Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 27 JANVIER 2011
(n° 37, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/19085
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2009 - Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 08/03356
APPELANT
Monsieur [V] [L]
né le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 9] (Italie)
demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP FANET - SERRA, avoués à la Cour
assisté de Maître Hélène GUINARD, avocat au barreau du VAL DE MARNE,
toque : PC 247
INTIMÉS
Monsieur [T] [F]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 8] (92)
de nationalité française
retraité
Madame [S] [J]
née le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 7] (70)
de nationalité française
retraitée
demeurant tous deux [Adresse 3]
représentés par Maître Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour
assistés de Maître Patrick TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1010
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 9 décembre 2010, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier :
lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Christiane BOUDET
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Madame Christiane BOUDET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte sous seing privé du 16 janvier 2007, M. [T] [F] et Mme [S] [J] (les consorts [F]-[J]) ont vendu à M. [V] [L] un ensemble immobilier constitué d'un terrain et d'une maison à usage d'habitation sis [Adresse 3] (94) au prix de 725 000 € sous la condition suspensive de la purge du droit de préemption urbain, la réitération de la vente par acte authentique étant fixée au 30 octobre 2007.
Par arrêté du 19 mars 2007, le maire de la ville de [Localité 6] a décidé d'exercer son droit de préemption et proposé le prix de 580 000 €. Les consorts [F]-[J] ayant refusé ce prix, le maire a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation de la valeur du bien, objet de la préemption.
Par jugement du 6 décembre 2007, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Créteil a fixé le prix à la somme de 798 082 €.
Par arrêté du 22 janvier 2008, le maire de ladite ville a décidé de renoncer à l'acquisition par voie de préemption.
Les consorts [F]-[J] ayant refusé de réitérer la vente, par acte du 26 mars 2008, M. [L] les a assignés en exécution forcée.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 2 juin 2009, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- débouté M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
- débouté les consorts [F]-[J] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné M. [L] à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 25 novembre 2010, M. [L], appelant, demande à la Cour de :
- vu l'article 1589 du Code civil,
- infirmer le jugement entrepris,
- constater que la vente du 16 janvier 2007 est parfaite,
- en conséquence, enjoindre aux consorts [F]-[J] de procéder à la signature de l'acte authentique de réitération sous astreinte définitive et comminatoire de 1 000 € par jour de retard,
- dire qu'à défaut de régularisation dans la délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, il se substituera à l'acte de réitération et produira tous les effets de la vente,
- condamner les consorts [F]-[J] à lui verser la somme de 72 500 € à titre de dommages-intérêts en application de la clause pénale et celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 2 décembre 2010, les consorts [F]-[J] prient la Cour de :
- vu les articles L.211-1 et suivants, L.213-8 et suivants et R.213-10 du Code de l'urbanisme qui sont d'ordre public
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] de l'intégralité de ses demandes,
- constater la caducité de la 'promesse' de vente à la suite de l'exercice par la commune de son droit de préemption,
- constater que la 'promesse' est devenue caduque à défaut de réalisation des conditions suspensives au 30 octobre 2007,
- en conséquence, débouter M. [L] de toutes ses demandes,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- statuant à nouveau : condamner M. [L] à leur payer les sommes de 100 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi, 20 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral subi, 7 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE, LA COUR
Considérant que les moyens développés par M. [L] au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Considérant qu'à ces justes motifs, il sera ajouté qu'aux termes du compromis de vente du 16 janvier 2007, les parties ont convenu de soumettre formellement la vente à la condition suspensive stipulée 'au seul profit de l'acquéreur lequel pourra toujours y renoncer' du non exercice du droit de préemption urbain en prévoyant qu'en 'cas d'exercice du droit de préemption l'acquéreur reprendra sa pleine et entière liberté et récupérera immédiatement et sans aucune formalité la somme remise au séquestre', le préempteur étant subrogé dans les droits et obligations de l'acquéreur ;
Considérant qu'après que le maire de la ville ait exercé son droit de préemption par arrêté du 19 mars 2007, M. [L] ne justifie pas avoir explicitement manifesté son intention de renoncer au bénéfice de la condition suspensive précitée ;
Qu'en effet, par une annexe au compromis du 16 janvier 2007, les parties ont convenu que le dépôt par l'acquéreur de la somme de 36 250 € prévu dans le corps du contrat était converti en une caution bancaire délivrée par une banque dans les 21 jours de l'acte pour une durée courant jusqu'au 30 novembre 2007, l'engagement de caution devant être déposé entre les mains du notaire, séquestre, dans les délais précité sous peine de caducité de l'acte ;
Que, cependant, M. [L] n'établit pas avoir prolongé la garantie bancaire au-delà du 30 novembre 2007 et l'avoir déposée entre les mains du notaire, la caution de la banque Société générale versée aux débats ne prenant effet que le 23 avril 2008, soit postérieurement à l'introduction de la présente instance ;
Qu'ainsi, le compromis est caduc ;
Qu'en outre, M. [L] n'a pas même implicitement manifesté son intention de renoncer au bénéfice de la condition suspensive précitée ;
Considérant, au demeurant, que, contrairement à l'annulation judiciaire de la décision de préemption qui a un effet rétroactif, la renonciation à la préemption, qui n'a d'effet que pour l'avenir, n'anéantit la décision par laquelle le maire a exercé le droit de préemption ;
Qu'en conséquence, en l'espèce, la condition suspensive de non exercice du droit de préemption ayant défailli à la date de l'arrêté du 19 mars 2007, le compromis de vente est caduc, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de vente forcée ;
Considérant qu'au chapitre 'Clause pénale', le compromis du 16 janvier 2007 stipule que 'En application de la rubrique 'RÉALISATION', il est convenu qu'au cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser par acte authentique la présente vente dans le délai imparti, sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive, elle pourra y être contrainte par tous les moyens et voies de droit en supportant les frais de poursuites et de recours à justice et sans préjudice de tous dommages et intérêts. Toutefois, la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son cocontractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice la somme de soixante douze mille cinq cents euros (72 500 €) de l'autre partie' ;
Considérant que la vente étant caduque par suite de la défaillance de la condition suspensive de non exercice du droit de préemption, la clause pénale ne peut être invoquée à l'encontre des vendeurs, de sorte que M. [L] doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 72 500 € ;
Considérant que la procédure introduite par M. [L], fût-il professionnel de l'immobilier, n'est pas abusive ; qu'en conséquence, les consorts [F]-[J] doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de M. [L] ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande des consorts [F]-[J] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. [V] [L] à payer à M. [T] [F] et Mme [S] [J] la somme de 3 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
Rejette les demandes pour le surplus ;
Condamne M. [V] [L] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La Greffière,La Présidente,