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25/01/2011 | FRANCE | N°10/14840

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 7, 25 janvier 2011, 10/14840


Grosses délivrées aux parties le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS









COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7



ORDONNANCE DU 25 JANVIER 2011



(n° ,6 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14840 ( jonction des dossiers 10/14840 et 10/14841 sous le seul et unique numéro de RG : 10/14840)



Décisions déférées: Ordonnances rendues le 28 et 29 Juin 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Gr

ande Instance de PARIS



Nature de la décision :



Nous, Thierry FOSSIER, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour ...

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 7

ORDONNANCE DU 25 JANVIER 2011

(n° ,6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/14840 ( jonction des dossiers 10/14840 et 10/14841 sous le seul et unique numéro de RG : 10/14840)

Décisions déférées: Ordonnances rendues le 28 et 29 Juin 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision :

Nous, Thierry FOSSIER, Président de chambre à la Cour d'appel de PARIS, délégué par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de Fatia HENNI, greffier lors des débats ;

Après avoir appelé à l'audience publique du 14 décembre 2010 :

L'APPELANTE

- La société CONVESTRA HOLDING A.G., société de droit suisse

prise en la personne des ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Jean-Michel BALOUP, avocat au barreau de PARIS, plaidant pour la SELARL CABINET MICHELET, toque : B139.

et

L'INTIMÉ

- LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES

DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES

Pris en la personne du chef des services fiscaux,

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Dominique HEBRARD MINC, avocate au barreau de MONTPELLIER.

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 décembre 2010, l'avocat de l'appelante et l'avocat de l'intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 25 Janvier 2011 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

* * * *

Avons rendu l'ordonnance ci-après :

Dans le cadre d'une procédure de visite domiciliaire autorisé pour rechercher la preuve d'agissements commis par la société de droit espagnol STRATEGIALIS EUROPA SL présumée se soustraire à ses obligations fiscales le Juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris avait autorisé, par ordonnance en date du 16 novembre 2009, la visite des locaux occupés par cette société, réalisée le 17 novembre 2009.

Lors de cette visite des documents ont été saisis, parmi lesquels des documents édités à partir de copies sur supports informatiques se rapportant à la fraude présumée dont la preuve était recherchée en ce qu'ils faisaient apparaître des relations financières entre la société STRATEGIALIS EUROPA SL et la société PROMO DELICES.

Sur son site internet, la société STRATEGIALIS EUROPA indiquait avoir comme activité le conseil en matière de constitution de sociétés à travers le monde, l'optimisation fiscale de ses clients, la création de structures offshores adossées à diverses prestations de conseils.

De certains messages, il ressortait que des virements avaient été effectués par la société PROMO DELICES au profit de DANLAM et de DAMAN LLC.

La consultation des bases de données internationales permettait de vérifier que la société de droit suisse PROMO DELICES, créée en 2003 et ayant pour gérante [O] [P], était détenue à 100 % par la société de droit suisse CONVESTRA HOLDING AG.

Elle avait pour activité le commerce de détail de pain, pâtisserie et confiserie en magasin spécialisé, commerce de gros de sucre, chocolat, confiserie et vente à distance.

La société PROMO DELICES ne déclarait aucun chiffre d'affaires en Suisse.

Elle avait déclaré un établissement en France en 2004, avec un siège [Adresse 1], dans les locaux de la société de domiciliation SDM ETOILE et pour activité la vente par correspondance spécialisée'; la représentante de l'établissement en France est [O] [P].

La société PROMO DELICES s'acquittait régulièrement de ses obligations fiscales en France'; au titre de l'année 2008, sa déclaration d'impôt sur les sociétés faisait état d'un chiffre d'affaires de 20.728.677 € HT et d'un bénéfice fiscal de 663.931 €.

Cette société avait fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité au titre des années 2004, 2005 et 2006.

A l'occasion de cette procédure, le vérificateur avait constaté la comptabilisation de prestations de services émanant de deux sociétés étrangères': CAMBRIDGE TRADE & CONSULTING au Canada et DANMAN LLC au Delaware aux Etats-Unis.

Le vérificateur avait remis en cause la réalité des prestations fournies par ces deux sociétés, et donc les charges déduites par la société.

Le litige entre la société et l'administration fiscale a donné lieu à un règlement transactionnel dans le cadre duquel une quote-part de 50 % des factures émises par ces deux sociétés avait été admise, soit 150.000 € en 2005 et 150.000 € en 2006.

