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15/02/2011 | FRANCE | N°10/09473

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 15 février 2011, 10/09473


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1- Chambre 3
ARRET DU 15 FEVRIER 2011
(no 111, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09473
sur saisine après cassation d'un arrêt rendu le 19 mars 2009 par la cour d'appel de PARIS sur appel d'une ordonnance du 19 Décembre 2007 du Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 08372

APPELANTS ET DEMANDEURS A LA SAISINE
SELARL DOCTEUR DOMINIQUE X...,... 75016 PARIS

Monsieur Dominique X...,... 75016 PARIS
r>représentés par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistés de Me Jean-françois JESUS, avocat a...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1- Chambre 3
ARRET DU 15 FEVRIER 2011
(no 111, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09473
sur saisine après cassation d'un arrêt rendu le 19 mars 2009 par la cour d'appel de PARIS sur appel d'une ordonnance du 19 Décembre 2007 du Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 08372

APPELANTS ET DEMANDEURS A LA SAISINE
SELARL DOCTEUR DOMINIQUE X...,... 75016 PARIS

Monsieur Dominique X...,... 75016 PARIS

représentés par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistés de Me Jean-françois JESUS, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, toque : 445
INTIMES ET DEFENDEURS A LA SAISINE
S. A. à conseil d'administration AUFEMININ. COM prise en la personne de ses représentants légaux, 78 avenue des Champs Elysées 75008 PARIS
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me Eric ANDRIEU de la SCP DEFLERS ANDRIEU ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

Madame Sylvie Y...,... 75019 PARIS
représenté par la SCP BASKAL CHALUT-NATAL, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 18 Janvier 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Joëlle BOURQUARD, Président de chambre Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Véronique COUVET

ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mme Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier.
Se plaignant au visa des articles 23, 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 de propos diffusés sur le forum de discussion du site internet « aufeminin. com » qu'ils considèrent diffamatoires et injurieux à leur égard, M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ont fait assigner, le 14 juin 2007, Mme Sylvie Y... et la SA AUFEMININ COM devant la tribunal de grande instance de Paris.
Par ordonnance du 19 décembre 2007, le juge de la mise en état a dit nulle l'assignation délivrée le 14 juin 2007, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... aux dépens.
Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ont interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 19 mars 2009, la 11ème chambre section B de la cour d'appel de Paris a confirmé cette ordonnance et condamné in solidum M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... à payer la somme de 1 500 euros à la SA AUFEMININ COM et la somme de 1 500 euros à Mme Sylvie Y... en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La cour d'appel a considéré que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, applicable aux instances civiles, impose, à peine de nullité, que l'assignation précise et qualifie les faits incriminés et indique le texte de loi applicable, de telle sorte, notamment, que le défendeur puisse savoir quels passages sont considérés par le demandeur comme injurieux ou diffamatoires et puisse, le cas échéant, organiser sa défense et faire une offre de preuve de la vérité des faits diffamatoires dans le délai légal de dix jours, qu'il résultait de la lecture de l'assignation que des propos identiques étaient poursuivis sous le double qualification de diffamation et d'injure, que si des propos présentant de telles similitudes peuvent, certes, revêtir une qualification distincte en fonction du contexte dans lequel ils s'insèrent et de leur « localisation » encore faut-il que l'assignation qualifie les faits incriminés et permette au défendeur de faire la distinction et de savoir en quoi les passages similaires sont susceptibles de caractériser soit l'imputation de faits précis et contraires à l'honneur ou à la considération soit des injures et qu'à défaut, comme en l'espèce, il en résulte une incertitude contraire aux exigences de la loi sur la presse et aux droits de la défense.
M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.
Par arrêt en date du 8 avril 2010, la cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 mars 2009 et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée au motif qu'en statuant ainsi quand satisfait aux prescriptions du texte précité la citation qui indique exactement au défendeur les faits et les infractions qui lui sont reprochés, et le met en mesure de préparer utilement sa défense sans qu'il soit nécessaire que la citation précise ceux des faits qui constitueraient des injures, et ceux qui constitueraient des diffamations, la cour d'appel a violé ce texte.
Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ont saisi, le 15 avril 2010, la cour de renvoi.
Par conclusions déposées le 1er décembre 2010, ils demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, de dire et juger que l'assignation est régulière, de rejeter les exceptions de nullité soulevées par Mme Sylvie Y... et la SA AUFEMININ COM, de leur donner acte de ce qu'ils se réservent de conclure sur le fond, notamment sur les moyens développés par Mme Sylvie Y... dans ses conclusions signifiées le 1er octobre 2007 et de condamner les intimées à payer solidairement à chaque appelant la somme de 1 500 euros application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 19 octobre 2010, la SA AUFEMININ COM demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise, de prononcer en conséquence la nullité de l'assignation, de constater la prescription de l'action, de condamner M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... in solidum à lui payer chacun la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et d'ordonner l'exécution provisoire.
Aux termes de ses conclusions déposées le 7 décembre 2010, Mme Sylvie Y... sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation de M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... au paiement de la somme de 5 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant que postérieurement à l'ordonnance de clôture rendue le 11 janvier 2011, M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ont déposé, le 14 janvier 2011, de nouvelles conclusions « afin d'interrompre le prescription », lesquelles seront rejetées d'office en application des articles 783 et 910 du code de procédure civile ;
Considérant que M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... font valoir que dans le corps principal de l'assignation sont distingués clairement d'une part les propos poursuivis sous la qualification de diffamation et d'autre part ceux relevant de l'injure, qu'un seul passage est indiqué comme constitutif de diffamation puis d'injure, que des passages non identiques à la fois dans leur rédaction mais surtout dans leur localisation dans les écrits incriminés sont différents et ne peuvent par définition être doublement qualifiés et que la double qualification d'un fait n'impliquerait, à supposer l'atteinte aux droits de la défense avérée, que la nullité de l'assignation limitée à celui-ci et non en son entier ;
Considérant que la SA AUFEMININ COM répond qu'il est impossible de poursuivre un fait unique sous une double qualification sans que soit créé dans l'esprit de prévenus une incertitude préjudiciable aux droits de la défense, que la solution de l'arrêt de la cour de cassation est critiquable et ne doit pas être suivie par la cour de renvoi, qu'en permettant aux demandeurs de ne pas spécifier quels propos relèveraient de la diffamation de ceux relevant de l'injure, elle met à néant la possibilité pour le défendeur d'articuler une offre de preuves puisqu'il ne sait pas avec certitude quelles allégations il doit prouver, qu'elle remet en cause l'uniformisation des procédures civiles et pénales en matière de presse initiée depuis plus de quinze ans, qu'en l'espèce, les demandeurs poursuivent non pas des faits distincts mais des faits identiques sous des qualifications différentes et que la constatation d'un grief emporte nullité de l'acte en son entier ;
Considérant que Mme Sylvie Y... soutient de son côté que les faits ne sont pas qualifiés avec précision puisque les mêmes propos se retrouvent tant dans le paragraphe consacré à la diffamation que dans celui de l'injure, que les demandeurs ont choisi la facilité en s'abstenant de qualifier les propos litigieux et en laissant au juge le choix de la qualification juridique, que la cour de cassation est allée à l'encontre de la volonté du législateur en validant l'assignation, que cela entrave ses droits de la défense dans la mesure où même en prouvant la véracité des propos et en échappant ainsi à la condamnation pour diffamation, elle peut être condamnée pour les mêmes propos au titre de l'injure, que des propos ne peuvent être à la fois diffamatoires et injurieux, qu'ils ne peuvent à la fois imputer la commission de faits précis et ne renfermer l'imputation d'aucun fait et que non seulement l'assignation ne respecte pas les formes imposées par la loi du 29 juillet 1881 mais contrevient également à l'article 6-3 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, à peine de nullité de la poursuite, la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé et indiquer le texte de loi applicable à la poursuite ; que ce formalisme est applicable aux instances civiles ; qu'il a pour finalité de permettre au défendeur de savoir quels sont les faits qui lui sont reprochés et leur qualification et de choisir les moyens de sa défense, lesquels ne sont pas identiques suivant la qualification, l'article 55 l'autorisant à prouver la vérité des faits diffamatoires dans le délai légal de dix jours ; qu'un même fait ne peut dès lors être poursuivi cumulativement ou alternativement sous la double qualification d'injure et de diffamation ; que la citation doit préciser, en conséquence, ceux des faits qui constitueraient des injures et ceux qui constitueraient une diffamation ;
Considérant, en l'espèce, qu'il résulte de l'assignation en date du 14 juin 2007 que les propos « je dénonce les pratiques commerciales malhonnêtes... » et « il faut mettre fin à ces abus commerciaux qui ne sont pas dignes d'un médecin qui n'est autre qu'un BUSINESS MAN » sont poursuivis comme diffamation page 7 et 8 et comme injure page 9, que l'expression «... ... : à fuir ! ! ! ! ! ! » est poursuivie comme diffamation page 8 alors que celle « ... : des voleurs à fuir ! ! !... » l'est comme injure page 9 et qu'il en est de même du propos « rentabilisation business maximum » qualifié de diffamatoire page 8 et « USINE à FRIC et RENTABILITE BUSINESS MAXIMUM » qualifié d'injure dans la même page ;
Considérant qu'il s'en suit que des propos identiques ou quasiment identiques, mêmes figurant pour certains dans des commentaires publiés à des dates distinctes, se trouvent poursuivis sous deux qualifications différentes ; que ce cumul de qualifications est de nature à créer une incertitude pour les défenderesses préjudiciable à leur défense ; que l'assignation ne répond dès lors pas aux exigences de l'article 53 susvisé ; que ce vice affecte la validité de l'acte en son entier ; que l'ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée en ce qu'elle a prononcé son annulation ;
Considérant que M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... qui succombent supporteront les entiers dépens et verseront à la SA AUFEMININ COM et à Mme Sylvie Y... l'indemnité dont le montant est précisé au dispositif du présent arrêt au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Rejette les conclusions déposées, le 14 janvier 2011, par M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... ;
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a annulé l'assignation du 14 juin 2007 ;
Condamne M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... à payer, au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 (trois mille) euros à la SA AUFEMININ COM et celle de 3 000 (trois mille) euros à Mme Sylvie Y... ;
Condamne M. Dominique X... et la société Docteur Dominique X... aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit des avoués concernés en application de l'article 699 du code de procédure civile ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/09473
Date de la décision : 15/02/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2011-02-15;10.09473 ?
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