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26/01/2011 | FRANCE | N°10/13051

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 26 janvier 2011, 10/13051


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 26 JANVIER 2011





(n° 55 , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13051



Décision déférée à la Cour



Ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris rendue le 19 Mai 2010 sous le RG n° 0503882





APPELANTE



Société de droit Ã

©tranger AIR ALGÉRIE, prise en la personne de ses représentant,1, [Adresse 8]



représentée par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoués à la Cour

assistée de Me Benjamin POTIER, plaidant pour la SCP PUK CLYDE...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 26 JANVIER 2011

(n° 55 , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/13051

Décision déférée à la Cour

Ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de Paris rendue le 19 Mai 2010 sous le RG n° 0503882

APPELANTE

Société de droit étranger AIR ALGÉRIE, prise en la personne de ses représentant,1, [Adresse 8]

représentée par la SCP KIEFFER-JOLY - BELLICHACH, avoués à la Cour

assistée de Me Benjamin POTIER, plaidant pour la SCP PUK CLYDE & CO LLP, avocats au barreau de Paris, toque : P 429

INTIMÉS

Monsieur [N] [W] [Adresse 6] Algerie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [JT] [W] [Adresse 6] Algerie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [LP] [W] [Adresse 6] Algerie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [XH] [W] [Adresse 6] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [LP] [X] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [K] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [B] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [G] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [Y] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [U] [C] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [P] [HW], représenté par sa mère Mme [LP] [X], agissant en qualité d'administratrice légale de son fils demeurant [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [E] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [S] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [AD] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [AH] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [A] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [D] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [O] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [M] [HW] [Adresse 3] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [TN] [HW] [Adresse 3] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [DU] [R] épouse [W] [Adresse 2] Grande-Bretagne

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Nicolas LITAIZE, plaidant pour le Cabinet CIMADEVILLA, avocats au barreau de Paris, toque : D 0316

Mademoiselle [F] [W] [Adresse 2] Grande-Bretagne

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Nicolas LITAIZE, plaidant pour le Cabinet CIMADEVILLA, avocats au barreau de Paris, toque : D 0316

Mademoiselle [T] [W] [Adresse 2] Grande-Bretagne

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Nicolas LITAIZE, plaidant pour le Cabinet CIMADEVILLA, avocats au barreau de Paris, toque : D 0316

Mademoiselle [V] [W] [Adresse 2] Grande-Bretagne

représentée par la SCP DUBOSCQ et PELLERIN, avoués à la Cour

assistée de Me Nicolas LITAIZE, plaidant pour le Cabinet CIMADEVILLA, avocats au barreau de Paris, toque : D 0316

Société de droit américain UNITED TECHNOLOGIES CORPORATION - UTC, Prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 7]

[Localité 5] Etats-Unis

représentée par la SCP SCP MONIN D AURIAC DE BRONS, avoués à la Cour

assistée de Me Sarah ACHILLE, plaidant pour HERBERT SMITH, avocats au barreau de Paris, toque : J 025

Société américaine régie par le droit de l'Etat du Delaware THE BOEING COMPANY [Adresse 1] Etats-Unis

représentée par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour

assistée de Me Karine PONCZEK, plaidant pour HOGAN LOVELLS, avocats au barreau de Paris

Monsieur [H] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Madame [I] [Z] [Adresse 6] Algérie

représentée par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assistée de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [Y] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [VK] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [L] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [CB] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

Monsieur [J] [W] [Adresse 6] Algérie

représenté par la SCP CALARN-DELAUNAY, avoués à la Cour

assisté de Me Jean-Pierre BELLECAVE, plaidant pour la SELARL MARTIN-CHICO ET ASSOCIES, avocats au barreau de Bordeaux

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2010, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marcel FOULON, Président

Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Marcel FOULON, président et par Madame Lydie GIRIER-DUFOURNIER, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS

1. Le 6 mars 2003, un appareil de type Boeing appartenant à son exploitant, Air Algérie - dont le siège social est à [Localité 4] en Algérie - et assurant la liaison entre [Localité 9] et [Localité 4] s'écrasait sur l'aérodrome de [Localité 9].

 

2. Par acte du 25 février 2005, 340 ayants droits et héritiers - de nationalité française et algérienne - de 34 passagers et de 2 membres d'équipage de nationalité algérienne disparus dans l'accident, assignaient, devant le Tribunal de grande instance de Paris, les sociétés SNECMA SERVICES - dont le siège social est en France -, SNECMA SERVICES BRUSSELS (entreprise de maintenance) et AIR ALGÉRIE aux fins d'être indemnisés du préjudice subi du fait de la perte de leurs proches.

