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04/02/2011 | FRANCE | N°07/18764

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 04 février 2011, 07/18764


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 04 FÉVRIER 2011





(n°42, 12 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 07/18764





Décision déférée à la Cour : jugement du 21 septembre 2007 - Tribunal de commerce de PARIS - 10ème chambre - RG n°2005061735







APPELANTS





Monsieur [O] [Z] [W]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 6]



S.A.R.L. COSNE SUD DEPANNAGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 6]
...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 04 FÉVRIER 2011

(n°42, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/18764

Décision déférée à la Cour : jugement du 21 septembre 2007 - Tribunal de commerce de PARIS - 10ème chambre - RG n°2005061735

APPELANTS

Monsieur [O] [Z] [W]

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 6]

S.A.R.L. COSNE SUD DEPANNAGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 6]

représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoué à la Cour

assistés de Me Delphine SCHATZ plaidant pour le Cabinet DUFEU & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque R 231

INTIMEES

S.A.R.L. ATSO, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoué à la Cour

assistée de Me Lydwine RONA-COZZOLINO, avocat au barreau de PARIS, toque A 196

Compagnie MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD

Société d'Assurances Mutuelle, prise en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

14, boulevard Marie et [Adresse 12]

[Localité 9]

représentée par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoué à la Cour

assistée de Me Jacques HUILLIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 1226

S.A.R.L. AXIS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL, avoué à la Cour

assistée du Cabinet BELDEV, avocat au barreau de PARIS, toque R 61

S.A. BAIL ACTEA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 8]

[Localité 7]

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

S.A.R.L. JLM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 14]

[Localité 5]

représentée par Me Frédérique ETEVENARD suppléante de l'Etude de Me Jean-Jacques HANINE, avoué à la Cour

E.U.R.L. MD TRADE, prise en la personne de sa gérante, Mme [L] [J], domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 10]

représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoué à la Cour

assistée de Me Louis GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Fabrice JACOMET, Président

M. Bernard SCHNEIDER, Conseiller

Mme Pascale BEAUDONNET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

M. [P] [R] a préalablement été entendu en son rapport

ARRET :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par M. Fabrice JACOMET, Président et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

Le 23 août 2000 , exploitant individuel, sous l'enseigne Carrosserie Nouvelle de la RN 12, M. [W] a acquis au moyen d'un crédit-bail souscrit auprès de la société BAIL ACTEA, de la société MD TRADE, pour le prix de 137'204 €, une grue de levage automobile, matériel déclaré sans garantie du vendeur et devant repasser devant le service des mines à partir du 1er septembre 2000 par les soins de l'acquéreur.

Le 26 avril 2001, l'engin est tombé en panne à la suite d'une avarie de la boîte de vitesses.

Le démontage de la boîte de vitesses et son examen aux fins d'un envoi dans un atelier spécialisé n'ont pas permis de remettre l'engin en mesure de fonctionner.

Le 19 avril 2001, M. [W] a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire transformée ensuite en liquidation judiciaire.

La grue a fait l'objet d'un transfert de contrat, Mme [I] épouse [W], gérante de la société SARL SUD DEPANNAGE à [Localité 6] devenant crédit-preneur, aux lieu et place de son mari, pour la grue estimée alors à 115'372,81 € selon contrat signé le 28 janvier 2002.avec la société BAIL ACTEA.

Le 8 janvier 2002, M. [W] avait déposé plainte auprès de la gendarmerie de [Localité 6] en dénonçant les vols et les dégradations dont il avait été victime sur la grue entre le 1er décembre 2001 et le 7 janvier 2002, cette grue étant toujours stationnée à

Villevaude (77).

Le 2 juillet 2002, la société BAIL ACTEA a saisi le juge des référés pour obtenir la désignation d'un expert aux fins d'examiner et déterminer les responsabilités au regard de la panne affectant la boîte de vitesses ; l'expert rendra son rapport le 21 novembre 2003.

