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15/02/2011 | FRANCE | N°10/07648

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 15 février 2011, 10/07648


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 15 février 2011



(n° 21 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07648



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section encadrement - RG n° 08/00293





APPELANT



M. [V] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Olivier PLACKTOR, avocat au barr

eau de PARIS, toque : R O67





INTIMÉE



Société KEPLER CAPITAL MARKETS

venant aux droits de la société LANDSBANKI KEPLER

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Martine ASSAYAG, av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 15 février 2011

(n° 21 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07648

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 26 novembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Paris - section encadrement - RG n° 08/00293

APPELANT

M. [V] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Olivier PLACKTOR, avocat au barreau de PARIS, toque : R O67

INTIMÉE

Société KEPLER CAPITAL MARKETS

venant aux droits de la société LANDSBANKI KEPLER

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Martine ASSAYAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0087

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:

Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente

Mme Michèle MARTINEZ, conseillère

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère

Greffier : Madame FOULON, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Elisabeth PANTHOU-RENARD, présidente, et par M. Eddy VITALIS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

La société Kepler Capital Markets, venant aux droits de la société Landsbanki Kepler, est une entreprise d'investissement dont l'activité régulière consiste à fournir à des tiers à titre professionnel des services d'investissement.

M. [V] [W] a été engagé par la société Kepler Capital Markets, par contrat à durée indéterminée à compter du 18 mai 2006, en qualité de directeur, responsable de secteur, moyennant une rémunération brute mensuelle de 19 166,67 €.

Le 11 janvier 2008, M. [W] a été convoqué pour le 16 janvier à un entretien préalable à son éventuel licenciement. Par courrier du 25 janvier 2008, son licenciement pour faute grave lui a été notifié.

La société Kepler Capital Markets emploie plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la convention collective de la bourse.

Estimant avoir fait l'objet dès le 27 décembre 2007 d'un licenciement verbal injustifié,

M. [W] a saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu à obtenir le paiement, d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité pour non respect de la procédure, d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, outre la remise des documents sociaux conformes, les intérêts au taux légal, une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'exécution provisoire de droit. A titre reconventionnel, la société Kepler Capital Markets a réclamé une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 26 novembre 2008, le conseil des Prud'Hommes, faisant partiellement droit à la demande de M. [W], et requalifiant la faute grave en cause réelle et sérieuse, a condamné la société Kepler Capital Markets à payer à M. [W] les sommes suivantes :

- 57 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 5 750 € au titre des congés payés afférents,

- 15 438 € à titre d' indemnité de licenciement,

avec exécution provisoire de droit, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation.

- 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil des Prud'Hommes a débouté M. [W] pour le surplus, ainsi que la société Kepler Capital Markets en sa demande reconventionnelle.

M. [W] a régulièrement fait appel de cette décision dont il sollicite la confirmation partielle s'agissant de ses dispositions lui ayant fait droit. Pour le surplus, faisant valoir avoir fait l'objet d'un licenciement verbal, suivi d'une tentative de régularisation, il conclut à l'infirmation du jugement déféré.

Il demande à la cour de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la société Kepler Capital Markets à lui payer les sommes suivantes :

- 57 500,01 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 5 750 € au titre des congés payés afférents,

- 15 438 € à titre d' indemnité de licenciement,

- 38 400 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,

- 230 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 38 400 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,

Il demande, en outre, la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, et une somme de 5 000 € à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Kepler Capital Markets, formant un appel incident, conclut à l'infirmation du jugement déféré, au débouté de M. [W] et à sa condamnation à lui rembourser les sommes payées au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré. Elle demande à la cour de voir juger que le licenciement prononcé repose sur une faute grave. A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement déféré et la condamnation de

M. [W] à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 13 décembre 2008, reprises et complétées lors de l'audience.

Motivation

- sur le licenciement verbal

M. [W] qui allègue d'un licenciement verbal daté du 27 décembre produit aux débats des éléments qu'il estime en constituer la preuve.

