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09/02/2011 | FRANCE | N°08/22852

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 09 février 2011, 08/22852


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 4



ARRET DU 9 FEVRIER 2011



(n° 44 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22852



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2008

Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2007/979





APPELANTES



S.A.R.L. DEVELOPPEMENT [V] - DS

agissant poursuites et diligences de son représentan

t légal

[Adresse 8]

[Localité 5]



représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me DELMONTE Christophe, avocat au barreau de TOULON

plaidant pour la SCP INGLESE-...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 4

ARRET DU 9 FEVRIER 2011

(n° 44 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/22852

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2008

Tribunal de Commerce de MELUN - RG n° 2007/979

APPELANTES

S.A.R.L. DEVELOPPEMENT [V] - DS

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me DELMONTE Christophe, avocat au barreau de TOULON

plaidant pour la SCP INGLESE-MORIN, avocats

S.A.R.L. HFS

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour

assistée de Me DELMONTE Christophe, avocat au barreau de TOULON

plaidant pour la SCP INGLESE-MORIN, avocats

INTIMES

S.A.R.L. AU PETRIN BRIARD

agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me JEAN Christophe, avocat au barreau de PARIS - toque W12

Madame [Y] [J]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me JEAN Christophe, avocat au barreau de PARIS - toque W12

Monsieur [O] [J]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représenté par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me JEAN Christophe, avocat au barreau de PARIS - toque W12

Madame [S] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par la SCP TAZE-BERNARD - BELFAYOL-BROQUET, avoués à la Cour

assistée de Me JEAN Christophe, avocat au barreau de PARIS - toque W12

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 décembre 2010 en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par M.ROCHE, président de chambre, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :

- M.LE FEVRE, président de chambre, président

- M.ROCHE, président de chambre

- M.VERT, conseiller

Greffier lors des débats : Mme CHOLLET

ARRET

- contradictoire

- prononcé publiquement par M. LE FEVRE, président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. LE FEVRE, président et Mme CHOLLET, greffier.

LA COUR,

Vu le jugement du 20 Octobre 2008 par lequel le tribunal de commerce de Melun

a notamment:

-mis hors de cause M.[K],

- condamné solidairement les sociétés DEVELOPPEMENT [K] [V] DAS' et HSF à payer à la société AU PETRIN BRIARD les sommes de 4705,50 euros au titre du droit d'entrée et de 88 901,40 euros TTC au titre des redevances,

- débouté la société DAS de sa demande en dissolution de la société AU PETRIN BRIARD

- prononcé son exclusion en tant qu'associée de cette société et annulé les 125 parts de

catégorie B qu'elle détient dans son capital,

- ordonné la réduction du capital sur la base de la valeur nominales desdites 125 parts

annulées à charge pour les associés restant de reconstituer simultanément le capital,

- condamné solidairement les sociétés DAS et HSF à payer à la société AU PETRIN

BRIARD 5000 euros au titre des frais hors dépens;

Vu l'appel interjeté par les sociétés DEVELOPPEMENT [V] nouvelle dénomination

de DAS, ci-après désignée DS, et HFS et leurs conclusions du 5 Octobre 2010 tendant à

faire :

- réformer en sa totalité le jugement entrepris

et, statuant à nouveau:

- dire que l'action en nullité de la convention de sous-licence pour dol et pour défaut d'objet et de cause engagée par M.[J], Mme [J], Mme [E] ainsi que par la société AU PETRIN BRIARD est prescrite,

- constater que le gérant de cette dernière, M.[J], n'a pas reçu de pouvoir ad hoc de

l'assemblée générale en vue d'intenter l'action objet de la présente instance,

- constater l'abus de droit du gérant et sa responsabilité civile,

- dire que l'action des intimés n'est pas de l'intérêt social de la société AU PETRIN BRIARD, en conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes de la société AU PETRIN BRIARD ainsi que des

consorts [J] tendant à la nullité de la convention de sous-licence,

- débouter, en tout état de cause, purement et simplement les intimés de leurs demandes

dirigées à leur encontre,

à titre reconventionnel,

- constater que M.[J] est responsable civilement de ses abus de pouvoir et a violé les dispositions législatives et réglementaires applicables à toutes SARL ainsi que les statuts de la société AU PETRIN BRIARD,