 

3. Le 7 mai 2005, les mêmes demandeurs saisissaient le Tribunal Supérieur du District de Tolland à Rockville, Etat du Connecticut, USA, de leur recours afin d'indemnisation de leurs préjudices à l'encontre de deux sociétés américaines,The United Technologies Corporation, Pratt & Whitney Division (plus loin « UTC ») et The Boeing Compagny (plus loin « BOEING »). Soulevant une exception de forum non conveniens, ces deux sociétés convenaient, le 3 février 2006, de soumettre leur différend au Tribunal de grande instance de Paris. Cet accord était homologué par la juridiction américaine le 17 février 2006.

 

4. Le 21 avril 2006, les mêmes demandeurs assignaient UTC et BOEING devant le Tribunal de grande instance de Paris. Le 14 juin 2006, la jonction des deux procédures engagées devant le Tribunal de grande instance de Paris était prononcée par le juge de la mise en état.

 5. Par acte du 5 mars 2005, l'épouse et les trois filles de M. [W], toutes de nationalité britannique, assignaient les sociétés UTC et Air Algérie devant le Tribunal d'Alger, section civile. Par jugement en date du 21 octobre 2006, cette juridiction se déclarait incompétente pour statuer sur leur demande d'indemnisation.

Par arrêt du 18 octobre 2008, la Cour d'Alger rejetait leurs demandes aux motifs qu'elles avaient été suffisamment indemnisées par le versement des indemnités d'assurance collective et individuelle.

 

6.  Les quatre personnes susvisées intervenaient volontairement à la procédure pendante devant le Tribunal de grande instance de Paris par conclusions en date du 6 mars 2007.

 

7. A l'issue de plusieurs protocoles transactionnels, 302 demandeurs, ayants droits des passagers, se désistaient de leur instance et de leur action à l'encontre de tous les défendeurs, et les demandeurs restant se désistaient de leur instance et de leur  action à l'encontre de SNECMA SERVICES et SNECMA SERVICES BRUSSELS.

 

Ces désistements étaient constatés par deux ordonnances du juge de la mise en état, respectivement en date du 4 et 30 novembre 2009.

 

8. Les familles des deux membres de l'équipage, tous les deux de nationalité algérienne, disparus dans l'accident,  à savoir la famille de Monsieur [HW] - chef de cabine - (tous les membres étant de nationalité algérienne) et la famille de Monsieur [W] - pilote - ne se sont pas désistées et considèrent que le tribunal territorialement compétent pour connaître de leur demande est le Tribunal de grande instance de Paris. 

 

Par ordonnance contradictoire du 19 mai 2010, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Paris :

 

- rejetait l'exception d'incompétence ;

- disait n'y avoir lieu à application de l'article 700 du CPC ;

- donnait acte à Mlle [G] [HW] et à Mlle [V] [W] de ce qu'étant devenues majeures, elles reprenaient personnellement la procédure introduite par leur représentant légal ;

- réservait les dépens.

 

Le 24 juin 2010, AIR ALGERIE interjetait appel de cette décision.

L'ordonnance de clôture était rendue le 8 décembre 2010.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS D'AIR ALGÉRIE :

 

Dans ses dernières conclusions en date du 15 décembre 2010, auxquelles il convient de se reporter, AIR ALGERIE fait valoir :

Sur le privilège de juridiction de l'article 14 du Code civil

- que les intimés ne peuvent bénéficier de l'application de l'article 14 du Code civil car ils sont soit de nationalité algérienne, soit de nationalité britannique et qu'aucun n'est résident en France ;

- que contrairement à ce qu'invoquent les intimés, il ne ressort pas de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'un co-demandeur étranger puisse bénéficier d'une « extension » du privilège de juridiction au motif que le demandeur est français ou résident en France,

- qu'en tout état de cause, une extension de ce privilège est possible à condition qu'il existe une connexité entre les demandes présentées par les demandeurs Français et étrangers ;

- qu'en l'espèce tel n'est pas le cas car les demandes formées par les familles de passagers français et les demandes des familles des membres de l'équipage reposent sur un fondement et un régime juridique différent, à savoir responsabilité du transporteur aérien pour les premières, responsabilité de l'employeur pour les deuxièmes ;

- que la circonstance que plusieurs personnes aient subi un dommage en raison d'un même fait générateur ne suffit pas à rendre leurs demandes connexes ;

