Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 16 FEVRIER 2011
(n° 50 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/08727
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Janvier 2008
Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 05/063513
APPELANTE
LA SCA LE GOUESSANT
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 8]
[Adresse 6]
[Localité 2]
représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour
assistée de Me DEPASSE Jean-Pierre, avocat au barreau de RENNES
plaidant pour la SCP DEPASSE, avocat
INTIMEES
SA CEVA SANTE ANIMALE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour
ayant pour conseil Me FRIBOURG, avocat au barreau de LIBOURNE
dépôt de dossier
S.A.S. AJINOMOTO EUROLYSINE enseigne EUROLYSINE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués à la Cour
assistée de Me MICHOT Delphine et BERTROU Grégoire, avocats au barreau de PARIS toque J21, plaidant pour la LLP CLEARY-GOTTLIEB-STEEN-HAMILTON
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 janvier 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur LE FEVRE, président et Monsieur VERT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. LE FEVRE, président de chambre, président
M.ROCHE, président de chambre
M.VERT, conseiller
Greffier lors des débats : Mme CHOLLET
ARRET
- contradictoire
- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.
LA COUR,
Vu le jugement du 22 janvier 2008 du Tribunal de Commerce de Paris qui a débouté la société COOPERATIVE LE GOUESSANT de ses demandes, notamment de dommages et intérêts, formulées à l'encontre de la SAS AJINOMOTO EUROLYSINE , fondées sur des pratiques d'entente anticoncurrentielle reconnues par décision de la commission des Communautés Européennes du 7 juin 2000, pour défaut de preuve d'un préjudice en lien de causalité avec la faute, et a accordé 2 500 € à la SA CEVA SANTE ANIMALE fournisseur de LYSINE de la COOPERATIVE LE GOUESSANT, se fournissant elle-même auprès d'AJINOMOTO , mise en cause mais à laquelle rien n'était demandé ;
Vu le jugement du même jour du même Tribunal qui, statuant dans un litige analogue concernant la SAS SOCIETE FRANCAISE D'ALIMENTS ci-après SOFRAL demandeur en dommages et intérêts à l'encontre de la société AJINOMOTO EUROLYSINE, l'a déboutée de ses demandes et accordé à CELVA SANTE ANIMALE 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les appels respectifs des sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL ;
Vu les conclusions du 30 décembre 2010 de la société COOPERATIVE AGRICOLE le GOUESSANT qui demande à la Cour de réformer le jugement la concernant, condamner la société AJINOMOTO EUROLYSINE à lui payer les sommes de 267 722€ HT 'pour les sommes payées à l'excès' 128 700,42 € 'en raison du retard dans le paiement' ;
12 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, lui donner acte de ce que la facturation est réservée ;
Vu les conclusions du 7 décembre 2010, de la société AJINOMOTO EUROLYSINE qui demande à la Cour de constater que les demandes de la COOPERATIVE LE GOUESSANT sont irrecevables pour défaut de démonstration d'un intérêt à agir, à tout le moins mal fondées pour défaut de démonstration d'un préjudice lié aux pratiques sanctionnées par la Commission Européenne ; confirmer le jugement ; débouter la COPPERATIVE LE GOUESSANT ; la condamner à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions du 14 décembre 2010 de la société SOFRAL qui demande à la Cour d'infirmer le jugement la concernant, condamner AJINOMOTO EUROLYSINE à lui payer 59 859 € HT pour les sommes payées à l'excès ; 24 735, 48 € en raison du retard dans le paiement, 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, lui donner acte de ce que la facturation de la TVA est réservée ;
Vu les conclusions du 6 décembre 2010 de la société AJINOMOTO EUROLYSINE qui fait les mêmes demandes à l'encontre de la société SOFRAL qu'à l'encontre de la COOPERATIVE LE GOUESSANT ;
Vu les conclusions de la société CEVA SANTE ANIMALE du 7 septembre 2010 dans l'affaire n° 08/8727 dans laquelle la société COOPERATIVE LE GOUESSANT est appelante et du 22 septembre 2010 dans l'affaire n° 08-08734, par lesquelles elle demande sa mise hors de cause respectivement dans les deux affaires et réclame chaque fois 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Considérant que les litiges étant fondés sur des mêmes faits et les argumentations des parties ayant le même fondement juridique, la Cour estime de bonne administration de la justice de joindre les causes instruites sous les numéros 08-727 et 08-734 du rôle général de la Cour et de statuer par un seul arrêt ;
Considérant que les appelantes ont intimé la société CEVA mais ne lui reprochent aucune faute et ne formulent pas de demande à son encontre ; qu'il y a lieu de la mettre hors de cause ; qu'il est équitable de lui accorder 1 500 € pour ses frais irrépétibles d'appel ;