Le 19 août 2005, la société BAIL ACTEA, M. [W], représenté et assisté par ses liquidateurs, et la SARL COSNE SUD DEPANNAGE ont fait assigner la société MD TRADE devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir juger que celle-ci a engagé sa responsabilité et de la voir condamner, de ce fait, à payer à M. [W] 171 706,39 € et à sa liquidation, la somme de 98483,72 € ainsi que celle de 12'661,64 € à la société BAIL ACTEA et 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MD TRADE les ayant assignées en intervention forcée, les deux instances étant jointes, demande la condamnation de la société COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, de la société JLM et de la société ATSO à la garantir des condamnations pouvant être prononcées contre elle du fait de l'assignation initiale délivrée par les premiers demandeurs.

Par jugement prononcé le 21 septembre 2007, objet du présent appel, le tribunal a statué ainsi qu'il suit:

- 'la grue litigieuse est un engin de levage muni d'une flèche 38 mètres, utilisable sur les chantiers pour des levages de grande hauteur et son utilisation en engin de levage demeure fixe. M. [W] a déclaré avoir réalisé en interne des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'engin pour répondre aux besoins de l'activité de dépannage et remorquage de véhicules poids lourds sur autoroute mais la facture de 415'103,37 F montre que les travaux réalisés ne concernent pas des travaux de mise en conformité, mais des travaux de carrosserie ; M. [W] n'explique pas pourquoi sur une période de sept mois, il n'aurait parcouru que 250 km et n'aurait pas utilisé la grue pour son activité comme il le prétend'.

Le tribunal retient également que 'l'expert a fait observer qu'un remorquage au moyen de cette grue d'un véhicule embourbé n'est pas conçu pour réaliser ce type de prestation et qu'un remorquage entraînerait la destruction de la boîte de vitesse'.

Le tribunal a retenu aussi que l'expert n' avait pu examiner la boîte de vitesses déposée et expédiée à l'atelier de réparation de Vitrolles de la société POTAIN dès lors qu'il existait un doute sur l'identification du matériel faute de traçabilité suffisante.

Le tribunal a considéré, dès lors, que compte tenu des seules déclarations faites auprès de l'expert, en l'absence d'examen de la boîte de vitesses par son propre fait, M. [W] ne rapportait pas la preuve que la société MD TRADE a manqué à son obligation de délivrance d'un matériel conforme à l'objet de la vente.

Le tribunal a condamné solidairement la société BAIL ACTEA, M [W], à titre personnel, et ses mandataires liquidateurs ainsi que la société COSNE SUD DEPANNAGE à payer à la société MD TRADE 5'000 € pour procédure abusive et 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la société ATSO 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société MD TRADE a été condamnée à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile à la société JLM 1500 €, à la société AXIS 1500 € et à la société COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD 1500€.

Ayant relevé appel de la décision, par dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2010, M. [W] et la société COSNE SUD DEPANNAGE demandent son infirmation et au visa des articles 1134, 1147, 1604 et 1382 du Code civil de condamner la société MD TRADE à payer à M. [W] la somme de 171 706,39'€ TTC à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et à la société COSNE SUD DEPANNAGE celle de 1'219'200,00 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ainsi que 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu lesdites écritures par lesquelles les appelants exposent que M. [W] a acheté une grue d'occasion ppm type 68 0att n°série 68124 destinée au levage de véhicules ; que la société MD TRADE, spécialisée dans le négoce de matériel de travaux publics, avait acheté cette grue à la société JLM pour le prix de 630'000 F HT et l'a revendue à la société BAIL ACTEA, le 24 août 2000, pour un prix de 900'000 F hors taxes ; que malgré la mention sur la facture selon laquelle la boîte de vitesses a été refaite en avril, une visite technique effectuée à la DRIRE d'Île-de-France, le 22 septembre 2000, a révélé une fuite de la boîte de vitesses ; qu'après le colmatage de la fuite, la grue n'a pas été utilisée jusqu'au 1er avril 2001 afin d'effectuer sur elle des travaux. Que le 26 avril 2001, sur l'autoroute A4, alors qu'il était aux commandes de la grue, l'engin a été immobilisé en raison d'un problème sur la boîte de vitesses et a dû être tracté vers le dépôt de la société MICHEL DEPANNAGE ; l'examen de la boîte de vitesse par le mécanicien l'ayant précédemment examinée conclut alors à la nécessité de refaire totalement cette boîte de vitesse.

Selon les appelants, en réponse au courrier qu'ils lui ont adressé, la société MD TRADE les a invités à prendre contact avec son assureur, le cabinet AXIS, qui a lui-même désigné un expert - le cabinet SERI ACCEL - aux fins d'établir une expertise amiable ; est alors intervenue également dans le débat la société ATSO, venderesse de la grue à la société BAIL ACTEA.

Ils ajoutent que M. [W] a estimé qu'on lui demandait de transmettre la boîte de vitesses après dépose aux ateliers [D], ce qu'il a fait, cette société lui ayant accusé réception de l'envoi le 8 juin 2001; qu'à la suite de sa liquidation judiciaire, le contrat de crédit-bail a été repris par Mme [W] ; qu'après reprise de la procédure, la société BAIL ACTEA a obtenu par voie de référé, le 11 octobre 2002, la désignation d'un expert, M [K], lequel a déposé un rapport le 21 novembre 2003.

M. [W] précise qu'il est recevable en sa demande dès lors que par jugement du 21 juin 2007, le tribunal de commerce de Senlis a prononcé la clôture pour extinction du passif de la liquidation judiciaire dont il avait été l'objet.

Au fond, il fait valoir qu'il n'agit pas sur le fondement des vices cachés et qu'il ne saurait lui être opposé le dépassement du délai de deux ans pour agir mais bien sur le manquement à l'obligation de délivrance au regard de la boîte de vitesses qui était vendue comme ayant été refaite.

La société COSNE SUD DEPANNAGE s'estime également recevable à agir pour les mêmes raisons en exposant qu'il est manifeste que la boîte de vitesses n'était pas conforme aux indications portées sur la facture puisqu'elle n'avait pas été refaite avant la vente, plus exactement, que la réfection avait été limitée à l'arbre et aux roulements.

Les appelants en concluent qu'ils sont fondés en leurs demandes de dommages-intérêts pour défaut de délivrance et demandent que soient écartés les motifs du tribunal selon lesquels l'acheteur n'avait pas procédé à l'adaptation de l'engin aux besoins de son activité - cette adaptation n'étant pas nécessaire s'agissant d'un engin de levage -, la résolution de la vente ne pouvait être prononcée puisque le nombre de kilomètres parcourus n'était pas indiqué alors que le vendeur n'avait pas fourni ce kilométrage, se bornant à indiquer le nombre d'heures de fonctionnement, enfin, sans en apporter la démonstration, que M. [W] avait réservé à cette grue une utilisation autre que celle pour laquelle un tel engin a été conçu.

Les appelants font observer, également, qu'ils ne s'expliquent pas pourquoi la société MD TRADE n'a mis en cause ni la société JLM, son vendeur, ni la société ATSO réparateur de la boîte de vitesses.

Au regard de la traçabilité de la boîte de vitesse, ils répondent que contre toute attente, la société POTAIN a procédé à la dépose sans l'en avertir, mais, néanmoins, à la demande expresse des experts d'assurance, dont celui de la société MD TRADE, cette dernière n'exprimant aucune réserve d'ailleurs en cours d'expertise.

Au regard de l'usage de la grue, M [W] expose que contrairement à ce que le tribunal a retenu, l'expert avait interrogé les parties sur l'usage qui avait été fait de l'engin avant la panne et donné son avis au chapitre V de son rapport.

