu'elle a toujours pris en compte les plaintes de Monsieur [X] (allégation de maltraitance, violences verbales, insultes); qu'elle a répondu aux délégués du personnel à ce sujet, et fait diligenter les enquêtes nécessaires, fait les rappels indispensables pour les faire cesser.

S'il est exact qu'un long désaccord a opposé les parties sur l'interprétation de la convention collective pour l'octroi du complément de rémunération lié au diplôme, il n'est pas établi que la résistance de l'employeur était destinée à porter atteinte à la dignité ou à la santé de Monsieur [X].

De même il ne peut être soutenu que la sanction disciplinaire infligée au salarié pour la commande d'orchidées participait de cette même démarche.

Quant à l'altération réelle de la santé du salarié consécutive à une dépression en relation avec un stress professionnel, il ne résulte nullement des pièces produites par le salarié que des faits de harcèlement moral en soient à l'origine.

Dans ces conditions, Monsieur [X] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

La MFP-CENTRE DE LA GABRIELLE qui succombe supportera les dépens et indemnisera Monsieur [X] des frais exposés par lui en appel à hauteur de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la MUTUALITE FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE à payer à Monsieur [Z] [X] les sommes de :

- 12052,80 euros à titre de rappel de salaire correspondant au complément de rémunération qu'il aurait dû percevoir pour la période du 1er juillet 2003 au 1er septembre 2010,

- 1205,28 euros au titre des congés payés afférents,

Fixe le salaire mensuel de référence incluant la prime de 32 points à la somme de 2497,91 euros,

Annule la mise à pied disciplinaire de trois jours notifiée par lettre du 30 octobre 2009,

Condamne la MUTUALITE FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE à payer à Monsieur [Z] [X] la somme de 220,40 euros correspondant aux salaires retenus au titre de cette mise à pied , outre 22,04 euros au titre des congés payés afférents,

Ordonne à la MUTUALITE FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE de délivrer à Monsieur [Z] [X] des bulletins de paie conformes à la présente décision,

Condamne la MUTUALITE FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE à payer à Monsieur [Z] [X] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Condamne la MUTUALITE FONCTION PUBLIQUE-CENTRE DE LA GABRIELLE aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/04731
Date de la décision : 16/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°09/04731 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-16;09.04731 ?
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