Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 15 FEVRIER 2011
(no 70, 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 28185
Décision déférée à la Cour : jugement du 4 novembre 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 0816567
APPELANTE
SCI CARDINAL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux 50 rue de Turenne 75003 PARIS représentée par la SCP MIRA-BETTAN, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Véronique LE FEVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 353
INTIMES
Maître Denis X...... 75016 PARIS représenté par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour assisté de Me Benjamin DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P470 SCP DUFFOUR
SA COVEA RISKS pris en la personne de ses représentants légaux 19/ 21 allée de l'Europe 92616 CLICHY CEDEX dont le siège social est BP 28166 72008 LE MANS CEDEX 01 représentée par la SCP GAULTIER-KISTNER, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Pierre DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : P470 SCP DUFFOUR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 janvier 2011, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SCI CARDINAL recherche la responsabilité de M. X..., avocat, pour, après avoir en son nom délivré congé avec offre de renouvellement à sa locataire, titulaire d'un bail commercial portant sur des oeuvres, éditions et livres d'art, avoir omis de poursuivre la procédure de déplafonnement du loyer alors qu'elle bénéficiait d'une expertise favorable, et qu'elle s'est vue opposer la prescription de l'article L 145-60 du code de commerce par sa carence, lui faisant perdre ainsi la différence, durant neuf années, du prix qu'elle reçoit par rapport à celui espéré.
Par jugement du 4 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Paris l'a déboutée de ses demandes.
CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR,
Vu l'appel de ce jugement par la SCI CARDINAL en date du 15 décembre 2009,
Vu ses dernières conclusions déposées le 6 décembre 2010 selon lesquelles, poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a admis la faute de son avocat mais son infirmation pour le surplus, demande la condamnation de M. X... à lui payer 500 000 € en réparation de son préjudice, subsidiairement 150 000 € pour manquement à son obligation de conseil, en tout état de cause, 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions déposées le 13 décembre 2010 par lesquelles M. X... et la société COVEA RISKS demandent la confirmation du jugement et la condamnation de la SCI CARDINAL à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
SUR CE,
Considérant qu'au soutien de son appel, la SCI CARDINAL fait valoir que, nonobstant les négociations en cours entre elle et sa locataire, son avocat aurait dû, après délivrance du congé avec offre de renouvellement du 21 avril 2005, engager la procédure aux fins de déplafonnement, ce qui l'a exposée à se voir opposer la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; que l'expert amiable mandaté par M. X..., expert judiciaire honoraire, avait relevé des modifications notables des critères de commercialité tenant aux travaux qu'elle avait effectués dans l'immeuble, à la concentration voisine de galeries d'art qui se sont modernisées et à l'ouverture d'un supermarché alimentaire, drainant une importante clientèle ; que ces facteurs induisaient " des chances certaines " d'obtenir le déplafonnement souhaité ; qu'au lieu des 16 704, 60 € annuels qu'elle va toucher jusqu'en 2014, elle aurait donc pu obtenir entre 64 750 et 74 000 € par an durant la même période ;
Que pour s'y opposer la société COVEA RISKS et M. X..., qui prétendent que la SCI a elle même concouru à son préjudice en ne lui donnant plus de nouvelles, ce qui lui a fait croire à un accord, soutiennent que, la règle du plafonnement étant le principe, il aurait fallu que la cliente démontre, ce qu'elle ne fait pas, que les critères de déplafonnement étaient réunis ; qu'ils énoncent que la demande subsidiaire relative à un manquement au devoir de conseil, dont ils doutent de la recevabilité en appel, est antinomique avec la demande principale dans la mesure où il ne peut être reproché tout à la fois de ne pas avoir engagé de procédure de déplafonnement et de n'avoir pas déconseillé de le faire ;
Considérant que, pas plus qu'en première instance, M. X... ne discute de la faute commise par lui " en omettant d'avoir formellement mis en garde son client contre les conséquences de l'expiration du délai de deux ans " ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y revenir en s'interrogeant notamment sur l'attitude de la SCI CARDINAL vis-à-vis de son conseil durant les négociations et du silence gardé ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Qu'en cause d'appel la SCI CARDINAL ajoute que M. X... a, au moins, manqué à son obligation de conseil en ne l'avertissant pas du peu de chance de succès de sa procédure en déplafonnement ; que cependant celui-ci objecte à raison que ce reproche est parfaitement contradictoire avec celui de ne pas avoir engagé la procédure ; que d'ailleurs la SCI CARDINAL ne s'explique pas plus avant sur cet argument, au delà de généralités sur l'obligation de conseil des avocats et sur la nouveauté de son moyen, à l'occasion duquel elle développe les mêmes explications que sur le défaut de diligences, de sorte que, ayant répondu aux précédents développements et retenu la faute de M. X..., il n'est plus besoin de s'y attarder ; Considérant que ne reste dès lors plus en discussion que le dommage subi, consistant en la perte de chance, pour la SCI CARDINAL, de pouvoir obtenir le déplafonnement du loyer ;
Que M. X... rappelle justement à ce propos que ce déplafonnement étant une exception, il faut que la SCI CARDINAL démontre que les facteurs locaux de commercialité ont évolué de manière notable pour le justifier ;
Que le tribunal a, reprenant les éléments fournis par elle et puisés dans le rapport amiable de l'expert, exactement énoncé que la SCI ne démontrait pas que les facteurs locaux de commercialité avaient évolué de manière telle qu'elle pouvait prétendre à une chance très élevée d'obtenir le déplafonnement souhaité par elle ; qu'en effet ni les travaux de couverture effectués par elle dans l'immeuble, dont il n'est pas démontré en quoi ils profiteraient spécifiquement à l'exercice du commerce exploité dans les lieux, ni la comparaison avec d'autres galeries d'art dans le quartier, dont il n'est pas démontré par le rapport qu'elles sont très proches l'expert n'étant pas allé le vérifier, ni l'ouverture d'un supermarché, dont on ne voit guère en quoi sa clientèle est la même que celle d'une galerie d'art, ni les constructions envisagées dans le voisinage, dont il n'est rien dit de l'échéance, ne sont de nature à se convaincre de la réalité ou de la haute probabilité de la chance perdue par la faute de l'avocat ;
Que pour ces motifs, joints à ceux des premiers juges, le jugement sera confirmé ;
Considérant que l'équité ne commande pas, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la faute commise par l'avocat commande que, malgré la solution du litige, il assume seul les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne M. X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.