Selon les documents saisis dans le cadre de la procédure de visite domiciliaire menée à l'encontre de la société de droit espagnol STRATEGIALIS EUROPA SL, il apparaissait que la société PROMO DELICES avait effectué des transferts d'argent en 2007 au profit d'entités dénommées «'DANLAM'» et «'DAMAN LLC'».

Selon les pièces saisies':

-un courriel de la société STRATEGIALIS indiquait que le détail des virements PROMO DELICES reçus par la société DAMAN LLC consistait en quatre versements de 74.910'€, au cours des mois de février et mars 2007';

-un courriel de [K] sur la boite de courriel [Courriel 6] indiquait que la société PROMO DELICES avait ordonné quatre virements d'un montant de 75.000 € au profit de DANLAM.

Par ordonnance en date du 28 juin 2010, des agents de l'administration des finances publiques avaient été autorisés à procéder à des opérations de visite domiciliaire à l'encontre de la société de droit suisse PROMO DELICES GMBH, représentée en France par [O] [P] et y ayant son siège [Adresse 1], présumée majorer ses charges de façon indue et ainsi minorer son bénéfice imposable en France, se soustrayant à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés.

Cette ordonnance a autorisé la visite'des locaux sis à [Adresse 2], susceptibles d'être occupés par les sociétés CONVESTRA HOLDING, BERNO ou PROMO DELICES.

Par une ordonnance complémentaire en date 29 juin 2010, les agents ont été autorisés à procéder également à la visite des locaux sis à [Adresse 9], susceptibles d'être occupés par les sociétés CONVESTRA HOLDING ou PROMO DELICES.

Les appels concernant chacune de ces deux ordonnances seront joints comme connexes.

Les opérations ainsi autorisées se sont déroulées le 29 juin 2010'et ont été relatées par procès-verbal de même date.

L'appel a été formé par lettre du 5 juillet 2010, en application des dispositions de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales.

A l'appui de sa demande d'annulation de l'ordonnance, et des opérations qui en ont été la suite, l'appelant conteste':

la vérification des habilitations par le Juge,

le contrôle effectif du Juge sur les éléments qui étaient soumis à son appréciation,

le bien fondé des présomptions de fraude.

Le Directeur général des finances publiques demande à Monsieur le Premier président de rejeter ces demandes qui ne sont pas fondées.

LE DELEGUE DU PREMIER PRESIDENT

1.Sur la vérification des habilitations par le Juge.

ATTENDU QUE l'appelante soutient qu'il ne résulterait pas de l'ordonnance que le juge ait réellement vérifié l'habilitation nominative et qu'ainsi les dispositions de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales auraient été violées faute pour les inspecteurs des impôts ayant effectué les visites d'avoir été spécialement habilités.

Mais attendu que lors d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire, les agents présentent au juge une copie des habilitations des personnes appelées à intervenir ;

Que l'ordonnance rendue le 28 juin 2010 mentionne expressément que les copies des habilitations nominatives de l'agent qui a présenté la requête et de ceux désignés pour l'exécution des opérations ont été présentées au juge ;

Que dès lors, le moyen manque en fait ;

2.Sur le contrôle effectif du premier juge sur le bien fondé de la requête.

Attendu que l'appelante soutient que la similitude des ordonnances rendues le même jour par trois juges différents démontrerait que ceux-ci n'ont pas vérifié de manière concrète le bien fondé de la demande qui leur était présentée.

Que le Juge aurait manqué à son devoir d'impartialité en signant une ordonnance préétablie, même s'il en vérifie les termes et examine les pièces venant à son soutien, mais sans examiner les moyens de la partie adverse ;

Mais attendu que lorsque l'administration doit être autorisée à visiter des locaux situés dans des ressorts différents, sur la base des mêmes présomptions de fraude, elle présente la même demande aux différents juges saisis, chaque juge étant avisé des autres requêtes déposées ;

Que selon la règle posée en jurisprudence, «cette circonstance ne permet pas de supposer que chacun des juges saisis se soit dispensé de contrôler les pièces qui étaient soumise à son appréciation, avant de rendre l'ordonnance autorisant la mise en 'uvre de la procédure de visite domiciliaire dans les locaux relevant de son ressort; que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée'; que la circonstance que l'ordonnance soit rédigée dans les mêmes termes que celles rendues par d'autres présidents n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité» ;

Qu'au cas présent, il ne peut qu'être constaté que le Juge a rendu sa décision, qui décrit et analyse les pièces qui lui étaient présentées, après l'avoir mise en délibéré, ce qui lui a permis de procéder au contrôle effectif exigé par la loi dans le cours de son délibérée ; et cette ordonnance est parfaitement motivée par l'analyse des éléments qui lui étaient soumis ;