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 avril 2010 par la société MD TRADE par lesquelles elle fait observer, en premier lieu, que l'appelant ne peut soutenir de façon vraisemblable que lors de la panne le 26 avril 2001, 8 mois après la prise de possession de l'engin, celui-ci n'avait parcouru que 250 km et qu'il aurait lui-même procédé à des travaux de mise en conformité pendant plusieurs mois en vue d'effectuer du dépannage autoroutier.

La société MD TRADE demande que soit adopté le point de vue de l'expert selon lequel l'utilisation en remorquage du matériel acheté rend le bris des mécanismes inévitable.

L'intimée rappelle que le 28 avril 2008, M.[W] a pris l'initiative de faire remorquer la grue dans un garage de [Localité 15], de faire procéder à la dépose de la boîte de vitesses avant de l'envoyer au centre de rénovation de l'entreprise POTAIN à [Localité 16], qu'il a présenté un devis de réparation de 17'000 € ; que la boîte de vitesses ne sera jamais réparée et que les possesseurs successifs de la grue l'ont laissée à l'abandon malgré le faible coût de réparation ; qu'ils attendront deux ans pour engager l'expertise et quatre ans pour demander l'indemnisation de leur propre incurie ; que la grue sera volée en définitive.

L'intimée ajoute qu'en raison de la liquidation judiciaire de M. [W], le transfert de contrat par la société BAIL ACTEA au profit de la société COSNE SUD DEPANNAGE, après la panne, s'est effectué le 25 janvier 2002 au prix de 115'812,21 € hors taxes, alors que personne n'ignorait le démontage de la boîte de vitesses et que la société COSNE SUD DEPANNAGE a toujours affirmé avoir laissé la grue à l'abandon durant cinq ans en dépit du fait qu'elle avait repris le crédit-bail.

La société MD TRADE observe, par ailleurs, que la société BAIL ACTEA n'a formulé la demande d'expertise que 15 mois après la panne, que le rapport n'a été déposé que le 21 novembre 2003 et que l'assignation au fond n'a été délivrée que le 23 août 2005 par la société BAIL ACTEA, M.[W], le mandataire liquidateur de M [W] et la société COSNE SUD DEPANNAGE, 21 mois après le dépôt du rapport ; que la grue n'a toujours pas été réparée.

Compte tenu de l'ensemble des éléments du dossier au regard notamment du déroulement des faits, de l'absence de preuve et de la nullité du rapport d'expertise, elle demande de confirmer le jugement y compris les dommages-intérêts pour procédure abusive.

La société MD TRADE demande à la cour de dire que M.[W] est irrecevable en sa demande compte tenu de la procédure collective affectant le fonctionnement de sa société, en second lieu, elle critique la recevabilité des demandes, celle de M. [W] introduite sur le fondement de l'article 1648 du code civil étant tardive comme postérieure de plus de deux ans à l'acte de vente ; elle l'estime irrecevable du seul fait qu'en tant que professionnel du matériel acheté, il n'a pu se plaindre de la méconnaissance du fonctionnement du matériel.

La société MD TRADE expose également qu'elle n'a pas de lien de droit avec M. [W] et qu'aux termes du contrat de location, M [W] s'était vu conférer par le bailleur le droit d'ester directement contre le fabricant alors qu'elle n'est elle-même que le vendeur d'un matériel d'occasion à l'égard duquel il ne peut exercer aucune action ; qu'en tout état de cause, la vente s'est opérée entre professionnels.

Elle ajoute que lorsque la société COSNE SUD DEPANNAGE a repris le contrat de crédit-bail, il s'agissait toujours de la même grue, qu'elle avait connaissance de la panne l'affectant et ne peut donc demander l'indemnisation de son préjudice alors qu'elle a repris la location en toute connaissance de cause, rachetant ainsi ce matériel en l'état.

La société MD TRADE demande également qu'il soit jugé que la société BAIL ACTEA soit déclarée irrecevable à agir, sa demande fondée sur le vice caché étant tardive. 