La société Kepler Capital Markets qui conteste avoir licencié verbalement M. [W] estime en outre que les éléments que celui-ci produit aux débats sont dénués de force probante.

M. [W] produit au soutien du licenciement verbal allégué les éléments suivants :

- un projet de protocole transactionnel en date du 2 janvier 2008 réglant les conséquences financières du licenciement de M. [W] intervenu, selon ce document, à la date du

14 décembre 2007. Ce projet prévoit le paiement d'une somme de 43 183,67 € au titre du salaire de décembre (du 1er au 17 décembre), d'un rappel de congés payés et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, outre une somme de 9 583,34 € à titre d'indemnité complémentaire pour le préjudice moral et professionnel. Ce protocole n'a jamais été signé par les parties.

- un mail adressé à l'adresse professionnelle de M.[W] et qui est retourné à l'envoyeur le 28 décembre 2007 au motif que M.[W] ne figure plus dans la liste des utilisateurs.

- un récépissé du conseil des Prud'Hommes de Paris attestant de sa saisine au fond, le

10 janvier 2008

- un récépissé du conseil des Prud'Hommes de Paris attestant de sa saisine en sa formation des référés, par acte du 10 janvier 2008

- un procès-verbal de constat d'huissier en date du 18 janvier 2008, par lequel celui-ci constate que M. [W] ne dispose plus de son accès au serveur de la société et qu'il n'a pu envoyer un mail à l'adresse électronique professionnelle de M. [W] .

La société Kepler Capital Markets s'étonne des prétentions de M. [W] en faisant valoir que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement bien fondé sur le grief de l'abandon de son poste par M. [W] depuis plusieurs jours. Elle soutient que:

- après avoir constaté l'absence injustifiée du salarié elle lui a adressé un courrier de convocation en date du 11 janvier 2008 à un entretien préalable à un éventuel licenciement - ce n'est qu'à la réception de cette lettre que M. [W] lui a écrit et qu'il s'est prévalu pour la première fois d'un licenciement verbal survenu le 27 décembre 2007 et ce n'est qu'à ce moment là qu'elle a appris la saisine par son salarié du conseil des Prud'Hommes

- le salarié ne s'est pas présenté à l'entretien préalable fixé au 22 janvier 2008, de sorte que son licenciement lui a été notifié par courrier du 25 janvier 2008.

Il ressort des débats et de l'examen des pièces que :

- En dépit du fait qu'il est privé de toute valeur juridique, puisqu'il n'est pas signé par les parties, le projet de protocole transactionnel témoigne de ce que les parties ont bien entendu se séparer.

Ce projet ne prévoit pas le paiement d'un préavis. Compte tenu de la rémunération élevée de M. [W] , il fixe à une somme très modique, représentant un demi mois de salaire, le montant de l'indemnité complémentaire pour le préjudice moral et professionnel. Ce protocole n'était donc pas très avantageux pour M. [W].

- il est incontestable que M. [W] a engagé sa procédure prud'homale au fond et en référé le 10 janvier 2008 à l'encontre de la société Kepler Capital Markets pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que cette société a accusé réception de sa convocation devant le conseil de prud'hommes le 14 janvier 2008, selon les documents produits.

- M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement par courrier du 11 janvier envoyé le 14 janvier et reçu le 15 janvier 2008, selon le bordereau établi par la Poste.

Il s'ensuit que dès le 10 janvier 2008, M.[W], qui a saisi le conseil des Prud'Hommes, s'est estimé avoir été licencié abusivement et qu'à la date de l'envoi de la convocation à un entretien préalable, le 14 janvier 2008, la société Kepler Capital Markets avait connaissance de cette saisine. Or la société Kepler Capital Markets a néanmoins engagé une procédure de licenciement.