3. Sur le bien fondé des présomptions de fraude.

Attendu qu'il ressortait des éléments historiques rappelés en début de la présente ordonnance, que la société PROMO DELICES avait utilisé les services de la société de défiscalisation STRATEGIALIS EUROPA SL, en 2007, dans ses relations financières avec DANLAM et DAMAN LLC ;

Que selon les informations fournies par les autorités fiscales britanniques, la société DANLAM Ltd avait une activité d'entrepreneur en matière de santé et sécurité et avait été dissoute en septembre 2006, n'ayant plus aucun échange commercial depuis octobre 2005 ;

Que l'ensemble de ces éléments permettait de présumer que la société PROMO DELICES effectuait des versements par l'intermédiaire d'une société de défiscalisation, vers une entité étrangère sans moyens d'exploitation à son adresse déclarée, et qu'il pouvait donc être douté de la réalité des prestations fournies permettant une minoration du bénéfice imposable ;

Attendu que ces présomptions justifiaient que soit autorisée la visite de locaux occupés par les sociétés en relations avec la société PROMO DELICES, comme étant susceptibles de détenir dans leurs locaux des documents ou support d'information illustrant la fraude présumée':

La société de droit suisse CONVESTRA HOLDING AG détenait 100 % du capital social de PROMO DELICES'; les deux sociétés étaient représentées en France par [O] [P].

La société CONVESTRA HOLDING SA disposait d'un établissement en France [Adresse 2]'; elle avait pour activité le conseil pour les affaires et la gestion.

Elle avait conclu avec la société PROMO DELICES un contrat d'assistance administrative en date du 1er janvier 2006, prévoyant notamment la mise à disposition d'un local, du personnel et des moyens informatiques et téléphoniques à [Localité 8].

La société PROMO DELICES était également détentrice de 99 % des parts de la SCI BERNO ayant son siège [Adresse 2].

La société PROMO DELICES utilisait les services de différentes sociétés tierces pour l'exercice de son activité':

-la SAS France INFORMATIQUE, ayant son siège à [Localité 7] et disposant d'un établissement à [Localité 5], en qualité de sous-traitante en matière de traitement de données et autres activités rattachées à l'informatique';

-la SAS PROMONDO, dont le gérant est [J] [Y], ayant son siège à [Localité 5], chargée de la préparation et de l'expédition des commandes pour la société PROMO DELICES';

-la SARL MODATA, dont le gérant est [J] [Y], ayant également ses locaux à [Localité 5] et pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques, sous-traitante de la société PROMO DELICES';

Les mêmes locaux étaient également susceptibles d'être occupés par les sociétés VITAL CONFORT, BIEN ETRE ET CONFORT et HOME DISTRIBUTION.

-la SAS MOLOGISTIQUE, dont le gérant est [J] [Y], ayant également ses locaux à [Localité 5] et pour activité la vente à distance sur catalogue spécialisé';

-la SARL BRM CONSEILS, Société d'Expertise Comptable et de Commissariat aux Comptes à [Localité 7], détentrice des documents comptables de la société PROMO DELICES, à défaut de locaux propres de celle-ci, dans le cadre de la précédente procédure de vérification de comptabilité ;

Attendu que selon l'appelante, l'administration n'aurait pas produit tous les éléments d'information dont elle disposait ; et la procédure aurait été irrégulièrement étendue aux autres sociétés dont les locaux ont été visités ;

Que cependant, l'appelante ne démontre nullement en quoi d'autres documents relatifs à une information qui figurait bien dans les pièces produites auraient été de nature à remettre en cause l'appréciation du juge ;

Que s'agissant de l'extension, il n'a jamais été soutenu que l'appelante aurait été visée par des présomptions de fraude ;

Que la visite des locaux qu'elle occupait a été autorisée en ce qu'ils étaient susceptibles de contenir des documents illustrant la recherche de preuve, en raison de leurs relations avec la société de droit suisse PROMO DELICES, exactement relevées par le Juge ;

Attendu dès lors que le juge des libertés était fondé à statuer comme il l'a fait ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des affaires RG 14840 et 14841 de 2010 ;

Confirme en toutes leurs dispositions les ordonnances rendues le 28 et le 29 juin 2010 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris ;

Déboute l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et la condamner en tous les dépens.

LE GREFFIER

Fatia HENNI

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

Thierry FOSSIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/14840
Date de la décision : 25/01/2011

Références :

Cour d'appel de Paris I7, arrêt n°10/14840 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-01-25;10.14840 ?
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