COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 1er FEVRIER 2011
(no 48, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19069
Décision déférée à la Cour :sentence arbitrale rendue le 30 juillet 2009 par le délégué de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats (no 721184931)
DEMANDERESSE AU RECOURS
Société DENTON WILDE SAPTE LLP prise en la personne de ses représentants légaux et dont la succursale est sise : 5 avenue Percier 75008 PARIS, venant aux droits de S.E.P. Denton Sales VincentOne Fleet placeEC4M7 LONDRES (GRANDE BRETAGNE)représentée par la SCP AUTIER, avoués à la Courassistée de Me David GORDON KRIEF, avocat au barreau de PARIS, toque : P0194SELARL KRIEF-GORDON, avocats au barreau de PARIS
DÉFENDEUR AU RECOURS
Monsieur Hyun Z... A......75008 PARISreprésenté par la SCP ROBLIN - CHAIX DE LAVARENE, avoués à la Courassisté de Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0051
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 8 décembre 2010, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambreMme Brigitte HORBETTE, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire- rendu publiquement par Monsieur François GRANDPIERRE, Président de chambre- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur François GRANDPIERRE, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour,
Considérant que, par acte sous seing privé du 10 janvier 2006, M. Hyun Z... A..., avocat, a conclu un contrat de collaboration libérale avec la S.E.P. Denton, Salès et Vincent ; que, le, 31 décembre 2007, il quitté ce cabinet pour en rejoindre un autre en qualité d'associé ;Que, par requête adressée le 24 octobre 2008 à M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris, M. A... demandait à la S.E.P. Denton, Salès et Vincent de lui rembourser «les charges sociales et ordinales relatives à la somme de 326.620,42 euros à laquelle il convient d'ajouter les intérêts légaux à compter du 31 décembre 2007» ; que, par une nouvelle requête du 8 janvier 2009, il précisait le montant de sa demande en sollicitant une somme de 158.747 euros, outre les intérêts, une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;Que, les parties n'étant parvenues à aucun accord, l'affaire a été soumise à l'arbitrage de M. Côme C..., désigné par M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats et chargé de statuer en droit et à charge d'appel ;Que, par sentence du 30 juillet 2009, le délégué de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats a condamné la S.E.P. Denton, Salès et Vincent à payer à M. A..., qui avait réitéré les demandes figurant dans sa requête du 8 janvier 2009, la somme de 113.391 euros au titre des charges sociales et ordinales afférentes aux années 2006 et 2007, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2008 et la somme de 8.500 euros au titre des frais irrépétibles, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et mis les frais d'arbitrage à la charge de la S.E.P. Denton, Salès et Vincent ;
Considérant qu'appelante de cette sentence, la S.E.P. Denton, Salès et Vincent, devenue S.N.R. Denton UK LLP, qui en poursuit l'annulation pour défaut de motivation, demande que M. A... soit débouté de toutes ses demandes ;Qu'à l'appui de son recours et exposant que le litige porte sur l'interprétation de l'article 7 du contrat de collaboration, la S.N.R. Denton UK LLP expose qu'en vertu de cet article, elle verse à M. A... une rétrocession d'honoraires fixe nette hors taxes de 6.300 euros, les charges sociales et ordinales étant payées par le Cabinet de sorte que ces charges n'incombe au cabinet que pendant la durée du contrat ;Qu'elle ajoute que, d'une part, M. A... a correctement exécuté le contrat pendant la durée de la collaboration et qu'il a obtenu le remboursement de ses charges au titre de l'année 2006 et que, d'autre part, la disposition de l'Intranet du Cabinet, que M. A... connaissait, aux termes de laquelle le remboursement des charges cesse lors du départ de l'avocat, ne fait que corroborer la convention ; qu'elle en déduit que M. A..., contrairement à ce qu'il affirme, a accepté le contrat de collaboration en toutes ses stipulations et dispositions annexes figurant sur l'Intranet notamment en ce que la rétrocession d'honoraires est nette de charges pendant la durée de la collaboration ;Qu'en outre, la S.N.R. Denton UK LLP souligne la mauvaise foi de M. A... qui a d'abord nié avoir eu connaissance de la disposition figurant sur l'Intranet, puis reconnu qu'il la connaissait pour, en fin, se rétracter partiellement de cet aveu ;Que, sur les sommes demandées, la S.N.R. Denton UK LLP fait observer que les cotisations dues au titre de 2008 sont dues au titre de l'exercice professionnel de 2008, fussent-elles assises sur des revenus perçus en 2006 ou 2007, et que le remboursement des charges sur charges évaluées à 40 % et réclamé par M. A... n'a aucun fondement ;Qu'estimant la procédure abusive, la S.N.R. Denton UK LLP demande que M. A... soit condamné à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant que M. A... conclut à la confirmation de la sentence au motif que, comme l'a décidé l'arbitre, «la volonté des parties était bien de faire en sorte que toutes les charges sociales et ordinales résultant du paiement de cette rémunération soient payées par le cabinet, sans restriction, ni dans le montant, ni dans la durée» en sorte que lui sont dues les charges exigibles en 2008 au titre des revenus perçus en 2006 et 2007 ; qu'il ajoute qu'il ne connaissait pas la disposition figurant sur l'Intranet et qu'en tous cas, il n'est pas établi qu'il aurait accepté cette disposition alors surtout qu'elle diminue ses droits tels qu'ils sont fixés par le contrat de collaboration ;Qu'enfin M. A... expose, en détail, le calcul des sommes dont il demande le payement ;