Au fond, la société MD TRADE soutient à nouveau que M [W] était tenu de faire examiner l'engin acheté auprès du service des mines. Alors qu'elle avait été déjà allouée par la société BAIL ACTEA à M. [W], ce dernier l'a fait examiner, le 22 septembre 2000, et aucun dysfonctionnement n'a été constaté à l'exception d'une légère fuite au niveau de la boîte de vitesses ; que ce n'est donc qu'après un usage constant suivant l'achat et non pas après un long temps d'immobilisation que la panne de cette boîte de vitesses s'est réalisée après avoir effectué des travaux de remorquage pour lesquels ce matériel n'est pas prévu.

La société MD TRADE ajoute enfin que les appelants ne s'expliquent pas sur les conditions irrégulières au regard de la procédure de la dépose de la boîte de vitesse, de l'impossibilité de l'examiner pour l'expert et du stationnement pendant de longues années de cet engin encombrant au garage MICHEL DÉPANNAGE, enfin sur le vol ayant donné lieu à une plainte avec classement sans suite.

Elle demande, à titre principal, le rejet des demandes et la confirmation du jugement, les demandes de dommages-intérêts n'étant ni fondées ni proportionnées au préjudice indemnisable et, à titre reconventionnel, une somme de 20'000 € à la charge de M. [W], de la société COSNE SUD DEPANNAGE et de la société BAIL ACTEA en raison de la procédure abusive engagée contre elle. Elle demande, en outre, 12'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société BAIL ACTEA signifiées le 20 novembre 2008 par lesquelles elle demande l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de la société MD TRADE à lui payer 12'661,64 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, ainsi que le rejet de toutes les demandes de la société MD TRADE.

Elle fait valoir, pour l'essentiel, qu'il n'est pas prouvé que M. [W] a fait un usage inadéquat de l'engin en tractant un véhicule embourbé, que la société MD TRADE ne s'explique pas sur la raison pour laquelle elle n'a pas fait intervenir en la cause son vendeur, la société JLM, ni la société ATSO, réparateur de la boite de vitesse et tenue à garantie ; qu'il en a résulté que la garantie porte sur la société MD TRADE, exclusivement, et qu'elle est bien fondée à lui réclamer la somme de 12'661,64 € représentant une perte de loyers pour la période comprise entre septembre 2001 et janvier 2002 ; qu'elle ne saurait donc être tenue à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive. 

Vu les dernières écritures signifiées le 25 novembre 2010 par lesquelles la société ATSO, au visa des articles L. 641-9 du code de commerce et 1604 et 1382 du Code civil, ainsi que la pièce numéro 27 produite par la société COSNE SUD DEPANNAGE, demande la confirmation du jugement déféré et de constater que les appelants ne lui demandent rien de sorte que l'appel est abusif et qu'il convient de lui allouer, pour ce motif, une somme de 5'000 € de dommages-intérêts et 5'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de la société COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD, assureur de la société MD TRADE, signifiées le 16 novembre 2010, par lesquelles elle demande de déclarer les appelants mal fondés en leur appel et, subsidiairement, de dire que sa garantie mobilisable, dont franchise de 10 % à déduire, est limitée à 194'829 € et qu'elle est fondée en sa demande de paiement de 5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures signifiées le 29 août 2008 par la société JLM aux termes desquelles elle demande de constater que les appelants l'ont intimée devant la cour bien qu'aucune condamnation ne soit demandée contre elle ni par eux ni par la société MD TRADE et leur condamnation à lui payer 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ; à titre subsidiaire, elle demande d'écarter la demande de garantie dirigée contre elle par la société MD TRADE et sa condamnation à lui payer 3000 euros pour procédure abusive.

