RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 26 Janvier 2011
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/11524
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de SENS - Section Encadrement - RG n° 08/00028
APPELANT
Monsieur [Z] [O] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me M'hammed ZAHIRI, avocat au barreau de l'ESSONNE
INTIMÉE
S.A.R.L. BERNER
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Philippe CHASSANY, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Geneviève LAMBLING, Présidente
Madame Anne DESMURE, Conseillère
Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
- signé par Madame Geneviève LAMBLING, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du Conseil de prud'hommes de SENS du 18 avril 2008 ayant débouté M. [Z] [U] de l'ensemble de ses demandes et l'ayant condamné aux dépens.
Vu la déclaration d'appel de Mr [Z] [U] reçue au greffe de la Cour le 9 octobre 2008.
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 décembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [Z] [U] qui demande à la Cour :
' d'infirmer le jugement entrepris.
' statuant à nouveau, de condamner la SARL BERNIER à lui payer les sommes suivantes :
'187 611 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
' 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 décembre 2010 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SARL BERNER qui demande à la Cour :
' au principal, de confirmer le jugement entrepris et condamner M. [Z] [U] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
' subsidiairement, de ramener les prétentions indemnitaires de M. [U] à de plus justes proportions.
MOTIFS DE LA COUR
La SARL BERNER a recruté M. [Z] [U] le 10 décembre 1996 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, en qualité d'acheteur, statut de cadre / niveau VII ' échelon 2 de la Convention Collective Nationale du Commerce de Gros moyennant à compter du 1er avril 1997, une rémunération annuelle brute (partie fixe) de 250 020 francs (38 200 euros) complétée d'une prime annuelle (part variable) de 15 000 francs (2 290 euros) liée à la réalisation d'objectifs négociés sur un exercice.
Aux termes d'un avenant du 21 décembre 2000, M. [Z] [U] a été promu directeur des achats (cadre, niveau IX, échelon 1) avec une rémunération fixe annuelle de 300 000 francs bruts (45 802 euros) et une part variable (prime annuelle sur objectifs) de 28 000 francs (4 275 euros).
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [Z] [U] percevait une rémunération forfaitaire (218 jours sur l'année) fixe de 4 650 euros mensuels, augmentée d'éléments variables.
Par lettre du 29 avril 2005, la SARL BERNER a convoqué M. [Z] [U] à un entretien préalable prévu le 12 mai, avant de lui notifier le 17 mai 2005 son licenciement pour « insuffisance professionnelle ».
Sur le licenciement
Au soutien de sa demande, M. [Z] [U] conteste le bien fondé de chacun des faits mentionnés dans la lettre de licenciement et, en tout état de cause, insusceptibles de caractériser une insuffisance professionnelle.
Il réfute ainsi toute défaillance à l'occasion de :
' la mise en place du projet BASE 21 (système d'organisation et de gestion informatique au sein du groupe BERNER pour une meilleure synergie entre les filiales et la holding) et l'exécution de sa mission de direction du service achats ;
' la phase de vérification dudit projet (procédure de validation des protocoles) ;
' la mise en fonctionnement des unités logistiques (transmission par l'équipe projet du module achats des informations fournisseurs à l'équipe responsable du module logistique) ;
' l'organisation de la formation des salariés, placés sous son autorité, au nouveau module achats ;
' sa gestion des stocks et des reliquats.
Pour considérer au contraire que le licenciement de M. [Z] [U] est justifié, la SARL BERNER indique que ses insuffisances professionnelles, dûment caractérisées, portent sur les points suivants :
' défaillances dans la mise en 'uvre du projet BASE 21 (nouveau système d'organisation et de gestion informatique) dont il devait superviser les différentes phases de développement (étape initiale de vérification, travail préparatoire au sein des unités logistiques, mise en place du processus VIXIA) ;
' carences dans l'exécution de sa mission de directeur des achats (non atteinte des objectifs, dégradation sensible du niveau des stocks, gestion erratique des reliquats).
L'article L.1232-1, alinéa 2, du code du travail dispose que tout licenciement « est justifié par unecause réelle et sérieuse ».
L'article L.1235-1 du même code rappelle qu' « en cas de litige, le juge, à qui il revient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties' ».
Il s'en déduit que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties et que c'est au juge qu'il appartient d'apprécier les éléments produits par celles-ci, en particulier les éléments de l'employeur, qui a pris l'initiative de la rupture unilatérale du contrat de travail, tendant à établir le caractère justifié du licenciement.
Pour considérer que le licenciement de M. [Z] [U] est justifié, l'intimée se contente de produire divers courriels échangés en interne (pièces numéros 13 à 27) ainsi que des documents sur l'organisation générale des services (pièces numéros 8-9-10), tous éléments insusceptibles à leur examen de caractériser l'insuffisance professionnelle du salarié et, plus particulièrement, ses carences alléguées dans l'exécution de ses missions de « TPL » comme de directeur des achats.
Les deux derniers entretiens d'évaluation produits par la SARL BERNER (années 2003 et 2004), révèlent que M. [Z] [U] a donné satisfaction (année 2003 'note 2 - standard, la performance correspond aux exigences du poste pour l'évaluation de la performance, et 2,5 - entre standardet très au dessus du standard - pour l'évaluation des compétences / année 2004 ' note 2 sur l'évaluation de la performance, pas de note attribuée sur l'évaluation de la compétence mais figure la mention : « bonne tendance au niveau management de l'équipe »).
Au vu des seuls éléments fournis par l'intimée, il n'apparaît aucune dégradation sensible des performances professionnelles de M. [Z] [U] sur la période 2004-2005, dégradations qui n'auraient pas manqué de faire réagir l'employeur avant de lui notifier en mai 2005 une lettre de licenciement longuement motivée.
Le licenciement de M. [Z] [U] étant injustifié, le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, la SARL BERNER sera condamnée à payer à M. [Z] [U] la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit, l'équivalent de 15 mois de salaires, en considération de son âge (52 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (8 ans et 7 mois) et du fait qu'il justifie d'une prise en charge par l'assurance-chômage jusqu'en mars 2006.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par la SARL BERNER aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [Z] [U], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SARL BERNER sera condamnée en équité à payer à M. [Z] [U] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutée de sa demande du même chef et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe.
INFIRME le jugement entrepris.
Statuant à nouveau :
DIT et juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [Z] [U] par la SARL BERNER ;
En conséquence,
CONDAMNE la SARL BERNER à payer à M. [U] la somme de 70 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié.
Y ajoutant :
ORDONNE le remboursement par la SARL BERNER aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [Z] [U], du jour de son licenciement au présent arrêt, dans la limite de 6 mois ;
CONDAMNE la SARL BERNER à régler à M. [Z] [U] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la SARL BERNER de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SARL BERNER aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE