Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 8 FEVRIER 2011
(no 63, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 10585
Décision déférée à la Cour : Jugement du 1 avril 2009- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 02812
APPELANT
Monsieur Maurice X...... 06800 CAGNES SUR MER comparant en personne représenté par la SCP PETIT LESENECHAL, avoués à la Cour, qui a déposé son dossier
INTIMES
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE... 31068 TOULOUSE CEDEX représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour assisté de Me Alexandra BOURGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 261 UGGC et Associés
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR... Direction des Affaires Juridiques 75703 PARIS CEDEX 13 représenté par Me Frédéric BURET, avoué à la Cour assisté de Me Alexandra BOURGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 261 UGGC et Associés
PARTIE JOINTE
Le MINISTERE PUBLIC pris en la personne de Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS élisant domicile en son parquet au Palais de Justice 34 Quai des Orfèvres 75001 PARIS
Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 décembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mlle Sabine DAYAN
MINISTERE PUBLIC Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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M. Maurice X... a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement des dispositions de l'article L 781-1 du code de l'organisation judiciaire, devenu l'article L 141-1 dudit code, la responsabilité de l'Etat à raison de la saisie d'un véhicule de marque Renault Twingo immatriculé..., intervenue en Avril 1998 dans le cadre d'une procédure criminelle dirigée contre son père et son frère, à laquelle il a été, pour un temps, mêlé, assignant par acte du 15 février 2007, M. Le Procureur Général près la cour d'appel de Paris et M. Le Procureur Général près la cour d'appel de Toulouse, ainsi que l'agent judiciaire du Trésor, en estimant illégale la détention par le parquet général de Toulouse dudit véhicule dont il revendique la propriété, du fait que ledit parquet s'est opposé à toute restitution alors que le véhicule ne fait l'objet ni d'un procès-verbal de saisie, ni d'une mention sur le registre des pièces à conviction.
Par ordonnance du 22 octobre 2008, le juge de la mise en état dudit tribunal, saisi de la question de la compétence de la juridiction du tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur la question de la restitution du véhicule litigieux, a déclaré ledit tribunal incompétent.
Par jugement du 1er Avril 2009, le tribunal a débouté M. Maurice X... de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamné au paiement d'une amende civile de 1000 € sur le fondement de l'article 32-1 dudit code et à payer les dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 6 mai 2009 par M. Maurice X...,
Vu les conclusions déposées le 29 juin 2010 par l'appelant qui demande l'infirmation du jugement, le débouté de l'agent judiciaire du Trésor et du Procureur Général près la cour d'appel de Toulouse de l'ensemble de leurs demandes, la condamnation de l'agent judiciaire du Trésor à lui payer :- la somme de 3000 € correspondant à la valeur du véhicule litigieux à la date à laquelle le tribunal de grande instance de Paris a été saisi,- la somme de 9146 € à titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la dépréciation dudit véhicule depuis avril 1998,- la somme de 35 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte de jouissance du véhicule depuis avril 1998, lesdites sommes assorties d'une astreinte journalière de 150 €,- la somme de 7500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer les entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les conclusions déposées le 17 mars 2010 par l'agent judiciaire du Trésor et le procureur général près la cour d'appel de Toulouse qui demandent à titre liminaire, à voir déclarer irrecevable l'action de M. X... fondée sur l'article 1382 du code civil, à titre subsidiaire et en toute hypothèse, aux constats qu'aucune erreur constitutive de faute lourde n'a été commise par le parquet général de la cour d'appel de Toulouse, que M. X... ne rapporte pas la preuve de la propriété du véhicule litigieux et que la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée au titre de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire, subsidiairement au constat qu'il ne rapporte pas la preuve d'un préjudice certain en lien direct avec la faute invoquée, le débouté de M. X... de toutes ses demandes, la condamnation de M. X... à verser la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts et de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au procureur général près la cour d'appel de Toulouse, ainsi que la somme de 2000 € à l'agent judiciaire du Trésor au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre le paiement des entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 10 juin 2010 par le procureur général près la cour d'appel de Paris qui demande la confirmation du jugement entrepris,
SUR CE :
Considérant que le 15 janvier 1998, dans le cadre d'une procédure pénale à laquelle M. Maurice X... était alors mêlé, les enquêteurs ont saisi, sur commission rogatoire, plusieurs véhicules automobiles, parmi lesquelles figurait une Renault, type Twingo, dont l'immatriculation a été maladroitement retranscrite dans les actes de procédure dès lors qu'à la suite d'une erreur matérielle, la voiture est désignée comme immatriculée... alors que sa véritable immatriculation est... ; que le 26 janvier 1998, quatre véhicules ont été restitués à l'exception de la Twingo en question, remise en gardiennage au garage ADLTP à Montauban ; que par ordonnance du 2 juillet 2001, M. Maurice X... a bénéficié d'un non-lieu, que par arrêt du 6 novembre 2003, la cour d'assises du Tarn et Garonne, statuant en appel, a condamné M. Germain X..., son frère, à la peine de 30 ans de réclusion criminelle et M. Louis X..., son père, à la peine de 10 ans de réclusion criminelle, qu'un arrêt du 31 mars 2004 de la cour de cassation a rejeté les pourvois formés contre l'arrêt rendu en première instance par la même cour d'assises le 19 février 2003 contre les consorts Germain et Louis X... ;