Considérant que la société CEVA est ou était le fournisseur d' EUROLYSINE des sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL, AJINOMOTO EUROLYSINE étant elle-même son fournisseur ; qu'AJINOMOTO EUROLYSINE a fait l'objet de condamnation à une amende ainsi que d'autres sociétés productrices de LYSINE par décision du 7 juin 2000 de la commission des Communautés Européennes pour pratiques d'ententes anticoncurrentielles ; que les sociétés COOPERATIVES LE GOUESSANT et SOFRAL soutiennent que ces pratiques leur ont causé préjudice en raison des surcoûts qu'elles ont générés ;
Mais considérant que la société AJINOMOTO EUROLYSINE fait justement valoir qu'une action en dommages et intérêts fondée sur une décision des autorités de concurrence communautaire est soumise aux conditions prévues par le droit interne de l'Etat dans lequel l'action est introduite et qu'il appartient aux sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL de démontrer qu'elles ont subi un préjudice personnel résultant directement des pratiques sanctionnées par la Commission Européenne ; qu'il n'y a pas de préjudice si les surcoûts éventuels ont été répercutés sur les prix des produits auprès des clients des sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL ; que la répercussion des coûts est la pratique commerciale habituelle et normale ; que le droit de la concurrence et la sanction des pratiques anticoncurrentielles ont d'ailleurs pour finalité principale la protection du consommateur ;
Considérant que les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL se réfèrent essentiellement à des notes de M. [G] [K], professeur à l'Ecole [7] de Rennes, expert près la Cour d'Appel de Rennes, qui a établi une note sur l'évaluation du préjudice de chacune des sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL et des notes complémentaires en réponse à une note de M. [I] [O] , chargé de recherche au CNRS et enseignant à l'Ecole normale supérieure, qui concluait après 'une analyse économétrique rigoureuse du prix de la lysine entre 1990 et 1991' que les estimations effectuées par lui indiquaient que l'entente n'avait eu 'aucun impact statistiquement identifiable sur le prix de la lysine payé par les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL' ;
Considérant que M. [K], comme d'ailleurs M. [O], se livrent à des appréciations générales, théoriques et abstraites plutôt qu'à des analyses concrètes des prix effectivement pratiqués ; qu'il calcule les préjudices à partir de diverses hypothèses après avoir affirmé que ' le choix d'évaluer l'impact de l'entente en utilisant les prix facturés par AJONOMOTO à ses fournisseurs est pertinent d'autant qu'il permet d'utiliser les données non contestables publiées dans la décision de la commission' ; qu'il déclare de manière dubitative qu'il est ' raisonnable de penser'que la hausse des prix s'est répercutée sur tous les produits contenant de la lysine industrielle ; que cette phrase a été répétée dans les notes en réponse à celle de M. [O] ; que dans ces notes en réponse M. [K] déclare qu'en raison du caractère concurrentiel du marché 'il n'est guère possible de répercuter sur les prix de vente une forte hausse du prix de l'aliment' et qu'il n'est pas possible, non plus, de répercuter la hausse du prix de l'aliment ; mais que ceci n'est pas démontré ; que précisément, le caractère concurrentiel des marchés a été faussé par l'entente; que la Cour ne peut faire sienne la conclusion de M. [K] selon laquelle les sociétés appelantes ont été confrontées à une hausse de prix d'approvisionnement sans pouvoir en répercuter les effets sur leurs clients, cette affirmation n'étant pas suffisamment étayée par des éléments concrets de démonstration; que la perte de compétitivité, faute de comparaisons concrètes et fiables des prix des divers fournisseurs et distributeurs de produits contenant de la lysine, n'est pas plus démontrée;
Considérant qu'en définitive, il résulte de ce qui précède et des motifs non contraires du Tribunal que les sociétés COOPERATIVE LE GOUESSANT et SOFRAL ne font pas suffisamment la preuve, qui leur incombe, du principe ni du montant de leur préjudice ;
Considérant qu'eu égard aux circonstances particulières du litige telles qu'elles résultent des jugements susvisés et du présent arrêt il est équitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles et dépens d'appel qu'elles ont engagées ;
PAR CES MOTIFS
Joint les causes n° 08/08727 et n° 08/08734 du rôle général de la Cour.
Met la société CEVA SANTE ANIMALE hors de cause.
Condamne les sociétés COOPERATIVES LE GOUESSANT ET SOFRAL IN SOLIDUM à payer à la société CEVA SANTE ANIMALE la somme supplémentaire de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirme les jugements entrepris.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Laisse à chacune d'elles les dépens d'appel qu'elles ont engagés, sauf ceux engagés par CEVA qui sont à la charge de COOPERATIVES LE GOUESSANT et SOFRAL in solidum et seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile..
LE GREFFIER LE PRESIDENT