Vu les dernières conclusions de la société AXIS laquelle demande de constater qu'aucune prétention n'a été formulée à son encontre et qu'elle est bien fondée à solliciter 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que la capacité à agir de M. [W], reconnue par le tribunal de commerce en son jugement prononcé le 21 septembre 2007 faisant suite à l'assignation délivrée le 23 septembre 2005 tant à titre personnel que représenté par son liquidateur, aux côtés de la société BAIL ACTEA et de la société COSNE SUD DEPANNAGE, contestée par les intimés, a fait l'objet d'une régularisation par l'effet du jugement prononcé par le tribunal de commerce de Senlis le 28 octobre 2009, constatant l'extinction de son passif, par application de l'article L. 632-30 du code de commerce ;

Considérant, dès lors, que l'appel de M. [W] et de la société COSNE SUD DEPANNAGE, successivement crédit-preneurs du véhicule litigieux, est recevable en ce qu'ils ont successivement été titulaires du droit par l'effet de ces contrats, de demander au vendeur, la société MD TRADE, la garantie des défauts affectant le véhicule vendu, qu'il s'agisse de la garantie des vices cachés ou la garantie du défaut de délivrance conforme ;

Considérant que selon les appelants, la grue vendue n'était pas conforme à la description qui en était faite dans la facture, en l'espèce, une boîte de vitesses refaite ;

Considérant que les appelants s'estiment fondés en leur demande par le fait qu'après avoir parcouru 250 km, cette boîte de vitesses ne serait jamais tombée en panne si elle avait fait l'objet d'une réfection avant la vente ;

Considérant, toutefois, que le vendeur conteste que la détérioration de cette boîte de vitesses lui soit imputable en raison du caractère non probant des opérations d'expertise effectuées par l'expert [K] et d'une présentation fausse de la réalité par l'appelant lorsqu'il prétend avoir procédé à des travaux de transformation du véhicule afin de l'utiliser pour le dépannage sur autoroute et n'apporte aucun moyen à opposer au fait qu'un tel véhicule, même transformé, ne pouvait tracter des poids-lourds sans détériorer les organes moteurs tels la boîte de vitesses ;

Considérant, tout d'abord, que M. [W] ne justifie ni de la nature et de l'importance des travaux dont il a fait état ni du temps effectif pendant lequel la grue automotrice a été stationnée avant d'être mise en service ;

Considérant que dans son commémoratif, l'expert interprète la description des faits par M. [W] comme étant précédés par une période comprise entre le 23 septembre 2000 et le 1er avril 2001 de mise en conformité avec l'utilisation de dépannage de véhicules poids-lourds sur autoroute ;

Considérant que par la facture, en fait l'attestation qu'il s'est délivrée à lui-même, l'appelant fait état de travaux effectués 'en interne'pour 415'103,37 F, composés pour la plupart de travaux de tôlerie et d'enjolivement, ayant nécessité trois ouvriers pendant huit heures par jour pendant trente jours, soit 720 heures de travail ;

Considérant qu'il importe peu que ce document traduise la réalité, mais en revanche, alors que la grue n'a jamais été examinée par l'expert, force est de constater qu'il n'est pas prouvé que cette grue a été transformée par rapport à sa fonction initiale de levage, à grande hauteur (bras de 38 m de longueur + extension + flèche) d'une charge allant jusqu'à 60 tonnes ;

Considérant que l'expert qui n'a pas examiné la grue malgré la mission qui lui avait été donnée, n'a pas vérifié le kilométrage mais a constaté que la cause de l'immobilisation résultait de la désintégration d'un roulement conique qui a entraîné à son tour la déformation d'une bague d'étanchéité attenante vidant ainsi la boîte de son huile ;

Considérant que l'expert conclut à la responsabilité de la société ATSO qui a procédé à la réfection demandée par la société JLM en vue de la vente à la société MD TRADE étant rappelé, toutefois, que cette dernière ne les a pas mis en cause ;