- que lorsque la compétence du Tribunal n'est pas fondée sur le domicile d'un défendeur, l'existence d'un lien de connexité  s'apprécie en fonction de l'identité des fondements juridiques des demandes ;

- que la connexité invoquée par les intimés a disparu du fait du désistement de tous les demandeurs français ou résidents en France ;

- que la jurisprudence selon laquelle la compétence s'apprécie au jour de la demande  n'est pas transposable en l'espèce, que tout au plus, le Tribunal de grande instance de Paris n'aurait qu'une compétence dérivée et non pas directe ;

- que l'épouse et les filles de M. [W] ont renoncé à la compétence dérivée, éventuelle, dudit Tribunal en saisissant volontairement, en premier lieu, les juridictions algériennes le 5 mars 2005 ;

- que peu importe qu'elles aient décidé de faire appel de la décision du Tribunal Algérien après avoir saisi  les juridictions françaises ;

Sur l'article 42 alinéa 2 du Code de procédure civile

- que SNECMA SERVICES est le seul défendeur à avoir son siège en France et n'est pas un défendeur réel et sérieux, puisque AIR ALGÉRIE n'a aucun accord contractuel avec SNECMA SERVICES et que ce n'est que postérieurement à l'accident qu'AIR ALGÉRIE a confié une mission d'examen à SNECMA SERVICES BRUXELLES ;

- que tout chef de compétence dérivée qui aurait pu découler de la présence dans la procédure de SNECMA SERVICES et de SNECMA SERVICES BRUSSELS a disparu du fait de leur mise hors de cause ;

- que le fait que BOEING et UTC aient accepté la compétence du Tribunal de grande instance de Paris ne saurait être opposable à AIR ALGERIE qui n'était pas partie à l'accord procédural ;

- qu'en tout état de cause, les intimés ne démontrent pas avoir conclu et bénéficié de cet accord et que l'absence de contestation de BOEING et UTC n'est pas une preuve ;

Sur l'absence de compétence dérivée en vertu de l'article 333 du Code de procédure civile :

que AIR ALGERIE ne peut faire l'objet d'une intervention forcée car il est défendeur originaire et principal et non un tiers.

AIR ALGERIE demande à la Cour :

- de prendre acte du jugement rendu le 6 juin 2006 par le Tribunal d'Alger section civile, de la décision de la Cour d'Alger du 18 octobre 2008 et de la décision de la Cour d'Alger du 24 novembre 2007 ;

- de 'réformer' l'ordonnance entreprise ;

En conséquence,

- de déclarer le Tribunal de grande instance de PARIS incompétent pour connaître des prétentions des demandeurs à l'encontre de la société Air Algérie, au profit des juridictions algériennes compétentes ;

- de donner acte à l'appelante qu'elle a réservé tous autres exceptions, fins de non recevoir et moyens de défense au fond ;

- de condamner chacun des demandeurs à payer à la société Air Algérie la somme de 150 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES CONSORTS [W], DE Mme [Z], Mme [X], Mme [C], ET DES CONSORTS [HW] :

 

Dans leurs dernières conclusions en date du 30 novembre 2010, auxquelles il convient de se reporter, [H], [Y], [VK], [L], [CB], [J], [N], [JT], [LP], [XH] [W] (les consorts [W]), Madame [I] [Z],  Madame [LP] [X], Madame [U] [C]  et [K], [B], [G], [Y], [P], [E], [S], [AD], [AH], [A], [D], [O], [M], [TN] [HW] (les consorts [HW]) font valoir :

 

- qu'ils étaient parties à la procédure américaine et, que la copie des premières pages de la demande introductive d'instance aux Etats-Unis démontrent qu'ils étaient représentés ;

- qu'en cas de connexité et d'une pluralité de défendeurs, l'article 42 alinéa 2 du CPC est applicable, y compris dans l'ordre international ;

- que le Tribunal de  grande instance de Paris était, au moment de sa saisine, compétent à l'égard des sociétés SNECMA SERVICES et AIR ALGÉRIE ;

- que l'article 4 du règlement 44/2001 s'applique en l'espèce, qu'en effet, il prévoit que si « le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre, la compétence est, dans chaque Etat membre, réglée par la loi de cet Etat membre ['] » ;

- que les faits en cause sont eux-mêmes connexes ;

- que l'existence d'un contrat  de travail liant leurs auteurs et AIR ALGÉRIE n'empêche pas le Tribunal de grande instance  de Paris d'être compétent ;

- que l'arrêt du 24 novembre 2007 rendu par la Cour d'Appel d'Alger n'a pas tranché de moyen au fond mais déclaré « l'action irrecevable en la forme » ;