- constater que l'objet du litige ne porte que sur le savoir-faire concédé, la marque LE PETRIN RIBEIROU et l'assistance commerciale et technique ayant été régulièrement exploitées,

- dire que le contrat de sous-licence de marque forme un tout indissociable avec la marque,

le savoir-faire et l'assistance,

- dire que la solidarité des condamnations de la société AU PETRIN BRIARD doit être

supportée par le gérant au titre de sa responsabilité civile pour infraction aux dispositions

impératives applicables aux SARL, que la société AU PETRIN BRIARD doit à la société

DAS la somme de 264 870,89 euros au titre des redevances impayées et la condamner

solidairement avec les intimés au paiement de ladite somme avec intérêts au taux légal et

anatocisme à compter de la date d'exigibilité,

- condamner solidairement les intimés à verser à chacune d'elles la somme de 150 000 euros pour procédure abusive, outre le versement de 10 000 euros au titre des frais hors dépens;

Vu les conclusions présentées le 26 Novembre 2010 par la société AU PETRIN BRIARD

ainsi que par M.[J], Mme [J] et Mme [E] et tendant à faire:

- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de franchise aux torts exclusifs des sociétés DAS et HSF et débouter, en conséquence, les appelantes de l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer Mme [V] ainsi que MM. [A] et [O] [V] irrecevables en leur intervention volontaire,

à titre principal,

- prononcer la nullité du contrat de sous-licence du 18 Novembre 1998 aux torts exclusifs

des sociétés DAS et HSF pour absence de cause,

- constater que le consentement des licenciés a été vicié par les manoeuvres dolosives du

concédant, que la société DAS n'a pas rempli son obligation précontractuelle d'information et prononcer également de ce chef la nullité du contrat de sous- licence aux torts exclusifs des sociétés DAS et HSF, condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, ces sociétés à rembourser à la société AU PETRIN BRIARD les sommes de 146 821, 48 et 13 437 euros TTC, outre celle de 395 011,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

à titre subsidiaire,

- dire que les sociétés DAS et HSF ont commis une faute dans l'exécution du contrat de sous licence justifiant sa résolution judiciaire à leurs torts ainsi que l'indemnisation du préjudice corrélatif de la société AU PETRIN BRIARD, condamner, en conséquence, ces sociétés à lui payer la somme de 395 011,68 euros et ordonner la compensation avec les sommes éventuellement laissées à la charge de la société AU PETRIN BRIARD, tant au principal qu'au subsidiaire,

- dire nulle et de nul effet la clause de non concurrence figurant à l'article 7.1.1.8 du contrat de sous-licence, prendre acte de ce que les sociétés ont renoncé à leur demande de dissolution de la société AU PETRIN BRIARD, prononcer l'exclusion de la société DAS en tant qu'associée de la société AU PETRIN BRIARD,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum, ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés DAS et HSF à payer à

M.[J] la somme de 15 750 euros en rémunération des prestations de service réalisées entre décembre 1998 et juin 1999, outre celles de 30 000euros en réparation du préjudice moral de M. et Mme [J] et de Mme [E], ainsi que de 10 000 euros sur le fondement de l 'art icle 700 du Code de procédure civile ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants:

Par acte sous seings privés du 18 Novembre 1998 M. [J], Mme [J] et Mme

[E] ont, pour le compte de la société en formation AU PETRIN BRIARD, conclu avec la société DAS (dont la nouvelle dénomination est DS) et en présence de la société HSF une convention de sous-licence portant sur la transmission d'un savoir-faire concernant la fabrication artisanale de produits de boulangerie et le droit d'utilisation de la marque PETRIN RIBEIROU.