Ce qui explique qu'en réponse à la convocation à l'entretien préalable, par courrier du

16 janvier 2008, M.[W] s'est étonné de la démarche de la société Kepler Capital Markets en arguant de ce que :

- son employeur avait tenté de lui imposer la signature d'un protocole transactionnel remis le 14 décembre, postdaté, mentionnant des dates fictives de procédure de licenciement ainsi qu'un motif de licenciement 'tout aussi fictif'

- son refus de signer ce protocole a conduit son employeur à le congédier verbalement le 27 décembre avec interdiction d'accès aux locaux, suppression des moyens mis à sa disposition dans le cadre du contrat de travail ( badge, accès internet, adresse e-mail....) et non paiement de son salaire du mois de décembre 2007.

- ce comportement de son employeur l'a contraint à saisir le conseil des Prud'Hommes.

La cour relève que le constat d'huissier daté du 18 janvier 2008, antérieur au prononcé du licenciement intervenu le 25 janvier, est de ce fait, pertinent. Or il ressort de ce constat qu'avant même la notification de son licenciement, M. [W] a été privé de l'accès au réseau de la société Kepler Capital Markets, qu'il n'a plus pu recevoir de mail, son nom étant radié du répertoire informatique de la société.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que les allégations de

M. [W] sont corroborés par les éléments produits aux débats, dont il résulte qu'il a été congédié verbalement avant même l'engagement par l'employeur d'une procédure de licenciement et la notification de celui-ci. Compte tenu des éléments produits ce congédiement peut être fixé au 27 décembre 2007, comme le soutient M. [W].

Il s'ensuit que la procédure de licenciement engagée par la société Kepler Capital Markets le 14 janvier 2008 contre son salarié apparaît une régularisation tardive et inopérante.

Il s'en déduit que le licenciement prononcé, comme en l'espèce, sans respecter la procédure imposée par les textes d'ordre public (articles L1232-2 et suivants du code du travail) est sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à M. [W] à percevoir :

- une indemnité de préavis fixée, compte-tenu de la qualité de cadre de M. [W], représentant 3 mois de salaire, soit la somme de 57 500 €, outre celle de 5 750 € au titre des congés payés afférents,

- une indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 49 de la convention collective applicable, non sérieusement contestée dans son principe et dans le montant réclamé de 15 438 € qu'il y a donc lieu d'allouer à M .[W]

- une indemnité destinée à compenser le préjudice matériel et moral subi du fait de la perte de son emploi, que la cour, compte tenu des éléments produits aux débats, et notamment de l'ancienneté de M .[W], est en mesure de fixer à la somme de 50 000 € en application de l'article L1235-5 du code du travail

Il résulte de ce qui précède que M. [W] qui ne justifie pas d'un préjudice moral distinct, de celui d'ores et déjà indemnisé, ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts complémentaires formée à ce titre.

En application de l'article L1235-5 du code du travail, compte tenue de son ancienneté inférieure à 2ans dans l'entreprise, M. [W] ne peut valablement réclamer une indemnité distincte au titre de l'irrégularité de la procédure déjà indemnisée. Il ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Il convient, enfin, de condamner la société Kepler Capital Markets à remettre à M.[W] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de

50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision.

Corrélativement, la société Kepler Capital Markets ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé

Par ces motifs, la cour,

- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau :

- dit que le licenciement de M. [W] est sans cause réelle et sérieuse

En conséquence, condamne la société Kepler Capital Markets à payer à M. [V] [W] en deniers ou quittances, les sommes suivantes :

* 57 500 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 5 750 € au titre des congés payés afférents,

* 15 438 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 50 000 € pour licenciement abusif en application de l'article L1235-5 du code du travail

- condamne la société Kepler Capital Markets à remettre à M. [W] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de 50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision

- déboute M. [W] pour le surplus ainsi que la société Kepler Capital Markets en sa demande reconventionnelle

- condamne la société Kepler Capital Markets aux dépens de première instance et d'appel

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société Kepler Capital Markets à payer à M.[W] la somme de 3 000 €

- la déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/07648
Date de la décision : 15/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°10/07648 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-15;10.07648 ?
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