Considérant, ainsi, qu'en ne vérifiant pas les affirmations des deux demandeurs, il se borne à reprendre comme des faits certains la transformation du véhicule qu'il n'a pas vu et la désagrégation de la boîte de vitesse, le 26 avril 2001, comme conséquence d'une cause unique : la mauvaise remise en état de cette pièce avant la vente ;

Considérant, toutefois, que l'indication de M. [W] selon laquelle il a transformé le véhicule traduisait nécessairement son intention de l'utiliser comme il l'avait indiqué en cours de procédure, de procéder à des opérations de secours sur autoroute sur des poids-lourds, ce qui est impliquait à la fois le desembourbage et la traction de ces poids lourds ;

Considérant, par ailleurs, que l'expert conclut à l'absence de faute de M. [W] en rapprochant la panne du fait que la boîte de vitesses était normalement en bon état compte tenu de sa réfection 250 km avant cette panne mais il ne s'explique pas sur les multiples causes possibles dont le mauvais usage de l'engin qui est nécessairement dans le débat alors que la preuve est produite par une facture que les roulements de la boîte de vitesses ont été remplacés avant la revente ;

Considérant, au surplus, que l'expertise est incomplète à défaut d'examen de l'ensemble du véhicule conformément à la mission et de débat contradictoire avec les différents intervenants, l'expertise déposée le 21 novembre 2003 n'ayant pas été complétée malgré la demande exprimée par certaines parties ;

Considérant, en définitive, que les lacunes de l'expertise, notamment le non examen du véhicule aux fins notamment de vérifier le kilométrage, son éventuelle transformation et le fait de ne pas approfondir le lien éventuel entre l'usage de ce véhicule et sa destination première ne permettent pas de répondre à la question concernant la cause de la destruction de la boîte de vitesses ;

Considérant que dans ces conditions et en l'absence de tout élément de preuve apportée par les appelants, le jugement doit être confirmé et les appelants doivent être déboutés de l'intégralité de leurs demandes ;

Considérant que la société BAIL ACTEA sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 12'661,64 € faute de s'expliquer avec précision sur leur lien et leur montant en relation avec une perte de loyers qu'elle impute à la société MD TRADE ;

Considérant que la société MD TRADE justifie de ce que la procédure dirigée contre elle a procédé d'un abus de son droit d'appel compte tenu de la faiblesse des moyens des appelants venant au soutien de leur demande et qu'il convient de lui allouer à ce titre une somme de 5'000 € à titre de dommages-intérêts ;

Considérant que sur le même fondement, la société JLM appelée en garantie par la société MD TRADE est fondée en sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 3000 € ;

Considérant, en revanche, que les autres demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive seront rejetées comme non fondées ;

Considérant que pour des raisons d'équité, il convient d'allouer par application de l'article 700 du code de procédure civile :

- 6000 € à la société MD TRADE,

- 3000€ à la société BAIL ACTEA,

- 2000 € à la société COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD,

- 1500 € à la société JLM,

- 1500 € à la société ATSO,

- 1500 € à la société AXIS ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société BAIL ACTEA de sa demande de dommages-intérêts ;

Condamne M. [W] et la société COSNE SUD DEPANNAGE in solidum à payer à la société MD TRADE une somme de 5'000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et condamne sur le même fondement la société MD TRADE à payer à la société JLM la somme de 3000 € ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne M. [W] et la société COSNE SUD DEPANNAGE in solidum à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

- 6000 € à la société MD TRADE,

- 3000 € à la société BAIL ACTEA,

- 2000 € à la société COMPAGNIE MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD,

- 1500 € à la société JLM,

- 1500 € à la société ATSO,

- 1500 € à la société AXIS ;

Condamne la société MD TRADE à payer à la société JLM 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'exclusion de ceux afférents à l'appel en garantie de la société JLM par la société MD TRADE, qui seront supportés par cette société ;

Condamne M. [W] et la société COSNE SUD DEPANNAGE aux dépens ;

Dit qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 07/18764
Date de la décision : 04/02/2011

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°07/18764 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-04;07.18764 ?
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