- que les indices et présomptions disponibles au moment de l'introduction de l'assignation en 2005, désignaient SNECMA SERVICES et SNECMA SERVICES BRUSSELS comme entreprises de maintenance auxquelles AIR ALGERIE avait confié sa maintenance ;

- que le rapport d'enquête n'a donné aucune information sur l'entreprise chargée de la maintenance des moteurs et n'a pas indiqué qu'elle était effectuée par AIR ALGÉRIE ;

- que la compétence s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance ;

- que la faculté d'assigner tous les codéfendeurs devant la même juridiction est applicable même lorsque la juridiction saisie n'est pas celle du lieu où demeure l'un des défendeurs,

- qu'il n'existe aucune clause attributive de compétence ou compromissoire de nature à  rendre « inapplicable » l'article 333 Code de procédure civile ;

- qu'AIR ALGÉRIE a la qualité de tiers envers BOEING et PRATT & WHITNEY (« UTC ») ;

- qu'en vertu de l'article 1er de la Convention du 27 août 1964 relative à l'exequatur et à l'extradition entre l'Algérie et la France, la décision rendue par le Tribunal d'Alger le 6 juin 2006 n'émanait pas « d'une juridiction compétente selon les règles concernant les conflits de compétence dans l'Etat où la décision doit être exécutée »,  qu'AIR ALGÉRIE ne peut donc pas s'en prévaloir ;

- que les consorts [W], Madame [Z], Madame [X], Madame [C], les consorts [HW] s'associent aux moyens qui ont été invoqués par BOEING et par UTC en première instance, ainsi que par le Ministère Public sur le fondement de l'article 14 du Code civil ;

- que le privilège de juridiction s'applique « sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la nationalité des autres parties demanderesses, dès lors que le demandeur français justifie d'un intérêt à exercer en son nom propre l'action en justice ».

Ils demandent à la Cour :

- de déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société AIR ALGERIE,

- de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société AIR ALGERIE,

- de la débouter de ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

- de la condamner à payer à chacun des concluants une indemnité de 100 € au titre de l'article 700 CPC,

- de la condamner aux entiers dépens.

Ces parties entendent bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE Mme [R], Mlles [F], [T] et [V] [W] :

 

Dans leurs dernières conclusions en date du 1er décembre 2010, auxquelles il convient de se reporter, Madame [R], Mesdemoiselles [F], [T] et [V] [W] font valoir :

- que le Tribunal de grande instance de Paris est compétent à l'égard de BOEING et UTC en raison de l'accord conclu le 3 février 2006 entre les demandeurs initiaux et les défendeurs américains,

- que ce tribunal est compétent à leur égard en application de l'article 51 CPC,

- qu'en vertu de l'article 14 du Code civil, toute personne de nationalité française peut attraire devant les juridictions françaises tout défendeur étranger, quelle que soit sa nationalité,

- que l'annexe I de l'article 4 du règlement communautaire n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale vise les articles 14 et 15 du Code civil,

- qu'il est de jurisprudence constante que l'article 14 du Code civil peut être invoqué par des co-demandeurs qui ne seraient ni de nationalité française, ni domiciliés en France, dès lors qu'au moins un des co-demandeurs est français,

- qu'en l'espèce, 39 des demandeurs qui ont initié l'instance sont de nationalité française et bénéficient du privilège de l'article 14 du Code civil,

- que, par conséquent, elles peuvent bénéficier de ce privilège quand bien elles sont de nationalité britannique et résident au Royaume-Uni,

- que peu importe que les demandeurs français se soient désistés de leur action après l'introduction de leur action car la compétence du Tribunal s'apprécie au moment de l'introduction de l'instance,

- qu'elles n'ont pas renoncé à la compétence du Tribunal de grande instance de Paris,

- qu'elles sont intervenues à l'instance après que le Tribunal d'Alger section civile se soit déclaré incompétent rationae materiae le 21 octobre 2006 et avant d'interjeter appel de cette décision le 12 mars 2008 afin de préserver leurs droits,

- qu'elles s'étaient réservées le droit d'assigner UTC et AIR ALGERIE, ainsi que tout autre responsable devant toute autre juridiction,

- que la Cour d'Appel d'Alger a infirmé la décision de première instance sur la compétence et a rejeté leur demande d'indemnisation,

- qu'elles ont formé pourvoi en cassation contre cette décision.