Sur la demande d'annulation de la sentence :
Considérant qu'invoquant les dispositions de l'article 1471 du Code de procédure civile, la société SNR Denton UK LLP reproche à l'arbitre d'avoir omis d'exposer les faits de la cause et les moyens soulevés par les parties et de s'être abstenu de citer les pièces communiquées ;Considérant que, toutefois, la prétendue insuffisance de la motivation d'une sentence arbitrale n'entraîne pas sa nullité alors surtout qu'en l'espèce, l'arbitre, qui a motivé sa décision, a procédé par visa du compromis d'arbitrage et des pièces communiquées par les parties ;Qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler la sentence ;Qu'en revanche, l'arbitre ayant été chargé de statuer à charge d'appel, il convient d'examiner l'affaire au fond ;
Au fond et sur les demandes accessoires :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du contrat de collaboration conclu le 10 janvier 2006 entre M. A... et la S.E.P. Denton, Salès et Vincent, «le Cabinet verse à Monsieur Hyun Z... A... une rémunération dans les conditions suivantes : - versement mensuel d'une rétrocession d'honoraires fixe nette hors taxes de 6.300 euros (les charges sociales et ordinales de Monsieur Hyun Z... A... étant prises en charge par le Cabinet)...» ; qu'il s'infère de la construction adoptée, caractérisée par l'emploi du participe présent dans une proposition circonstancielle juxtaposée quoique mise entre parenthèses, que, comme le soutient exactement la société SNR Denton UK LLP, «ce qui est net, c'est le versement mensuel de la rétrocession d'honoraires, depuis le premier versement mensuel jusqu'au dernier versement mensuel, pendant toute la durée de ce versement mensuel, tant que la rétrocession mensuelle est versée» et que «le versement mensuel net de charges signifie que sont remboursées les cotisations dues et exigibles pendant toute la durée au cours de laquelle ce versement mensuel est effectué, c'est-à-dire pendant toute la durée du contrat, tant que la rétrocession mensuelle est versée» ;Qu'en d'autres termes, l'article 7 susvisé stipule que la rétrocession mensuelle est versée nette non pas, comme le soutient M. A..., en ce que toutes les cotisations assises sur cette rétrocession sont remboursées, mais en ce que toutes les cotisations dues et exigibles pendant la période de versement de la rétrocession, c'est-à-dire pendant la durée du contrat de collaboration, sont remboursées ;Considérant qu'en fait, le contrat de collaboration a été exécuté de cette manière par les parties dès lors que la société SNR Denton UK LLP démontre par sept factures émanant de M. A... et datées, deux de 2006, cinq de 2007, ainsi que par les pièces justificatives qui y sont annexées, que le susnommé n'a supporté aucune charge due et exigible pendant le versement de la rétrocession et ce, alors que les charges dues en 2006, qui lui ont été remboursées à sa demande, n'étaient pas dues au titre des revenus versés par la S.E.P. Denton, Salès et Vincent ;Qu'il suit de tout ce qui précède que, d'une part, la commune intention des parties était d'arrêter, en faveur de M. A..., une rétrocession d'honoraires nette de charges pendant la durée de la collaboration et que, d'autre part, la convention a été exécutée conformément à cette stipulation;Que, par voie de conséquence, et sans qu'il y ait lieu de rechercher si M. A... connaissait les dispositions du règlement intérieur publié au moyen de l'Intranet du Cabinet, il convient d'infirmer la sentence frappée d'appel et de débouter M. A... de toutes ses demandes ;
Considérant qu'il n'est pas démontré que M. A... ait agi en justice dans des conditions abusives et préjudiciables à la société SNR Denton UK LLP alors surtout que, devant l'arbitre, il a obtenu gain de cause ; Qu'il y a donc lieu de débouter la société SNR Denton UK LLP de sa demande de dommages et intérêts ;
Et considérant que chacune des parties sollicite une indemnité en invoquant les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que, succombant en ses prétentions et supportant les dépens, M. A... sera débouté de sa réclamation ; qu'en revanche, il sera condamné à verser à la société SNR Denton UK LLP les frais qui, non compris dans les dépens, seront arrêtés, en équité, à la somme de 10.000 euros ;Qu'en outre, M. A... sera condamné aux frais d'arbitrage ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Dit n'y avoir lieu à annulation de la sentence rendue le 30 juillet 2009 par le délégué de M. le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris ;
En revanche, infirme ladite sentence et faisant droit à nouveau :
Déboute M. Hyun Z... A... de toutes ses demandes dirigées contre la société SNR Denton UK LLP, nouvelle dénomination de la société Denton Wilde Sapte LLP ;
Déboute la société SNR Denton UK LLP de sa demande de dommages et intérêts ;
Déboute M. A... de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamne, par application de ce texte, à payer à la société SNR Denton UK LLP la somme de 10.000 euros ;
Condamne M. A... à tous les frais d'arbitrage, toutes taxes comprises, ainsi qu'aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. Autier, avoué de la société SNR Denton UK LLP, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.