Ladite convention de sous-licence fut conclue sous la condition suspensive:

- de l'immatriculation de la société AU PETRIN BRIARD

- de l'ouverture d'un magasin dans lequel la sous-licence sera exploitée.

Ces conditions furent remplies le 20 juin 2000.

Ayant toutefois constaté pendant la période d'exécution de la convention conclue l'émergence d'un mouvement de dissidence au sein d'un nombre significatif de franchisés

et estimant avoir été eux-mêmes trompés sur la réalité du savoir-faire transmis, M.[J], Mme [J] et Mme [E], auxquels s'est jointe la société AU PETRIN BRIARD, ont par acte du 20 janvier 2006, assigné les sociétés DAS et HSF devant le Tribunal de Commerce de MELUN en vue de faire prononcer la nullité de la convention de sous-licence et l'indemnisation de leur préjudice.

C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé

présentement déféré.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire des consorts [V]:

Considérant qu'aux termes de l'article 330 du Code de procédure civile: ' l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie';

Considérant que les consorts [V] doivent tous, en tant que détenteurs des parts sociales de la société HSF, être regardés comme ayant un intérêt à soutenir les prétentions de cette dernière à laquelle avait été initialement concédé, le 31 décembre 1993, le savoir-faire afférent à un procédé de fabrication d'un pain au levain 'à l'ancienne', objet du présent litige; que, par ailleurs, [F] et [A] [V], tous deux propriétaires de la marque concédée dans le cadre de la convention de sous-licence susmentionnée conclue le 25 août 1998, ont également, de ce fait même, intérêt à intervenir pour la conservation de leurs droits intellectuels;

Sur le défaut de 'droit à agir' imputé à la société AU PETRIN BRIARD:

Considérant que si les appelantes soutiennent, tout d'abord, que la société AU PETRIN

BRIARD serait irrecevable'à agir contre un de ses membres qui forme sa collectivité',

il convient de souligner que la présente procédure a pour objet de faire constater la nullité,

ou du moins, la résolution du contrat de franchise en exécution duquel l'intéressée a versé

différentes sommes au titre du droit d'entrée et des redevances; que la circonstance que le

franchiseur soit un associé minoritaire de ladite société est sans influence sur la recevabilité

de son action sauf à méconnaître directement le principe d'autonomie de toute personne

morale, laquelle est nécessairement distincte de ses membres ou associés;

Considérant que le dit article laisse ainsi aux associés le soin de fixer l'étendue des pouvoirs du gérant de la société à responsabilité limitée; qu'en l'espèce l'article 14 des statuts de la société AU PETRIN BRIARD énonce: 'vis à vis des tiers, chacun des gérants peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société et dispose des mêmes pouvoirs que s'il était gérant unique. Dans ses rapports avec ses associés, à titre de mesure d'ordre intérieur non opposable aux tiers, il ne pourra, sans autorisation préalable de l'assemblée générale ordinaire des associés prise à la majorité des 3/4 des parts sociales:

- vendre ou acheter tous fonds de commerce;

- concourir à la formation d'une société ou faire apport à une société où la responsabilité

de la société serait indéfinie et/ou solidaire;

- nantir le fonds de commerce de la société';

qu'il ressort des dispositions précitées que sous réserve de ces trois dernières opérations, le gérant a tous pouvoirs pour agir au nom de la société; que notamment il a compétence pour ester en justice pour le compte de cette dernière et ce sans avoir à recueillir l'agrément préalable des associés; que M. [J] avait, dès lors, tout pouvoir pour engager la présente instance non seulement à titre personnel mais aussi au nom de la société considérée, laquelle est ainsi recevable à agir;

Considérant que les sociétés HFS et DEVELOPPEMENT [V] soutiennent que l'action

contentieuse considérée entraîne une remise en cause de l'objet même de la société AU