Elles demandent à la Cour :

- de confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle les a déboutés de leur demande  de condamnation de toute partie succombante à la somme de 1.000 € par application de l'article 700 du CPC,

En conséquence,

- de condamner AIR ALGERIE à leur payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 CPC,

- de condamner AIR ALGERIE aux entiers dépens de première instance et d'appel.  

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE UTC :

 

Dans ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2010, auxquelles il convient de se reporter, UTC demande à la Cour :

-  de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la Justice quant au bien-fondé de l'exception d'incompétence soulevée par Air Algérie,

- de condamner toute partie succombante aux dépens.

Cette partie entend bénéficier des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DE BOEING :

 

Dans ses dernières conclusions en date du 3 décembre 2010, auxquelles il convient de se reporter, Boeing demande :

-  de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la Justice quant au bien-fondé de l'exception d'incompétence soulevée par Air Algérie,

- de condamner toute partie succombante aux dépens.

 

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'incident de procédure

Considérant que AIR ALGÉRIE demande la révocation de l'ordonnance de clôture pour admettre les conclusions du 15 décembre 2010 mettant à jour son bordereau de pièces communiquées ; que les Consorts [W] ne s'opposent pas à cette demande ; qu'une omission matérielle, dans le bordereau de pièces communiquées, permet de révoquer l'ordonnance de clôture et d'en prononcer une nouvelle le jour de l'audience ;

Sur les demandes de 'donner acte' de AIR ALGÉRIE

Considérant que « donner acte » d'un fait ou d'un acte à une partie (ou le refus de donner acte) ne peut consacrer la reconnaissance d'un droit mais constitue une simple mesure d'administration judiciaire laissant intacts les droits de la partie qui l'a réclamé ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande dont l'utilité n'apparaît pas avec l'évidence suffisante ;

Sur la compétence

Considérant que la société appelante rappelle à juste titre que la présente juridiction n'a pas à rechercher si certains demandeurs 's'efforcent d'obtenir une indemnisation qui leur a été refusée par une décision de Cour d'appel', ou - et - si d'autres s'efforcent de contourner la procédure d'appel devant les juridictions algériennes', mais seulement à statuer sur la compétence du Tribunal de grande instance de Paris ;

Considérant que le litige ne relève pas d'un règlement communautaire, et concerne l'extension des dispositions de l'article 42 al. 2 du Code de procédure civile dans le domaine international, non communautaire ;

Considérant que la prorogation de compétence prévue à l'article 42 al. 2 du Code de procédure civile applicable dans l'ordre international suppose que les diverses demandes dirigées contre des défendeurs différents soient dans un lien étroit de connexité ;

Considérant que la compétence s'apprécie au jour de la demande initiale, c'est-à-dire :

- pour les Consorts [H] [W], au jour de l'assignation introductive d'instance, soit le 21 avril 2006 ;

- pour les Consorts [DU] [R] épouse [W], au jour de leur intervention volontaire, soit le 6 mars 2007 (§ 6) ;

Considérant que le 21 avril 2006 et le 6 mars 2007, plusieurs autres demandeurs agissaient en qualité d'héritiers de victimes de nationalité française ;

Que le lien étroit de connexité existant entre toutes les victimes du même accident d'avion, envers les mêmes supposés ou allégués responsables est patent, même si les demandes reposent sur des fondements juridiques différents, et mêmes si certains demandeurs ne sont pas de nationalité française ;

Considérant que l'assignation du 5 mars 2005 (§ 5) devant le Tribunal d'Alger ne démontre pas la renonciation des Consorts [DU] [R] épouse [W] à la compétence du Tribunal de grande instance de Paris, qui n'avait pas encore été saisi, et alors que lesdits Consorts s'étaient réservés le droit d'assigner AIR ALGERIE et toute autre partie devant toute autre juridiction ;

Considérant qu'il convient, dans ces conditions, de confirmer en tous points l'ordonnance entreprise ayant rejeté l'exception d'incompétence ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des Consorts [N] [W] et [DU] [R] épouse [W] les frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de leur accorder à ce titre la somme visée dans le dispositif ;

PAR CES MOTIFS

- Confirme l'ordonnance entreprise,

- Déboute la société de droit étranger AIR ALGÉRIE de ses demandes de 'donner acte',

 

- Condamne la société de droit étranger AIR ALGÉRIE à payer aux Consorts M. [N] [W] 2 700 euros, ensemble, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne la société de droit étranger AIR ALGÉRIE à payer aux Consorts [DU] [R] épouse [W] 2 700 euros, ensemble, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne [DU] [R] épouse [W] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 10/13051
Date de la décision : 26/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°10/13051 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-26;10.13051 ?
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