Considérant que par une lettre du 10 mars 2004, M. Maurice X... a demandé au parquet général compétent de lui restituer le véhicule saisi et de l'indemniser au titre de la perte de jouissance subie pour la période du 13 janvier 1998 au 31 mars 2004, puis par une lettre du 25 mai 2004, il a réitéré sa demande ; que le 13 juillet 2004, le procureur général près la cour d'appel de Toulouse a invité M. Maurice X... à produire la carte grise du véhicule réclamé, que le 13 août 2004, M. X... a produit une copie du certificat d'immatriculation de la Twingo, établi au nom de Mme Jacqueline X..., épouse Y..., la carte grise barrée portant la mention " vendu le 10 janvier 1998 à Maurice X... ", suivie d'une signature ; que par courrier du 12 août 2004, le parquet général a rejeté la demande au motif que la copie du document n'était pas de nature à établir la qualité de propriétaire du véhicule qu'il revendiquait, qu'en effet, lors de son audition du 14 mars 2004 par le procureur de la république près le tribunal de grande instance de Montauban, Mme Jacqueline X... épouse Y..., soeur de M. Maurice X..., a indiqué que la voiture en question avait été, à son insu, immatriculée à son nom pour une raison " d'assurance " et a ajouté qu'elle n'avait pas écrit les mentions figurant sur la carte grise soit " vendu le 10 janvier 1998 à Maurice X... " ; qu'en conséquence, par courrier du 17 décembre 2004, parvenu le 23 décembre 2004 à Maurice X..., le procureur général l'informait qu'en l'absence de certificat d'immatriculation établi à son nom et faute d'une réponse dans les 30 jours de sa part, le véhicule litigieux serait remis au service des Domaines ; qu'enfin par acte du 26 février 2005, le greffier en chef du service pénal de la cour d'appel de Toulouse a transmis aux services fiscaux de la Haute-Garonne un procès-verbal de remise en aliénation ou destruction du véhicule Renault Twingo ;
Sur l'action dirigée à l'encontre de M. Le Procureur Général de Toulouse :
Considérant qu'à l'appui de cette action de mise en cause, laquelle n'est d'ailleurs suivie d'aucune demande formée à l'encontre de ce magistrat, M. Maurice X..., appelant, fait valoir qu'il entend la fonder sur les dispositions de l'article 1382 du code civil ; que toutefois cette action est irrecevable dès lors que ce magistrat ne peut être partie à titre personnel ; qu'il doit être mis hors de cause ;
Au fond :
Considérant qu'après la saisie du véhicule, nécessaire à la manifestation de la vérité, dès lors qu'à la suite de la découverte du cadavre de la personne disparue, pour laquelle avait été ouverte une information des chefs d'enlèvement et de séquestration, des traces de sang ont été retrouvées dans cette automobile, les juridictions pénales ayant statué au fond n'ont pas statué sur la restitution du véhicule Twingo ; que dans ce cas, l'article 41-4 du code de procédure pénale est applicable et que le Procureur Général est compétent pour décider, d'office ou sur requête, de la restitution de l'objet lorsque la propriété n'en est pas sérieusement contestée ; que la demande doit être faite dans les 6 mois de la décision par laquelle la juridiction saisie a épuisé sa compétence ; qu'en l'espèce la cour de cassation a rendu son arrêt le 31 mars 2004, ce qui rend la deuxième demande de M. Maurice X... recevable ; que pour autant ce dernier, s'il a bien demandé la restitution, n'a pas produit de certificat d'immatriculation établi en son nom, d'où le rejet de sa demande ; que par ailleurs, l'appelant explique longuement dans ses écritures qu'il demande la restitution d'un véhicule dont il dit qu'il n'a pas été saisi ; que toutefois le véhicule réclamé est bien celui qui a fait l'objet d'une saisie, même en présence d'une erreur de frappe sur l'immatriculation, laquelle n'est pas constitutive d'une faute lourde, et que M. X... a lui-même agi en ce sens en demandant la restitution dudit véhicule, c'est-à-dire en en admettant nécessairement la saisie ;
Considérant qu'ainsi le refus qui lui a été opposé n'est pas fautif, dès lors que M. X... n'a pas exercé de recours contre la décision de refus qui lui a été notifiée le 17 décembre 2004 ; que par des motifs pertinents, que la cour approuve, le tribunal a débouté M. X..., estimant que ses demandes ne peuvent se rattacher à un quelconque dysfonctionnement du service public de la justice traduisant son inaptitude à remplir sa mission ;
Considérant que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Sur les demandes de l'agent judiciaire du Trésor ;
Considérant que selon les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile : " celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être alloués " ;
Considérant que l'agent judiciaire du Trésor, exposant qu'il est loisible à la cour de prononcer une amende civile au visa de l'article 32-1 du code de procédure civile, n'est pas recevable à y ajouter, au visa de ce même texte et par analogie, une demande tendant à l'octroi audit magistrat de dommages et intérêts ; qu'il sera également débouté de la demande tendant au paiement audit magistrat de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 dudit code, laquelle n'est pas davantage en l'espèce fondée ;
Considérant que l'agent judiciaire du Trésor est recevable à former, pour les frais irrépétibles par lui exposés en appel, une demande au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 2000 € ; que l'appelant succombant en toutes ses prétentions, l'équité commande d'y faire droit ; que les dépens d'appel seront pour les mêmes motifs, supportés par l'appelant ;
PAR CES MOTIFS :
Met hors de cause M. Le Procureur Général près la cour d'appel de Toulouse,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. Maurice X... à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. L'agent judiciaire du Trésor du surplus de ses demandes,
Condamne M. Maurice X... à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.