PETRIN BRIARD et doit, dès lors, être analysée comme une action en nullité du contrat de société, laquelle se prescrit dans les trois ans de la signature des statuts; que toutefois la nullité sollicitée du contrat de sous-licence serait sans effet sur le contrat de société, engagement distinct et spécifique, créateur d'une personne morale et nécessairement autonome par rapport à une convention de franchise; qu'au surplus l'objet social de ladite société n'était nullement limité à la seule exploitation du contrat de sous licence mais visait, selon les statuts, 'toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières ou immobilières, pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou à tout objet similaire ou connexe'; qu'ainsi, l'action aux fins de nullité du contrat de sous-licence ne saurait en aucune manière avoir pour objet ou pour effet d'entraîner la disparition de l'objet social de la société AU PETRIN BRIARD ;

Considérant que si les appelantes excipent également de la prescription de cinq ans de l'article 1304 du Code Civil, il convient de rappeler que le deuxième alinéa dudit article précise que ' ce temps ne court dans le cas de la violence que du jour où elle a cessé; dans le cas de l'erreur ou du dol du jour où ils ont été découverts'; qu'en l'espèce aucune pièce du dossier ne permet d'établir que les intimés auraient pu avoir connaissance de leur éventuelle erreur quant à la franchise considérée antérieurement à l'intervention des jugements du 22 janvier 2001, lesquels n'ont au demeurant été publiés que le 10 mai suivant, par lesquels le Tribunal de Commerce de MARSEILLE a prononcé la nullité de 24 contrats de franchise PETRIN RIBEIROU; que, par ailleurs, les intimés qui n'ont jamais été membres de l'association de défense des franchisés de l'enseigne PETRIN RIBEIROU constituée le 26 juin 2001 et déclarée le 20 août 2001 n'ont jamais reconnu avoir eu connaissance, antérieurement au prononcé des jugements susmentionnés, des procédures contentieuses déjà engagées contre leur franchiseur; que dans ces conditions la présente assignation délivrée le 20 janvier 2006 est intervenue moins de cinq ans après lesdits jugements, excluant de la sorte que puisse être opposée aux intimés la prescription de l'article 1304 susvisé;

AU FOND

Sur les demandes formées par les intimés :

Considérant qu'aux termes de l'article 1131 du Code Civil: 'l'obligation sans cause ou sur

une fausse cause ne peut avoir aucun effet';

Considérant que tout contrat de franchise est nul dès lors qu'il porte sur un savoir-faire

dépourvu d'originalité et ne se distinguant pas des règles de l'art que le franchisé était en

mesure d'acquérir par ses propres moyens;

Considérant, toutefois, qu'alors que le savoir-faire se doit ainsi d'être un ensemble secret,

substantiel, identifié d'informations non-brevetées résultant de l'expérience du franchiseur

et testées par celui-ci et que, selon les appelantes, l'originalité du procédé reposerait sur la suppression de certaines phases dans la confection du pain, notamment celles de pesagedivisage ainsi que le façonnage, et sur l'utilisation de la 'pousse-contrôlée', il ressort de l'examen des pièces du dossier, et notamment des énonciations des rapports réalisés par M. [U] les 22 septembre 1999 et 3 avril 2000, que ledit procédé n'est que l'adaptation des méthodes traditionnelles à fin d'assurer des gains de productivité en termes d'heures de travail et de permettre de différer la formation de la pâte et est largement connu au sein des milieux de la boulangerie; que s'agissant plus précisément de la suppression des phases de pesage-divisage et de façonnage M.[U] n'y voit 'aucune originalité ni d'ailleurs d'avantage réel dans l'ensemble du processus de travail décrit, seule l'absence de façonnage de la bande de pâte découpée sur la plaque pourrait, en théorie s'apparenter à un gain de temps par rapport au travail communément pratiqué. C'est néanmoins un faux argument, ce morceau de pâte n'ayant pas été découpé par une machine calibrée, n'a pas été pesé et c'est donc au moment de la vente à la clientèle qu'il faudra peser individuellement chaque baguette pour savoir à quel prix la vendre'; que par ailleurs, le même expert souligne que 'depuis 1960, la conservation de la pâte grâce au froid positif, encore appelée 'poussée contrôlée' est utilisée de façon généralisée parles boulangers' avant de conclure que 'c'est abuser de la crédulité de non professionnels de leur faire croire qu'ils achètent un secret de fabrication qui leur donnera un avantage concurrentiel décisif';

Considérant que le directeur de l'Institut National de la Boulangerie estime pour sa part, dans un courrier du 24 mars 2006, et après en avoir explicité les multiples raisons, que ' le mode de fabrication du pain PETRIN RIBEIROU apparaît comme n'étant ni secret ni substantiel ni original'; que si les appelantes opposent à ces arguments et rapports les observations de l'expert [M] lequel maintient que le savoir-faire concédé serait original et inconnu des concurrents, il ressort cependant de l'ensemble des autres éléments du dossier que les originalités qu'il énumère correspondent uniquement à de simples tours de main d'ores et déjà connus des professionnels et insusceptibles, à ce titre, de procurer un quelconque avantage concurrentiel décisif à leur détenteur; que, par ailleurs, l'inexistence dudit savoir faire est confirmée par l'absence de toute formation technique et commerciale effective ainsi que de toute réelle assistance fournie par le franchiseur en cours d'exécution du contrat; qu'enfin le concept marketing invoqué par les appelantes, lequel ferait partie intégrante du savoir-faire transmis et consisterait en 'la préparation du pain devant le client, l'implantation dans les zones urbaines de moyennes dimensions, la présence systématique d'un parking devant la boutique, des horaires d'ouverture très souples, et l'absence d'invendus grâce au système de production' ne présente pas davantage de véritable caractère d'originalité particulière et se retrouve dans de nombreuses autres boulangeries;

Considérant qu'il s'ensuit que l'absence de toute substantialité et de tout caractère secret du 'savoir-faire', litigieux prive de cause le contrat de sous-licence dont s'agit et justifie que soit prononcée la nullité de celui-ci, les parties devant être en conséquence remises en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion; que la nullité ainsi prononcée rend sans objet la demande d'annulation de la clause de non-concurrence insérée dans ledit contrat et les prétentions indemnitaires formées à ce titre;

Considérant que les sociétés DEVELOPPEMENT [V] et HSF seront condamnées in

solidum à payer à la société AU PETRIN BRIARD les sommes de 47405,50 euros correspondant au montant du droit d'entrée, 88901,40 euros au titre des redevances versées

par cette dernière et 10514,58 euros au titre des frais de fournitures et de pose de l'enseigne

PETRIN RIBEIROU, soit la somme totale de 146821,48 euros;

Considérant, en revanche qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement par les appelantes du coût de pose d'une nouvelle enseigne ni des frais de remise en état de locaux du fait de prétendus malfaçons et non-façons imputables à une tierce entreprise; que la société AU PETRIN BRIARD ne saurait davantage solliciter l'indemnisation de la 'mauvaise implantation de sa boutique' dont elle fait également état, rien n'établissant que ce choix géographique ( à le supposer commercialement malvenu) ait été de quelque manière que ce soit décidé par le franchiseur; que, de même, aucune somme ne saurait être allouée aux intimés au titre de frais de procédure afférents à des instances distinctes de la présente action; que M.[J] ne saurait non plus utilement réclamer l'indemnisation de la formation de boulangerie suivie dans le cadre de la franchise PETRIN RIBEIROU et dont il continue à bénéficier dans son activité professionnelle actuelle de boulanger; qu'enfin M.[J], Mme [J] et M.[E] ne sont pas fondés à solliciter la réparation du 'préjudice moral' dont ils excipent sans justifier cependant aucunement de sa réalité;

Sur la demande d'exclusion de la société DS du capital de la société AU PETRIN BRIARD:

Considérant que les parties intimées sollicitent l'exclusion de la société DEVELOPPEMENT [V] du capital de la société AU PETRIN BRIARD à compter de la date de la notification de la décision à intervenir et l'annulation des parts sociales qu'elle détient ;

Considérant que si, comme dit ci-dessus, la nullité du contrat de sous-licence est sans effet sur l'existence du contrat de société et la personnalité juridique de la société AU PETRIN BRIARD, compte tenu de la définition de la société résultant des articles 1832 et suivants du code civil, qui permet qu'une société soit constituée ou se maintienne avec un seul associé, la qualité d'associé implique la volonté de cet associé de profiter de l'économie pouvant en résulter; qu'en l'espèce, la recherche du profit économique pouvant résulter de l'exploitation de la boulangerie demeure pour la société AU PETRIN BRIARD , mais que la nullité du contrat de sous-licence a fait perdre, tout 'affectio societatis' à la société DS, aux termes même de son argumentation ; qu'elle n'a plus aucune volonté de profiter de l'économie pouvant résulter de l'exploitation de la boulangerie, ou d'autres activités de la société AU PETRIN BRIARD ; que ses intérêts sont entièrement opposés à ceux de cette dernière ainsi que cela résulte du présent litige et notamment de ses demandes reconventionnelles ; que le fait de se maintenir, en ces circonstances, dans la société contre la volonté du ou des associés majoritaires, avec un pourcentage de 25 % lui permettant de peser sur les décisions sociales et de connaître les secrets d'affaires de l'entreprise, est étranger à toute rationalité économique et constitue une faute grave portant atteinte à l'intérêt social ;

Considérant toutefois que la Cour ne saurait prendre directement la décision d'expulsion; qu'il appartient à la société de prendre les décisions affectant le contrat de société ; que la Cour l'autorisera seulement à passer outre à l'opposition abusive de l'associé minoritaire qui peut d'ailleurs ne pas se maintenir compte tenu du présent arrêt ; qu'au surplus le droit de propriété doit être respecté ; que les parts doivent être rachetées à un prix déterminé de gré ou à dire d'expert ;

Sur les prétentions reconventionnelles des sociétés appelantes :

Considérant, tout d'abord, que la convention de sous-licence ayant été ci-dessus annulée, la société DEVELOPPEMENT [V] ne saurait utilement réclamer le versement de

redevances demeurées impayées; que les intimés s'étant bornés à user de voies de droit à leur disposition pour faire valoir leurs prétentions et ces dernières ayant été, pour l'essentiel, satisfaites, les appelantes ne peuvent qu'être déboutées de leur demande en dommages et intérêts pour 'procédure abusive';

Considérant qu'il est équitable d'accorder aux intimées unies d'intérêt 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

-Dit recevable l'intervention volontaire des consorts [V].

-Confirme le Jugement entrepris. Le complétant quant au dispositif, prononce la nullité du contrat de sous-licence litigieux.

-L'infirme toutefois en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande en indemnité au titre des frais de pose et de dépose de l'enseigne PETRIN RIBEIROU, prononcé des condamnations solidairement à la charge des appelantes.

-Dit que les condamnations prononcées par les Premiers Juges à la charge des appelantes le sont in solidum.

-Condamne in solidum les sociétés DEVELOPPEMENT [V] et HSF à payer à la société AU PETRIN BRIARD la somme de 10514, 58 euros.

Emende le jugement quant à l'expulsion de société DEVELOPPEMENT [V] du capital de la société AU PETRIN BRIARD.

Autorise la société AU PETRIN BRIARD à procéder à la réduction de son capital par rachat ou annulation des parts de la société DEVELOPPEMENT [V], nonobstant toute opposition de celle-ci en lui payant le prix déterminé de gré à gré ou à dire d'expert.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives.

Condamne in solidum les sociétés DEVELOPPEMENT [V] et HSF aux dépens d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Les condamne sous la même solidarité à payer aux intimés la somme de 5000 euros au titre des frais hors dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 08/22852
Date de la décision : 09/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I4, arrêt n°08/22852 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-09;08.22852 ?
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